Reflets dans les gratte‑ciel de New York

Priorités pour les conseils d’administration des Amériques en 2023 : comment renforcer la résilience en période d’incertitude

Dans un contexte de défis croissants à la grandeur des Amériques, il devient tout à fait évident qu’un conseil d’administration activement engagé est essentiel à la réussite.


En bref

  • Les effets cumulés des récentes crises plongent le monde dans une nouvelle période d’incertitude qui nécessite une résilience accrue de la part des entreprises et un engagement plus fort de la part des conseils d’administration.
  • Les administrateurs placent les conditions économiques, la stratégie financière, l’innovation, les talents et la cybersécurité au cœur de leurs priorités pour 2023.
  • Les conseils d’administration auront un rôle essentiel à jouer dans la surveillance des priorités immédiates et l’orientation des investissements à long terme en dépit des obstacles rencontrés à court terme. 

Les entreprises doivent faire face à une série de défis sans précédent, comme la pandémie en cours, l’escalade des cybermenaces, les impacts des changements climatiques et les pressions réglementaires accrues, pour ne nommer que ceux‑là.

En supervisant les stratégies permettant de s’orienter dans cet environnement complexe et de fournir des conseils sur les investissements transformationnels, les conseils d’administration jouent un rôle déterminant en aidant les équipes de direction à explorer différentes options, à remettre en question les hypothèses et à évoluer dans des conditions incertaines. Cette résilience, soit la capacité d’anticiper, de se préparer, de réagir et de s’adapter à un environnement changeant, est nécessaire dans un monde de plus en plus complexe.

L’un des principaux défis que posent ces incertitudes au conseil d’administration est de savoir comment prioriser son temps et ses efforts : où doit‑il s’investir et où doit‑il se contenter de rester informé?

Nous avons sondé plus de 400 membres de conseils d’administration d’entreprises dans les Amériques, notamment en Argentine, au Brésil, au Canada, au Chili, en Colombie, au Mexique et aux États‑Unis, afin de mieux comprendre quelles seront leurs priorités en 2023. La conjoncture économique et la stratégie financière sont arrivées en tête de liste, ce qui était peut‑être prévisible étant donné les défis uniques que les entreprises doivent relever dans ces domaines et le rôle du conseil d’administration en matière de contrôle fiscal.

Il est intéressant de noter que les changements climatiques et les considérations géopolitiques ont été classés au bas de l’échelle, alors qu’ils sont au cœur des préoccupations de nombreux conseils d’administration (et d’autres parties prenantes). Toutefois, cette situation peut refléter le travail déjà effectué par les conseils d’administration pour améliorer leur surveillance de ces aspects. Certains répondants peuvent également s’être concentrés sur des domaines d’intérêt qu’ils considèrent comme plus prioritaires pour les 12 prochains mois.

Néanmoins, la complexité et l’importance sociale des défis reflétés dans ce classement des priorités démontrent la responsabilité et la possibilité extraordinaires qu’ont les administrateurs d’orienter les entreprises en 2023 vers un avenir résilient et durable.

Vous pouvez télécharger le rapport sur les priorités des conseils d’administration des Amériques pour 2023 ici (PDF).

Les résultats du sondage et notre engagement direct auprès de centaines de parties prenantes clés (y compris des conseils d’administration, des administrateurs individuels, des cadres dirigeants et des investisseurs institutionnels de premier plan) nous ont permis de dégager les cinq priorités suivantes pour les conseils d’administration pour 2023.

Vue en plongée du sommet d’un édifice vers la rue
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Chapter 1

Navigating uniquely challenging economic conditions

Focus on five central macroeconomic tenets to enhance oversight amid multiple economic headwinds.

Plusieurs signaux annoncent une récession mondiale pour 2023. Parmi ces signaux, mentionnons la guerre en Ukraine, le resserrement des conditions financières et un ralentissement économique simultané en Europe, en Chine continentale, dans de nombreux marchés émergents et aux États‑Unis.

L’économie connaît un ralentissement en raison de la persistance de l’inflation, de l’augmentation des coûts d’emprunt, de la détérioration de la confiance du secteur privé et du ralentissement rapide de l’activité économique mondiale. La pression continue sur les coûts, l’affaiblissement de la demande et l’incertitude croissante incitent certaines entreprises à prendre des décisions de plus en plus conservatrices en matière de talents et d’investissements.

Dans ce contexte, les catalyseurs de l’activité économique qui étaient auparavant considérés comme acquis mériteront désormais une plus grande attention de la part des conseils d’administration. Pour transformer l’incertitude en possibilités, les conseils d’administration devront se concentrer sur cinq principes fondamentaux pour aider leurs entreprises à traverser cette période.

1. L’inflation

Le déséquilibre entre l’offre et la demande dans le secteur de l’énergie, qui découle des tensions géopolitiques et des changements climatiques, n’est pas près de se résorber. Il faut s’attendre à une volatilité accrue compte tenu de l’inflation des prix de l’énergie, des matières premières et des denrées alimentaires.

Bien qu’il s’agisse peut‑être d’une nouvelle expérience pour de nombreux administrateurs établis aux États‑Unis et au Canada, les conseils d’administration en Amérique latine ont sans doute une expérience plus pertinente de la lutte contre l’inflation. Dans tous les cas, les conseils d’administration devraient surveiller la manière dont les entreprises élaborent leurs stratégies de fixation des prix et d’approvisionnement, lesquelles devraient être suffisamment souples pour répondre à des fluctuations de la demande plus importantes que celles observées au cours des dernières décennies. Ils doivent également prendre en compte le rôle de la gestion des coûts et des gains de productivité de l’entreprise dans sa stratégie de lutte contre l’inflation.

2. La main‑d’œuvre

Alors que les entreprises américaines avaient l’habitude de licencier la main‑d’œuvre excédentaire pour limiter les coûts en période de ralentissement économique, aujourd’hui, le talent n’est pas seulement plus coûteux, il est aussi perçu comme ayant plus de valeur. Les dirigeants d’entreprise privilégient actuellement des mesures stratégiques de gel d’embauches, de licenciement, d’attrition et de mise à pied comme mesures de contrôle des coûts plutôt que des licenciements à grande échelle.

Les conseils d’administration devront garder un œil sur le programme de gestion à long terme des talents, en veillant à ce que la productivité, la formation et les gains d’efficacité compensent l’augmentation des coûts de main d’œuvre et maintiennent l’engagement des salariés lorsqu’il est possible de réembaucher.

3. Coût du capital

Le resserrement rapide et synchronisé de la politique monétaire au niveau mondial a entraîné une hausse des taux d’emprunt, une correction des prix des actions et des fluctuations importantes des taux de change. La hausse du coût de la dette incite à mettre l’accent sur les choix possibles pour atteindre les objectifs stratégiques, tandis que les fortes fluctuations des évaluations des actions ont créé un fossé entre la perception qu’ont les acheteurs et les vendeurs de la valeur sous‑jacente d’un actif. Les conseils d’administration peuvent s’associer à la direction pour étudier les plans de l’entreprise en matière de stratégie financière.

4. Chaîne d’approvisionnement

La transition que certaines entreprises ont opérée pendant la pandémie, en passant d’une gestion des stocks « juste à temps » à une gestion des stocks « en cas de besoin », pourrait ne pas être viable, et certaines entreprises pourraient être soumises à une nouvelle pression lorsque la demande ralentira et que les stocks s’accumuleront.

En outre, les bouleversements géopolitiques modifient rapidement l’environnement commercial et redéfinissent les risques et possibilités liés à la chaîne d’approvisionnement, ce qui incite les entreprises à explorer des stratégies de relocalisation. Les conseils d’administration peuvent superviser la manière dont la direction équilibre les risques et la redondance de la chaîne d’approvisionnement dans un monde de plus en plus fragmenté.

5. La transition énergétique

Les répercussions de la guerre en Ukraine sur l’approvisionnement en énergie et les préoccupations en matière de sécurité énergétique, ainsi que d’autres impacts des changements climatiques, perturbent l’activité économique en temps réel et mettent en relief l’urgence de la transition énergétique. Bien que les pressions inflationnistes risquent de retarder certains plans, les conseils d’administration peuvent collaborer avec la direction pour déterminer s’il s’agit d’une occasion d’accélérer la transition.

L’avenir en matière de décarbonisation

Les conseils d’administration ont pour principale mission d’orienter la direction sur ces principes en soumettant les plans à des tests rigoureux et en évaluant les multiples options permettant d’atteindre les objectifs stratégiques dans des circonstances microéconomiques et macroéconomiques volatiles et incertaines.

Les administrateurs sont bien placés pour demander quels scénarios ont été envisagés (même les plus improbables) et quels en seraient les effets éventuels sur le rendement financier, la croissance et la stratégie. Quel que soit le scénario retenu, la direction doit disposer d’une stratégie et d’un bilan appropriés pour faire face aux conditions économiques à venir, et les conseils d’administration peuvent l’aider à se préparer à cette incertitude.

Homme regardant dans les airs au crépuscule à Tokyo
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Chapter 2

Rethinking capital strategy

Explore different options for meeting strategic goals in today’s choppy markets.

La planification d’une stratégie de portefeuille robuste se poursuivra en dépit des risques macroéconomiques. Malgré la hausse des taux d’intérêt, de nombreuses entreprises ont l’intention de transformer leur organisation pour rester dans la course. Et elles maintiennent leurs stratégies d’investissement et gardent le cap sur l’optionalité, la résilience et la création de valeur à long terme. Une étude menée par EY en octobre 2022 auprès de plus de 750 chefs d’entreprise a révélé qu’une grande majorité d’entre eux (64 %) ont l’intention d’augmenter leurs investissements, contre seulement 14 % qui prévoient les réduire.

Où les entreprises prévoient‑elles investir?

À l’échelle des Amériques, les investissements dans les capacités numériques et technologiques sont le principal secteur dans lequel les entreprises prévoient augmenter leurs dépenses. Près des trois quarts des dirigeants mondiaux (72 %) sondés dans le cadre de l' Indice des investissements dans le numérique 2022 d’EY ont déclaré qu’ils devaient transformer radicalement leurs activités au cours des deux prochaines années pour soutenir efficacement la concurrence dans leur secteur d’activité.

Placer le développement durable et les questions environnementales et sociales au cœur des activités est également une priorité pour de nombreuses entreprises qui cherchent à créer de la valeur à long terme en optimisant le coût du capital, en atténuant les perturbations opérationnelles et en renforçant les liens avec les clients et les employés autour des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Les entreprises cherchent également à investir dans des entreprises en phase de démarrage afin d’enrichir leur portefeuille existant, d’accéder à de nouveaux talents ou de créer de nouvelles plateformes commerciales.

Les entreprises en bonne santé financière ou proposant des produits anticycliques peuvent faire le choix opportun d’acquérir une autre organisation ou de s’associer avec elle pour renforcer leur croissance à long terme. Dans de tels cas, les fusions et acquisitions restent une option de choix pour renforcer les capacités en matière de technologie, de talents et d’innovation, tout comme les stratégies de développement durable, mais les entreprises envisagent également d’autres leviers1.

Le désinvestissement peut également jouer un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la stratégie en libérant des capitaux à réinvestir dans des capacités de base et des secteurs en croissance. Un examen approfondi du portefeuille peut révéler que même les unités fonctionnelles performantes peuvent être candidates à une scission si elles ne cadrent plus avec la stratégie à long terme, car elles immobilisent des capitaux qui pourraient être mieux déployés.

Faciliter des stratégies de croissance fructueuses

Il sera important d’assurer une souplesse et de préserver de multiples options pour atteindre les objectifs stratégiques, surtout du fait de l’augmentation du coût de la dette. Les conseils d’administration peuvent jouer un rôle déterminant en remettant en question les options envisagées par la direction et en s’interrogeant sur les hypothèses qui sous‑tendent ces décisions. Ils peuvent également susciter des échanges qui aident à préciser la stratégie et offrent une vision claire du marché et des facteurs de croissance sous‑jacents de chaque unité fonctionnelle, dont :

  • la demande
  • l’avantage concurrentiel
  • l’harmonisation de la vision de l’entreprise
  • le potentiel de création de valeur à long terme du point de vue financier, client, humain et sociétal

Enfin, les conseils d’administration sont en mesure d’orienter l’approche de la direction en matière d’engagement des investisseurs, car cet engagement est au cœur des stratégies de création de valeur à long terme dans le contexte actuel de récession. Un marché baissier expose davantage les entreprises à une période où les investisseurs sont moins enclins à faire preuve de tolérance. Par ailleurs, aux États‑Unis, les nouvelles règles en matière de procuration universelle pourraient permettre aux investisseurs de remplacer plus facilement les administrateurs.

Les conseils d’administration peuvent aider à déterminer si les entreprises en font suffisamment pour communiquer de manière proactive avec les actionnaires, en intégrant dans la stratégie de l’entreprise des discussions essentielles sur les possibilités de croissance et d’innovation.


Dessous d’un pont éclairé la nuit
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Chapter 3

Enabling innovation and technology transformation

Challenge company leaders to pursue self-disruption to compete and thrive.

La disruption par l’innovation est un impératif. Malgré le ralentissement économique, les entreprises devront remettre en question de manière proactive leur modèle d’entreprise traditionnel, rechercher des possibilités dans les domaines où elles sont vulnérables face à la concurrence et créer de nouvelles capacités qui anticipent les évolutions du marché, s’y adaptent et en sont les moteurs. Les entreprises en place devront peut‑être s’appuyer sur les nouvelles technologies pour amorcer un changement transformationnel de leur propre initiative, en tirant parti de leur position de force pour agir comme agents de disruption.

Quelles que soient les conditions économiques et commerciales, les conseils d’administration jouent un rôle de surveillance essentiel en favorisant l’innovation. Ils peuvent aider l’équipe de direction à bien tenir le gouvernail et inciter les dirigeants à réfléchir : comment l’entreprise peut‑elle faire face aux nouveaux défis externes non seulement en réduisant les coûts ou en investissant davantage, mais aussi en modifiant ses façons de faire?

Les conseils d’administration sont particulièrement bien placés pour poser des questions audacieuses sur d’éventuels nouveaux produits, services et sources de revenus liés à des mégatendances, telles que la manière dont la génération Z émergente est en voie de transformer les habitudes des consommateurs et des employés. Une façon de lancer le dialogue sur l’innovation entre le conseil d’administration et la direction est d’utiliser les changements démographiques, environnementaux ou sociaux comme des pistes de réflexion sur les possibilités et les risques stratégiques éventuels. Ces exercices de vision de l’avenir et de planification de scénarios peuvent renforcer la résilience en permettant l’incertitude, en remettant en question les hypothèses de longue date et en recensant les possibilités de redéfinir l’avenir de l’entreprise grâce à des innovations anticipatrices.

Adopter une vision à long terme des nouvelles technologies

Malgré la grande instabilité qui règne, les innovations à long terme et les mégatendances qui définissent l’avenir des entreprises ne doivent pas être négligées. Le monde est entré dans une nouvelle ère tournée vers des approches centrées sur les données amplifiées par les nouvelles technologies et où l’analyse avancée des données continue de révéler la valeur des données opérationnelles, des données sur les clients et des données sur le marché.

Par ailleurs, la prochaine version de l’internet se profile à l’horizon. Le métavers promet une expérience web plus immersive grâce à la réalité augmentée et virtuelle, au retour tactile haptique et à des visualisations hyperréalistes. Les nouvelles interfaces humain‑machine permettent une interaction plus poussée, de nouvelles façons de socialiser, de faire des affaires, d’atteindre les clients et de concevoir des produits et des services. Les conseils d’administration doivent rester au fait de ces nouvelles technologies et de leurs concepts pour soutenir au mieux leurs entreprises.

Ces nouvelles technologies, et les comportements humains qu’elles induisent, sont à la fois prometteuses et préoccupantes pour notre planète et nos systèmes sociaux. Par exemple, l’innovation technologique peut mener à un nouveau lieu de travail virtuel immersif, au pouvoir de réduire les préjugés inconscients, à la possibilité d’encourager des modes de vie plus sains et à la réduction des émissions de carbone, tout cela en remplaçant la présence dans le monde réel et les biens physiques par des expériences virtuelles non polluantes.

En même temps, les technologies émergentes peuvent entraîner une hausse des coûts du carbone et de l’énergie induite par les cryptomonnaies, et créer des risques sérieux en matière de confidentialité des données, de fraude, de désinformation, de polarisation et de déconnexion, de santé mentale et de sécurité. Compte tenu des risques sociaux croissants et des objectifs mondiaux urgents en matière de changements climatiques, de meilleurs résultats en matière de développement durable devraient faire partie intégrante de la vision et de la planification futures concernant les nouvelles technologies et les stratégies clients. Il convient d’insister sur ce point à un moment où les attentes et les exigences des parties prenantes changent radicalement à la lumière des enjeux environnementaux et sociaux.

Garder le contrôle sur l’innovation

Les conseils d’administration jouent un rôle primordial en veillant à ce que l’équipe de direction tienne compte de ces scénarios à long terme et des bouleversements technologiques, dans une optique de création de valeur à long terme sur les plans financier, humain et environnemental. Devant la pression croissante exercée par la mise sur le marché de produits et de services technologiques, les administrateurs doivent faire preuve de bon sens face à toute idée exubérante, en gardant à l’esprit le développement durable, tant sur le plan social que sur le plan environnemental.

Un autre rôle primordial des administrateurs est de soutenir l’innovation en améliorant leur gouvernance du portefeuille de R&D de l’entreprise. L’idéal est d’investir à 70 % dans des améliorations progressives des activités existantes, à 20 % dans l’exploitation des possibilités offertes par les marchés adjacents et à 10 % dans l’exploration de nouveaux modèles d’affaires disruptifs. Les administrateurs peuvent s’enquérir de l’état d’avancement des principaux investissements technologiques et susciter des discussions sur une série d’investissements et de pratiques susceptibles d’être transformateurs, notamment sur la manière dont la culture du milieu de travail contribue à la stratégie d’innovation de l’entreprise.

Femme d’affaires regardant Londres du haut d’un balcon
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Chapter 4

Championing a future-focused talent agenda

Connect talent needs to long-term strategic objectives amid cost management challenges.

Les grandes tendances mondiales continuent de façonner l’avenir du monde du travail et accélèrent la nécessité pour les entreprises de s’adapter au contexte de gestion des talents en constante évolution.

L’un des principaux défis est le changement structurel en cours sur les marchés du travail, alors que nous connaissons la plus forte pénurie de talents à l’échelle mondiale depuis plus d’une décennie. Les travailleurs réévaluent et redéfinissent les priorités de ce qu’ils apprécient le plus chez un employeur, et ils sont prêts à prendre des mesures délibérées pour satisfaire leurs désirs : 68 % des employeurs affirment que la rotation du personnel a augmenté au cours des 12 derniers mois. Les stratégies qui ont permis d’attirer et de retenir les employés dans le passé ne répondent plus aux besoins des jeunes travailleurs, notamment à leurs attentes en matière de travail hybride et flexible.

Même si le marché de l’emploi connaît un ralentissement, les salariés qui occupent des emplois hautement qualifiés et porteurs d’avenir continueront d’avoir plus de pouvoir. Les groupes qui devraient connaître la plus forte rotation sont ceux de la génération Z et des millénariaux, en particulier dans le secteur de la technologie et du matériel informatique.

La demande de talents possédant des compétences technologiques dépasse l’offre, et l’inflation et la croissance des salaires augmentent le coût d’une rémunération concurrentielle. Les entreprises devront perfectionner les talents afin d’encourager les bons employés à poursuivre leur carrière au sein de leur organisation. Le conseil d’administration doit s’interroger sur l’adéquation entre les approches en matière d’apprentissage et de connaissances et les investissements dans le perfectionnement des compétences.

Donner la priorité à la culture et à la rémunération pour fidéliser les employés

Il est essentiel de prendre le pouls du moral et de la culture des employés. Les employeurs et les salariés ont des perceptions différentes quant aux répercussions des formules de travail hybrides, flexibles ou mobiles sur la productivité et le potentiel d’avancement. En effet, 54 % des personnes interrogées dans le cadre du sondage sur la main‑d’œuvre à l’échelle mondiale d’EY affirment qu’elles envisageraient de quitter leur emploi après la pandémie si elles ne bénéficiaient pas d’une certaine forme de flexibilité, comme c’était le cas pendant la pandémie. La rétention des talents peut dépendre de la capacité des entreprises à mettre en place un leadership adapté au contexte du moment, ce qui suppose un leadership diversifié, décisif, empathique et centré sur l’humain, et axé sur l’innovation, la confiance et la mise en valeur des caractéristiques souhaitées.

La rétention des talents peut également dépendre des programmes de rémunération des employés. L’incertitude mondiale liée à l’inflation et aux coûts de la main‑d’œuvre pose des problèmes aux entreprises. Toutefois, si les entreprises ne s’attaquent pas aux écarts dans la rémunération entre les employés de longue date et les nouveaux employés, ainsi qu’aux inégalités salariales liées au sexe, à la race et à l’origine ethnique, les efforts déployés pour améliorer la culture, la productivité et la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) risquent d’être neutralisés par la rotation du personnel.

En outre, les pressions inflationnistes, l’adoption généralisée du télétravail et la diminution des obstacles à l’embauche ont accéléré la nécessité de modifier en profondeur la politique de rétribution, qui englobe la rémunération, le bien‑être, les avantages flexibles, les congés et bien plus encore.

Repenser les structures existantes pour relever les défis en matière de talents

Pour développer les priorités en matière de surveillance liées à la gestion des talents, les conseils d’administration devront peut‑être consacrer plus de temps au dialogue avec le directeur des ressources humaines (ou son équivalent) et avoir une meilleure connaissance des exigences et du moral des salariés, au‑delà de la seule évaluation du climat qui règne au sommet de l’entreprise.

Les conseils d’administration doivent évaluer la stratégie de l’entreprise en matière de rémunération globale, tout en veillant à combler les lacunes au niveau des compétences et à maintenir le personnel en poste. Ils doivent également aider la direction à se concentrer sur les besoins stratégiques à long terme en matière de talents, tout en relevant les défis à plus court terme en matière de gestion des coûts. La DEI peut être intégrée dans ces considérations pour favoriser l’innovation et accroître le rendement et la valeur dans un large éventail d’indicateurs.

Les conseils d’administration peuvent vouloir évaluer la structure et les responsabilités de leurs comités. De nombreux comités de la rémunération sont désormais chargés d’une surveillance plus large de la gestion du capital humain, de responsabilités telles que la DEI, le recrutement, le perfectionnement et le maintien en poste des talents, ainsi que d’autres questions connexes. Comme la Securities and Exchange Commission (SEC) des États‑Unis compte proposer de nouvelles règles régissant la publication d’informations sur le capital humain, les parties prenantes devraient examiner de plus près la gouvernance du conseil d’administration dans ce domaine.

Femme portant une veste jaune, debout sur un escalier mécanique en mouvement
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Chapter 5

Overseeing cybersecurity and data privacy

Set a tone at the top that cybersecurity is an enterprise risk and strategic opportunity.

Le niveau élevé des cyberrisques auxquels les entreprises doivent faire face se multiplie. En 2022, cette évolution a été marquée par les menaces potentielles liées à la guerre en Ukraine et à la dissociation Chine‑Occident, ainsi que par les risques découlant de l’expansion continue de la transformation numérique, de la flexibilité du travail et des perturbations liées au déploiement de technologies.

La protection des données personnelles est au cœur des préoccupations de nombreux dirigeants brésiliens depuis l’adoption, en 2020, d’une loi de grande portée sur la protection des données. Au Mexique, les lois relatives à la cybersécurité sont limitées, mais des incidents récents ont mis l’accent sur la nécessité de renforcer la culture de la sécurité de l’information.

Aux États‑Unis, de nouvelles indications sur la surveillance et la divulgation des risques liés à la cybersécurité sont disponibles ou en voie de l’être. La Securities and Exchange Commission (SEC) des États‑Unis a également proposé de nouvelles règles au début de 2022, et le Congrès américain a récemment adopté une loi de grande portée sur la cybersécurité.

Les enjeux étant plus élevés que jamais, les administrateurs doivent continuer d’insister sur l’importance de la gestion de la cybersécurité en tant que risque d’entreprise (et pas seulement en tant que question de TI). Ils doivent également y voir une possibilité stratégique de positionner les entreprises comme partenaires commerciaux de confiance.

Pour donner le ton, les membres du conseil d’administration devraient évoquer les cyberrisques dans leurs interactions avec les membres de la direction, outre le chef de l’information ou le chef de la sécurité de l’information. Ils devraient demander aux dirigeants comment la cybersécurité est intégrée dès le début grâce à une philosophie axée sur la confiance intrinsèque lors de la conception de nouvelles technologies et de nouveaux produits et arrangements commerciaux.

Les conseils d’administration peuvent également apporter leur contribution en étant au fait des menaces nouvelles ou en évolution, en connaissant la valeur du risque de l’entreprise en termes monétaires (y compris l’efficacité d’une assurance contre les cyberrisques) et en se tenant au courant des pratiques de pointe en matière de gestion des risques liés à la cybersécurité afin de poser de meilleures questions à la direction.

Mise en œuvre d’une stratégie efficace de réponse aux cyberrisques

En fin de compte, dans l’environnement actuel, la gestion des risques liés à la cybersécurité réside dans l’état de préparation à l’intervention et dans la résilience. Ce qui signifie :

  • Se concentrer sur la détection précoce
  • Isoler les actifs essentiels
  • Dresser des plans de continuité pour fonctionner en mode de crise
  • Rendre compte aux autorités et collaborer avec elles de manière appropriée tout en gérant les litiges
  • Communiquer avec les employés, les clients et les investisseurs

Les simulations de cyberincidents et les exercices de mise en situation avec la direction et le conseil d’administration doivent être prioritaires. Des simulations d’incidents bien conçues peuvent mettre l’organisation à l’épreuve et améliorer les efforts de préparation et de rétablissement en clarifiant les rôles, les protocoles et les processus d’escalade, qui peuvent inclure des tiers (par exemple une société de relations publiques, des juricomptables) au besoin.

Faire appel à un tiers indépendant pour procéder à une évaluation rigoureuse du programme de gestion des cyberrisques de l’entreprise est une autre pratique clé qui peut contribuer à élargir les connaissances, à renforcer les capacités et à identifier les angles morts en matière de sécurité et de gestion des risques

Le contenu d’une évaluation par un tiers peut varier considérablement, allant d’une simple enquête portant uniquement sur certains secteurs d’activité à une évaluation plus rigoureuse portant sur l’ensemble de l’entreprise et comprenant un grand nombre de vérifications et de tests. Les conseils d’administration doivent comprendre le niveau d’évaluation de l’entreprise et avoir une interaction directe avec l’évaluateur indépendant.

Enfin, les conseils d’administration peuvent également jouer un rôle en surveillant des informations plus détaillées qui clarifient pour les investisseurs et d’autres parties prenantes la rigueur de la surveillance des risques de cybersécurité par le conseil d’administration et sa compétence pour assurer cette surveillance. Ces informations prennent une importance croissante à mesure que les parties prenantes s’intéressent davantage à ces questions.

Mur de verre multicolore sur un immeuble de bureaux
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Chapter 6

Keeping other priorities on the board agenda

Balance top priorities with additional imperatives, being careful to not overwhelm the board agenda.

Bien que les priorités mentionnées figurent déjà parmi les cinq premières pour les administrateurs que nous avons sondés, ce ne sont pas les seules priorités que les conseils d’administration devront équilibrer et prendre en compte en 2023. Les conseils d’administration devront conseiller la direction sur d’autres impératifs commerciaux.

Suivre le rythme des nouveautés réglementaires

Aux États‑Unis, les entreprises devront s’adapter aux modifications fiscales fédérales prévues par les lois de 2022, notamment l’Inflation Reduction Act et le CHIPS and Science Act of 2022, et se préparer à toute nouvelle obligation fiscale, mesure incitative et obligation de conformité. Un autre domaine clé pour les entreprises américaines sera la poursuite de la mise en œuvre de l’ambitieux programme réglementaire de M. Gary Gensler, président de la SEC.

Des défis similaires pourraient se poser dans l’ensemble des Amériques. Au Brésil, par exemple, les récentes élections présidentielles pourraient déboucher sur un climat réglementaire vigoureux, en particulier dans les domaines axés sur l’environnement. Les conseils d’administration devront également se tenir au courant de l’évolution rapide de la publication d’informations en matière de développement durable à l’échelle mondiale, comme la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et l’International Sustainability Standards Board.

Les conseils d’administration peuvent amener la direction à se concentrer sur les nouveautés en matière de réglementation qui sont pertinentes pour l’entreprise (en séparant ce qui est important de tout le reste) et l’aider à reconnaître les défis et les possibilités potentiels et à préparer leur organisation à faire preuve de résilience et d’agilité en réaction aux pressions constantes exercées par la réglementation.

Surveillance de la résilience de la chaîne d’approvisionnement

La dépendance à l’égard d’une source d’approvisionnement d’une seule région a entraîné des interruptions du système de production et des pénuries de fournitures essentielles. Les régimes d’incitations fiscales, qui, auparavant, poussaient les grandes entreprises à délocaliser leurs activités dans des pays à coûts moins élevés, ont créé de longues chaînes logistiques et des besoins asymétriques en matière de talents.

Les conseils d’administration peuvent superviser la manière dont la direction évalue les risques multidimensionnels de la stratégie en matière de chaîne d’approvisionnement, y compris les stratégies de délocalisation à proximité, de délocalisation intérieure ou de délocalisation dans des pays amis, ainsi que les stratégies de développement durable, afin d’accroître la résilience. Ces stratégies pourraient être une bénédiction pour les pays d’Amérique latine si les chaînes d’approvisionnement américaines évoluent en leur faveur. Par exemple, les entreprises mexicaines pourraient devenir fournisseurs auprès d’un plus grand nombre d’entreprises américaines et canadiennes.

Lutte contre les changements climatiques et gérance de l’environnement

À l’issue de la COP27, des entreprises de premier plan prennent des mesures pour lutter contre les changements climatiques et se positionnent en tant qu’acteurs majeurs dans l’écosystème climatique lorsque la diplomatie échoue. Les entreprises ont commencé à décarboner leurs activités, mais pas à la vitesse ni à l’échelle nécessaires pour atteindre les objectifs mondiaux.

La crédibilité des engagements des entreprises en matière de climat fait l’objet d’un examen de plus en plus poussé de la part des parties prenantes. Les activités des entreprises font l’objet d’un examen plus approfondi de la part des parties prenantes dans le contexte des engagements en matière de climat. Ces activités comprennent les émissions du champ d’application 3 générées tout au long de la chaîne de valeur, l’utilisation de crédits carbone, les activités politiques et de lobbying direct et indirect, ainsi que la rémunération des dirigeants. Les conseils d’administration peuvent, de manière proactive, renforcer leurs compétences en matière de climat, comprendre les impacts significatifs des changements climatiques sur leurs activités, remettre en question la cohérence et l’intégrité des engagements de l’entreprise et générer de multiples sources de valeur en supervisant la manière dont l’entreprise place les initiatives en faveur du climat au cœur de sa stratégie.

Considérations géopolitiques générales

 

L’ère du commerce mondial relativement libéralisé dans un contexte de mondialisation croissante est révolue (du moins pour l’instant), et le rôle de la dynamique géopolitique augmente par rapport aux considérations économiques dans les décisions d’affaires. Un certain nombre de développements géopolitiques auront des conséquences importantes pour les entreprises en 2023.

 

L’incertitude entourant la guerre en Ukraine restera élevée, ce qui pourrait entraîner de nouvelles sanctions, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et une hausse des prix. À mesure que les économies des États‑Unis et de l’Union européenne se désengagent à l’égard de la Chine et inversement, il est probable que la connectivité économique entre la Chine et l’Occident s’érode progressivement, ce qui pourrait entraîner une réorientation de la chaîne d’approvisionnement et des possibilités de croissance et d’investissement divergentes. En même temps, de nombreux gouvernements recherchent l’autosuffisance économique au moyen d’une série d’incitatifs et de restrictions qui auront une incidence sur les entreprises, la technologie et l’énergie demeurant les principaux domaines d’intérêt.

 

Les conseils d’administration peuvent aider la direction à examiner de façon proactive la manière dont les événements géopolitiques peuvent avoir une incidence sur les possibilités de croissance, la chaîne d’approvisionnement, les options stratégiques et les attentes des parties prenantes.

 

Pour toutes ces priorités additionnelles, les conseils d’administration peuvent conseiller la direction en agissant comme des gardiens du long terme et comme une source essentielle de remise en question efficace.

En 2023 : accroître l’efficacité du conseil d’administration en cette nouvelle ère d’incertitude.

Dans cette nouvelle ère d’incertitude et de volatilité permanentes, le succès sera fondé sur la résilience et le développement durable, y compris la capacité de résister aux chocs, d’agir comme agent de disruption et de contribuer à résoudre les problèmes sociétaux et environnementaux. Pour relever les défis à venir, les conseils d’administration devront accroître leur efficacité par une évaluation et une amélioration continues. Le EY Center for Board Matters a élaboré une approche et un cadre complets pour comprendre et améliorer l’efficacité des conseils d’administration.

Priorités pour les conseils d’administration des Amériques en 2023

Apprendre à accroître la résilience en temps d’incertitude


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    Résumé

    Renforcer la résilience sera un thème clé en 2023 pour les entreprises des Amériques aux prises avec de nombreuses difficultés. Des conseils d’administration engagés et efficaces constitueront un atout stratégique en cette période de volatilité. Les conseils d’administration et la direction doivent travailler en collaboration pour faire face à des conditions économiques et à des marchés financiers incertains, poursuivre l’innovation, mettre en place un programme de gestion des talents assorti d’objectifs à long terme et accroître la surveillance des risques liés à la cybersécurité. Les conseils d’administration doivent également trouver un équilibre entre ces objectifs et d’autres priorités absolues, notamment l’accélération de la transition énergétique et la mise en œuvre d’une géostratégie.
     

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