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Cinq priorités pour renforcer la confiance dans les informations ESG

Coauteurs : Katie Kummer | Vice-présidente adjointe mondiale d’EY – Politiques publiques et Kyle Lawless | Codirecteur, Politiques publiques mondiales, EY Japon

Le mouvement ESG est parvenu à un moment décisif. Tandis que des niveaux d’investissement historiques sont affectés au financement des priorités ESG, des questions cruciales émergent.


En bref
  • Dans un contexte où les facteurs ESG suscitent de plus en plus d’intérêt, il s’avère nécessaire de disposer de données ESG plus fiables et plus utiles.
  • Pour renforcer la confiance dans ces données, il s’avère nécessaire d’améliorer les normes d’informations en matière de durabilité, tout en faisant la promotion de leur application en contexte de certification indépendante.
  • Qui plus est, les taxonomies utilisées doivent permettre d’établir des comparaisons réelles entre les informations en matière de durabilité qui sont communiquées ainsi que d’accroître véritablement la transparence de celles‑ci, notamment dans les pays émergents.

Le mouvement lié aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) est parvenu à un moment décisif. L’intérêt que les investisseurs portent à ces facteurs a atteint des sommets historiques, en partie en raison des attentes de ceux qui appartiennent aux nouvelles générations (générations Y et Z).

Pourtant, les facteurs ESG constituent un sujet en constante évolution, dans un contexte de coexistence d’une grande diversité de points de vue non seulement quant à la définition appropriée de ces facteurs, mais également quant aux types d’informations particulièrement éclairantes en termes de répartition du capital, ce qui revêt une importance plus critique. Au nombre de ces informations éclairantes figurent les rapports et informations communiquées sur les questions ESG, les taxonomies, les notations ESG, ainsi que la description des capacités d’analyse scientifique, de traitement de données et de modélisation sous‑jacentes.

De nombreuses parties prenantes participent à ce que nous désignons sous l’appellation d’« écosystème d’informations en matière de durabilité » : s’agissant aussi bien d’investisseurs que d’administrateurs, de membres de la direction et d’employés de sociétés, ou encore de membres de la société civile, de prestataires de services de notation, d’auditeurs, d’organismes de réglementation et de décideurs politiques. Actuellement, les parties prenantes de cet écosystème ont du mal à s’entendre sur les composantes constitutives des facteurs ESG, les modalités d’application des paramètres d’évaluation convenus et la meilleure façon d’exploiter les données disponibles.

La nécessité d’adopter une norme mondiale d’informations en matière de durabilité et de permettre l’établissement de corrélations plus fortes entre celles‑ci et les informations financières fait l’objet d’un large consensus. Une majorité écrasante (89 %) des participants au plus récent sondage mondial qu’EY a réalisé auprès d’investisseurs institutionnels disent souhaiter que les entreprises soient tenues de procéder à une évaluation de leur performance à l’égard des facteurs ESG et que cette évaluation repose sur un ensemble de normes harmonisées à l’échelle mondiale.

Par ailleurs, les différents systèmes juridiques et la diversité des contextes sociopolitiques ont une incidence sur l’application des principes sur lesquels reposent les normes et règlements qui encadrent la communication des informations en matière de durabilité. Il n’est pas surprenant que les différents pays progressent à leur propre rythme, et de différentes manières, dans l’élaboration et la mise en œuvre des règles de communications des informations ESG.

Dans le présent article, nous mettons en évidence cinq axes d’intervention cibles qui, lorsqu’ils sont suivis à l’échelle de tout l’écosystème d’informations en matière de durabilité, peuvent faciliter le passage à un référentiel permettant d’obtenir des informations ESG fiables et utiles dans la prise de décisions.

Définition du nouvel écosystème d’informations en matière de durabilité

Bien que l’écosystème d’informations financières et l’écosystème d’informations en matière de durabilité soient de plus en plus corrélés, des voix discordantes se font entendre au sein de ce dernier, notamment des prestataires de services de notation et de données ESG dont les activités sont largement non réglementées, des membres de la société civile (dont des investisseurs activistes) et des employés.

L’écosystème d’informations en matière de durabilité vise à servir les intérêts de deux principaux groupes d’investisseurs, à savoir :

  1. ceux qui se concentrent sur les risques financiers, c’est‑à‑dire les investisseurs qui sont en quête d’informations significatives en lien avec les répercussions financières découlant de facteurs relatifs à la durabilité d’une entreprise;
  2. ceux qui se concentrent sur les retombées sociétales des activités d’une entreprise, soit les investisseurs qui souhaitent recueillir des informations sur l’empreinte que celle ci laisse dans son milieu externe (y compris sur la population, les collectivités, l’environnement et la société en général).
People walking inside corridor of a building

Afin de mieux répondre aux besoins des investisseurs en quête de données ESG utiles, les participants à l’écosystème d’informations en matière de durabilité doivent renforcer la confiance à l’égard de celles‑ci et rehausser le niveau de collaboration. Dans son nouveau rapport de recherche intitulé The emerging sustainability information ecosystem (document PDF), EY relève cinq principaux axes d’intervention cibles à l’appui de cet objectif :

1. Accroissement de la transparence des indicateurs composites

Les indicateurs composites permettent de noter la performance d’une entreprise à l’égard d’un large éventail d’enjeux ESG, une pondération distincte étant effectuée pour chacun de ces enjeux aux fins de l’établissement d’une notation ESG globale. Cet éventail englobe des enjeux des plus divers, allant des changements climatiques jusqu’à la transparence fiscale, en passant par la pollution, la gestion des déchets et la responsabilité du fait des produits.

L’un des défis à relever tient au fait que les notations ESG ne servent pas les investisseurs qui s’intéressent aux retombées sociétales des activités des entreprises, car ces notations sont pondérées en fonction d’un seuil de signification financier. Dans le cadre de l’établissement des notations ESG, chacun des principaux prestataires de services de notation ESG s’appuie sur une approche axée sur la détermination d’un seuil de signification financier (c.‑à‑d. une approche fondée sur les risques financiers). Par ailleurs, les investisseurs qui se concentrent sur les risques financiers peuvent déplorer qu’un manque de transparence dans la pondération des diverses questions ESG se traduise par une perte sur les plans de la clarté et de l’utilité quand vient le moment de prendre des décisions.

L’approche composite s’accompagne également de divers autres défis. Par exemple, l’absence de consensus sur les définitions et les méthodes de calcul peut constituer un obstacle à la réalisation d’une analyse rigoureuse de la performance environnementale d’une organisation. Parallèlement, vu les différences de contextes sociopolitiques d’un pays à l’autre, il peut s’avérer plus difficile de quantifier l’importance de certains enjeux sociaux – tels que les droits de la personne, les normes de travail, l’équité ethnoraciale et la parité femmes hommes – en fonction d’un référentiel convenu.

Les investisseurs doivent être conscients de ces particularités, contraintes d’évaluation et écarts.

2. Amélioration du niveau de compréhension des diverses utilisations des informations en matière de durabilité

Les informations en matière de durabilité peuvent avoir deux finalités, à savoir l’évaluation des risques financiers et l’évaluation des retombées sociétales des activités d’une entreprise. Bien que ces utilisations ne soient pas mutuellement exclusives, elles peuvent facilement être sources de confusion.

Jusqu’à maintenant, l’écosystème d’informations en matière de durabilité a évolué de façon à répondre aux attentes des parties prenantes qui s’intéressent surtout à l’évaluation des risques financiers. Par exemple, à l’instar de tous les principaux prestataires de services de notation ESG, la plupart des référentiels d’informations ESG ne prennent pas en compte les retombées sociétales des activités des entreprises à des fins de pondération. Ils visent à évaluer l’exposition relative aux divers risques financiers internes et externes, de même qu’aux possibilités qui s’y rattachent.

Récemment, les investisseurs ont néanmoins augmenté leurs investissements ESG, notamment ceux qui appartiennent à la génération Y, qui accordent la priorité aux considérations d’ordre social et moral.Une étude réalisée en 2020 révèle qu’à l’échelle mondiale, près des trois quarts (71 %) des investisseurs individuels souhaitent générer des retombées sociétales positives dans la réalisation de leurs objectifs de placement, ce résultat étant même plus élevé pour les membres de la génération Y (75 %)1.

Investors seek sustainability information related to social impact
of individual investors, globally, want to make a positive social impact as part of their investment objectives.

C’est ce qui nous amène forcément à nous poser la question suivante : l’écosystème d’informations en matière de durabilité en place permet‑il d’évaluer aussi bien les répercussions financières que les retombées sociétales des activités des entreprises?

Bien qu’il y ait des recoupements entre les principales motivations qui sous tendent l’adhésion aux principes ESG, il s’avère toujours nécessaire de clarifier les différents cas d’utilisation des informations en matière de durabilité. De même, les parties prenantes de cet écosystème – notamment les autorités de normalisation et les agences de notation ESG – ont l’occasion de se demander comment elles peuvent répondre aux besoins de tous les utilisateurs de ces informations.

3. Mise en place des conditions de certification

La certification indépendante peut favoriser le renforcement de la confiance dans les informations en matière de durabilité et les nombreuses parties prenantes de l’écosystème d’informations en matière de durabilité.

Au cours des prochaines années, les forces du marché induiront une intensification des pressions en faveur de l’imposition d’une obligation de certification externe indépendante et rigoureuse des informations en matière de durabilité. D’ores et déjà, les États‑Unis et l’Union européenne envisagent d’adopter des règles rendant obligatoire la certification de ces informations.

À mesure que les exigences de certification se renforceront, les parties prenantes de l’écosystème d’informations en matière de durabilité devront forcément se familiariser avec le concept de gestion des risques connu sous le nom des « trois lignes de défense » et y adhérer. Il est largement reconnu que ces lignes de défense sont essentielles pour le renforcement de la confiance et le maintien d’un système rigoureux donnant lieu à la communication d’informations exactes et impartiales. Il s’agit des lignes de défense suivantes :

  • Première ligne de défense – Un environnement de gouvernance d’entreprise intégrant un solide système de contrôles internes, dans le cadre duquel la direction, le conseil d’administration, le comité d’audit et la fonction audit interne ont un rôle à jouer
  • Deuxième ligne de défense – Une certification externe indépendante
  • Troisième ligne de défense – La surveillance par les autorités de réglementation

4. Mise au point de taxonomies comparables et interopérables

Pour assurer la transparence et la comparabilité réelles des informations en matière de durabilité, les diverses administrations doivent pouvoir s’appuyer sur des taxonomies reposant sur des principes complémentaires. Une taxonomie est un système de classification qui permet de déterminer quelles sont les activités économiques devant être considérées comme étant durables. Elle peut contribuer à dissiper la confusion quant à la façon d’établir une distinction entre les activités considérées comme étant durables et celles qui ne le sont pas, en donnant une justification claire et fondée sur des données de ce qui motive l’applicabilité ou la non applicabilité de la définition d’« activité durable » à une activité particulière, laquelle définition peut varier d’une taxonomie à l’autre.

Certaines régions et certains pays font déjà des progrès considérables dans la mise au point de leur taxonomie. Par exemple, la taxonomie de l’UE vise à favoriser l’accroissement des investissements durables et à faciliter la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe (soit le plan de la Commission européenne devant permettre à l’Europe d’atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050).

En collaboration avec la Chine, l’UE travaille à l’établissement d’une taxonomie commune, dans le cadre d’une initiative visant à relever les similarités entre leurs taxonomies, tout en faisant en sorte que ces dernières reflètent leurs différents parcours de transition énergétique, de même que leurs propres réalités politiques.

5. Élimination des obstacles auxquels font face les participants au marché dans les pays émergents

À l’horizon 2050, les pays à l’économie émergente produiront la majeure partie des gaz à effet de serre émis à l’échelle mondiale. Ces pays sont pourtant moins résilients que d’autres lorsqu’il s’agit de s’adapter aux répercussions des changements climatiques. En raison de leur emplacement géographique, ils sont également plus susceptibles d’être exposés à des phénomènes météorologiques extrêmes.

L'absence de données exhaustives en matière de durabilité dans les pays à l’économie émergente porte à croire qu’il s’avère nécessaire de réduire les obstacles auxquels se butent les participants au marché de ces pays lorsqu’ils sont amenés à produire des informations en matière de durabilité. Il ne s’agit pas toutefois de promouvoir l’adoption de normes différentes, ce qui pourrait être contre‑productif. Néanmoins, dans les pays à l’économie émergente, il y aurait lieu d’appuyer les efforts de rehaussement du soutien technique et de mobilisation visant l’écosystème d’informations en matière de durabilité.

Les travaux de normalisation à l’échelle internationale réalisés par l’ISSB (International Sustainability Standards Board) pourront aussi s’avérer bénéfiques pour les pays émergents, dans la mesure où ceux‑ci sauront saisir l’occasion pour intégrer les normes de cet organisme à leur propre cadre juridique.

 

Prochaines étapes pour les entreprises, les décideurs politiques et les investisseurs

Le mouvement ESG en est encore à ses débuts, et beaucoup d’autres efforts doivent être déployés pour promouvoir une collaboration ouverte et renforcer la confiance. Il est néanmoins encourageant de constater que les décideurs politiques et les autorités de normalisation et de réglementation adoptent déjà des mesures importantes pour déterminer et réglementer la communication des informations que les investisseurs souhaitent recueillir. Parallèlement, les participants au marché trouvent de nouvelles façons de collaborer en vue de la mise au point de solutions de production de rapports et de modélisation de données novatrices.

À mesure que le déploiement de ces efforts progresse, il s’avère essentiel que toutes les parties prenantes s’engagent à la fois dans un processus d’établissement de politiques et dans des initiatives axées sur le marché, tout en faisant valoir leur point de vue. Les mesures que nous avons explorées constituent une contribution à ces efforts, tout en mettant en évidence pourquoi il incombe à toutes les parties prenantes de participer à l’établissement d’alliances et de renforcer leur collaboration.

Téléchargez la version intégrale de notre rapport sur le nouvel écosystème d’informations en matière de durabilité



Résumé

L’essor du mouvement ESG est tout à fait spectaculaire. Les défis auxquels fait face ce mouvement, à l’instar de ses nombreuses parties prenantes – chacune exerçant un niveau d’influence distinct, tout en ayant des aspirations particulières –, tirent leur origine dans sa genèse même.

Pour répondre aux besoins des investisseurs en renforçant leur confiance dans les informations en matière de durabilité et en améliorant l’utilité de celles‑ci aux fins de la prise de décisions, il faudra établir des alliances et promouvoir la collaboration à l’échelle de tout l’écosystème sur lequel reposent ces informations. 

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