Impôt minimum de remplacement : des modifications importantes toucheront les contribuables en 2024
FiscAlerte 2023 numéro 45, 4 décembre 2023
Le budget fédéral de 2023 proposait des modifications au régime d’impôt minimum de remplacement (« IMR ») pour les particuliers à revenu élevé. Ces modifications s’appliqueraient aux années d’imposition commençant après 2023. Le 4 août 2023, des propositions législatives pour leur mise en œuvre ont été publiées, et, au cours de la période de consultation, les parties prenantes ont soulevé diverses préoccupations à l’égard de certaines modifications. Selon notre compréhension, les propositions législatives sont toujours en cours d’élaboration, car elles n’étaient pas incluses dans le projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, qui a été déposé le 30 novembre 20231. À ce jour, le gouvernement n’a pas fourni d’autres renseignements sur les modifications ou sur la question de savoir si certains commentaires reçus pendant la période de consultation seront pris en compte aux fins de propositions législatives subséquentes.
De façon générale, les modifications proposées visent à élargir l’assiette de l’IMR en limitant davantage les avantages fiscaux, à augmenter l’exonération de base et le taux de l’IMR et à élargir l’admissibilité à l’exonération générale de l’IMR à d’autres types de fiducies.
Selon le gouvernement fédéral, ces modifications produiront des recettes supplémentaires estimatives de 3 milliards de dollars sur cinq ans.
Le présent bulletin donne un aperçu des principales modifications, telles qu’elles sont actuellement proposées, au calcul de l’IMR pour les particuliers, aborde la façon dont les modifications pourraient toucher certains particuliers à revenu élevé et propose des moyens de réduire l’exposition à l’IMR en vertu du régime proposé.
Contexte
L’IMR a été instauré en 1986 pour cibler les particuliers à revenu élevé en prélevant un impôt de base fondé sur un calcul simplifié du revenu imposable. Plus précisément, l’impôt minimum vise à faire en sorte que les particuliers, y compris certaines fiducies, ayant un revenu brut élevé, qui paieraient par ailleurs peu ou pas d’impôt sur le revenu en raison de nombreux avantages fiscaux donnés, paient au moins un montant minimum d’impôt pour l’année. Les avantages fiscaux sont des éléments particuliers qui réduisent le revenu imposable ou l’impôt à payer; pensons notamment à l’exonération des gains en capital ou au crédit d’impôt pour contributions politiques.
Depuis son instauration, le régime de l’IMR n’a fait l’objet d’aucune réforme importante. À l’heure actuelle, le gouvernement estime que des milliers de Canadiens fortunés paient relativement peu d’impôt sur le revenu en ayant recours à des déductions et à des crédits d’impôt.
Le calcul de l’IMR est un calcul fiscal qui est parallèle à celui de l’impôt sur le revenu ordinaire et qui accorde moins de déductions et d’exonérations pour l’obtention du revenu imposable modifié. Le montant de l’exonération de base, qui est de 40 000 $ en vertu du régime actuel, est alors déduit du revenu imposable modifié, et le solde est multiplié par un taux d’imposition minimum fédéral forfaitaire (qui s’élève actuellement à 15 %). Ce calcul génère le montant de l’IMR. Certains crédits d’impôt non remboursables peuvent être déduits de ce montant. Le montant final d’impôt à payer d’un particulier correspond au plus élevé de l’IMR ou de l’impôt ordinaire.
L’IMR payé pour une année d’imposition peut être reporté prospectivement sur sept ans pour réduire le montant d’impôt ordinaire à payer pour une année ultérieure, mais seulement dans la mesure où l’IMR pour cette année ultérieure est inférieur à l’impôt ordinaire à payer. Ainsi, cette mesure donne généralement lieu à un paiement anticipé de l’impôt dans le cadre du régime de l’IMR plutôt qu’à un impôt supplémentaire permanent.
Modifications proposées
L’objectif des modifications législatives proposées est de cibler les particuliers à revenu élevé en appliquant les mesures suivantes :
- augmenter le montant de l’exonération de base de l’IMR, qui est actuellement de 40 000 $, pour qu’il corresponde à la limite inférieure de la quatrième tranche d’imposition fédérale, laquelle est indexée annuellement selon l’inflation et s’établira à 173 205 $ en 2024. Cette exonération de base sera accordée aux particuliers et à certaines fiducies2;
- relever le taux d’imposition minimum fédéral forfaitaire de 15 % à 20,5 %;
- élargir l’assiette de l’IMR pour y inclure des éléments de revenu additionnels et en limitant certaines déductions et certains crédits. Voici certaines modifications importantes:
i) Incluent, notamment, les dons de bienfaisance admissibles, les intérêts et les frais financiers engagés pour gagner un revenu de biens ou engagés sur des prêts entre conjoints, les cotisations au Régime de pensions du Canada, les frais de déménagement et les frais de garde d’enfants.
Bien qu’aucune modification n’ait été apportée aux règles relatives à l’IMR provincial, on calcule généralement celui-ci en multipliant l’IMR fédéral par un taux provincial prescrit. Par conséquent, l’IMR provincial augmentera indirectement à compter de 2024.
Pour de plus amples renseignements sur les modifications législatives proposées et leur incidence sur les particuliers, veuillez consulter le numéro d’octobre 2023 du bulletin Questionsfiscales@EY : spécial patrimoine familial.
Incidence des modifications proposées sur les particuliers à revenu élevé – enjeux particuliers
L’objectif des modifications proposées est de cibler les particuliers à revenu élevé pour veiller à ce qu’ils paient une part d’impôt proportionnelle à leur revenu, tout en éliminant l’application de l’IMR pour la plupart des Canadiens de la classe moyenne. Par conséquent, les particuliers touchés doivent tenir compte de l’incidence des modifications proposées sur leurs déclarations de revenus des particuliers à compter de 2024.
Il importe de noter que les règles relatives à l’IMR ne s’appliquent pas aux sociétés, seulement aux particuliers et à certaines fiducies.
Nous présentons ci-après plusieurs enjeux qui auront une incidence sur certains groupes cibles. Ces groupes cibles pourraient vouloir examiner attentivement leur exposition à l’IMR en vertu des modifications proposées. Bien que l’IMR payé puisse être récupéré au cours de la période de report de sept ans, il pourrait être nécessaire d’effectuer une planification supplémentaire pour récupérer le montant versé.
Investisseurs de portefeuille
Les particuliers investisseurs qui ont accumulé des gains en capital importants pourraient être plus exposés à l’IMR à compter de 2024, car il est proposé de faire passer de 80 % à 100 % le taux d’inclusion des gains en capital aux fins de l’IMR.
Si l’on compare l’IMR à l’impôt ordinaire fédéral seulement, les particuliers à revenu élevé assujettis au taux d’imposition fédéral le plus élevé de 33 % auront un taux effectif d’imposition fédéral sur les gains en capital de 16,5 %, alors que le taux fédéral proposé pour l’IMR est de 20,5 %. Ainsi, un particulier qui réalise des gains en capital importants après 2023 pourrait être assujetti à un taux d’imposition plus élevé sur ce revenu.
Par exemple, supposons qu’un particulier assujetti au taux d’imposition le plus élevé ne réalise que des gains en capital de 100 $ en 2024. L’impôt fédéral à payer correspondrait à ce qui suit, avant la prise en compte des autres déductions et crédits d’impôt non remboursables :
Par conséquent, les modifications proposées entraîneront une majoration de l’impôt fédéral de 4 $.
Actions accréditives
Les particuliers qui investissent dans des actions accréditives peuvent faire face à deux enjeux distincts relativement à leur placement dans le cadre des modifications proposées.
- Au moment où un placement est effectué, l’inclusion dans le calcul du revenu de la déduction à l’égard des actions accréditives aux fins de l’IMR sera dorénavant assujettie au taux de l’IMR proposé plus élevé de 20,5 % plutôt qu’au taux actuel de 15 %. Le taux plus élevé pourrait accroître la probabilité qu’un placement dans des actions accréditives déclenche un assujettissement à l’IMR au moment du placement.
- Au moment de la vente d’actions accréditives, le gain en capital réalisé par l’investisseur, qui peut être important, étant donné que les actions accréditives ont généralement un prix de base nominal, sera dorénavant assujetti au taux d’inclusion des gains en capital de 100 % en vertu du régime proposé de l’IMR.
Par conséquent, il pourrait être nécessaire d’être particulièrement prévoyant avant d’investir dans des actions accréditives afin d’évaluer l’incidence de l’inclusion initiale dans le revenu et de la disposition des actions compte tenu du revenu, des déductions et des crédits prévus du particulier.
Fractionnement du revenu entre les membres d’une même famille
Les particuliers qui ont conclu des ententes de prêt au taux prescrit avec leur époux (ou conjoint de fait) à revenu plus faible ou leurs enfants ou petits-enfants peuvent considérer que les restrictions proposées à l’égard de la déduction des frais financiers entraînent un risque d’assujettissement à l’IMR. Étant donné que la déduction des frais financiers, y compris les intérêts courus sur les fonds prêtés à un membre de la famille, sera limitée à 50 % du montant payé, le revenu imposable modifié aux fins de l’IMR augmentera. Dans l’intervalle, les revenus d’intérêts déclarés par le membre de la famille demeureront assujettis à une imposition complète en vertu de l’impôt ordinaire et de l’IMR. L’incidence sera plus marquée pour les particuliers qui ont conclu ou envisagent de conclure de telles ententes à des taux d’intérêt plus élevés.
Par conséquent, les modifications, combinées à la hausse actuelle des taux d’intérêt prescrits et à la baisse du rendement des portefeuilles, pourraient rendre ces mécanismes de planification fiscale moins intéressants que par le passé. Pour les ententes de prêt existantes, il pourrait être prudent de procéder à une analyse coûts-avantages similaire.
Dons de bienfaisance
Les particuliers qui ont fait des dons de bienfaisance importants pourraient être touchés par les règles proposées, puisque ces dons seront assujettis à un taux d’inclusion de 50 % lors du calcul de l’IMR. Par conséquent, ces particuliers pourraient voir leur avantage fiscal réduit si des dons importants sont faits après 2023.
Les particuliers qui prévoient faire des dons importants voudront peut-être envisager de le faire rapidement, en 2023, ou de répartir les dons sur plusieurs années afin de limiter l’exposition à l’IMR. Consultez votre conseiller afin de vous assurer d’obtenir un résultat efficace sur le plan fiscal.
Actionnaires de sociétés privées sous contrôle canadien
Les actionnaires de sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC ») qui participent activement à l’entreprise jouissent d’une grande latitude pour prendre des décisions concernant la rémunération qu’ils touchent, notamment pour déterminer la répartition optimale entre la rémunération et les dividendes. Comme les SPCC présentent différentes caractéristiques fiscales pouvant déclencher un assujettissement à l’IMR pour les actionnaires, en particulier lorsque des actions de la société sont vendues, le fait d’augmenter la rémunération versée peut être avantageux pour éviter un assujettissement à l’IMR et réduire le revenu imposable de la SPCC. Bien qu’il soit peu probable que les dividendes reçus déclenchent à eux seuls un assujettissement à l’IMR, ils peuvent contribuer au montant que l’actionnaire doit payer au titre de l’IMR. Le moment pourrait être bien choisi pour revoir la planification de la rémunération des actionnaires afin de réduire au minimum l’incidence du régime proposé de l’IMR, tout en tenant compte d’autres limites, comme les règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné.
Exemple tenant compte des règles relatives à l’IMR proposées
Pour illustrer certaines des modifications proposées, prenons l’exemple suivant (compte non tenu des taxes provinciales).
Un particulier bénéficie d’une exonération cumulative des gains en capital non utilisée de 1 000 000 $ et déclare les éléments suivants dans sa déclaration de revenus de 2024 :
- 200 000 $ de gains en capital générés par le portefeuille
- 50 000 $ de pertes en capital reportées prospectivement;
- 2 000 000 $ de gains en capital découlant de la vente d’AAPE
- 200 000 $ d’avantages liés à des options d’achat d’actions accordées à des employés (avantages admissibles à la déduction de 50 % pour options d’achat d’actions)
- 15 000 $ de frais financiers
- 35 000 $ de dons de bienfaisance
Étant donné que l’IMR à payer est supérieur au montant de l’impôt sur le revenu ordinaire fédéral, le particulier devrait payer 119 741 $ (soit 299 403 $ moins 179 662 $) au titre de l’IMR pour 2024, en plus de l’impôt ordinaire fédéral de 179 662 $.
Dans l’exemple ci-dessus, les règles proposées font en sorte que le particulier a besoin de beaucoup plus de liquidités en 2024 pour remplir son obligation fiscale. Bien que l’IMR supplémentaire payé puisse être récupéré au cours de la période de report de sept ans, il pourrait être nécessaire d’effectuer une planification supplémentaire pour s’assurer d’avoir un revenu suffisant au cours de la période de report afin de récupérer l’IMR payé pour l’année d’imposition 2024.
Considérations liées à la planification fiscale
Particuliers investisseurs de portefeuille
Compte tenu du nouveau taux d’inclusion des gains en capital de 100 % aux fins de l’IMR, une des stratégies potentielles pour réduire l’exposition des particuliers et de certaines fiducies à l’IMR consiste à procéder à une « récolte des gains en capital ». La stratégie repose sur une différence fondamentale dans la façon dont le revenu imposable aux fins de l’IMR est calculé, à savoir que les « gains nets » réalisés au cours de l’année sont assujettis à un taux d’inclusion de 100 % aux fins de l’IMR, mais que les pertes en capital nettes reportées prospectivement sont déduites du revenu à leur taux d’inclusion « nette » (habituellement 50 %).
Ainsi, si un investisseur subit des pertes en capital importantes au cours d’une année, il peut se révéler avantageux de provoquer des gains pour compenser la perte en capital nette afin d’éviter l’IMR sur ces gains dans une année ultérieure.
Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple ci-dessous où une perte en capital de 100 $ est comptabilisée pour l’année 1, mais où un gain en capital de 100 $ est réalisé au cours de l’année 2. La perte en capital est reportée prospectivement et appliquée à l’année 2 où elle peut être portée en réduction du gain en capital. En vertu des règles relatives à l’IMR proposées, la totalité du gain en capital de l’année 2 est incluse dans le revenu imposable, mais seulement 50 % de la perte en capital de l’année 1 est déductible, ce qui donne lieu à un revenu imposable de 50 $ aux fins de l’IMR. Si le gain en capital était plutôt comptabilisé dans l’année 1, il serait compensé en totalité par la perte en capital.
Pour les investisseurs ayant d’importants gains en capital latents ou d’importantes pertes en capital nettes provenant d’années antérieures, il peut être avantageux de provoquer des gains en capital en 2023, lesquels pourraient être compensés par le solde des pertes en capital nettes reportées prospectivement.
De même, les investisseurs ayant des provisions pour gains en capital peuvent réduire la provision demandée en 2023 afin d’accélérer les gains qui peuvent être contrebalancés par des pertes en capital nettes reportées prospectivement.
Dans certains cas, le transfert du portefeuille d’un investisseur à une société de portefeuille peut être une autre stratégie à adopter. Bien que le manque d’intégration dans certaines provinces puisse occasionner un faible coût, l’IMR ne s’applique pas aux sociétés.
Consultez votre conseiller pour évaluer votre exposition potentielle à l’IMR en vertu des règles proposées et savoir si des stratégies de planification peuvent être mises en œuvre.
Dispositions non touchées par les règles relatives à l’IMR proposées
Malgré les modifications apportées au calcul de l’IMR, certaines dispositions des règles demeurent inchangées, notamment :
- L’exemption pour résidence principale demeure disponible pour mettre à l’abri de l’impôt le gain en capital réalisé à la vente d’une résidence principale admissible.
- Le crédit spécial pour impôt étranger demeure entièrement déductible du revenu imposable assujetti à l’IMR.
- Le montant majoré du dividende demeure entièrement déductible dans le calcul de l’IMR et aucun crédit d’impôt pour dividendes n’est permis.
Prochaines étapes
Bien que l’IMR soit une mesure ciblée qui vise à augmenter les recettes provenant des particuliers à revenu élevé, il peut également s’avérer bénéfique pour ceux qui procèdent à une planification judicieuse. Pour cette raison, nous vous invitons à consulter votre conseiller pour savoir si des possibilités de planification s’offrent à vous avant l’entrée en vigueur des règles relatives à l’IMR proposées et apprendre comment réduire au minimum votre exposition à compter de 2024.
Pour en savoir davantage
Pour en savoir davantage sur le régime proposé de l’IMR, communiquez avec votre conseiller EY ou EY Cabinet d’avocats, ou avec l’un des professionnels suivants :
Ameer Abdulla
+1 519 571 3349 | ameer.abdulla@ca.ey.com
Sandra Hamilton
+1 416 941 7794 | sandra.a.hamilton@ca.ey.com
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- Pour en savoir davantage sur les mesures incluses dans le projet de loi C-59, consultez le bulletin FiscAlerte 2023 numéro 44 d’EY, Le projet de loi C-59 portant exécution de certaines mesures annoncées antérieurement, notamment dans le budget de 2023, franchit l’étape de la première lecture.
- Les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs et certaines fiducies sont exonérées de l’IMR.
Renseignements sur les budgets : Pour des renseignements à jour sur les budgets fédéral, provinciaux et territoriaux, visitez notre site ey.com/ca/fr/budget.