Encouragements gouvernementaux : hier, aujourd’hui et demain

Encouragements gouvernementaux : hier, aujourd’hui, demain et au‑delà!

En période de turbulences économiques, la mise en place d’outils de financement gouvernemental et de politiques bien définies est plus importante que jamais pour soutenir l’innovation et l’entrepreneuriat.


En bref
  • C’est le secteur des énergies non renouvelables (ce qui comprend le charbon, le pétrole et le gaz naturel) qui a reçu les encouragements les plus importants, pour un total de 1,57 milliard de dollars.
  • Les répercussions régionales sont un aspect essentiel de tout programme d’encouragements. L’Ontario et le Québec figurent en tête de liste avec des encouragements respectifs de 2,35 milliards de dollars et de 2,23 milliards de dollars.
  • Pour évaluer l’efficacité des encouragements, il est essentiel de mettre en œuvre une approche d’analyse globale, rendue possible par le recensement et la gestion de résultats mesurables.

 


Les encouragements gouvernementaux sont depuis longtemps un élément clé de la politique de développement économique au Canada. Les programmes d’encouragements peuvent prendre différentes formes, mais il s’agit généralement de transferts de droit ou de programmes discrétionnaires (directs ou indirects). Les deux types de programmes peuvent être structurés et offerts différemment sous forme d’encouragements fiscaux, de subventions, de remises d’impôt ou de taxe, ou encore de prêts à faible taux ou sans intérêt, une tendance plus récente.

Bien que divers facteurs, comme la conjoncture économique ou le contexte géopolitique, influencent les décisions en matière d’investissement, les encouragements offerts peuvent parfois faire la différence entre aller de l’avant avec un investissement ou un projet ou y renoncer. Les encouragements récents ont été axés sur un éventail d’objectifs de développement économique, et visaient notamment à stimuler les investissements dans les technologies vertes en vue de soutenir la transition des entreprises vers une économie propre, à augmenter le nombre de femmes entrepreneures et à favoriser l’embauche de nouveaux diplômés.

Dans le présent article, nous nous penchons sur les encouragements discrétionnaires accordés par les gouvernements au Canada au cours des trois dernières années, qui sont répertoriés dans la base de données Incentives Monitor de Wavteq (Wavteq, 2019 – 2021).

La base de données de Wavteq recense les encouragements fiscaux discrétionnaires offerts aux entreprises pour établir de nouvelles activités ou étendre la portée des activités existantes. Pour que Wavteq inscrive un encouragement dans cette base de données, le projet d’investissement doit créer de nouveaux emplois, maintenir les emplois existants et/ou nécessiter des dépenses en capital.

Les encouragements consignés comprennent les subventions, les prêts ou les accords de crédit, les remises d’impôt ou de taxe et les encouragements non financiers. La base de données ne regroupe pas les encouragements accordés aux universités ou collèges, aux organismes du secteur public, aux villes ou aux comtés.

Elle ne tient pas compte non plus des projets qui ne créent pas d’emploi, des encouragements à pures fins de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE) ni des aides versées pour la restructuration, le redressement ou le sauvetage d’une entreprise.

Aux fins du présent article, nous n’avons pas vérifié l’exhaustivité de la base de données, mais nous supposons qu’elle dresse un portrait général qui est suffisant pour analyser les tendances et faire des comparaisons d’ordre général.

En outre, même si notre article précédent, qui portait sur la période de 2014 à 2018, soulevait la question de savoir s’il existe des méthodes d’évaluation appropriées pour évaluer véritablement l’efficacité d’une stratégie d’encouragement, nous soulevons ici une autre question sur l’efficacité globale et le potentiel de la politique du Canada en matière d’innovation.

Combien d’argent est distribué?

Certaines études laissent entendre que les encouragements qui ciblent des domaines de recherche, des secteurs d’activité ou des régions géographiques spécifiques ont des incidences plus marquées que les financements consentis à quiconque satisfait à des critères d’admissibilité plus souples1.Outre ceux destinés à stimuler l’innovation, de nombreux encouragements visent principalement les projets d’expansion et la création d’emplois

Le tableau 1 fournit des précisions se rapportant plus particulièrement aux encouragements financiers discrétionnaires canadiens offerts pour soutenir les projets d’expansion et la création d’emplois (Wavteq, 2021)2.

Tableau 1 : Encouragements accordés au Canada de 2019 à 2021

Mesure

2019

2020

2021

Total

Encouragements accordés

399

219

389

1 007

Encouragements ($ US)

1,98 G$

2,20 G$

2,92 G$

7,1 G$

Nouveaux emplois

13 483

8 806

15 330

37 619

Emplois conservés

19 777

5 764

25 133

50 674

Dépenses en capital ($ US)

31,58 G$

9,98 G$

8,99 G$

50,55 G$

Ratio moyen encouragements / dépenses en capital (%)3

5,8 %

20,7 %

29,4 %

18,63 %

Comme le tableau l’indique, le montant versé aux entreprises canadiennes au moyen de ces types d’encouragements a varié considérablement dans le passé. En 2019, 399 encouragements visant la création d’emplois ou appuyant des projets d’expansion ont été accordés à des entreprises au Canada pour un montant total de 1,98 milliard de dollars. En 2020, le montant s’élevait à 2,2 milliards de dollars, mais le nombre d’encouragements accordés avait diminué de 45 % (219). Un tel résultat indique que le montant moyen des encouragements accordés en 2020 était deux fois plus important qu’en 2019.

Le financement en 2021 a grimpé à près de 3 milliards de dollars, ce qui représente une croissance de plus de 32 % par rapport à l’année précédente. De plus, le nombre d’encouragements accordés a presque doublé par rapport à 2020 Le niveau de financement par dollar de dépenses en capital a aussi grandement varié, d’un faible 5,8 % en 2019 à un sommet de 29,4 % en 2021.

Bien sûr, la pandémie de COVID‑19 a peut‑être eu une incidence considérable sur ces chiffres, car bon nombre des organisations qui administrent les programmes d’encouragements ont connu des périodes de confinement, ce qui a entraîné des retards administratifs importants.

Les projets eux‑mêmes peuvent également avoir été retardés en raison du confinement, d’une baisse de disponibilité du personnel ou de problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. L’incidence de la pandémie et du ralentissement du marché qui a marqué le début de cette période se reflète également dans le nombre d’emplois nouvellement créés et conservés, le taux de 2020 étant inférieur aux taux de 2019 et de 2021 respectivement de 35 % et de 43 %.

Il est important de retenir que, dans l’ensemble, le nombre d’encouragements accordés suit une tendance à la hausse depuis 2014 et même avant. Bien que le nombre d’« encouragements accordés » au cours de la période de 2014 à 2021 ait plus que doublé, le nombre d’entreprises qui bénéficient de ces encouragements est relativement faible au Canada. À titre de comparaison, plus de 20 000 demandeurs reçoivent des crédits d’impôt pour la RS&DE, lesquels ont totalisé plus de 4,3 milliards de dollars canadiens en 20214.

Quels secteurs ont le plus bénéficié des programmes d’encouragements discrétionnaires gouvernementaux?

Le tableau 2 résume les projets qui, au cours des trois dernières années, ont bénéficié des programmes d’encouragements canadiens répertoriés dans la base de données de Wavteq, et qui visent principalement la création d’emplois ou l’expansion. Ces données montrent que la tendance au chapitre des secteurs a changé depuis notre dernier rapport, qui couvrait la période de 2014 à 2018.

Selon notre dernier rapport, la plus grande partie des fonds étaient versés à des entreprises du secteur des matériaux de base – notamment les produits chimiques, les produits miniers, les plastiques, l’acier, l’aluminium et les produits du bois –, lesquelles avaient reçu un total de 1,2 milliard de dollars. Par contre, au cours de la période de 2019 à 2021, le secteur des matériaux de base ne s’est classé qu’au cinquième rang des secteurs, avec des encouragements de 756,6 millions de dollars.

Le secteur des énergies non renouvelables, qui comprend le charbon, le pétrole et le gaz naturel, arrive au premier rang, avec des encouragements de 1,57 milliard de dollars. Bien qu’il arrive en dixième position pour ce qui est du nombre d’encouragements reçus, le montant moyen des encouragements dans ce secteur, soit 196,75 millions de dollars, est de loin le plus élevé, ce qui s’explique sans doute par la nature capitalistique de ces entreprises.

En revanche, même si les entreprises du secteur des produits industriels ont reçu le plus grand nombre d’encouragements, soit 192, la valeur moyenne de chaque encouragement accordé s’élevait seulement à 4,86 millions de dollars.

Tableau 2 : Classement des secteurs (de 2019 à 2021)

Secteur

Encouragements

Encouragement moyen

Échantillon de projets

Dépenses en capital totales

Dépenses en capital moyennes

Échantillon de projets

Énergies non renouvelables

1,57 G$

196,75 M$

8

28,36 G$

4,05 G$

7

Sciences de la vie

1,17 G$

20,49 M$

57

2,19 G$

66,40 M$

33

Produits industriels

933,40 M$

4,86 M$

192

3,97 G$

37,50 M$

106

Matériaux de base

765,60 M$

7,02 M$

109

8,40 G$

147,40 M$

57

Automobile

524,00 M$

19,41 M$

27

1,69 G$

105,60 M$

16

Technologies de l’information et télécommunications

426,90 M$

3,71–M$

115

1,63 G$

65,10 M$

25

Aliments et boissons

407,30 M$

2,97 M$

137

1,13 G$

15,90 M$

71

Biens de consommation

345,40 M$

8,42 M$

41

724,00 M$

29,00 M$

25

Aérospatiale, défense et marine

326,50 M$

12,09 M$

27

964,00 M$

74,20 M$

13

Services

297,90 M$

7,45 M$

40

680,00 M$

52,30 M$

13

Comment les fonds sont‑ils répartis dans l’ensemble du Canada?

Les répercussions régionales sont un aspect essentiel de tout programme d’encouragements. Le tableau 3 montre la distribution, par province, des encouragements fédéraux et provinciaux répertoriés par Wavteq. Au cours de la période couverte par ce rapport (de 2019 à 2021), le nombre d’encouragements accordés a reculé de 24 % par rapport à la période de 2014 à 2018, mais le financement total a augmenté de 39 %.

L’Ontario et le Québec figurent en tête de liste avec des encouragements respectifs de 2,35 milliards de dollars et de 2,23 milliards de dollars, ce qui représente 33 % et 31 % de l’ensemble des encouragements canadiens. Le Québec, la Nouvelle‑Écosse et l’Ontario affichent le plus grand nombre d’encouragements accordés (respectivement 341, 295 et 260).

Bien que l’Alberta se soit classée en troisième position quant au montant des encouragements accordés (1,52 milliard de dollars), ces fonds ne concernaient que 13 projets. En tout, moins de 75 encouragements ont été accordés en Colombie‑Britannique, au Nouveau‑Brunswick, à l’Île‑du‑Prince‑Édouard et à Terre‑Neuve‑et‑Labrador.

L’Alberta affiche l’encouragement moyen le plus élevé (117,2 millions de dollars) et arrive au deuxième rang des dépenses en capital moyennes par projet (1,53 milliard de dollars). La Colombie‑Britannique a enregistré les dépenses en capital moyennes par projet les plus élevées, avec 2,01 milliards de dollars. Terre‑Neuve‑et‑Labrador a pour sa part enregistré les dépenses en capital moyennes par projet les moins élevées, avec 9 millions de dollars 

Tableau 3 : Encouragements par province (de 2019 à 2021)

Province

Encouragements ($ US)

% du total des encouragements au Canada

Échantillon de projets

Encouragement moyen par projet ($ US)

Dépenses en capital moyennes par projet ($ US)

Québec

2,35 G$

33,13

341

6,88 M$

29,80 M$

Ontario

2,23 G$

31,44

260

8,57 M$

61,80 M$

Alberta

1,52 G$

21,43

13

117,23 M$

1,53 G$

Colombie-Britannique

558,40 M$

7,87

17

32,85 M$

2,01 G$

Nouvelle-Écosse

184,20 M$

2,60

295

0,62 M$

1,70 M$

Nouveau-Brunswick

86,30 M$

1,22

27

3,20 M$

35,30 M$

Île‑du‑Prince‑Édouard

71,40 M$

1,01

15

4,76 M$

19,20 M$

Saskatchewan

56,50 M$

0,80

5

11,30 M$

130,80 M$

Terre-Neuve-et-Labrador

23,00 M$

0,32

14

1,64 M$

9,00 M$

Manitoba

13,60 M$

0,19

8

1,70 M$

75,60 M$

Combien de programmes existe‑t‑il? 

Le nombre de programmes d’encouragements offerts aux entreprises canadiennes est variable. En effet, certains programmes disparaissent après un certain temps, et de nouveaux programmes sont souvent annoncés en fonction des facteurs économiques dans les différentes régions. Un programme toujours en vigueur peut par ailleurs n’offrir que quelques périodes d’inscription par année.

Vu le grand nombre de programmes et leur durée variable, il est difficile pour les entreprises canadiennes de demeurer au courant des programmes offerts et de respecter les dates limites pour présenter une demande. Il faut y consacrer du temps et des ressources qui seraient plus utiles aux fins de la croissance de l’entreprise.

Au cours de la période de 2019 à 2021, des encouragements ont été versés dans le cadre de divers programmes municipaux, provinciaux et fédéraux. Le tableau 4 indique la répartition entre les prêts/crédits accordés et les subventions. Pour la catégorie « non précisé », les encouragements peuvent avoir pris la forme d’une combinaison de prêts et de subventions ou les détails du projet n’ont pas été rendus publics. 

Tableau 4 : Classement des types d’encouragements au Canada (de 2019 à 2021)

Type d’encouragement

Encouragements ($ US)

Encouragement moyen ($ US)

Échantillon de projets

Non précisé

5,30 G$

10,76 M$

492

Prêt/crédit

2,14 G$

4,79 M$

447

Subvention

439,70 M$

4,78 M$

92

Fiscalité

307,90 M$

5,05 M$

61

Le tableau 5 présente les dix programmes ayant accordé les encouragements les plus importants pendant la période de 2019 à 2021. Le Fonds stratégique pour l’innovation, l’un des trois programmes fédéraux dans ce palmarès, figure en tête de liste avec un total de 3,06 milliards de dollars pour la période de 2019 à 2021, une hausse de 260 % par rapport à la période de cinq ans précédente. De plus, le nombre d’encouragements versés a augmenté de 176 % pour atteindre 55, comparativement à 20 pour la période de 2014 à 2018. Le Programme ESSOR d’Investissement Québec arrive en deuxième place avec 232,9 millions de dollars. Et le programme Croissance économique régionale par l’innovation occupe la troisième place du palmarès.

Tableau 5 : Classement des programmes d’encouragements (de 2019 à 2021)

Programme d’encouragements

Encouragements ($ US)

Encouragement moyen ($ US)

Échantillon de projets

Fonds stratégique pour l’innovation du Canada

3,06 G$

55,57 M$

55

Programme ESSOR d’Investissement Québec

232,90 M$

3,82 M$

61

Programme Croissance économique régionale par l’innovation (CERI) du Canada

141,00 M$

0,79 M$

179

Programme de développement économique du Québec

84,00 M$

0,89 M$

94

Fonds d’encouragement pour à la production télévisuelle et cinématographique et télévisuelle de la Nouvelle‑Écosse

79,00 M$

0,42 M$

189

Programme Innovation Bois du Québec

73,50 M$

9,19 M$

8

Fonds d’investissement stratégique de Nova Scotia Business Inc.

69,40 M$

1,48 M$

47

Investissements dans la transformation de l’industrie forestière – Canada

50,80 M$

7,26 M$

7

Fonds de développement du Sud‑Ouest de l’Ontario

34,20 M$

0,81 M$

42

Fonds d’appui au rayonnement des régions (FARR) du Québec

28,70 M$

9,57 M$

3

Quelle est l’efficacité de la politique en matière d’encouragements?

Le présent rapport porte sur les encouragements discrétionnaires offerts aux entreprises pour établir de nouvelles activités ou pour étendre la portée des activités existantes; il ne tient pas compte des encouragements à pures fins de recherche et de développement (R-D), un élément déterminant de la croissance à long terme pour l’ensemble de l’économie.

Tandis que nous traversons une période de turbulences économiques à l’échelle mondiale, marquée notamment par une récession des marchés, une hausse des taux d’intérêt et un ralentissement des marchés de capital de risque, la mise en place de divers outils de financement gouvernemental et de politiques bien définies est plus importante que jamais pour soutenir l’innovation et l’entrepreneuriat local.

Bien que l’Indice mondial de l’innovation 2022 indique que le secteur canadien de l’innovation arrive au premier rang mondial en ce qui concerne les bénéficiaires de capital de risque, selon le nombre de transactions de capital de risque par milliard de dollars de PIB en fonction de la parité des pouvoirs d’achat, sur une moyenne de trois ans, les dernières activités sur le marché local du capital de risque n’ont pas été encourageantes5.

Selon un récent rapport de l’Association canadienne du capital de risque et d’investissement (CVCA), bien qu’un sommet historique ait été atteint en 2021 pour ce qui est des activités de capital de risque et de capital‑investissement au Canada, sur le plan tant du nombre de transactions que du montant des investissements en dollars, l’année 2022 a été marquée par une baisse de 34 % du total des investissements6.

De manière globale, les activités de capital de risque ont baissé de 35 % par rapport au sommet des investissements enregistré en 20217. Compte tenu de la baisse des activités de capital de risque, le financement octroyé par le gouvernement est plus indispensable que jamais pour la croissance du secteur local de l’innovation, en particulier pour les entreprises en démarrage et en expansion.

La concurrence internationale entre les pays pour attirer les talents et les allocations de R‑D des multinationales a conduit de nombreuses économies à élargir et à diversifier leurs outils de soutien pour attirer les investissements étrangers et encourager l’innovation et l’entrepreneuriat. Bien que le Canada ait appris à mettre en place des mécanismes de soutien il y a des décennies – dans le cadre des activités des programmes de RS&DE et du Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI) –, le pays dispose à l’heure actuelle d’un ensemble relativement limité d’outils de soutien et d’allocations pour les projets de R‑D. Par exemple, parmi les dizaines de programmes de financement disponibles, seuls quelques‑uns apportent un soutien initial aux activités de R‑D, la plupart d’entre eux ciblant des secteurs et des stades de développement très précis.

Avec plus de 45 000 entreprises technologiques en activité au Canada8 et des centaines de nouvelles entreprises créées chaque année, ces fonds pourraient ne pas suffire à soutenir le développement de l’innovation.

Bien qu’il possède l’un des 10 meilleurs écosystèmes pour les entreprises technologiques et les entreprises en démarrage, le Canada se classe au 25e rang mondial pour la croissance des entreprises novatrices (Forum économique mondial 2019)9.En outre, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les dépenses intérieures brutes en R‑D au Canada sont inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE, soit 1,69 % contre 2,68 % (2021), et sont en baisse depuis 2001 (2,02 %), alors que d’autres pays ont augmenté leurs dépenses en R‑D depuis, y compris les États‑Unis, la Chine, Israël, la Corée du Sud, l’Allemagne, la Belgique et l’Autriche10.

D’ailleurs, l’Indice mondial de l’innovation 2022 de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) de l’ONU présente deux autres indicateurs connexes témoignant d’un classement relativement bas11. Les dépenses brutes en R‑D réalisées et financées par les entreprises en pourcentage du PIB se classent respectivement au 28e et au 40e rang de l’indice mondial.

De plus, selon la même source de données, le Canada se situe au 67e rang en matière de flux d’investissement direct étranger en pourcentage du PIB (OMPI 2022)12.Ces indicateurs peuvent être un signe possible pour les décideurs qui travaillent à la création d’une croissance économique axée sur l’innovation dans le pays.

Les données tirées du guide Worldwide R&D Incentives Reference Guide d’EY, publié chaque année, indiquent que le Canada offre une variété d’encouragements et de mesures de soutien aux entreprises locales pour favoriser leur croissance au moyen de divers outils et mécanismes13.Parmi ceux‑ci figurent les subventions et les prêts en espèces, les mesures d’amortissement accéléré des actifs de R‑D, l’abaissement des taux d’intérêt, les crédits d’impôt et les congés fiscaux. Toutefois, il n’existe aucune méthode claire pour évaluer le rendement d’un encouragement et déterminer s’il a effectivement eu les répercussions attendues.

Comme il a été mentionné en 2011 dans le rapport Innovation Canada : Le pouvoir d’agir (aussi connu sous le nom de « rapport Jenkins »), il y a un « manque d’outils adéquats pour effectuer des évaluations de l’efficacité relative des programmes. De ce fait, il n’y a pas assez de données sur lesquelles se fonder pour effectuer une réaffectation régulière et systématique des ressources entre les programmes, de façon à offrir le soutien à l’innovation comportant le meilleur rapport coût‑bénéfice. »

Pour véritablement évaluer l’efficacité des encouragements et, par la suite, évaluer la politique d’innovation dans son ensemble, il est essentiel de mettre en œuvre une approche d’analyse globale, laquelle est plus facilement réalisable si des résultats mesurables sont recensés dès le début des programmes d’encouragements et gérés tout au long de leur cycle de vie. Une telle stratégie structurée et la capacité de mettre en œuvre des étapes clés en fonction des résultats pourraient favoriser la croissance axée sur l’innovation dans le secteur canadien.

Selon nos observations et après avoir passé en revue les politiques d’encouragement des principaux pays qui ont été en mesure de générer des changements et une croissance considérables au fil du temps, il semble que le succès découle d’un effort coordonné entre les diverses parties prenantes, s’articulant autour d’une politique intégrée combinée à des capacités de haute performance.

Par le passé, les gouvernements fédéral et provinciaux ont omis de mettre en place une approche coordonnée pour répondre aux défis du secteur et assurer la prospérité de l’écosystème de l’innovation. À titre d’exemple, il est intéressant d’examiner la politique d’innovation adoptée en Israël – le pays membre de l’OCDE où les dépenses intérieures brutes en R‑D sont les plus élevées –, où les dépenses en R‑D correspondent à 5,44 % du PIB, en hausse depuis 2001 (4,18 %).

En 2016, afin d’assurer le leadership du secteur israélien de l’innovation technologique sur les marchés internationaux, l’Autorité israélienne en matière d’innovation, une toute nouvelle entité légale. Le but était de mettre sur pied une autorité en matière d’innovation dont les activités seraient plus rapides, plus efficaces et plus efficientes. 

Le principe fondamental de l’Autorité israélienne en matière d’innovation repose sur le partenariat entre le gouvernement et les entreprises. Le conseil reflète non seulement le point de vue du gouvernement, mais également celui des entreprises, qui sont le public cible de l’autorité, par l’entremise des représentants publics du secteur au sein du conseil. Cette structure permet d’assurer un encadrement efficace et pertinent des besoins sectoriels ainsi que la promotion des priorités gouvernementales.

Les initiatives comme celle de l’Autorité israélienne en matière d’innovation profitent à plusieurs vecteurs de développement de l’écosystème technologique, notamment le niveau de développement des regroupements et la profondeur de l’écosystème technologique. Selon l’Indice mondial de l’innovation14, bien que le Canada occupe une place élevée dans le palmarès mondial pour le nombre d’ententes de coentreprise et d’alliance stratégique et le nombre d’ententes de collaboration en R‑D entre des universités et des entreprises – soit respectivement les première et neuvièmeplaces –, le Canada se classe au 19e rang mondial sur le plan du développement de regroupements.

La collaboration internationale en R‑D est un facteur clé des investissements en innovation. Le Programme canadien de l’innovation à l’international (PCII) aide les entreprises canadiennes à entreprendre des collaborations internationales en R‑D avec des partenaires étrangers, notamment le Brésil, la Chine, l’Inde, Israël et la Corée du Sud. Toutefois, les budgets sont limités et les appels de propositions sont assez rares. Néanmoins, il est nécessaire d’envisager d’élargir les mécanismes de soutien afin qu’ils permettent d’encourager l’innovation et la collaboration dans l’industrie et avec des partenaires à l’étranger.

De toute évidence, les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada peuvent faire davantage pour encourager le développement d’un écosystème plus vaste, la collaboration et l’amélioration des marchés financiers afin de soutenir l’un des piliers clés de la croissance économique en stimulant l’innovation et la productivité et en accélérant ces processus. Un soutien gouvernemental plus coordonné pour le développement de ces écosystèmes pourrait maintenant voir le jour. Par exemple, un certain nombre de fabricants d’équipement d’origine (FEO) mondiaux du secteur de l’automobile (notamment, Volkswagen, General Motors, Honda, Ford, Stellantis et LG) ont récemment reçu un soutien important de l’Ontario, par l’intermédiaire de son fonds d’investissement, et du gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du Fonds stratégique pour l’innovation, afin d’établir ou d’agrandir leurs installations et usines de fabrication en Ontario. Cette démarche a entraîné la création d’une zone concentrée de capacités élevées de fabrication de pointe et de R‑D dans le sud de l’Ontario, ce qui a donné lieu à la création de milliers d’emplois directs et indirects.

De récentes annonces du gouvernement fédéral laissent aussi présager des changements favorables. Le ministère des Finances du Canada a tout d’abord annoncé, dans le budget de 2022, un examen du programme de RS&DE. Plus précisément, le gouvernement y annonçait son intention d’examiner si des modifications aux critères d’admissibilité étaient justifiées pour améliorer l’efficacité du programme. Le budget de 2022 indiquait également que le gouvernement envisagerait la création d’un régime privilégié de brevets visant à encourager le développement et le maintien de la propriété intellectuelle au Canada. Le budget de 2023 indiquait que l’examen du programme se poursuivait et que les parties prenantes étaient mobilisées dans le cadre du processus d’examen.

De plus, le budget de 2022 présentait pour la première fois le plan du gouvernement visant à établir la Corporation d’innovation du Canada (CIC). Le budget de 2023 a mis en lumière le plan du gouvernement fédéral de présenter un projet de loi visant à créer l’entité et d’instaurer un certain nombre de nouvelles mesures d’encouragement prenant la forme de crédits d’impôt remboursables « verts ». Bien que le processus de mise sur pied puisse sembler lent, cette nouvelle société d’État pourrait être la première étape d’un effort d’encouragement mieux coordonné au Canada.

Dotée d’un budget initial de 2,6 millions de dollars, la CIC a pour mandat d’accroître les dépenses en R‑D des entreprises canadiennes dans tous les secteurs et toutes les régions du Canada et de contribuer à la création de produits et de processus nouveaux et améliorés qui soutiendront la productivité et la croissance des entreprises canadiennes.

En plus d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes de financement et de fournir des services consultatifs, la CIC devrait également intégrer certains programmes de financement clés existants (p. ex., le PARI) et venir compléter d’autres programmes fédéraux, y compris le Fonds stratégique pour l’innovation et les agences de développement régional15 Bien que son mandat ne mentionne pas la coordination avec les programmes provinciaux, il s’agit assurément d’un pas dans la bonne direction pour simplifier et renforcer le contexte des encouragements au Canada.

Il est encourageant de voir que des efforts plus coordonnés commencent à être déployés pour atteindre des objectifs communs qui bonifieront davantage les encouragements. C’est par cette approche plus globale que les chances de relever les défis actuels et à venir, d’atteindre les cibles de croissance et d’accroître la compétitivité se multiplieront.

Grâce à un effort coordonné et à un organisme capable d’entreprendre, de promouvoir et de coordonner des activités horizontales, le Canada pourrait être en mesure de progresser dans l’atteinte de ses objectifs en matière de promotion de l’innovation et de la productivité. Si la CIC peut synchroniser les budgets des programmes d’encouragements fédéraux et les indicateurs de rendement en vue d’optimiser les résultats de ces programmes, le Canada pourrait maximiser la capacité du gouvernement à réaliser une croissance axée sur l’innovation.


Résumé 

Il est difficile d’obtenir des données exhaustives sur les programmes d’encouragements discrétionnaires, étant donné le grand nombre de programmes qui sont élaborés et appliqués par diverses administrations dans différentes régions géographiques.

L’absence historique d’une politique globale et exhaustive dans laquelle des objectifs économiques et/ou socio‑économiques précis sont indiqués et des méthodologies particulières sont appliquées demeure un défi.

Toutefois, les annonces gouvernementales récentes, notamment la création de la CIC, semblent constituer le prélude d’une approche plus coordonnée. 

Le rehaussement de ces capacités devrait ultimement se traduire par un soutien accru à la croissance et à la compétitivité de l’économie canadienne.

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