Ouvriers élaguant et plantant des arbres dans un parc entouré de gratte‑ciel

Comment les entreprises de services financiers peuvent‑elles transformer leurs objectifs de réduction des émissions de carbone en mesures concrètes?


Des plans de décarbonisation crédibles sont essentiels pour réduire les émissions, accroître les solutions climatiques et créer un élan parmi les parties prenantes.


En bref

  • Les institutions financières jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre le changement climatique, et elles doivent se doter de plans de décarbonisation crédibles pour respecter leurs engagements.
  • Les entreprises peuvent suivre quatre étapes principales pour établir un cadre de décarbonisation qui les aidera à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions et à redéfinir le système financier.
  • Les parcours fondés sur la science offrent aux organisations un mécanisme pour réaliser des changements concrets tout en obtenant l’adhésion des clients et d’autres partenaires clés.

La Conférence des Parties à la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) de 2021 tenue à Glasgow, en Écosse, représente un moment charnière de la réponse à la crise climatique. Après les sérieuses mises en garde du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, l’ampleur de la transformation et l’urgence d’agir sautent aux yeux.

Les entreprises de services financiers jouent un rôle de premier plan dans la réponse à la crise climatique. Bon nombre d’entre elles veulent faire preuve de leadership et s’engagent non seulement à éliminer les émissions de GES des champs d’application 1 et 2 associées à leur utilisation d’énergie, mais aussi celles de champ d’application 3 – y compris les émissions « financées » liées aux activités des clients qu’elles financent, assurent ou facilitent, ou dans lesquelles elles investissent.

Soulignons que le secteur financier ne peut faire fi de l’économie plus large dans laquelle il exerce ses activités. Chaque entreprise de services financiers doit déterminer sa propre stratégie de décarbonisation et s’engager envers une variété de parties prenantes, notamment les investisseurs, les clients, les organismes de réglementation et les gouvernements. La clé réside dans la collaboration entre les sphères publiques et privées.

Quelle que soit l’approche choisie par les entreprises de services financiers, la capacité à établir des plans de décarbonisation (PDF) crédibles sera essentielle pour réduire les émissions financées et créer le sentiment d’une mission commune avec les parties prenantes. Pour ce faire, il faudra concilier ces trois impératifs :

  1. fixer des cibles fondées sur la science pour réduire les émissions associées aux activités de financement;
  2. fixer des cibles pour accroître les flux financiers relatifs aux solutions climatiques;
  3. renforcer la confiance dans ces cibles par une planification, une divulgation et des rapports crédibles.

Cet article traite de la façon dont les entreprises de services financiers cherchant à décarboniser l’ensemble de leur empreinte peuvent répondre à ces impératifs. Il présente les incertitudes et les principaux défis auxquels le secteur et les entreprises font actuellement face. Est ensuite décrite une approche pratique en quatre étapes que les entreprises de services financiers peuvent adopter pour concevoir des plans de décarbonisation avant‑gardistes qui les aideront à atteindre les cibles énoncées et surtout, d’apporter les véritables changements économiques requis pour limiter le réchauffement attribuable au changement climatique anthropique à 1,5 °C au‑dessus des niveaux préindustriels.

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Chapter 1

Financial organizations have set themselves a huge task

Many organizations are making ambitious commitments to reduce their financed emissions.

Des entreprises, des institutions financières, des villes et  plus de 130 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour les ramener à zéro émission nette d’ici le milieu du siècle ou prévoient le faire. C’est le principal objectif à long terme, mais la réduction drastique des émissions – surtout par les principaux émetteurs de GES – au cours des années 2020 pour limiter le réchauffement climatique et préserver un climat viable est cruciale.

Face à la pression des investisseurs et des clients et, pour certains, à la perspective d’une réglementation obligatoire, de nombreuses entreprises de services financiers prennent désormais des engagements ambitieux pour réduire leurs émissions financées du champ d’application 3. À ce jour, environ 50 % des principales entreprises de services financiers ont fixé des cibles de zéro émission nette pour 2050.

Cette vague d’ambition est la bienvenue, mais les entreprises de services financiers se retrouvent maintenant devant un défi de taille pour la concrétiser et jouer leur rôle dans la refonte du système financier. Il est indispensable de mobilier des capitaux pour la décarbonisation à plus grande échelle et de développer de nouvelles techniques pour financer la transition. Mais pour chacune des institutions financières, des plans de décarbonisation crédibles constituent l’exigence la plus fondamentale. Les efforts qu’elles ont déployés dans le cadre de la campagne Objectif zéro et leurs alliances et initiatives financières respectives ont fait avancer les choses considérablement, mais elles se heurtent toujours à plusieurs questions de mise en œuvre clés.

  • Où en sommes‑nous maintenant? Les entreprises ont besoin de bases claires leur permettant de faire le suivi de leurs progrès en matière de réduction des émissions des champs d’application 1, 2 et 3. Pour les entreprises de services financiers, les émissions de champ d’application 3, y compris les émissions financées, revêtent une importance cruciale.
  • Dans quelle direction allons‑nous?  Les entreprises de services financiers doivent établir des cibles fondées sur les dernières données scientifiques pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Les plus ambitieuses souhaitent faciliter la transition des secteurs à forte densité en carbone tout en appuyant les solutions climatiques. Pour ce faire, elles doivent évaluer l’adéquation et la crédibilité des plans de transition des contreparties.
  • Comment pouvons‑nous y parvenir? L’élaboration de stratégies de décarbonisation claires qui intègrent des objectifs à moyen et à long terme n’est pas aisée et requiert une gouvernance et des contrôles solides. La haute direction doit également comprendre et accepter les leviers disponibles pour réduire les émissions, tout en adhérant à des principes importants, comme soutenir une transition juste et équitable.
  • À qui devons‑nous le dire? Les entreprises de services financiers doivent déployer des stratégies de communication transparentes et contrôlées afin de présenter leurs plans aux clients, aux investisseurs, aux organismes de réglementation et au personnel si elles souhaitent créer un sentiment de confiance et un élan dans le cadre de l’atteinte de leurs objectifs.

Les cinq à dix prochaines années seront cruciales en matière d’engagements et d’actions. Les émissions de GES doivent être réduites de moitié d’ici 2030 conformément à la cible de zéro émission nette d’ici 2050. Le temps est compté pour la transformation de tous les secteurs de l’économie, bien que les mesures les plus accessibles aient déjà été prises.

Enfin, les entreprises doivent être attentives aux occasions potentielles générées par l’expansion rapide des solutions à faibles émissions de carbone. Auparavant, l’action climatique était vue comme une obligation d’assumer le fardeau de la décarbonisation. Ce paradigme est en train de changer : la transition mondiale donne aux entreprises de services financiers la chance de participer à une révolution en matière d’innovation et de technologies, offrant un potentiel de création de valeur sans précédent.

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Chapter 2

Institutions face complex, urgent challenges

Key hurdles include establishing emission baselines and building science-based strategies.


L’établissement de points de référence pour les émissions : un exercice complexe et subjectif

Il est particulièrement ardu de fixer les périmètres de la propriété des émissions dans l’évaluation de l’empreinte carbone d’une entreprise. Les entreprises de services financiers peuvent avoir du mal à comprendre où se situe le périmètre des émissions dont elles sont responsables, quelles émissions doivent être prises en compte au sein des divers champs d’application et quelles méthodes de quantification elles doivent utiliser ou qui sont requises.

Malheureusement, les données climatiques actuelles dont disposent les entreprises sont souvent incohérentes et, dans la plupart des cas, incomplètes. Lorsque les données réelles sur les GES ne peuvent être recueillies directement auprès des contreparties, elles doivent être estimées sur la base d’approximations telles que les données sur les activités ou les moyennes du secteur.

Elles doivent également examiner les profils d’émissions financées des clients qui sont associés aux activités des clients qu’elles financent, assurent et facilitent ou dans lesquelles elles investissent, et garder en dossier la base des calculs utilisés. Cependant, les méthodes de calcul sont relativement nouvelles. En réponse à la demande de norme mondialement acceptée pour la comptabilisation des GES de la part du secteur, le Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) a récemment élaboré une norme de calcul des émissions financées qui couvre six catégories d’actifs. De plus, les efforts collectifs des entreprises de services financiers par l’entremise des alliances des entreprises de services financiers Net Zéro convoquées par les Nations Unies ont contribué à donner un élan commun pour la mise en place de nouvelles méthodes. Toutefois, des lacunes subsistent et devront être comblées.

Le défi : les parcours de décarbonisation crédibles doivent être ancrés dans la science du climat

Différents scénarios climatiques de référence et divers parcours de transition sont à la disposition des entreprises de services financiers. Cependant, en raison de leur caractère prospectif, chacun repose sur une série d’hypothèses sur la dynamique économique, sociale et environnementale sous‑jacente pour les années à venir. Les entreprises de services financiers doivent choisir parmi une variété d’approches sectorielles et internes. Chacune présente ses avantages et ses limites, et il peut être difficile de savoir laquelle est la plus pertinente pour chaque portefeuille d’actifs ou de prêts, et laquelle permettra de comparer le mieux possible les contreparties.

Pour faire preuve de leadership, les entreprises de services financiers devraient harmoniser leurs objectifs avec ceux de l’Accord de Paris, en utilisant les plus récentes données de la science climatique pour garantir que leurs ambitions sont suffisantes. Une meilleure pratique consiste à utiliser des méthodes comme la Science Based Targets initiative (SBTi) si possible et à appuyer la décarbonisation des secteurs à forte intensité d’émissions ainsi que l’expansion des solutions climatiques. Néanmoins, la plupart des méthodes sont toujours en évolution et sont habituellement applicables à un nombre limité d’institutions financières, selon leurs activités et leurs catégories d’actifs. Par exemple, la SBTi a été affinée et élargie et sa version 2.0 devrait être publiée plus tard cette année.

Le défi : la stratégie est cruciale, mais c’est un exercice périlleux

Le cœur d’une stratégie zéro émission nette efficace réside dans la sélection des leviers de décarbonisation, soit les changements précis dans les façons dont les entreprises de services financiers choisissent les entreprises, les activités et les actifs qu’elles veulent financer et assurer, et dans lesquels elles veulent investir. Cependant, il est très ardu de repérer un nombre suffisant de ces leviers et de les mettre œuvre de manière assez coordonnée, même pour les entreprises les plus ambitieuses, et cela comporte des décisions difficiles. Il n’existe pas de raccourci pour atteindre la cible de zéro émission nette.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi il s’avère complexe de choisir les bons leviers. L’importance fondamentale de réduire substantiellement et tangiblement les émissions au cours de la décennie actuelle en est un exemple. Mentionnons également la nécessité d’aller au‑delà du simple désinvestissement; les entreprises de services financiers favoriseront la décarbonisation dans l’économie réelle seulement si elles s’engagent envers les contreparties à appuyer leur transition vers des émissions réduites. Par ailleurs, il faut augmenter rapidement le flux de capitaux destinés aux clients et aux activités qui fournissent des solutions climatiques. Enfin, les institutions financières doivent équilibrer leurs cibles de zéro émission nette avec les autres objectifs de développement durable et la prise en compte de facteurs sociaux, économiques et politiques plus vastes. Si les efforts de décarbonisation nuisent à la société ou à la prospérité, ils n’obtiendront pas l’aval du public ni d’appui politique.

En raison du besoin de soutien et d’engagement, la communication est un élément crucial de toute stratégie réussie. Pour gagner la confiance et l’adhésion des parties prenantes, les entreprises de services financiers doivent trouver un moyen de communiquer clairement les stratégies de décarbonisation et les principes qui les sous‑tendent à leurs investisseurs, clients et partenaires clés.

Le défi : l’information financière évolue rapidement, mais la convergence est beaucoup plus lente

Les organismes publics et les organismes de réglementation du monde entier travaillent à l’élaboration de solides référentiels d’information non financière. Ceux‑ci comprennent un ensemble d’exigences émergentes sur les plans de transition, qui sont devenus un élément central des lignes directrices du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC). Des organismes de réglementation comme la Financial Conduct Authority du Royaume‑Uni font part maintenant de leur intention de se reporter à ces lignes directrices lorsqu’ils évaluent si l’information financière relative aux changements climatiques communiquée par les entreprises est conforme aux recommandations du GIFCC. Parallèlement, l’Union européenne, qui souhaite renforcer ses réalisations en matière de financement vert, prévoit exiger des plans de transition de toutes les grandes entreprises, notamment les objectifs à court terme et le suivi des progrès.

La transparence étant essentielle à l’atteinte de la cible de zéro émission nette, toute initiative est la bienvenue. Mais si l’alignement s’améliore, la véritable harmonisation ne fait que commencer. Les normes se multiplient encore, les cadres sont toujours en cours d’élaboration, les interprétations diffèrent et les incohérences sont répandues. Dans certains pays, ce sont les forces du marché plutôt que la réglementation qui génèrent le changement. Bon nombre de nouveaux cadres sont également inadaptés aux marchés moins matures. Ces limites posent d’énormes difficultés aux entreprises de services financiers, qui privilégient les données crédibles pour prendre des décisions.

De plus, l’importance d’une information financière claire va dans les deux sens. Les entreprises de services financiers doivent elles‑mêmes être en mesure de communiquer leurs progrès en matière de décarbonisation aux investisseurs et aux autres parties prenantes avec autant de transparence que possible. Pour l’instant, nous sommes loin d’une information relative aux changements climatiques aussi fiable ou utilisable que celle qui figure dans les états financiers de base.

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Chapter 3

Net zero journeys depend on four key steps

An effective framework allows firms to reduce emissions and engage with stakeholders.

Pour les entreprises de services financiers, la nécessité de transformer leurs propres activités tout en redéfinissant l’ensemble de l’économie semble une tâche colossale. Surtout lorsqu’elles doivent s’y attaquer immédiatement. Les PDG doivent « construire l’avion en plein vol ».

Malgré les défis auxquels elles font face, les entreprises peuvent suivre quatre étapes très pratiques pour concevoir des plans de décarbonisation crédibles. L’objectif global consiste à instaurer un cadre qui permet aux entreprises de services financiers de mesurer, de surveiller et de réduire leurs émissions, et de communiquer les progrès aux parties prenantes. Pour mener à bien ces étapes, elles doivent s’appuyer sur un ensemble de principes de conception pragmatiques.

Au sein de l’organisation mondiale EY, c’est ce que nous appelons un cadre de décarbonisation : une approche qui allie des étapes pratiques à la science du climat, permettant aux entreprises de services financiers d’ériger les piliers d’un plan de transition crédible. Les plans de décarbonisation crédibles permettent aux entreprises de renforcer la confiance pour l’atteinte de la cible de zéro émission nette, d’expliquer clairement aux parties prenantes comment elles s’y prendront pour y parvenir et de présenter comment elles créent de la valeur et la protègent. Elles peuvent également aider les gouvernements, les actionnaires et les clients à comprendre les lacunes actuelles et potentielles en matière de financement, et à formuler des réponses adéquates.

Étape 1 – Comprendre vos émissions actuelles

Les entreprises de services financiers ont une compréhension approfondie de leurs bilans et de leurs comptes de profits et pertes. En se familiarisant davantage avec leurs autres émissions de champs d’application 1, 2 et 3, les entreprises doivent mettre en pratique leurs connaissances financières pour cartographier leurs émissions financées de champ d’application 3. Il s’agit du premier pas leur permettant de remplir leur engagement à atteindre la cible de zéro émission nette.

Compte tenu de la complexité des structures et des bilans des entreprises de services financiers, il importe de préciser le périmètre de la propriété des émissions dans les divers secteurs et activités. La participation des unités fonctionnelles à ce processus est indispensable pour permettre l’adhésion et l’engagement des parties prenantes. Une fois que le périmètre est établi, il est impératif de comprendre l’applicabilité des méthodes réelles, estimatives et substitutives ainsi que les données requises qui s’y rapportent. En instaurant les principes de comptabilisation du carbone dès le départ, il sera plus facile de déterminer quelles données peuvent être recueillies auprès des contreparties, celles qui doivent être estimées et si des substitutions sont requises, et quelle méthode employer. Ces principes peuvent être tirés des normes PCAF et des programmes de travail continus des alliances Net Zéro des entreprises de services financiers affiliées à la campagne Objectif zéro.

La documentation et la gouvernance, également essentielles, feront dorénavant l’objet d’un examen minutieux, surtout lorsque les décisions entraînent un changement absolu dans les émissions. Les entreprises de services financiers doivent faire l’inventaire des émissions financées de chaque client et consigner les méthodes de calcul utilisées.

Les données d’entrée et leur disponibilité suscitent toujours un vif débat. Les équipes d’EY ont évalué plus de 150 fournisseurs de données ESG pour ce qui est des obligations d’information existantes. Même dans la comptabilisation du carbone, qui constitue un domaine de référence, les entreprises de services financiers ont le choix entre plusieurs fournisseurs. Les entreprises doivent poser des balises claires pour évaluer les fournisseurs de données, tout en démontrant que ceux qui ont été sélectionnés sont adéquats compte tenu de la nature de leurs activités et qu’ils ont été soumis à une évaluation rigoureuse.

Étape 2 – Élaborer les objectifs et les cibles de décarbonisation

Un aspect central d’un plan de transition crédible est la capacité à rattacher la cible de zéro émission nette aux objectifs du conseil d’administration et aux engagements ESG plus vastes de l’entreprise. Les cibles de zéro émission nette doivent également être communiquées à l’échelle de l’organisation et être représentées dans toutes les priorités stratégiques, tant à l’échelle des fonctions (p. ex., risque et finances) qu’à celle de l’entreprise. Les principales parties prenantes doivent bien comprendre les risques gérés, mais également les possibilités associées à un plan de transition crédible, axé sur ce qui suit :

  • les nouveaux produits et services qui encouragent les comportements écologiques
  • les offres différenciées parmi les offres et les segments de clientèle
  • l’engagement des investisseurs obtenu en démontrant les réelles répercussions économiques
  • la création accrue de valeur pour toutes les parties prenantes

Pour ce faire, les structures de gouvernance doivent être claires et transparentes et ce, à tous les échelons. Pour opérer un réel changement dans l’organisation, il incombe aux figures d’autorité d’instituer des mesures et des indicateurs clés de performance qui favorisent la mise en œuvre. Au sein des entreprises de services financiers de premier plan, ces mesures seront liées aux structures de rémunération.

Parallèlement, ces entreprises doivent accepter le fait qu’elles fixent des cibles en partie hors de leur contrôle. Elles peuvent décider où et quand fournir des services financiers, mais elles ne peuvent influencer directement les actions des gouvernements et des consommateurs ni le rythme de l’innovation. Les entreprises de services financiers doivent émettre des hypothèses claires sur l’évolution de la politique, de la technologie et du comportement public, tout en gardant le cap sur leur propre rôle à titre de facilitateurs des transitions des clients.

Ces facteurs font en sorte que les parcours de décarbonisation doivent absolument être liés à la science du climat. Pour faire preuve de leadership, les entreprises de services financiers doivent envisager d’adhérer à la SBTi. Elles pourront ainsi établir des cibles de réduction des émissions financées à moyen terme (pour 2025 et 2030) et à long terme (pour 2050) alignées sur le parcours de transition choisi, notamment :

  • les cibles descendantes (au niveau des portefeuilles d’actifs ou de prêts)
  • les cibles par secteur et sous‑secteur
  • les cibles liées aux catégories d’actifs ou aux niveaux d’activité
  • les cibles en matière de financement ou de placements verts
     

Étape 3 – Concevoir et mettre en œuvre votre stratégie de décarbonisation

Afin d’établir une stratégie de décarbonisation efficace, les entreprises de services financiers doivent d’abord évaluer si les approches de décarbonisation potentielles sont adéquates pour l’ensemble des activités de leur portefeuille. Elles devraient compiler une liste de leviers potentiels à utiliser dans chaque unité fonctionnelle, secteur et catégorie d’actifs, regroupés en trois sous–groupes :

  1. Comment l’institution peut‑elle participer? Grâce à la prestation de conseils, à la promotion de la cause ou à la gérance des placements, ou en favorisant le recours au capital et à l’assurance à faibles émissions plutôt que les activités à émissions élevées
  2. Quels éléments l’institution peut‑elle exclure? Au moyen de désinvestissements, ou par le retrait de financement, de conseils ou d’assurance?
  3. À quoi l’institution peut‑elle étendre le recours aux solutions climatiques? Par exemple, en offrant davantage de financement ou de placements verts ou d’assurance socialement responsable

Après avoir déterminé les actions potentielles, il convient de les prioriser en fonction de leur incidence sur les émissions, les risques, les coûts et les relations clients. Les entreprises de services financiers pourront ainsi dresser une liste restreinte de leviers réalisables.

Il faudra ensuite calculer et évaluer l’effet de ces leviers par rapport aux cibles à court et à moyen terme présentées dans le plan de décarbonisation. La mise en œuvre des leviers, le suivi de leurs effets et leur réitération doivent être gérés dans les limites de la gouvernance et des cadres instaurés par les entreprises de services financiers. Enfin, il s’ensuivra la publication d’une politique de décarbonisation qui comprend la position de chaque entreprise sur les choix entourant l’engagement et la participation, et qui présente les critères précis du financement et des placements verts et de l’assurance socialement responsables.

Étape 4 – Communiquer votre rendement

La communication et la présentation efficaces d’informations financières sont primordiales pour permettre aux entreprises de services financiers de convaincre les parties prenantes de la crédibilité de leurs stratégies de décarbonisation. L’outil Transition Pathways Initiative (TPI) tient compte de deux facteurs pour évaluer la gestion des émissions et la communication d’informations sur celles‑ci par les entreprises :

  • Processus de gestion de la qualité : s’entend de la gouvernance des émissions de GES ainsi que des risques et possibilités qui y sont associés, de même que de la qualité des cibles de l’entreprise.
  • Performance en matière d’émissions (résultats) : s’entend de l’exposition des entreprises de services financiers aux actifs alignée sur les cibles nationales et internationales, y compris l’Accord de Paris, par rapport aux parcours sectoriels individuels.

La qualité de la gestion et la performance en matière de réduction des émissions sont considérées séparément, car des études montrent que la relation entre ces deux éléments n’est pas nécessairement linéaire. C’est particulièrement vrai dans les services financiers, compte tenu de la disponibilité limitée de données fiables sur les émissions financées. La qualité de la gestion des entreprises de services financiers s’améliorera sans doute rapidement, tandis que la performance en matière de réduction des émissions augmentera plus lentement.

En revanche, la qualité et la transparence de l’information sur la décarbonisation des entreprises de services financiers augmentent généralement au rythme de l’amélioration de la qualité de la gestion. L’analyse comparative par secteur joue un rôle essentiel dans l’évaluation de la performance en matière de réduction des émissions, et souvent, elle repose exclusivement sur l’information communiquée. En 2020, EY a aidé Climate Action 100+ à mettre en place un cadre initial pour consigner et structurer les données nécessaires à l’évaluation des performances des entreprises au chapitre de la transition climatique. Ce cadre permet de déterminer les indicateurs clés de présentation de l’information de l’entreprise, conformément à la méthode d’évaluation des informations publiques de TPI.

Dans l’ensemble, les entreprises de services financiers peuvent susciter la confiance dans leur capacité à réduire les émissions en inscrivant la communication de l’information sur la performance dans le cadre de leurs efforts de communication plus vastes aux parties prenantes de leur stratégie de décarbonisation, des justifications qui la sous‑tendent et des retombées concrètes.

L’avenir en matière de décarbonisation

Malgré le rythme accéléré de la décarbonisation, le rythme actuel du changement ne suffira pas pour permettre aux entreprises de services financiers d’atteindre leurs cibles de zéro émission nette, encore moins pour garder le changement climatique dans des limites acceptables. Des parcours crédibles fondés sur des données scientifiques offrent aux entreprises un mécanisme en vue d’atteindre les objectifs de décarbonisation qu’ils se sont fixés et d’obtenir l’adhésion des parties prenantes à cette approche. Les entreprises de services financiers peuvent réduire leurs émissions au moyen des quatre étapes itératives décrites ci‑dessus :

  • comprendre les émissions financées actuelles
  • élaborer les objectifs et les cibles de décarbonisation
  • concevoir et mettre en œuvre une ou plusieurs stratégies de décarbonisation
  • communiquer la performance en matière de décarbonisation et la stratégie

Pour que cette approche fonctionne, les entreprises de services financiers doivent soutenir leurs efforts au moyen de la culture et l’état d’esprit appropriés. Une solide mission commune est essentielle pour créer et maintenir l’élan, tout comme la volonté de poursuivre les efforts de décarbonisation en dépit des nombreux défis qui y sont associés. Les bases d’un plan de transition réussi doivent reposer sur certains principes de conception pragmatiques.

  • Agissez rapidement : n’attendez pas d’obtenir l’information parfaite ou ne faites pas de plans sur 30 ans. Fixez des cibles à court terme et revoyez continuellement les plans en fonction de l’évolution des données et des normes.
  • Visez des gains réels : ciblez une réduction des émissions concrète, et pas seulement une amélioration du bilan.
  • Respectez la hiérarchie des mesures d’atténuation : évitez de recourir aux compensations d’émissions pour atteindre les cibles de réduction des émissions.
  • Faites preuve de responsabilité : fixez des cibles de réduction d’une juste part des émissions, en fonction de la taille et de l’histoire de chaque entreprise de services financiers.
  • Soyez juste : atteignez la cible de zéro émission nette d’une manière équitable et inclusive qui ne laisse personne de côté.
  • Faites preuve de transparence : communiquez honnêtement et clairement la nécessité d’adopter la meilleure approche possible face à une situation qui évolue rapidement.
  • Favorisez la comparabilité et l’auditabilité : constituez un cadre solide de données et de technologies qui permet aux entreprises de saisir des données de haute qualité au fil du temps.

La cible de zéro émission nette ne constitue pas l’objectif ultime de la lutte contre le changement climatique. Néanmoins, il s’agit d’une cible majeure qui fait partie du long chemin à parcourir pour que notre planète reste viable – et que de nombreuses entreprises de services financiers se sont engagées à l’atteindre. Des plans de décarbonisation crédibles fournissent une feuille de route qui les guidera en ce sens. Toutefois, cela n’est pas suffisant pour se rendre à destination. Les entreprises de services financiers doivent également repérer les obstacles à surmonter et les ressources nécessaires en cours de route, et trouver de nouveaux moyens novateurs de créer des ponts qui leur permettront de terminer leur parcours.

Résumé

Les institutions financières se fixent des objectifs ambitieux pour éliminer non seulement leurs propres émissions, mais aussi celles qui sont liées aux activités de leurs clients. Des plans de décarbonisation crédibles sont essentiels pour concrétiser ces aspirations. Ils permettent aux institutions financières d’établir des objectifs de réduction des émissions fondés sur des données scientifiques, de mettre en œuvre des solutions climatiques à grande échelle et de susciter la confiance et l’enthousiasme des clients, des organismes de réglementation, des investisseurs et des gouvernements. Les entreprises peuvent suivre quatre étapes pratiques, étayées par des principes de conception pragmatiques, pour élaborer des plans de décarbonisation à l’avant‑garde du marché et tracer la voie pour atteindre la cible de zéro émission nette.

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