Priorités actuelles des entreprises d’exploitation de gisements cuivreux
Les dépenses en exploration ont atteint un sommet inégalé en neuf ans de 2,8 G$ US, malgré une baisse de qualité du minerai et la rareté de nouvelles mines
En 2022, les budgets d’exploration cuprifère ont augmenté de 21 % par rapport à l’année précédente pour atteindre 2,8 G$ US, les budgets ayant connu l’augmentation la plus considérable étant ceux d’Amérique latine, en hausse de 34 % pour atteindre 1,2 G$ US. En 2023, les dépenses d’exploration devraient augmenter de 12 % pour atteindre 3,1 G$ US, les activités minières se concentrant sur des actifs établis comme les sites miniers et les projets à un stade avancé plutôt que sur des projets à un stade préliminaire3.
L’Amérique latine continuera d’être la région dominante. Toutefois, la diminution de la teneur en cuivre demeure un enjeu de taille dans la région et entraîne la hausse des coûts d’exploitation. Au Chili, les teneurs ont diminué, passant de 0,72 % en 2012 à 0,63 % en 2021. De même, la teneur moyenne mondiale a chuté, passant de 1,08 % en 2012 à 0,9 % en 2021.
En outre, la rareté de nouvelles mines d’importance devrait avoir une incidence sur la croissance de l’approvisionnement. Entre 2001 et 2010, le nombre de nouvelles mines à l’échelle mondiale s’élevait à 86, comparativement à seulement 19 au cours de la décennie suivante. Cet écart s’explique principalement par la diminution des budgets d’exploration de nouvelles mines, ce qui est susceptible de nuire au portefeuille d’approvisionnement à long terme.
Au cours de la première moitié de 2023, les fusions et acquisitions correspondaient à 87 % de la valeur transactionnelle totale de 2022, pourcentage attribuable à la perspective d’un déficit d’approvisionnement
Bien que le nombre de transactions dans le milieu du cuivre ait diminué, passant de 27 en 2021 à 22 en 2022, la valeur transactionnelle a augmenté de 91 % en 2022 pour atteindre 12,7 G$ US. Au cours du premier semestre de 2023, la valeur des transactions conclues dans le milieu du cuivre a connu une hausse pour s’établir à 11,1 G$ US4. Cette augmentation découle principalement du rôle incontournable du cuivre dans la transition énergétique et des préoccupations relatives à l’approvisionnement en cuivre, sans oublier la rareté de nouvelles mines d’importance en dépit de budgets d’exploration décents.
Parmi les transactions majeures, citons l’acquisition de Turquoise Hill se chiffrant à 3,3 G$ US qu’a réalisée Rio Tinto pour simplifier sa propriété et améliorer les résultats du projet Oyu‑Tolgoi en Mongolie5.
La montée d’enjeux réglementaires et politiques a une incidence sur d’importantes exploitations minières
a. La nouvelle loi sur les redevances minières du Chili vise à dégager des produits de 1,5 G$ US au profit de l’État et établit le fardeau fiscal maximal des grandes sociétés minières à 46,5 %6
L’Amérique latine continue d’évoluer dans un climat d’incertitude réglementaire, une loi sur l’impôt minier ayant été présentée au Chili en mai 2023. La loi met de l’avant un plafond combiné pour le fardeau fiscal de 46,5 % et de 45,5 % à l’intention des exploitants dont la production dépasse respectivement 80 kt ou se situe entre 50 kt et 80 kt de cuivre fin7. De plus, les exploitants miniers seront assujettis à une composante ad valorem de 1 % si leurs ventes annuelles de cuivre dépassent les 50 kt, et les taxes de vente du cuivre seront accrues pour se situer dans la fourchette de 8 % à 26 % de la marge d’exploitation minière à compter du 1er janvier 2024 plutôt que dans la fourchette précédente de 5 % à 14 %8.
Par conséquent, certaines sociétés minières comme Freeport‑McMoRan ont réévalué leurs plans d’investissement au Chili9. Toutefois, le gouvernement s’active auprès des sociétés minières et d’autres parties prenantes pour leur fournir des incitatifs à l’investissement de sorte à compenser l’incertitude et promouvoir les investissements dans la région.
b. L’agitation politique au Pérou et au Panama perturbera l’approvisionnement en cuivre à court terme
Au Pérou, l’ampleur des manifestations a entravé la production de cuivre, entraînant ainsi une hausse des prix. La démission de la présidente Dina Boluarte et la réclamation d’élections anticipées de la part des manifestants ont nui aux exploitations minières et provoqué un ralentissement de la production.
Par exemple, la mine Las Bambas de MMG, d’où provient environ 2 % du cuivre extrait à l’échelle mondiale, a temporairement suspendu sa production en raison de perturbations dans les transports10. De même, à la mine Cerro Verde, Freeport‑McMoRan a diminué l’extraction de minerai de 10 % à 15 % pour ne produire que 350 kt par jour11.
Des manifestations contre la mine Cobre Panamá de First Quantum ont eu lieu après que le gouvernement eut approuvé la délivrance d’un permis à long terme permettant à la société d’exploiter la mine sans consultation publique. La mine a été fermée après que la Cour suprême du Panama eut déclaré le contrat de First Quantum inconstitutionnel, ce qui a provoqué des perturbations de l’offre de la mine, qui représente 1 % de la production mondiale12, 13. Des manifestations de cet ordre pourraient avoir une incidence sur le portefeuille de nouveaux projets au cours des prochaines années.
Prochaines mesures que doivent prendre les entreprises minières pour orienter leur processus de transition
Les sociétés minières doivent mettre l’accent sur les initiatives ESG pour maintenir un bon profil de développement durable global
a. La crise de rareté de l’eau exige des mesures puisqu’environ 66 % des plus grandes mines du monde sont situées dans des pays en pénurie d’eau14
Plusieurs activités minières, dont le traitement des minéraux, le refroidissement de l’équipement et le contrôle des poussières, demandent d’importantes quantités d’eau, ce qui exige d’extraire un volume considérable d’eau des sources locales, exacerbant ainsi la pénurie d’eau ayant déjà lieu.
Plusieurs sociétés minières ont recours à des mesures comme le recyclage et la réutilisation de l’eau, l’aménagement et la planification responsables des mines, l’analyse de l’eau et l’exploitation minière intelligente pour remédier aux problèmes de gestion de l’eau. Par exemple, Rio Tinto a établi une plateforme de données afin de faire preuve de plus de transparence quant à son utilisation de l’eau15.
En outre, des techniques comme le dessalement et la filtration par membranes peuvent également contribuer à réduire la dépendance du secteur minier aux sources d’eau douce.
b. Les principaux acteurs miniers visent à réduire leur empreinte carbone afin de diminuer les émissions de 30 % à 50 % avant 203016
L’électricité et le carburant diesel demeurent deux grandes sources d’émissions opérationnelles pour les sociétés minières et représentent en moyenne respectivement 32 % et 25 % des émissions17. Les entreprises minières cherchent activement à réduire leur empreinte carbone en utilisant de l’électricité à faibles émissions de carbone et des carburants de remplacement.
Plusieurs sociétés minières établissent des sources d’énergie renouvelable pour alimenter leur exploitation. Par exemple, Teck a clôturé un accord avec AES Corporation pour fournir 100 % d’énergie renouvelable à la mine de cuivre Quebrada Blanca, nouvellement agrandie et située au Chili, et ce, à compter de 202518.
Certaines entreprises minières se tournent vers des sources de carburant de remplacement, notamment Rio Tinto, qui a fait l’essai du diesel renouvelable dans ses camions de transport en vue de réduire l’empreinte environnementale de son parc19.
En outre, les entreprises minières songent à électrifier leur parc automobile et leur matériel afin de diminuer leurs émissions de carbone. Par exemple, Glencore s’est associée à Epiroc pour livrer 23 camions de transport et du matériel mobile à batterie électrique à la mine de nickel et de cuivre Onaping Depth au Canada20.
c. La recrudescence des violations des droits de la personne en RDC21 exige des mesures de plus en plus urgentes de la part des sociétés minières et des gouvernements
La République démocratique du Congo (RDC), l’un des cinq premiers producteurs de cuivre à l’échelle mondiale, représentait 10 % de la production minière mondiale en 2022 et ses réserves de cuivre se classent au septième rang mondial22, 23.
Des violations des droits de la personne y ont été rapportées, faisant ressortir la nécessité de se pencher sur ces enjeux. Par exemple, en juillet 2023, le gouvernement de la RDC a annulé les droits d’exploitation de 29 entreprises minières en raison d’un manque de conformité à des mesures sociales et environnementales24.
Les sociétés minières doivent protéger les droits de la personne en renforçant leur culture interne, de sorte à créer des milieux de travail sécuritaires et inclusifs.
d. Les produits durables gagneront du terrain, d’autant plus qu’on s’attend à ce que la demande liée à la transition énergétique triple d’ici 203025
À l’heure actuelle, 32 % du cuivre utilisé par année provient du recyclage26. Théoriquement, le cuivre est complètement récupérable, mais le taux de recyclage réel est de 46 %, car il est complexe d’extraire le cuivre de certains produits comme les déchets électroniques27.
Les entreprises réalisent de nouveaux investissements pour accroître l’extraction de ressources à même les déchets. Par exemple, Hindalco a annoncé un investissement de 240 M$ US pour l’établissement d’une installation de recyclage du cuivre et des déchets électroniques28.
À une époque où la demande de cuivre durable augmente, les entreprises lancent des produits à faibles émissions de carbone. Par exemple, la société minière européenne Boliden a lancé des produits de cuivre à faibles émissions de carbone et a déclaré que le métal a été produit en émettant moins de 1,5 kg de CO2 par kilogramme de cuivre, ce qui représente environ 38 % moins d’émissions que le taux d’émission mondial moyen pour le cuivre29.
En perspective, l’absence d’une définition universelle du cuivre vert, la facturation de suppléments et les limites dans la comptabilisation et la déclaration de l’empreinte carbone d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur demeurent des enjeux de taille.
Les sociétés d’exploitation de gisements cuivreux adopteront de plus en plus de directives d’exploitation minière responsable afin de répondre aux objectifs de développement durable
À mesure que le cuivre gagne en popularité grâce à la transition énergétique, les sociétés minières sont de plus en plus tenues d’améliorer leurs pratiques de présentation de l’information ESG. Les membres de l’International Copper Association (ICA) adhèrent principalement aux normes de la Global Reporting Initiative (GRI) pour présenter leurs données ESG.
En 2019, l’ICA a mis en œuvre The Copper Mark, système de certification de la production de cuivre responsable. À l’heure actuelle, plus de 25 % du cuivre extrait à l’échelle mondiale est produit par des mines respectant les normes du Copper Mark30.