Amoncellement de bouts de tiges de cuivre

Comment les sociétés d’exploitation de gisements cuivreux peuvent répondre à la demande à long terme

Auteur : Ron Butler, leader, Mines et métaux, EY États–Unis, et associé directeur, Arizona

L’offre de cuivre peine à suivre la demande accrue. Cette matière joue pourtant un rôle crucial dans la transition énergétique.


En bref

  • Les sociétés d’exploitation de gisements cuivreux investissent dans l’exploration, l’expansion et le développement durable pour la réussite à long terme.
  • Un cadre axé sur le développement durable est une priorité pour repenser les modèles d’affaires du secteur minier.
  • Les sociétés minières se tournent vers les innovations numériques et électriques ainsi que vers la collaboration pour favoriser la résilience.

Le cuivre, un des métaux les plus importants de la transition énergétique, retient l’attention non seulement dans le secteur minier, mais aussi dans la société et parmi les décideurs. La transition vers la mobilité électrique et les énergies renouvelables est la principale source de la demande accrue en cuivre. Malgré cela, l’offre demeure au ralenti en raison du sous–investissement dans le secteur du cuivre qui a prévalu au cours de la dernière décennie et qui s’est traduit par une faible croissance du volume de projets en réserve.

Toutefois, la remontée du prix du cuivre en 2020–2021 combinée à une demande qui s’annonce forte ont mené à l’avancement de projets clés, notamment en Amérique du Sud. Les retards dans les projets d’expansion causés par la crise de l’énergie, la hausse des coûts d’exploitation et l’incertitude géopolitique devraient s’atténuer en 2022 grâce à l’attention accrue que les sociétés minières portent à l’affectation des capitaux dans les projets. Malgré une nouvelle croissance de l’offre à court terme, le sous–investissement dans le volume de projets en réserve signifie que l’offre peinera à répondre à la demande accrue provenant de la transition énergétique.

Le développement durable reste la principale priorité des sociétés minières. qui investissent pour atteindre des cibles ESG ambitieuses et se conformer aux dispositions réglementaires contraignantes que leur imposent les gouvernements. Les investissements révèlent que de 2018 à 2020, la valeur des actifs totaux des portefeuilles d’investissement axés sur le développement durable dans les principaux marchés d’Europe, des États–Unis, du Japon, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle–Zélande a augmenté de 15 %, pour atteindre environ 35 T$ US, et 82 % de ces portefeuilles sont basés en Europe et aux États–Unis¹.

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Chapitre 1

Tendances actuelles

L’exploration, l’expansion et le développement durable sont des priorités pour les sociétés d’exploitation de gisements cuivreux.

Hausse des activités d’exploration et d’expansion

En 2021, le budget général de l’exploration cuprifère a atteint les niveaux prépandémiques à environ 2,31 G$ US, en hausse de 32 % par rapport à l’année précédente. Cette hausse découle probablement des liquidités élevées à la disposition des sociétés minières, les prix du cuivre étant à des niveaux inégalés d’en moyenne 9 741 $ US la tonne2.

 

Les activités d’expansion minière se sont accrues en 2021 à la suite d’annonces importantes au Chili, en Indonésie et en Mongolie qui ajouteront trois millions de tonnes au cours des quatre prochaines années. La plupart des sociétés minières continuent d’affecter une grande part de leur budget à l’expansion de mines existantes, tandis que la part affectée aux nouvelles mines était de 34 % en 20213. Au cours de la dernière décennie, 19 nouvelles mines ont été découvertes, mais seules trois l’ont été dans le cinq dernières années, ce qui n’a ajouté que 5,6 millions de tonnes à l’ensemble de la production4. L’Amérique latine demeure la région où a eu lieu le plus grand nombre de découvertes; cependant, au cours de la dernière décennie, les nouveaux approvisionnements proviennent davantage de l’Afrique et de l’Asie. Notamment, de 2012 à 2021, environ 56 % de l’approvisionnement des 10 principaux gisements découverts provenaient de la mine de Kamoa–Kakula (République démocratique du Congo) en 2014 et de la mine Onto (Indonésie) en 20135.

 

Tandis que la qualité du minerai extrait se détériore, les sociétés minières augmentent leurs investissements dans l’exploitation de gisements souterrains, de façon à accroître leur production, et dans d’autres technologies pour améliorer la récupération, notamment dans des techniques de lixiviation améliorées. Bien qu’elle engendre des coûts plus élevés, l’exploitation de gisements souterrains génère de la valeur à long terme pour la plupart des sociétés minières (et prolonge souvent la vie d’une ancienne mine à ciel ouvert). Certaines grandes sociétés cuprifères parviennent à accroître leur production en ciblant de façon proactive ces réserves de cuivre.

 

Priorité aux initiatives ESG

Selon le rapport d’EY de 2021 sur le risque d’entreprise, les questions ESG et la décarbonisation demeurent les principaux risques pour les sociétés minières6. Plusieurs sociétés d’exploitation de gisements cuivreux ont fixé des cibles ambitieuses pour atteindre la carboneutralité. Par exemple, Antofagasta prévoit réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) des champs d’application 1 et 2 de 30 % d’ici 2025 par rapport aux émissions de 2020, et d’atteindre la carboneutralité d’ici 20507.

 

Une analyse sur le développement durable dans les grandes sociétés minières, réalisée dans la dernière année, révèle que l’accent a été mis principalement sur l’adoption de technologies et de solutions novatrices pour tenir compte des changements climatiques et du développement durable ainsi que sur les investissements dans le développement des collectivités se trouvant dans les régions minières et dans les environs. Toutefois, il reste place à l’amélioration en matière de santé, de sécurité, de diversité et d’inclusion dans les activités minières. La gestion de l’eau et la biodiversité sont les priorités suivantes en matière de production responsable.

Demande de cuivre écologique

Les sociétés d’exploitation de gisements cuivreux prennent désormais en compte l’incidence des initiatives écologiques visant à réduire les émissions à chacune des étapes de la chaîne de valeur. Comme les consommateurs finaux sont soumis à une pression accrue pour déclarer et réduire les émissions du champ d’application 3, on s’attend de plus en plus à ce que les approvisionnements en cuivre proviennent d’une exploitation à faibles émissions de carbone. La hausse de la demande en produits durables de la part des consommateurs finaux pousse les sociétés minières à se tourner davantage vers des techniques de production durables, d’où la nécessité pour elles d’améliorer l’efficacité de leurs processus et d’électrifier leurs activités minières.

Les sociétés minières mettent l’accent sur les nouvelles technologies pour produire du cuivre de façon durable. Par exemple, BHP a recours à l’analyse de données pour réduire les émissions de la chaîne d’approvisionnement du cuivre. En parallèle, les recycleurs de métaux s’efforcent aussi de trouver des techniques pour optimiser l’utilisation des déchets. Par exemple, le recycleur de cuivre Aurubis utilise les déchets de cuivre, les déchets électroniques et des résidus comme intrants pour ses processus de transformation, de fonderie et de raffinage dans son usine de Lunen8.

Les consommateurs finaux, particulièrement ceux du secteur des véhicules électriques, favorisent de plus en plus le cuivre ayant une faible empreinte carbone. Cependant, la prime à payer pour obtenir du cuivre écologique est une tout autre affaire. La parité dans les prix du cuivre traditionnel et du cuivre écologique sera cruciale pour déterminer l’incitatif nécessaire aux sociétés minières et aux fonderies pour produire du cuivre écologique.

Incertitude géopolitique et pénurie de ressources

Les modifications aux taxes sur les redevances en Amérique latine s’ajoutent à l’incertitude sur le cadre réglementaire dans cette région. Le gouvernement du Chili envisage une version amendée d’un projet de loi de 2021 visant à imposer une taxe de vente de 1 % pour les sociétés d’exploitation de gisements cuivreux qui produisent moins de 200 kilotonnes par année et allant jusqu’à 3 % pour celles qui dépassent ce seuil. Cependant, les sociétés produisant moins de 50 kilotonnes par année sont exemptées de cette taxe. Selon le même principe, au Pérou, des modifications fiscales et des manifestations dans les collectivités locales ont eu une incidence sur la production des principales mines de cette région. Ces situations auront vraisemblablement une incidence sur le volume de projets en réserve dans les prochaines années9.

La consommation d’eau douce est une autre grande préoccupation pour les mines de cuivre, particulièrement au Chili, au Pérou et dans le sud–ouest des États–Unis. Les sociétés investissent dans les technologies de dessalement pour réduire la consommation d’eau douce ainsi que dans les droits relatifs à l’eau et les mesures de réutilisation de l’eau pour réduire la pression sur les réserves d’eau.

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Chapitre 2

Prochaines étapes

Les sociétés minières s’inspirent des cadres axés sur le développement durable, comme The Copper Mark, pour se préparer à l’avenir du secteur.

Repenser les modèles d’affaires

Pour aider l’industrie minière à surmonter les défis de développement durable qui se présentent, l’International Copper Association (ICA) a commencé la mise en œuvre de plusieurs initiatives en harmonie avec les objectifs de développement durable des Nations unies. En 2019, l’ICA a mis en œuvre The Copper Mark, système de certification de la production de cuivre responsable. Ce système vise à évaluer la performance des sociétés minières en fonction de divers paramètres de développement durable, ainsi qu’à aider les investisseurs à prendre des décisions éclairées dans le cadre de leurs activités de production de cuivre responsable. L’adoption de ce système n’a pas abouti à la mise au point d’une nouvelle norme spécifique pour le secteur du cuivre. Ce système, qui s’appuie plutôt sur les normes sectorielles déjà en place, a favorisé l’établissement d’un processus de certification crédible pour les sociétés minières10.

L’ICA s’efforce également de promouvoir le recours aux technologies novatrices dans l’exploitation minière, lesquelles amélioreront non seulement l’efficacité, mais aussi la sécurité des travailleurs. Par exemple, l’utilisation de la robotique et de véhicules automatisés pour les tâches plus risquées de même que de l’intelligence artificielle (IA) pour faire le suivi des défaillances de l’équipement aidera grandement à rehausser les normes de sécurité dans les mines de cuivre11.

Principes The Copper Mark à l’appui des activités minières durables

Planète

Bénéfices

Gens

  • Émissions et consommation d’énergie
  • Gestion des déchets et de l’eau
  • Fermeture de mines et réclamations
  • Gestion de la biodiversité
  • Sociétés minières
  • Partenaires de la chaîne d’approvisionnement
  • Investisseurs
  • Consommateurs finaux
  • Droits des travailleurs
  • Égalité femmes-hommes
  • Santé et sécurité au travail
  • Développement communautaire

Source : ICA, analyse d’EY Knowledge

L’évaluation des sociétés minières repose sur l’application d’un ensemble de critères d’évaluation de la production responsable qui sont conformes aux normes sectorielles définies pour évaluer des initiatives minières responsables selon leur degré de préparation aux risques. Cette évaluation porte sur cinq dimensions : l’environnement, la gouvernance, la collectivité, l’entreprise et les droits de la personne ainsi que la main d’œuvre. Ces dimensions font l’objet de 32 normes différentes. Pour obtenir la certification The Copper Mark, les sites de production de cuivre doivent parfaitement respecter l’ensemble de ces normes. N’importe quelle mine, fonderie ou raffinerie de cuivre peut faire l’objet d’une demande de certification The Copper Mark. Les parties prenantes, notamment les courtiers et les utilisateurs finaux, peuvent également prendre part au processus de certification. C’est ainsi qu’il est possible d’obtenir un cadre d’évaluation globale de tous les partenaires ayant un rôle à jouer dans la chaîne de valeur12.

Plusieurs sociétés minières ont déjà obtenu la certification The Copper Mark pour la production responsable sur leurs sites miniers. Par exemple, les mines Escondida et Spence de BHP au Chili, ainsi que la mine Olympic Dam en Australie, ont reçu la certification The Copper Mark en novembre 202113. La société Codelco s’est engagée à faire participer tous ses sites dans ce cadre d’ici la fin de 202314.

La popularité grandissante des véhicules électriques et la transition vers les énergies renouvelables appuient la demande à long terme

Le passage aux véhicules électriques et les infrastructures de recharge connexes continueront de favoriser la demande de cuivre; il faut environ trois fois plus de cuivre pour produire un véhicule électrique que pour fabriquer un véhicule à moteur à combustion interne classique. Une transition vers les énergies renouvelables favorisera aussi la demande en matière de capacité générale d’installation. Les besoins en cuivre d’une installation photovoltaïque sont de 4 tonnes de cuivre par mégawatt, soit de deux à cinq fois les besoins en cuivre d’une installation de production d’électricité au charbon ou au mazout, ce qui vient encore s’ajouter aux niveaux de consommation15.

La Chine a accéléré ses investissements dans les énergies renouvelables au cours de la dernière décennie. En 2021, les installations liées aux énergies renouvelables ont atteint une capacité de 1 063 gigawatts, soit environ 45 % de la capacité du pays en production d’électricité. Les nouvelles installations ont atteint une capacité de 134 gigawatts, soit environ 76 % de la capacité des nouvelles installations réalisées en 2021. Au début de 2022, les responsables du réseau d’état chinois ont annoncé un budget inégalé de plus 74,5 milliards de dollars américains pour les infrastructures énergétiques, ce qui correspond à la moitié de la consommation en cuivre du pays et qui alimentera davantage la demande de cuivre dans les prochaines années16.

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Chapitre 3

Qu’est‑ce qui déterminera la résilience des entreprises?

Les sociétés minières se tournent désormais vers les innovations numériques et électriques pour faire progresser leur entreprise.

Pour améliorer leurs résultats, les sociétés minières se tournent dorénavant vers les innovations numériques et électriques.

Le cuivre est essentiel pour réussir la transition vers un avenir propre, écologique et durable. Cependant, ce besoin est paradoxal puisque la production de cuivre nécessaire à une société écologique en matière d’énergie doit être augmentée sans pour autant nuire à l’environnement. Il faudra un bond dans l’innovation technologique pour que l’extraction de minerai connu, complexe et de moindre qualité soit effectuée de manière durable sur le plan de l’environnement et économique. La transformation numérique et l’électrification des mines joueront probablement un grand rôle dans le dégagement de valeur à long terme.

Intensification de la collaboration avec les fournisseurs d’équipement, de technologies et de services miniers

Les fournisseurs d’équipement, de technologies et de services miniers jouent un rôle crucial pour aider les sociétés minières à relever divers défis en matière de développement durable. Les sociétés minières ont intensifié leurs efforts de collaboration avec ces fournisseurs, de façon à pouvoir procéder à la transformation numérique et à l’automatisation de leurs activités, de sorte que les améliorations en matière de surveillance et d’efficacité s’en trouvent facilitées. Cette collaboration devient un levier crucial dans la réduction des coûts d’entretien et l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs sur les sites miniers.

Par exemple, Codelco a annoncé une entente avec Sandvik pour adopter l’analytique prédictive et des chargeuses entièrement automatiques pour ses activités dans les mines souterraines. La société collabore aussi avec Uptake pour créer et mettre en place un système fondé sur l’intelligence artificielle pour la gestion et la maintenance prédictive de la plupart de ses infrastructures17.

Le rôle essentiel de l’électrification des mines dans la mise en œuvre de la feuille de route technologique

L’électrification des mines peut aider les sociétés minières dans leur transition vers l’utilisation d’énergie verte, tandis qu’elles cherchent à réduire leurs coûts, accroître leur efficacité énergétique et maintenir leurs permis d’exploitation. D’ici 2028, la valeur du marché des véhicules électriques dans les activités minières mondiales devrait atteindre 9 milliards de dollars18. La volonté continue des parties prenantes de réduire les niveaux d’émissions pousse les sociétés minières à se tourner vers l’électrification. Dans la foulée, les sociétés minières adoptent des sources d’énergie plus propres dans leurs équipements et intègrent des technologies renouvelables pour alimenter les sites d’extraction. En plus de réduire les émissions de GES, l’électrification peut améliorer la sécurité des employés, car elle élimine le bruit, les vibrations, la chaleur excessive et les gaz d’échappement et crée ainsi de meilleures conditions de travail sur les sites miniers.


Résumé

L’accent accru sur la transition énergétique et le développement durable devrait soutenir une demande élevée de cuivre pour la prochaine décennie, voire plus longtemps. Les activités d’exploration continuent de s’intensifier, mais devront être soutenues par la hausse des prix du cuivre. Le développement durable demeurera la priorité pour les sociétés minières au fur et à mesure de leur progression vers la carboneutralité. L’adoption de technologies nouvelles et novatrices parallèlement à une augmentation des niveaux de l’offre faciliterait la transition vers des activités durables et renforcerait la concurrence à long terme.

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