Couchage et oreillers d’un sans-abri, sous un pont

Comment exploiter les données de façon à prévenir l’itinérance?

Grâce à une nouvelle approche centrée sur les données, les administrations publiques pourraient prévenir activement l’itinérance, au lieu de se contenter d’y réagir.


En bref

  • Même avant la pandémie de COVID‑19 et le contexte d’incertitude économique actuel, les autorités de divers pays luttaient difficilement contre ce phénomène dont elles présumaient la pérennité.
  • Le conseil municipal de Maidstone, au Royaume‑Uni, a démontré qu’une meilleure utilisation des données et ressources disponibles, dans un contexte où la modélisation prédictive et l’analytique sont mises à contribution, peut soutenir les efforts de prévention de l’itinérance.
  • La mise en place d’un filet de sécurité sociale intelligent reposant sur l’exploitation des technologies rend possible la transformation des modalités de prestation des services sociaux par les autorités publiques.

Dans le monde entier, l’itinérance représente un défi de longue date qui a pris des proportions épidémiques, même avant d’être exacerbée par la pandémie de COVID 19. Bien que de nombreux pays se soient dotés de programmes de lutte contre ce problème semblant insoluble, peu d’entre eux (voire aucun) en ont fait une priorité, comme il le faudrait. Nous savons — d’expérience que l’accès à des logements adéquats joue un rôle déterminant dans l’amélioration des conditions de santé et de bien être individuelles en général, tout en contribuant à la réalisation de progrès sociaux significatifs, ce que des recherches ont d’ailleurs corroboré.

Outre les graves dimensions morales et économiques qui s’y rattachent, l’itinérance constitue un enjeu de santé publique. Il est essentiel de souligner que l’accès au logement est l’une des principales composantes des déterminants sociaux de la santé. Qui plus est, bon nombre d’experts en la matière soutiennent que l’accès à un logement adéquat est le plus important de tous ces facteurs, car les personnes en situation d’itinérance peuvent difficilement bénéficier de toute la panoplie des services de santé dont elles sont susceptibles d’avoir besoin. Les intervenants sociaux et les experts en la matière établissent souvent une corrélation entre l’accès au logement et l’accès aux soins de santé.

De nombreuses raisons complexes font que les solutions durables au phénomène de l’itinérance échappent encore tant aux pays en voie de développement qu’aux pays développés : une exploitation ou une diffusion inadéquate des données disponibles, une utilisation déficiente des ressources en place ou la méconnaissance des énormes retombées positives pouvant découler de l’élimination de ce problème persistant. Le plus inquiétant peut-être, c’est que, trop souvent, les approches adoptées par les autorités publiques et les organismes d’intervention reposent sur une fausse prémisse, à savoir que l’itinérance est une fatalité. De toute évidence, il n’y a pas de solutions simples.

Toutefois, plus que jamais, les organismes de services sociaux ont maintenant la possibilité de repenser la façon dont ils s’attaquent au défi de l’itinérance. Partout autour de nous, nous constatons que les technologies ont un effet de disruption dans d’autres secteurs d’activité, qu’elles transforment. Qu’adviendrait il si les organismes d’intervention sociale s’appuyaient sur des technologies permettant d’aller au delà des stratégies de réaction ponctuelle aux crises en place dans la plupart des pays? Pourraient‑ils appliquer une approche plus prometteuse, durable et stratégique, une approche résolument axée sur le déploiement d’initiatives d’intervention et de prévention anticipées?

a mother watches her child in the park
1

Chapter 1

Heading in the wrong direction

The global homelessness challenge is growing. Governments need to change their approach.

L’itinérance est une réalité avec laquelle pratiquement tous les pays doivent composer, quel que soit le type de gouvernement en place, ou encore l’environnement socioéconomique ou culturel dans lequel baigne leur population. À l’issue de leur plus récent sondage mondial, qui remonte à 2005, les Nations Unies ont estimé que 100 millions de personnes étaient absolument sans abri. Plus récemment, en 2015, des experts ont estimé qu’à l’échelle mondiale, elles étaient plus de 150 millions de personnes à se trouver dans une pareille situation, sans compter le 1,6 milliard de mal logés et les 15 millions de délogés de force que l’on recense chaque année.

Homelessness worldwide
people had no home in 2015.

Les chiffres réels sont presque assurément plus élevés. Il a toujours été très difficile de dénombrer avec précision la population des sans domicile fixe (SDF), et les répercussions socioéconomiques de la pandémie de COVID‑19 auront inévitablement entraîné une augmentation de cette population. Qui plus est, il n’y a pas de définition standard de ce qu’est une personne sans domicile fixe, sans abri ou en situation d’itinérance. Les administrations publiques sont souvent portées à minimiser la prévalence et les répercussions du problème, et de nombreuses personnes en situation d’itinérance sont réfractaires à l’idée de se faire recenser, s’il arrive qu’ils en aient la possibilité1.

Les autorités publiques et les organismes de services sociaux doivent faire davantage pour surmonter la longue liste des problèmes sociaux qui sont à l’origine de l’itinérance ou qui y contribuent, à savoir la pauvreté et le chômage, l’éclatement des familles, l’inadéquation des services et installations destinés aux personnes atteintes de maladies mentales, l’alcoolisme ou l’abus de substances, entre autres.

De nombreuses administrations publiques du monde cherchent clairement à réduire le niveau d’itinérance prévalant dans leur pays, mais les approches qu’elles appliquent varient grandement. L’année dernière, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié un rapport de synthèse sur les constatations tirées des sondages sur les logements sociaux et abordables (document PDF) qu’elle a menés en 2016, en 2019 et en 2021. Des 45 pays visés par ces sondages, 21 ont déclaré s’être dotés de stratégies nationales de lutte active contre l’itinérance, tandis que 7 ont déclaré avoir mis en œuvre des stratégies régionales ou locales. Il est décevant que 18 pays soient dépourvus de toute stratégie du genre. 

Bien qu’il soit encourageant de constater que de nombreux pays prennent diverses mesures pour réduire les répercussions découlant de l’itinérance, il apparaît toujours clairement que les lignes de tendance vont dans la mauvaise direction. C’est pourquoi nous croyons nécessaire de trouver des réponses à quelques questions additionnelles :

  • Les programmes de dépenses et d’utilisation des ressources mis en place par les autorités publiques, les organismes gouvernementaux et les organisations non gouvernementales (ONG) reposent ils sur une vision à long terme ou sont-ils plutôt axés sur des tactiques au jour le jour?
  • Exploitent‑ils efficacement les données et technologies disponibles de façon à permettre l’obtention d’une vision globale, dans une optique d’anticipation des problèmes?
Man receiving CSA box from volunteer at community garden
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Chapter 2

Progressing from reaction to prevention

Governments can employ data and analytics to address homelessness before it starts.

Les autorités publiques, les organismes gouvernementaux, les ONG et les entités connexes ont l’habitude d’amasser d’énormes volumes de données portant sur un grand éventail de services médicaux et sociaux. Trop souvent, il s’agit de données exploitées en vase clos, aux fins de programmes et de secteurs compartimentés, ce qui pose problème. C’est le cas même s’il se dégage un large consensus quant aux retombées positives ‑ en termes de coordination des soins, de réduction des coûts et, surtout, d’amélioration des résultats ‑ que la normalisation des échanges d’informations pertinentes permettrait de générer.

Il est donc essentiel de faire en sorte que les différents systèmes utilisés par les nombreuses organisations puissent échanger leurs données en toute sécurité. La bonne nouvelle, c’est que des projets axés sur l’interopérabilité des systèmes et les échanges de données sont déjà en place dans bien des pays, la plupart de ces projets étant orientés vers le secteur des soins de santé et les secteurs connexes. Le moment est venu d’accorder la priorité aux échanges d’informations pouvant être exploitées pour soutenir les itinérants.

Pour fournir un soutien efficace à l’accès à de meilleurs logements, les autorités publiques doivent déterminer quels sont les facteurs particuliers qui conduisent une personne ou une famille à l’itinérance, puis, de concert avec les organismes de services de santé et de services sociaux, s’attaquer aux problèmes qui s’ensuivent en appliquant une approche globale centrée sur la personne. En exploitant les données, et surtout les informations puissantes qui en découlent, elles peuvent accomplir cette tâche apparemment insurmontable. Plus précisément, elles peuvent tirer parti des données recueillies pour prendre connaissance non seulement des moyens efficaces pour remédier à l’itinérance, mais aussi des stratégies de prévention à déployer.

Comment l’analyse de données a permis de réduire l’itinérance de 40 %

À Maidstone, en Angleterre, lorsque le taux d’itinérance a grimpé de 58 % en cinq ans à peine, le conseil municipal a décidé de privilégier l’acquisition de capacités d’intervention et de prévention précoces, plutôt que l’application d’une stratégie d’intervention en cas de crises. En collaboration avec les équipes d’EY et Xantura, notre partenaire dans le secteur des technologies au Royaume‑Uni, il a créé et mis en œuvre OneView, un outil d’exploitation des données qui lui permet de s’attaquer aux défis en suivant une démarche novatrice.

Plus particulièrement, grâce aux capacités d’analyse prédictive et de génération automatique de texte en langage naturel de cet outil, les organismes d’intervention présents à Maidstone ont pu mettre en commun leurs données pour identifier les résidents à risque de tomber dans l’itinérance, puis intervenir avant que ceux‑ci se retrouvent à vivre dans la rue. Au cours de la première année de réalisation du projet pilote, une centaine de ménages ont pu éviter une telle situation, et ce, même dans le contexte de l’éclosion, puis de l’expansion, de la pandémie de COVID‑19. Finalement, le taux global d’itinérance de la ville a chuté de 40 %.

Cette initiative avant-gardiste a généré d’autres avantages importants :

  • Des économies de dépenses sociétales globales de l’ordre de 2,5 millions de livres sterling ont été générées, tandis que le taux de rendement des investissements engagés par la Ville, qui s’établit à 192 %, pourrait s’élever à 660 % lorsque l’initiative aura été complètement déployée.
  • Elle a permis de retrancher 61 jours de travail du temps nécessaire à l’exécution des tâches administratives, si bien que les travailleurs de première ligne peuvent désormais consacrer une plus grande partie de leur emploi du temps au soutien direct des personnes qui ont besoin de leurs services; et on estime qu’une fois que cet outil sera complètement déployé, ce chiffre pourrait grimper à 160 jours.
  • Plus de 15 fichiers de données ont pu être regroupés, ce qui a permis d’obtenir un profil beaucoup plus complet des personnes vulnérables, ainsi que de renforcer la collaboration entre les différents organismes d’intervention sociale.

Bien que les résultats découlant de cette initiative rendent compte des réalisations possibles, il importe de reconnaître que l’application d’une approche universelle s’avère inefficace. Pour déterminer comment elles peuvent anticiper leurs problèmes en matière d’itinérance, les autorités publiques doivent s’attaquer à toute une panoplie de défis, dont certains se rattachent à leur situation particulière, tandis que d’autres sont des défis auxquels font face beaucoup d’entre elles, voire la plupart.

Il y a néanmoins diverses mesures clés qui peuvent aider les organisations qui s’engagent dans un processus de mise en œuvre de solutions analytiques. Dans son rapport intitulé Harnessing the power of data: can reality catch up with ambition?, qui a été produit en collaboration avec l’Institute of Global Health Innovation de l’Imperial College London, EY formule six recommandations :

  • Harmoniser la raison d’être, la stratégie et le leadership.
  • Créer un dossier d’affaires pour obtenir un financement adéquat.
  • Renforcer la confiance du public dans l’utilisation des données.
  • Créer des cadres robustes de qualité de données et de gouvernance.
  • Encourager l’adoption et l’adhésion par les membres du personnel.
  • Encourager l’innovation continue axée sur l’intégration des changements.
Single Mum in a home environment home schools / helps her children with homework. Recognisable scene for parents in lockdown attempting to juggle a work / life balance during the Coronavirus pandemic.
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Chapter 3

A vision and a roadmap for transformation

Building a smart safety net that addresses the complexity of social care.

Comme l’application du modèle mis en œuvre à Maidstone l’a démontré, l’analyse de données et la modélisation prédictive ont un rôle indispensable à jouer pour que nous puissions réaliser notre vision très ambitieuse, à savoir créer un monde où chacun est assuré d’avoir un toit sur la tête.

Dans ce contexte, il est important de souligner que la feuille de route axée sur la prévention de l’itinérance doit comporter des volets qui ne consistent pas seulement à dégager de meilleures possibilités d’exploitation des données. Cette feuille de route doit aussi prévoir l’application d’approches judicieuses permettant de composer avec des enjeux complexes relatifs notamment au financement, aux normes, à la gouvernance, aux différences culturelles et à l’obtention de consentements éclairés facilitant les échanges de renseignements personnels. Le plus important peut être, c’est que la réalisation des initiatives requises doit être confiée à des leaders qui, au sein de leur administration publique ou de leur organisme, sont des champions des changements transformationnels et systémiques, des leaders qui croient que de tels changements sont possibles et qui sont déterminés à les mettre en œuvre.

Instaurer un filet de sécurité sociale intelligent

Pour aller de l’avant, les organismes de services sociaux ne doivent pas se contenter de moderniser leurs modalités de prestation; elles doivent les transformer et les faire évoluer non plus seulement dans une optique d’intégration, mais également selon un cadre de conception intuitive. Les nouvelles technologies ouvrent la voie à de réelles possibilités de revue et de refonte qui n’étaient pas envisageables par le passé.

Un filet de sécurité sociale intelligent peut permettre d’établir un futur cadre de prestation des services sociaux renouvelé et audacieux. Pour ce faire, les organismes d’intervention devront procéder à de vastes changements fondamentaux, intensifier leurs efforts de collaboration, mieux intégrer leurs données et améliorer la coordination des services. Fondamentalement, un filet de sécurité sociale intelligent repose sur les éléments suivants :

  • Une approche à l’échelle systémique qui permet de répondre aux besoins de chaque personne et de chaque famille, tout en reposant sur un financement collectif à l’appui des efforts de coordination, de sorte que, par exemple, les bénéficiaires d’un programme soient automatiquement inscrits aux autres programmes auxquels ils sont admissibles;
  • Un modèle de conception centrée sur l’humain qui intègre véritablement les bénéficiaires des services (patients, clients, etc.) – ainsi que leurs expériences et les informations les concernant – à la création et à la mise en œuvre des politiques, systèmes et services ayant une incidence sur eux;
  • Des politiques, des services, des flux de travail, des initiatives d’automatisation et des environnements de sécurité axés sur les données qui permettent d’améliorer les processus, de réaliser des économies et de faciliter la prise de décisions judicieuses en temps réel, surtout pour favoriser l’avancement de la priorité absolue de presque tous les programmes et services, soit le déploiement de mesures d’intervention et de prévention précoces;
  • Des travailleurs sociaux de première ligne soutenus et outillés de façon à pouvoir se concentrer sur leur raison d’être fondamentale et qui, grâce à l’allègement de leur fardeau de tâches administratives, sont en mesure de consacrer plus de temps à l’établissement de relations avec leurs bénéficiaires vulnérables et d’agir auprès d’eux à titre de « coaches », dans une optique d’amélioration de leurs conditions de vie;
  • La mise en place de services axés sur l’obtention de résultats et évalués en fonction d’un cadre de bien être plus global, dont la prestation repose sur tout un écosystème d’organismes publics, privés et sans but lucratif, dans un contexte où les autorités publiques agissent en qualité de responsables de l’intendance du système et d’intégrateurs de services.

Conclusion

Dans le secteur des services sociaux, il est rare d’entendre que « l’argent n’est pas ce qui compte le plus ». Toutefois, pour venir à bout de l’itinérance, il faudra bien plus que des investissements additionnels. Il s’agit d’un problème qui existait bien avant la pandémie et qui perdurera probablement longtemps encore. Dans la mesure où il est disponible, un financement d’urgence est assurément nécessaire. Parallèlement, des outils numériques et des ressources de connaissances peuvent permettre aux administrations publiques, surtout aux administrations locales, de disposer de solutions adaptées facilitant l’élimination des obstacles en lien avec les technologies, les prestataires tiers et les processus applicatifs.

Plus précisément, de notre point de vue, quelque chose échappe aux sceptiques qui allèguent qu’il n’y a pas de solutions au problème de l’itinérance. Il est essentiel de procéder à l’intégration de l’important volume de données stocké dans les systèmes de l’ensemble des organismes d’intervention et de mettre en œuvre des mesures favorisant l’exploitation optimale des informations rendant possibles les interventions précoces. Les administrations publiques, qui ont un rôle central à jouer, ont l’occasion d’en apprendre et d’en faire davantage que les innombrables organismes privés, groupes d’intervention en ligne et organismes sans but lucratif qui œuvrent à l’élimination de l’itinérance.

Les échanges de données efficaces à l’échelle des divers systèmes et organismes d’intervention peuvent permettre d’obtenir de précieuses informations en lien avec des besoins particuliers et des solutions potentielles. Pour déterminer quelle est la meilleure façon de répondre à ces besoins, qu’il s’agisse d’une personne ou d’une famille, les administrations publiques doivent savoir quelles sont les informations pertinentes disponibles, puis en permettre la diffusion auprès des prestataires de services et des autres intervenants qui sont en mesure de prodiguer un véritable soutien. La connaissance des besoins réels et des sources de données disponibles constitue une avancée grâce à laquelle nous pourrons réaliser plus rapidement l’objectif ultime de toute société : donner aux citoyens l’accès aux ressources dont ils ont besoin pour éviter de sombrer un jour dans l’itinérance.

Les échanges de données efficaces à l’échelle des divers systèmes et organismes d’intervention peuvent permettre d’obtenir de précieuses informations en lien avec des besoins particuliers et des solutions potentielles. Pour déterminer quelle est la meilleure façon de répondre à ces besoins, qu’il s’agisse d’une personne ou d’une famille, les administrations publiques doivent savoir quelles sont les informations pertinentes disponibles, puis en permettre la diffusion auprès des prestataires de services et des autres intervenants qui sont en mesure de prodiguer un véritable soutien. La connaissance des besoins réels et des sources de données disponibles constitue une avancée grâce à laquelle nous pourrons réaliser plus rapidement l’objectif ultime de toute société : donner aux citoyens l’accès aux ressources dont ils ont besoin pour éviter de sombrer un jour dans l’itinérance.


Résumé

Les organismes de services sociaux qui s’appuient sur les technologies ont une occasion en or de repenser et de transformer les modalités de prestation de services aux citoyens les plus vulnérables dont ils s’occupent. Grâce à la puissance de la modélisation prédictive, il est possible de procéder à des interventions précoces pouvant empêcher que des personnes et des familles se retrouvent dans une situation de crise.

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