Theo Yameogo : Bienvenue Michael. Merci de participer à cet épisode de L’actualité minière avec EY.
Michael Sabatino : Merci Theo. Je suis ravi d’être ici aujourd’hui.
Theo Yameogo : Entrons dans le vif du sujet. Michael, à titre de leader en fiscalité pour le secteur Mines et métaux au Canada, peux‑tu dresser le portrait de la fiscalité dans le secteur minier pour les clients?
Michael Sabatino : Bonne question. Comme tu le sais, je travaille avec des clients du secteur Mines et métaux depuis plusieurs années déjà et tout au long de cette période, j’ai constaté que les organisations se faisaient imposer de plus en plus d’exigences et que leur fonction fiscalité peinait à répondre à ces exigences concernant la transparence, la conformité des rapports et la complexité accrue, et pas seulement pour rester conforme, mais aussi pour relever des possibilités de générer de la valeur.
Michael Sabatino : Je crois que ce qui préoccupe le plus les dirigeants de fiscalité à l’heure actuelle touche aux questions liées à BEPS 2.0, alors que les grandes multinationales surveillent de près ce qui se passe là où leurs entreprises mènent des activités, ces juridictions cherchant à instaurer sur leur territoire un impôt minimum mondial.
Michael Sabatino : Et les organisations évaluent si elles sont prêtes pour ce nouveau régime fiscal. Le budget fédéral de 2023 a évidemment présenté une série de mesures et annoncé de nombreux crédits d’impôt remboursables, ce qui a suscité beaucoup d’intérêt.
Theo Yameogo : C’est très intéressant, Michael. En ce qui a trait à un impôt minier mondial, peux‑tu nous en dire davantage et surtout peux‑tu nous dire quelles entreprises sont visées?
Michael Sabatino : Chez les fiscalistes, on parle de BEPS 2.0 ou encore de GloBE, soit l’impôt minimum mondial. C’est le nom abrégé d’un projet lancé par l’OCDE voilà quelques années visant à traiter les défis liés à la fiscalité découlant de la numérisation et de la mondialisation de l’économie. Il s’agit d’un vaste projet auquel participent 141 pays. Un accord sur les paramètres clés a été conclu à la fin de 2021 et d’autres directives ont été publiées en février.
Michael Sabatino : On s’attend à ce que les pays intègrent les règles à leur propre législation, l’objectif étant que les règles soient en vigueur à partir de 2024. En fait, au Canada, le budget 2023 propose de les mettre en vigueur en 2024. Certains pays, dont la Corée du Sud et le Japon, ont récemment adopté une version locale des règles, et nous nous attendons à ce que de nombreux autres pays en fassent autant en 2023.
Michael Sabatino : Et au cœur de ces règles se trouve un impôt complémentaire minimum qui sera applicable aux multinationales dont le revenu de l’étranger non imposé le deviendrait à un taux minimum convenu de 15 %. Cet impôt s’appliquerait aux organisations dont les revenus dépassent 750 M€; les très grandes multinationales, donc. Nous croyons que plus de 4 500 entreprises seront touchées à l’échelle mondiale.
Theo Yameogo : Maintenant, en vue de l’entrée en vigueur de BEPS 2.0, quelles mesures pratiques les sociétés minières devraient‑elles prendre et qui devrait s’y intéresser?
Michael Sabatino : L’impôt minimum mondial sera fondé sur les états financiers. C’est à partir de là que se fera le calcul du passif fiscal. Cela vient répondre à l’exigence d’une base fiscale uniforme. Pour s’y préparer, il faudra une coordination serrée entre les fonctions fiscalité, comptabilité, services juridiques, TI et les systèmes, car ce nouveau régime vient s’ajouter aux régimes fiscaux en vigueur et il nécessitera la participation de parties prenantes de toute l’organisation.
Michael Sabatino : Il faudra pratiquement une troisième série de livres : en plus de ceux pour la comptabilité et la fiscalité, maintenant, il y aura ceux pour le calcul de l’impôt minimum mondial. Les organisations doivent donc commencer à se préparer dès maintenant, si ce n’est déjà fait, la plupart des clients ayant déjà commencé à en évaluer les incidences.
Michael Sabatino : Certaines entreprises devront envisager d’automatiser divers aspects de leur fonction observation fiscale pour répondre aux nouvelles exigences de présentation de l’information et avoir une seule source d’information pour relever ces défis. Je crois aussi que les entreprises ont une occasion rêvée d’évaluer leur modèle d’exploitation, leurs systèmes et leur structure à l’approche de l’instauration du nouvel impôt minimum, pour savoir s’il est possible d’optimiser des systèmes ou des processus, et même la structure de l’entreprise.
Michael Sabatino : Nous recommandons aux entreprises de commencer dès maintenant à faire un suivi des développements réglementaires de l’OCDE et des développements fiscaux dans les territoires où elles mènent des activités, à évaluer les risques et possibilités techniques, à mener une évaluation de l’incidence quantitative fondée sur des données historiques pour en savoir plus sur cette incidence, à étudier les données et processus et les exigences liées aux systèmes, et à relever les lacunes afin de les régler le plus tôt possible.
Michael Sabatino : Aussi pour se préparer aux provisions pour impôts des périodes intermédiaires et annuelles de 2024, même si ces règles s’appliquent aux périodes intermédiaires et par la suite, la comptabilisation nécessitera d’autres informations, et il faudra s’attaquer à ces questions plus tôt dans le processus d’observation actuel, et à plus long terme, il faudra se préparer en vue des déclarations fiscales et de l’observation fiscale, probablement en 2026, et à des vérifications et des contestations fiscales possibles, par suite de l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Michael Sabatino : J’encourage donc tout le monde à communiquer avec son conseiller EY. Nous avons élaboré une méthode exhaustive fondée sur le risque pour aborder ou régler ces problèmes. Nous sommes là pour vous aider.
Theo Yameogo : Au début de l’entretien, tu as mentionné le budget fédéral. Peux‑tu me dire pourquoi le budget fait tant parler et ce que ça signifie pour l’industrie?
Michael Sabatino : Merci Theo. Une série de crédits d’impôt ont été annoncés au dépôt du budget 2023, visant la transition vers l’énergie renouvelable et favorisant le développement de technologies propres. La plupart de ces mesures ne ciblent pas directement le secteur minier, mais elles entraîneront de l’investissement dans les infrastructures et le développement qui influera positivement sur la demande de minerais.
Michael Sabatino : Dans le budget, une mesure en particulier vise l’extraction et le traitement de six minerais critiques sous forme d’un crédit d’impôt de 30 % remboursable sur le coût de l’investissement dans du nouvel équipement d’extraction, de traitement et de recyclage du lithium, du cobalt, du nickel, du graphite, du cuivre et d’autres minerais rares.
Michael Sabatino : Le gouvernement avait déjà annoncé, il y a un an, une hausse considérable des crédits d’impôt remboursables qui s’appliquent aux investissements dans des actions accréditives visant l’exploration de minerais critiques. Cette nouvelle mesure vient stimuler l’investissement dans la partie en amont de la chaîne de valeur minérale et encourage un investissement accru dans l’extraction et le traitement de ces minerais critiques.
Theo Yameogo : Michael, y a‑t‑il d’autres crédits à mentionner?
Michael Sabatino : D’autres annonces ont été faites sur divers sujets d’intérêt. Par exemple, l’annonce d’un crédit d’impôt remboursable de 15 % pour l’investissement dans des sources d’électricité ne produisant pas d’émissions de carbone, dont l’énergie solaire, photovoltaïque, éolienne et les petits réacteurs nucléaires modulaires, ce qui pourrait représenter un avantage significatif pour une exploitation minière éloignée choisissant d’utiliser des alternatives à l’énergie fossile sur place.
Theo Yameogo : Merci Michael d’avoir participé à l’épisode d’aujourd’hui. J’en ai beaucoup appris et, j’en suis sûr, l’auditoire aussi.
Michael Sabatino : Merci de m’avoir invité, Theo. Évidemment, bien des choses ont changé depuis l’annonce, mais le changement ouvre des possibilités. Au plaisir de s’en reparler.