EY FiscAlerte 2024 no 45 - Le ministère des Finances publie des propositions législatives révisées pour la mise en œuvre des modifications visant à augmenter le taux d’inclusion des gains en capital _ E

Projet de loi C-59 : quasi-adoption des règles de RDEIF et d’autres mesures visant l’impôt sur le revenu des entreprises

FiscAlerte 2024 numéro 32, 29 mai 2024
Le 16 avril 2024, le gouvernement fédéral, dans le cadre de son budget de 2024, a proposé une augmentation du taux d’inclusion des gains en capital pour les particuliers dont les gains en capital excèdent un certain plafond annuel. Afin de tenir compte de ce nouveau taux d’inclusion des gains en capital, le gouvernement fédéral a aussi proposé de réduire la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés pour les avantages liés aux options d’achat d’actions qui excèdent le plafond annuel. Ces modifications auraient pour effet d’assujettir les options d’achat d’actions et les gains en capital qui excèdent le plafond annuel à un taux effectif d’imposition plus élevé que dans le cadre des règles actuelles. Par exemple, en Ontario, le taux effectif marginal d’imposition le plus élevé pour les avantages liés aux options d’achat d’actions et les gains en capital passerait de 26,8 % à 35,7 %.
Le présent bulletin donne un aperçu de ces modifications et passe en revue certaines des incidences pour les employeurs et les employés. Si les employeurs ont davantage de temps pour mettre en œuvre les changements requis à leurs processus et politiques pour se conformer à ces propositions, les employés, eux, n’ont que peu de temps pour évaluer leur risque d’assujettissement à l’impôt avant l’entrée en vigueur des propositions le 25 juin 2024.

Les propositions résumées ci-après figurent dans le document intitulé Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires accompagnant les documents budgétaires de 2024. Aucune ébauche de disposition législative pour la mise en œuvre des modifications proposées n’a été fournie par le ministère des Finances dans l’avis de motion de voies et moyens accompagnant le budget fédéral de 2024 ni dans le projet de loi C‑69, Loi no 1 d’exécution du budget de 2024, qui a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 2 mai 20241. Le ministère des Finances indique dans les documents budgétaires de 2024 que d’autres détails relatifs à la conception seront publiés au cours des prochains mois. Plus récemment, la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré que le projet de loi visant la mise en œuvre de ces propositions serait déposé à la Chambre des communes avant l’ajournement des travaux pour l’été le 21 juin 2024.

L’incidence globale des modifications proposées devra être réexaminée lorsque les propositions législatives auront été publiées.

Contexte

En vertu des règles actuelles, la moitié des gains en capital réalisés par les contribuables canadiens sont inclus dans leur revenu. Dans le budget fédéral de 2024, il est proposé d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital, de façon à le faire passer d’une demie aux deux tiers pour les sociétés et les fiducies, et d’une demie aux deux tiers sur la portion des gains en capital réalisés au cours de l’année excédant 250 000 $ pour les particuliers, et ce, pour les gains en capital réalisés à compter du 25 juin 20242.

Actuellement, même si le plein montant d’un avantage lié à des options d’achat d’actions est imposé à titre de revenu d’emploi, l’employé peut demander une déduction de la moitié de cet avantage si certaines conditions sont remplies3. Ainsi, les options d’achat d’actions qui remplissent les conditions nécessaires sont imposées au même taux que les gains en capital.

Dans le budget fédéral de 2024, il est proposé de faire passer la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés à un tiers de l’avantage lié aux options d’achat d’actions réalisé à compter du 25 juin 2024 afin de tenir compte du nouveau taux d’inclusion des gains en capital. Les particuliers admissibles auraient toutefois droit à une déduction de la moitié de l’avantage lié aux options d’achat d’actions jusqu’à une limite globale annuelle de 250 000 $ pour les options d’achat d’actions accordées à des employés et les gains en capital.

Pour les particuliers, le plafond annuel de 250 000 $ serait entièrement disponible en 2024 (c.-à-d. qu’il ne serait pas calculé au prorata) et ne s’appliquerait que relativement aux gains en capital nets (et aux avantages liés à des options d’achat d’actions) réalisés à compter du 25 juin 20244.

Le Québec a annoncé qu’il prendra des mesures d’harmonisation avec l’augmentation proposée du taux d’inclusion des gains en capital, mais qu’il continue d’examiner les modifications proposées relativement à la déduction pour options d’achat d’actions.

Incidences possibles pour les employeurs

La modification proposée à la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés pourrait compliquer davantage l’administration des régimes d’options d’achat d’actions pour les employeurs.

Actuellement, l’employeur doit déclarer l’avantage lié aux options d’achat d’actions, ainsi que le montant de l’avantage admissible à la déduction pour options d’achat d’actions, sur le feuillet T4, État de la rémunération payée5, de l’employé. L’employeur est également tenu de retenir et de verser un montant à l’égard de l’avantage lié aux options d’achat d’actions comme si le montant de l’avantage avait été payé à titre de prime6. Dans le calcul du montant assujetti à la retenue d’impôt, l’employeur peut réduire l’avantage de la moitié lorsque les conditions relatives à la déduction pour options d’achat d’actions sont remplies. 

D’autres exigences de notification, de déclaration et de suivi s’appliquent à certains employeurs à l’égard des options d’achat d’actions accordées le 1er juillet 2021 ou après cette date qui sont assujetties à un plafond de dévolution annuel de 200 000 $ (soit les employeurs qui ne sont pas des SPCC et dont les revenus bruts annuels s’élèvent à au moins 500 millions de dollars)7.

Pour le moment, on ignore si les employeurs devront retenir l’impôt sur le montant de l’avantage réalisé à l’exercice d’une option d’achat d’actions en appliquant une déduction d’un tiers pour les options d’achat d’actions ou si une déduction d’une demie pourra être appliquée lorsque l’avantage lié à l’option d’achat d’actions est de moins de 250 000 $. Il sera difficile pour l’employeur de déterminer le taux d’imposition de l’employé au bout du compte, puisque le seuil de 250 000 $ tient compte à la fois des avantages liés aux options d’achat d’actions et des gains en capital. Ce problème est particulièrement marqué pour les options d’achat d’actions exercées tôt dans l’année alors qu’on ignore quelles options l’employé pourrait exercer ultérieurement dans l’année ou si celui-ci réalisera des gains en capital.

L’Agence du revenu du Canada devra aussi donner des lignes directrices sur la manière dont les employeurs devront déclarer la déduction pour options d’achat d’actions sur le feuillet T4 pour refléter la déduction de la moitié ou du tiers de l’avantage. Par exemple, il pourrait être nécessaire de faire une distinction entre les options d’achat d’action exercées avant le 25 juin et celles exercées après le 24 juin sur le feuillet T4 de l’employé pour 2024. 

Incidences possibles pour les employés

Moment de l’exercice

Les employés qui détiennent des options d’achat d’actions dont les droits sont acquis pourraient se demander s’il serait avantageux d’exercer leurs options avant le 25 juin 2024 pour bénéficier de la déduction de la moitié de l’avantage. Cette décision dépendra, entre autres facteurs, i) de la question de savoir si l’employé s’attend à dépasser la limite globale annuelle de 250 000 $ qui vise le montant combiné de l’avantage lié aux options d’achat d’actions et des gains en capital dans l’année de l’exercice et ii) de la hausse prévue du prix des actions dans les années à venir.

Un employé qui choisit d’exercer ses options d’achat d’actions avant le 25 juin 2024 se retrouvera à renoncer à ses options, ce qui peut, de façon générale, représenter un désavantage. Avant d’exercer des options, les employés pourraient donc vouloir tenir compte de la hausse attendue du prix des actions et du moment de l’expiration des options.

Options d’achat d’actions accordées par une SPCC

On ignore l’incidence de la modification proposée à la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés sur les options d’achat d’actions accordées par une SPCC, lesquelles obtiennent habituellement un traitement fiscal plus avantageux que celles accordées par une société autre qu’une SPCC. Dans le cas des options accordées par une SPCC, bien que l’avantage lié à une option d’achat d’actions soit cristallisé au moment de l’exercice de l’option par l’employé, cet avantage n’est assujetti à l’impôt sur le revenu que dans l’année de la disposition des actions par l’employé. De façon générale, lorsque le prix d’exercice de l’option d’achat d’actions accordée par une SPCC est inférieur à la juste valeur marchande des actions à la date d’octroi, l’employé n’a droit à la déduction de la moitié de l’avantage que lorsqu’il détient les actions pendant au moins deux ans avant d’en disposer ou de les échanger8.

Il faudra voir si un employé qui exerce avant le 25 juin 2024 des options d’achat d’actions accordées par une SPCC pourra demander la déduction de la moitié de l’avantage lié aux options s’il dispose des actions concernées après le 25 juin 2025 ou s’il ne pourra demander que la déduction du tiers de l’avantage (une fois la limite annuelle de 250 00 $ atteinte). Étant donné que le budget fédéral de 2024 ne fait pas de distinction entre les options d’achat d’actions accordées par une SPCC et celles accordées par une société autre qu’une SPCC, il est possible que, dans cette situation, l’employé n’ait droit qu’à la déduction du tiers de l’avantage une fois que la limite annuelle est atteinte.

Le 1er mai 2024, le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de Comptables professionnels agréés du Canada (le « comité mixte ») a présenté un mémoire au ministère des Finances demandant de structurer la loi de manière à éviter ce résultat. Dans le mémoire, le comité mixte a proposé que la loi comprenne une continuation de la déduction de la moitié de l’avantage pour les options accordées par une SPCC et exercées avant le 25 juin 2024, peu importe l’année au cours de laquelle l’employé dispose des actions acquises.

Avant d’envisager de disposer d’actions de SPCC ou d’échanger de telles actions, un employé qui a exercé avant le 25 juin 2024 des options d’achat d’actions accordées par une SPCC devrait être conscient de l’application potentielle de l’exigence voulant que les actions aient été détenues pendant une période minimale de deux ans aux fins de la déduction pour options d’achat d’actions.

Employés en affectation à l’étranger et employés non-résidents

L’augmentation proposée du taux d’inclusion des gains en capital pourrait entraîner une hausse de l’impôt de départ pour les employés qui cessent d’être résidents du Canada aux fins de l’impôt. L’impôt de départ est un impôt du Canada pour les résidents qui quittent le pays et visant les gains accumulés, mais non réalisés, sur certains actifs, comme les titres négociables, détenus lorsque la résidence canadienne prend fin9.

Les employés qui prévoient cesser d’être des résidents du Canada prochainement et qui ont des gains en capital provenant de la disposition réputée de biens excédant 250 000 $ pourraient souhaiter devancer leur départ à une date antérieure au 25 juin 2024 afin de pouvoir bénéficier du taux d’inclusion plus bas. Ou alors, les employés dans cette situation peuvent envisager des possibilités de planification auxquelles ils pourraient avoir accès avant le 25 juin 2024 afin de cristalliser les gains en capital accumulés existants avant d’avoir à payer l’impôt de départ. Les particuliers doivent également tenir compte, dans le contexte de la cristallisation d’un gain en capital, des modifications proposées au régime de l’impôt minimum de remplacement, qui devraient entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2024 (mais qui n’ont pas encore été adoptées)10.

L’augmentation potentielle de l’impôt de départ pour les employés peut aussi poser un défi pour les employeurs cherchant à attirer des talents de l’étranger pour des affectations de plus de quelques années. Les employés qui sont résidents du Canada pour plus de 60 mois sont assujettis à un impôt de départ sur les biens qu’ils possédaient avant de devenir résidents du Canada et sur les biens qu’ils ont acquis par legs ou par héritage pendant qu’ils étaient résidents canadiens11.

Pour les employés non-résidents qui offrent leurs services au Canada et à l’étranger, il n’est actuellement pas clair si la limite annuelle de 250 000 $ pour la déduction de la moitié de l’avantage s’appliquerait à l’ensemble de l’avantage lié aux options d’achat d’actions ou seulement à la portion provenant du Canada.

Conclusion

Les propositions visant à augmenter le taux d’inclusion des gains en capital et à réduire le taux de la déduction pour options d’achat d’actions accordées à des employés suscitent de nouvelles questions pour les employeurs et les employés. Toutefois, étant donné que les propositions législatives n’ont pas encore été déposées, nous disposons actuellement de peu d’information pour en évaluer pleinement l’incidence pour les employeurs et les employés.

Puisque ces changements devraient avoir des répercussions sur la disposition de biens et l’exercice d’options d’achat d’actions à compter du 25 juin 2024, les employés qui prévoient être touchés ont peu de temps pour mettre en place des possibilités de planification qui pourraient leur permettre de réduire leur impôt à payer.

Consultez votre conseiller EY pour évaluer l’incidence de ces changements sur votre situation ou celle de vos employés. Il pourrait s’agir d’une bonne occasion pour non seulement vous assurer de continuer à respecter vos obligations en matière d’observation, mais également pour revoir votre stratégie de rémunération globale afin de déterminer si elle cadre toujours avec vos objectifs d’affaires et de gestion des talents.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage, veuillez communiquer avec votre conseiller EY ou EY Cabinet d’avocats ou avec l’un des professionnels suivants :

Sandra Hamilton
+1 416 941 7794 | sandra.a.hamilton@ca.ey.com

Lawrence Levin
+1 416 943 3364 | lawrence.levin@ca.ey.com

Leah Shinh
+1 519 571 3325 | leah.c.shinh@ca.ey.com

Kimrang Te
+1 514 879 6856 | kimrang.te@ca.ey.com   



 


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  1. Pour en savoir davantage sur les mesures visant l’impôt sur le revenu comprises dans le projet de loi C-69, consultez le bulletin FiscAlerte 2024 numéro 27 d’EY.
  2. Pour en savoir davantage sur la modification proposée au taux d’inclusion des gains en capital, consultez le bulletin FiscAlerte 2024 numéro 28 d’EY.
  3. L’avantage lié aux options d’achat d’action est égal à l’excédent de la juste valeur marchande des actions au moment de l’acquisition sur i) le montant payé par l’employé pour les actions, et ii) toute somme payée par l’employé pour acquérir l’option. L’avantage est inclus dans le calcul du revenu d’emploi en vertu de l’article 7 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »). De façon générale, si le prix d’exercice n’est pas inférieur à la juste valeur marchande des actions à la date où l’option est accordée et que certaines autres conditions sont remplies, l’employé peut demander une déduction en vertu de l’alinéa 110(1)d) de la LIR. Ces règles sont modifiées dans le cas d’options d’achat d’actions accordées par une société privée sous contrôle canadien (« SPCC »).
  4. Bien que le budget fédéral de 2024 ne le mentionne pas explicitement, on suppose que, pour 2024, la limite annuelle de 250 000 $ s’appliquera à l’égard du montant combiné des gains en capital nets et des avantages liés aux options d’achat d’action réalisés à compter du 25 juin 2024.
  5. S’il y a lieu, l’avantage doit aussi être déclaré sur le relevé 1, Revenus d’emploi et revenus divers, du Québec.
  6. Aucune retenue d’impôt n’est nécessaire lorsqu’un avantage lié à des options d’achat d’actions est reçu par un employé sans lien de dépendance relativement à la disposition d’actions d’une SPCC.
  7. Pour en savoir davantage sur le plafond de dévolution annuel de 200 000 $ applicable aux options d’achat d’actions accordées à des employés, consultez le bulletin FiscAlerte 2021 numéro 26 d’EY. Le plafond de dévolution annuel adopté en 2021 ne fait l’objet d’aucune proposition de modification.
  8. Alinéa 110(1)d.1) de la LIR.
  9. Plusieurs actifs sont exclus, notamment les options d’achat d’actions accordées à des employés, les droits en matière de pension et certains biens détenus par des contribuables ayant résidé au Canada pendant une courte période.
  10. Se reporter aux bulletins FiscAlerte 2023 numéro 45 et FiscAlerte 2024 numéro 25 d’EY pour une analyse plus détaillée des modifications proposées au régime de l’impôt minimum de remplacement.
  11. Sous-alinéa 128.1(4)b)(iv) de la LIR.

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