Des arbres encastrés dans des boîtes

Les crédits d’impôt verts : un avantage stratégique en matière de communication d’informations liées aux changements climatiques

Auteurs : Vicki Corker – Associée déléguée, Services consultatifs, Comptabilité financière, EY Canada

Dans un contexte de nouvelles informations à fournir en lien avec les changements climatiques, les organisations du secteur TMT ont tout intérêt à profiter des incitatifs disponibles et à s’assurer de l’application efficace des nouvelles réglementations.


En bref

  • De grands changements se profilent pour les obligations d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques au Canada, en Amérique du Nord, en Europe et dans le monde entier.
  • Les organisations du secteur TMT ont tout avantage à obtenir une vue d’ensemble des enjeux, car cela les aidera à élaborer leur stratégie en matière d’investissements verts.
  • Ce vent de changement aux obligations d’information en matière de lutte contre les changements climatiques et d’enjeux ESG ne devrait durer qu’une dizaine d’années.

Après une période de stabilité relative, un grand nombre de nouvelles obligations d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques et de nouveaux contrôles a vu le jour, ce qui dénote une évolution rapide vers un environnement plus étroitement encadré et davantage axé sur la conformité. En s’efforçant de tirer parti des nouveaux incitatifs et en se préparant à faire rapport de leur avancement dans un environnement hautement évolutif, les entreprises technologiques peuvent profiter de ce moment charnière unique pour exercer une réelle influence, et ce, tout en consolidant leurs résultats financiers.

Compte tenu de l’évolution de ces normes, le gouvernement fédéral a prévu, dans son budget 2023, une série de mesures fiscales incitatives en matière de durabilité destinées à aider le pays à atteindre ses objectifs de zéro émission nette d’ici 2050. Le moment est donc venu pour les organisations du secteur TMT de tirer parti des incitatifs et de se doter de plans efficaces visant la prise en compte des nouveaux règlements en matière de lutte contre les changements climatiques.

Quelles sont les modifications attendues aux informations à fournir en lien avec les changements climatiques aujourd’hui?

De grands changements se profilent pour les obligations d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques.Cela est vrai tant pour les Amériques et l’Europe que pour le reste du monde.Le contenu de ces changements n’est pas la seule nouveauté à considérer. En effet, au Canada comme dans le monde, on observe une accélération du rythme des changements.

À l’échelle canadienne, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) est en train de serrer ses rangs, ce dont témoigne la récente nomination de Charles‑Antoine St‑Jean au poste de dirigeant. Le CCNID est à présent en bonne position pour collaborer avec l’International Sustainability Standards Board (ISSB) afin de favoriser l’adoption des normes de l’ISSB au Canada, de mettre en lumière les enjeux clés dans le contexte canadien et de veiller à ce que ses normes s’harmonisent bien avec celles de l’ISSB.

Ces avancées, qui s’inscrivent dans un mouvement plus vaste, sont révélatrices du fait que le CCNID et les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) prennent l’IFRS S1 et l’IFRS S2 au sérieux. Aucune annonce officielle n’a encore été faite au sujet de l’adoption des normes de l’ISSB ou du projet de règlement 51‑107 de l’ACVM, mais les deux organismes affirment œuvrer à la publication de normes en matière de durabilité qui reflètent et épousent l’unicité des marchés financiers canadiens et offrent aux investisseurs des renseignements comparables, utiles à la prise de décisions.

À quoi cela pourrait‑il ressembler en pratique?

L’ISSB a publié les normes IFRS S1 et S2 le 26 juin 2023 : un délai exceptionnellement court étant donné que l’exposé‑sondage datait du 31 mars 2022. L’IFRS S1, Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité, énonce les obligations globales d’une entité en ce qui concerne la présentation d’informations financières relatives aux risques et aux possibilités en matière de développement durable. L’IFRS S1 comprend la mise en place d’une mesure d’allègement de la transition qui permettra à une entité de faire rapport des risques et possibilités en matière de lutte contre les changements climatiques, selon l’IFRS S2, Informations à fournir en lien avec les changements climatiques, pour le premier exercice d’application de l’IFRS S1 et de l’IFRS S2. Les entités seront également tenues de présenter des informations sur d’autres risques et possibilités en matière de durabilité pour le deuxième exercice d’application des deux normes. Il s’agit d’une mesure phare, car elle témoigne de l’importance que l’ISSB accorde au climat en tant que priorité absolue des investisseurs.

Ces faits nouveaux s’inscrivent dans la foulée de la proposition  de mars 2022 de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États‑Unis concernant l’amélioration et la normalisation des informations relatives aux changements climatiques à l’usage des investisseurs. Applicables aux entités canadiennes cotées aux États-Unis, les propositions demeurent une ébauche et sont susceptibles d’évoluer en fonction des rétroactions recueillies pendant la période de consultation du public. Néanmoins, les entreprises ont tout intérêt à étudier ce qui a été proposé jusqu’à présent, en particulier en le comparant aux normes de l’ISSB et au règlement 51-107, et ce, afin de s’assurer de disposer d’une feuille de route exhaustive en matière de conformité auprès des deux administrations.

À l’échelle internationale, l’Union européenne (UE) a pris les devants non seulement en matière de lutte contre les changements climatiques, mais pour ce qui est de l’ensemble des informations sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). La directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (directive CSRD) est entrée en vigueur en janvier 2023, obligeant les entreprises qui y sont soumises à présenter leurs informations conformément aux normes européennes d’informations en matière de durabilité (normes ESRS). Ces dernières en sont actuellement au stade d’exposé-sondage, la période de commentaires les concernant ayant pris fin le 7 juillet 2023.

Dans un premier temps, au cours de l’exercice 2024, la directive CSRD ne visera que les entreprises soumises à la Directive sur la publication d’informations non financières (directive NFRD) de l’UE, laquelle porte sur les enjeux ESG. Les entités canadiennes noteront toutefois que, pour l’exercice 2025, la directive CSRD s’appliquera aussi aux entités cotées et aux grandes entreprises qui se trouvent sur le territoire de l’UE, y compris aux filiales d’entreprises ne relevant pas de l’UE. Le seuil au‑delà duquel les entités sont considérées comme « grandes » est relativement bas : elles doivent répondre à deux des critères suivants :

  • Total au bilan dépassant 20 millions d’euros
  • Chiffre d’affaires net de plus de 40 millions d’euros
  • Plus de 250 employés en moyenne au cours de l’exercice

Dans un deuxième temps, à compter de l’exercice 2028, la portée des exigences s’étendra aux entreprises non européennes qui génèrent un chiffre d’affaires net de plus de 150 millions d’euros sur le territoire de l’UE et dont une succursale située dans un pays de l’UE a un chiffre d’affaires net d’au moins 40 millions d’euros ou bien dont une des filiales est une grande entité ou une entité cotée dans l’UE. Les entités canadiennes ayant des activités notables dans des pays membres de l’UE devraient suivre de près l’actualité locale, et celles qui ont de grandes filiales dans des pays de l’UE doivent dès maintenant commencer à préparer leur mise en conformité avec la directive CSRD.

Les nouvelles obligations d’information exigent de nouveaux contrôles internes en matière de lutte contre les changements climatiques

Bien entendu, toute nouvelle obligation d’informations commande la mise en place de processus et de contrôles nouveaux. Les informations à fournir en lien avec les changements climatiques et les facteurs ESG ne font pas exception. Dans un nouveau rapport publié en mars 2023, le Committee of Sponsoring Organizations of the Treadway Commission (COSO) a introduit le terme de contrôle interne à l’égard de l’information sur la durabilité (internal control over sustainability reporting ou ICSR). Cet enrichissement de vocabulaire témoigne du fait que les contrôles en matière d’enjeux ESG commencent à se concrétiser. Pour préserver leur conformité réglementaire dans un contexte de constante évolution, les organisations canadiennes doivent se doter de contrôles, de politiques et de processus internes adéquats.

Les incitatifs fiscaux verts émergents : une perspective prometteuse pour les entreprises technologiques canadiennes

En mars 2023, le jour du budget fédéral, le gouvernement a adopté le plan canadien pour l’énergie propre. Le but? Attirer les investissements verts et réinventer la chaîne d’approvisionnement canadienne. Même si tout n’est pas encore clair, on sait déjà que les nouveaux crédits d’impôt favoriseront et feront avancer les efforts visant l’atteinte de l’objectif de zéro émission nette. Par exemple, les producteurs d’énergie solaire, géothermique et d’hydrogène auront accès à des crédits d’impôt allant de 15 % à 40 %.

Cela dit, les producteurs ne seront pas les seuls à pouvoir bénéficier de ces avantages. Ces derniers seront également accessibles aux organisations de l’ensemble de la chaîne de valeur qui participent à la production ainsi qu’à celles qui utilisent des technologies propres pour atteindre leurs cibles de durabilité. Qu’une entreprise fabrique de l’équipement, des composants ou des équipements de stockage connexes, des produits liés au recyclage ou de l’équipement de conversion, le tout à zéro émission — soit seulement certaines des utilisations prévues des incitatifs tels que le crédit d’impôt à l’investissement remboursable — ou qu’elle ne fasse qu’investir dans des technologies visant la réduction des émissions, les occasions de bénéficier de ces mesures pour les différents secteurs ne feront dorénavant que se multiplier.

Par ailleurs, ces nouveaux incitatifs feront très probablement l’objet d’audits de la part de l’Agence du revenu du Canada, qui cherchera à s’assurer que les investissements répondront aux objectifs du gouvernement. La documentation adéquate sera importante pour la capacité des entreprises à accéder aux incitatifs offerts.

Comment les entreprises du secteur TMT peuvent tirer le meilleur parti de ce scénario

Les entreprises de partout au Canada ont tout avantage à s’intéresser aux investissements verts et à déterminer comment profiter au mieux des incitatifs offerts. Si, à première vue, ces incitatifs semblent s’adresser seulement aux producteurs de technologies propres, il en existe aussi pour les entreprises qui visent leurs propres cibles de développement durable internes. Cela dit, les entreprises ont tout intérêt à s’adapter aux changements réglementaires le plus rapidement possible. Aucune entreprise ne souhaiterait devoir mettre en place des contrôles, des équipes, des politiques ou des programmes à la dernière minute.

En acquérant une vision globale, les organisations du secteur TMT peuvent se doter d’une stratégie d’investissement verte tout en modernisant leurs cadres redditionnels, leurs contrôles internes, leurs politiques et leurs ressources pour être en mesure de présenter des informations claires et transparentes à ce sujet.

Tout est loin d’être définitif, mais les organisations qui agissent maintenant auront amplement le temps de moderniser leur stratégie. Les entreprises canadiennes ont tout intérêt à profiter de cette occasion. N’attendez pas les recommandations du Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) et les approbations correspondantes des commissions des valeurs mobilières canadienne et provinciales pour commencer à vous préparer à la présentation de ces informations. Commencez dès maintenant. De quelle façon?

  • Effectuez une analyse détaillée des dépenses en immobilisation vertes. Il importe de repérer les incitatifs verts qui correspondent au mieux à votre vision stratégique de l’entreprise. Si vous songez à investir dans la durabilité, que ce soit en installant des panneaux solaires sur le toit ou en lançant de nouveaux produits et services, assurez‑vous de bénéficier des meilleurs avantages possible. La planification fiscale et l’analyse de la répartition des coûts peuvent vous aider à établir des objectifs en fonction des crédits d’impôt disponibles afin de tirer le meilleur parti de chaque investissement vert. Ces mesures facilitent la prise en compte des coûts admissibles, l’optimisation des déductions, le suivi de l’amortissement fiscal et l’accès à des crédits d’impôt plus importants.

  • Déterminez quelles règles générales de présentation des informations à fournir en lien avec les changements climatiques s’appliqueront à votre organisation. La réglementation est en train de changer tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. Certains règlements ne s’appliquent pas à votre entreprise. Formez la bonne équipe, offrez-lui les bons outils et faites appel à un réseau mondial compétent pour être toujours à l’affût des obligations d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques. Le règlement 51‑107 et l’IFRS S2, tout comme les propositions de la SEC, s’appuient sur les recommandations publiées du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), qui offrent une base solide pour la présentation des informations. En réalisant une évaluation des lacunes maintenant, vous pourrez repérer les éléments que vous aurez à présenter une fois les règlements finalisés et concevoir un plan à cet effet. Cette stratégie vous permettra de mettre en place des changements internes de façon immédiate dans le but d’atteindre votre cible en temps voulu.

  • Évaluez votre processus redditionnel actuel. De nombreuses entités publient déjà des rapports en matière de durabilité ou de facteurs ESG. Du chef des finances aux autres membres de l’équipe des finances, ce groupe a pour mission de recenser les éléments qui sont déjà consignés et présentés. Allez au-delà de ce recensement et évaluez la façon dont les rapports actuels répondent aux différents cadres de travail, le processus actuel d’obtention de l’information et les contrôles mis en place aux fins de sa gestion. Déterminez la façon dont vous suivrez et consignerez les informations liées aux nouveaux crédits d’impôt et investissements verts. Intégrées à votre évaluation des lacunes, ces considérations peuvent vous aider à comprendre votre situation actuelle et à connaître les sources d’information disponibles.

  • Conception et mise en œuvre d’un modèle opérationnel qui puisse soutenir vos réussites à venir. Une fois au fait de l’état actuel des contrôles internes de votre organisation et de vos capacités redditionnelles en matière de lutte contre les changements climatiques, vous serez plus à même d’évaluer vos modèles opérationnels et de concevoir des systèmes qui favorisent au mieux le respect des obligations d’informations à venir. Pour pouvoir satisfaire aux obligations d’information à fournir en lien avec les changements climatiques à court terme, il vous faudra compter sur une combinaison appropriée de capacités, de technologies, de processus et de compétences.


Il importe aussi de garder en permanence une vue d’ensemble. Ce vent de changement aux obligations d’information en matière de lutte contre les changements climatiques et d’enjeux ESG ne devrait durer qu’une dizaine d’années.
Nous constatons que les organisations s’intéressent de plus en plus aux processus et aux contrôles, surtout depuis la publication du rapport du COSO.Quand on les compare aux nouvelles normes d’informations financières, les obligations d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques ont ceci de particulier que les entités publient déjà une partie des éléments requis à ce titre en dehors des états financiers existants, dans divers formats et avec une précision et un poids relatif variables. Accompagner la refonte globale de votre modèle opérationnel d’une évaluation des contrôles mis en place est une bonne manière de garantir que les processus de contrôles existants sont assez rigoureux pour être conservés dans le nouveau contexte à venir.

Résumé

Les obligations d’informations à fournir en lien avec les changements climatiques continuent d’évoluer. Même si de nombreux aspects de ce nouvel environnement redditionnel restent incertains, les organisations canadiennes disposent de divers moyens pour commencer à s’y préparer dès maintenant. Saisissez cette occasion inestimable de déterminer les règles qui s’appliquent à vous, d’examiner vos pratiques redditionnelles actuelles et de cerner les changements à apporter à votre modèle opérationnel en vue des nouvelles exigences. Assurez‑vous de n’omettre aucun crédit d’impôt potentiellement disponible et de profiter de toutes les occasions de planification fiscale qui s’offrent à vous pour optimiser vos investissements dans le domaine du climat. Ne manquez pas cette occasion exceptionnelle de prendre les devants et de vous démarquer.

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