À la base, le principe de la portabilité des données vise à régler le débat entre « propriété des données et droits s’y rapportant » et « collecte et garde des données ». Les données appartiennent à la « personne concernée » et peuvent, avec le consentement de cette dernière et pour une finalité donnée, être traitées par les « gardiens » ou « sous‑traitants » des données.
En pratique, la portabilité des données offre aux personnes concernées l’occasion de donner leur consentement et assure le partage sécuritaire de ces données avec des organisations tierces agréées dans des formats normalisés.
À vrai dire, la portabilité des données n’est pas chose nouvelle. Pensons à tous ces documents physiques qu’une personne doit rassembler pour obtenir un prêt hypothécaire ou à la somme des renseignements que les petites entreprises doivent communiquer pour conserver leurs marges de crédit Ce sont deux exemples de partage/portage de données. Cependant, ces structures, qui n’ont manifestement pas été conçues pour un monde où le numérique est roi, sont source de contrariétés pour toutes les parties prenantes.
L’adoption de normes communes pour le partage de données, la mise en place de structures d’accréditation et la nécessité de faire accepter ces changements par tout un écosystème représentent tout un défi pour les organisations qui doivent mettre pareilles ressources à la disposition de leurs clients. Néanmoins, les efforts déployés donneront lieu à de nouveaux modèles d’affaires et stimuleront la concurrence, ce qui s’avère avantageux aussi bien pour les clients que pour les fournisseurs de services.
Quels sont les avantages pour les clients?
Contrôle accru sur leurs données – La portabilité des données permet aux clients de contrôler et de gérer leurs données. Par exemple, elle leur permet d’avoir à consentir pour que leurs données puissent être utilisées, obtenues, supprimées et communiquées. Les processus sont plus simples, moins de temps est perdu, et les clients qui, à une fin quelconque, doivent recueillir des données auprès de plusieurs fournisseurs ne se heurtent plus à autant de contrariétés. Ensemble, l’identité autosouveraine et la portabilité des données offrent aux clients de nouvelles façons plus simples d’exercer leurs activités.
Valeur accrue tirée des données – Lorsque les données sont rattachées à un seul fournisseur de services, leur valeur se limite aux cas pour lesquels ce fournisseur les utilise. Or, si les données sont partagées plus largement, elles acquièrent de la valeur à de nombreuses autres fins. Les fournisseurs de services ne sont pas tous sur le même
pied. Très souvent, les clients subissent d’importantes contrariétés quand ils veulent se prévaloir d’un nouveau service qui n’est pas offert par leur fournisseur actuel. Grâce à la portabilité, ces contrariétés s’estompent peu à peu.
Intensification de la concurrence sur le marché – Les contrariétés s’estompant, les clients peuvent plus facilement passer au fournisseur de services qui répond le mieux à leurs besoins à court et à long terme. Les fournisseurs qui seront à la traîne en matière de proposition et de fourniture de produits ou de services risquent fort d’en payer le prix. On assistera donc à une nouvelle course à l’innovation et à la recherche d’amélioration des services offerts, ce qui renforcera la concurrence sur le marché et mettra la valeur au cœur des préoccupations.
Quelles sont les incidences pour les institutions financières?
Sans surprise, ce nouveau paradigme de la portabilité des données engendre une foule de possibilités et de risques pour les institutions financières.
Possibilités :
Hyperpersonnalisation : Les fournisseurs de services doivent développer la faculté de conseiller plus rapidement et plus judicieusement les clients qui passent à la portabilité des données, ce qui les force à mieux comprendre le client. Les clients peuvent s’attendre à recevoir des offres hyperpersonnalisées de la part de leurs fournisseurs de services qui ont l’autorisation d’utiliser leurs données.
On ne s’en tiendra pas aux simples recommandations de produits; on cherchera à recommander en temps voulu des produits et services personnalisés servant au mieux les intérêts du client. Les fournisseurs de services qui excelleront et remporteront la palme sont ceux qui s’emploieront à améliorer la situation financière de leurs clients.
Innovation au chapitre des modèles d’affaires : Les fournisseurs de services peuvent explorer les possibilités de multiplication des vecteurs de revenus commerciaux grâce à certains modèles émergents :
- Monétisation des données : Les institutions financières ont accès à un ensemble de données sur leurs clients qui grandit très rapidement et dépasse de loin les données financières conventionnelles. En favorisant l’obtention transparente du consentement des clients par des incitatifs, notamment financiers, les données peuvent être monétisées pour accroître les ventes croisées de leurs propres produits et services et de ceux de leurs partenaires.
- Services bancaires numériques / monétisation de l’interface de programmation d’application (API) : Les institutions financières peuvent aussi choisir de devenir des fournisseurs de services et de soutenir un écosystème diversifié d’intervenants. De nombreux modèles sont apparus récemment, des services bancaires numériques aux services numériques de connaissance de la clientèle, en passant par l’octroi de permis bancaires au moyen de comptes bancaires en marque blanche.
- Baisse des coûts pour l’acquisition de nouveaux clients : Il y a fort à parier qu’il deviendra nettement plus facile pour les fournisseurs de services d’adapter les produits et services novateurs. En réduisant les frictions systémiques, les coûts associés au recrutement d’une nouvelle clientèle baisseront considérablement. On n’a qu’à penser à la multitude de campagnes « devenez client de ma banque » menées par pratiquement toutes les banques, où l’on promet de faciliter le transfert du principal compte bancaire du client. Bien sûr, l’expérience client est simplifiée, mais cela revient assez cher pour la banque et lui prend beaucoup de temps. Or, la lourdeur de ce processus et les coûts ne correspondront plus qu’à une fraction de ce qu’ils sont aujourd’hui.
Risques
Désintermédiation de la relation client : Comme les clients contrôleront davantage leurs données et auront plus d’options en raison de l’intensification de la concurrence, les institutions financières devront se montrer plus compétitives que jamais pour garder leurs clients. Traditionnellement, les institutions financières jouissaient d’un avantage en étant les seules à avoir accès aux données de leurs clients, mais la portabilité des données grugera cet avantage. La désintermédiation pourrait devenir un enjeu, les clients interagissant avec un plus grand nombre de tiers (des institutions financières et des entreprises de technologie financière, par exemple) pour obtenir des services bancaires. Pour demeurer compétitives, les institutions financières doivent consacrer toute leur attention à leurs clients et leur offrir des services distinctifs.
- Sécurité et protection de la vie privée : Le partage de données avec des fournisseurs tiers peut aussi comporter des risques, notamment au chapitre des fuites de données, du piratage et des fraudes financières. Pour protéger les données des clients, il faut des règles claires en matière de responsabilité et de reddition de comptes relativement aux données ainsi que des solutions efficaces. Il est crucial de bien gérer le processus de consentement, les clients pouvant poursuivre les institutions qui partagent leurs données sans leur consentement. Aux yeux des institutions financières, l’enjeu est davantage de gérer le risque de voir leur réputation entachée que d’avoir une approche irréprochable en matière de sécurité et de protection de la vie privée.
Comment les fournisseurs de services financiers peuvent‑ils se préparer à la portabilité des données?