Pour définir la bonne stratégie, il faut d’abord déterminer où et comment les institutions financières devraient s’engager sur la voie de la durabilité. Il ne s’agit pas seulement de définir les bonnes politiques, il faut aussi identifier les bonnes actions pour faire du financement durable un levier de croissance. Entre autres questions essentielles, en voici quelques-unes que les institutions financières devraient se poser :
- Le leadership sur les questions environnementales (ou sociales) doit-il être un élément essentiel de l’objectif, comme c’est le cas pour plusieurs entreprises du secteur automobile et des biens de consommation? Notre engagement sur les questions environnementales (et sociales) s’inscrit‑il dans une démarche authentique par rapport à notre culture, à notre marque et à nos produits?
- De quelle manière jouons‑nous un rôle de soutien actif dans la transition vers le bilan carbone à zéro émission nette?
- De quelle manière la durabilité recoupe‑t‑elle ou influence‑t‑elle la stratégie commerciale et les modèles opérationnels?
- Comment déterminer l’impact des changements climatiques sur notre stratégie et nos activités, et modifier la demande du marché pour nos produits et services?
- Avec qui, et comment, devrions‑nous collaborer pour faciliter un changement systémique?
- Qu’est‑ce qui compte le plus pour nos parties prenantes concernant les mesures que nous prenons pour lutter contre le changement climatique?
Ces questions peuvent amener les conseils d’administration et les dirigeants des institutions financières à réfléchir sur l’objectif et la mission de l’entreprise. Les bonnes réponses aideront à définir les objectifs de durabilité qui conviennent à l’entreprise, c’est‑à‑dire ceux qui sont authentiques, réalisables et significatifs, et qui répondent aux besoins des parties prenantes. En outre, les stratégies les plus fructueuses seront celles qui sont intégrées au cœur même de l’entreprise, bénéficiant du bon niveau de leadership et de défense des intérêts de la part de la haute direction.
Grâce à une solide stratégie de durabilité, les risques physiques et de transition s’intégreront aux référentiels de conformité et de gestion de risque de l’entreprise, aux processus de développement de produits, de décisions de souscription et de tarification, et à d’autres processus décisionnels importants de la direction. Les risques physiques peuvent s’avérer plus déterminants pour la résilience opérationnelle, ainsi que le risque de crédit, le risque de liquidité et le risque lié au bilan. Certains fournisseurs et sous‑traitants fournissant des services essentiels (par exemple, un centre d’appels ou du soutien technologique) n’étaient pas prêts pour le passage soudain à des opérations virtuelles. Les sociétés de services financiers doivent évaluer leur capacité à maintenir leurs activités, ainsi que celle des entreprises qu’elles financent et qu’elles couvrent, en évaluant les disruptions potentielles dues aux changements climatiques. Les décisions peuvent s’avérer difficiles à prendre lorsqu’il y a combinaison d’activités nationales, continentales ou internationales et de tiers.
Les risques liés à la transition se situent là où la durabilité croise les stratégies en matière de produits et de clients. Cela concerne à la fois les clients du commerce de détail, les clients institutionnels et les sociétés clientes. Par exemple, les entreprises qui ne sont pas préparées ou qui ne peuvent pas trouver une voie de transition viable vers le bilan carbone à zéro émission nette peuvent avoir du mal à survivre, surtout si elles ne peuvent pas compter sur le soutien de leurs fournisseurs de services financiers dans cette transition. Pour les consommateurs, le défi consistera à obtenir un logement, un financement et une assurance dans les régions touchées par les changements climatiques.
Pour les banques et les gestionnaires de biens, il s’agira de définir les segments sur lesquels il vaut la peine d’octroyer du crédit et d’investir. Pour les assureurs, il s’agit d’adapter les modèles de souscription et de tarification en fonction de l’augmentation du nombre des inondations, des feux de forêt et autres événements physiques – des efforts qui ont déjà commencé. Dans l’ensemble, il serait illusoire de la part du secteur des services financiers de penser pouvoir soutenir la transition sans financer les industries à fortes émissions de carbone à court et moyen terme. En réalité, les industries et les entreprises polluantes ont besoin de financement pour devenir vertes.
Un défi majeur pour les sociétés de services financiers sera de décider si, ou comment, il faut soutenir la transition. Certaines sociétés de services financiers ont décidé de cesser de travailler avec certaines entreprises ou d’investir dans certains secteurs. Cette décision a été prise pour une question de principe ou dans un souci de réduire les risques de réputation. D’autres entreprises ont décidé que leur rôle consistait à soutenir la transition en encourageant et en finançant les changements nécessaires. Elles estiment que cette ligne de conduite est plus conforme à leurs principes et qu’elles peuvent en gérer les risques. C’est une dure décision à prendre pour ces sociétés.
Les stratégies de durabilité permettront d’équilibrer les désinvestissements dans certains secteurs par un engagement croissant dans d’autres. Encore une fois, il s’agit de poser les bonnes questions :
- Quelle voie devons‑nous suivre pour soutenir nos clients dans leur transition vers un bilan carbone de zéro émission nette?
- Comment décider dans quel secteur nous devons investir ou lequel financer? Comment ces décisions cadrent‑elles avec notre objectif et notre stratégie?
- Quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour la transition vers un bilan carbone de zéro émission nette et qui méritent donc d’être financées ou dans lesquelles il est intéressant d’investir? Quels sont les secteurs ou les entreprises qui développent ou utilisent ces technologies?
- Quels nouveaux produits et services d’atténuation des risques est-il possible de créer afin de soutenir les clients? De quels services de modélisation de risques ou de portefeuilles nos clients ont‑ils besoin?
Dans le contexte du changement climatique, des investissements appropriés peuvent générer des billions de dollars, et il existe des possibilités dans de nombreux secteurs, des sources d’énergie renouvelable et des logements verts aux sources de denrées de remplacement et aux technologies d’emballage intelligent. Par exemple, l’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’il faudra 3,5 billions de dollars d’investissements mondiaux annuels pour construire les infrastructures nécessaires à une économie verte.1
Étant donné le large consensus sur le fait que le rythme d’investissement a été trop lent, les investisseurs qui font les bons choix à court terme peuvent encore bénéficier de l’avantage d’être les premiers à investir et de suivre rapidement le mouvement. Un récent rapport de la Harvard Business Review2 a confirmé l’importance de stratégies robustes : « Les investisseurs se demandent de plus en plus... non pas si une entreprise a de bonnes intentions, mais si elle dispose de la vision stratégique et des capacités nécessaires pour atteindre et maintenir de solides rendements ESG. » Si cela est vrai du point de vue de l’investissement, c’est également vrai en ce qui concerne la manière dont les sociétés de services financiers décident de financer les entreprises qui prennent les changements climatiques au sérieux ou la façon dont elles peuvent s’en assurer.
Voici ce que les institutions financières devraient faire maintenant :
- Trouver le lien entre la finance durable, le bilan carbone de zéro émission nette et la mission ou l’objectif de l’entreprise.
- Cartographier les risques et les possibilités liés aux changements climatiques par unité fonctionnelle, gamme de produits et zone géographique.
- Définir une stratégie et une vision claires pour un financement durable : ce que l’entreprise espère réaliser et comment elle atteindra ses objectifs.
- Trouver la bonne structure organisationnelle, y compris la surveillance exercée par le conseil d’administration et les hauts dirigeants responsables.
- Communiquer la vision et la stratégie de durabilité aux employés, aux investisseurs et aux autres parties prenantes.