Vue aérienne d’une autoroute croisant une voie ferrée en automne
Vue aérienne d’une autoroute croisant une voie ferrée en automne

Comment la finance durable peut‑elle soutenir les efforts qui nous mèneront sur la voie d’un bilan carbone de zéro émission nette?

La finance durable est devenue une priorité urgente pour tous les services financiers, grâce à l’objectif de zéro émission nette de carbone d’ici 2050. 


En bref

  • Il n’y aura pas d’économie à zéro émission nette sans services financiers, car les entreprises ont besoin de financement et d’assurances pour gérer les risques physiques et de transition.
  • Les entreprises de services financiers ont besoin d’établir des stratégies claires et tournées vers l’avenir pour instaurer une finance durable et définir leur rôle dans la transition vers un bilan carbone de zéro émission nette.
  • Adopter la bonne stratégie est essentiel, car l’écologisation de l’économie présente un énorme potentiel et pourrait bien devenir « le vecteur de possibilités commerciales le plus important de notre époque ».

Compte tenu de la pression croissante des investisseurs, des organismes de réglementation et de la société, la finance durable prend un essor considérable à l’échelle mondiale. Autrefois considérée comme un concept ciblé et futuriste par certains investisseurs, elle devient rapidement une priorité stratégique à court terme et une réalité opérationnelle pour tous les types d’acteurs des services financiers. Si l’on excepte la COVID‑19, au cours de la prochaine décennie, la finance durable pourrait devenir non seulement le défi le plus urgent du monde entrepreneurial, mais aussi une chance à saisir sans attendre. 

La finance durable peut avoir différentes significations dans différents contextes. EY définit la finance durable comme toute forme de service financier qui encourage l’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à long terme dans les décisions d’affaires, dans le but de fournir des avantages plus équitables, durables et inclusifs aux entreprises, aux communautés et à la société. L’intégration des concepts ESG en investissement est peut‑être l’expression la plus visible de la finance durable, parallèlement à l’importance croissante du capitalisme des parties prenantes (ou capitalisme inclusif). La finance durable a également un rôle essentiel à jouer par rapport aux changements climatiques en finançant la transition vers une complète élimination des émissions nettes de carbone d’ici 2050.


L’ampleur des changements climatiques à l’échelle mondiale représente un nombre considérable de risques potentiels, à commencer par les inondations, les feux de forêt, les « supertempêtes » et autres événements physiques qui perturbent non seulement l’activité économique à grande échelle, mais aussi les activités des entreprises individuelles. L’évolution des conditions météorologiques dans le monde avait déjà commencé à montrer la fragilité des chaînes d’approvisionnement pour certains secteurs d’activité; la pandémie de COVID‑19 a assurément mis cela encore plus en évidence. Les risques dits de transition sont tout aussi importants. Ils concernent les répercussions financières et commerciales du passage à une économie plus verte (par exemple, les compagnies pétrolières et gazières touchées par les limites imposées aux combustibles fossiles). Si les risques physiques sont plus visibles et présents aujourd’hui, les effets croissants du risque que représentera la transition au cours de la prochaine décennie et au‑delà doivent également être pris en compte. 


Il n’y aura pas d’économie à zéro émission nette sans services financiers. D’autres secteurs auront besoin de soutien, comme l’assurance et le financement, pour gérer l’impact des risques physiques, et surtout pour modifier leurs stratégies, leurs modèles commerciaux et leurs opérations afin d’assurer la transition. Une entreprise polluante ne devient verte qu’avec l’aide de la finance. Les besoins en matière de financement sont énormes. À l’inverse, les entreprises qui ne s’engageront pas dans cette transition auront plus de mal à obtenir des financements et à attirer des investisseurs. Les clients seront également touchés, en particulier ceux qui se trouvent dans des zones soumises aux effets croissants des conditions météorologiques extrêmes.


Compte tenu de ces risques, mais aussi de perspectives très intéressantes, cet article traite de la nécessité pour les entreprises de services financiers d’établir des stratégies claires et tournées vers l’avenir pour instaurer une finance durable et définir leur rôle dans la transition vers une économie à zéro émission nette. Bien que de nombreuses mesures importantes doivent être prises (notamment la collecte de données et le développement de capacités de modélisation et de production de rapports), il est essentiel que les banques, les assureurs et les gestionnaires de biens établissent tout d’abord une vision d’ensemble de ce qui les attend.

Reflet d’éoliennes au coucher du soleil dans le rétroviseur extérieur d’une voiture
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Chapter 1

Where we are today: increasing commitment, attention and investment

Private sector leadership will be imperative in the move to net-zero carbon emissions.

Au moins 125 pays, dont la moitié de ceux du G20, se sont engagés à atteindre un niveau zéro d’émissions nettes de carbone d’ici 2050. L’objectif est de limiter l’augmentation de la température à deux degrés ou moins au cours des 30 prochaines années, conformément aux objectifs fixés par l’Accord de Paris de 2015 et soutenus par les Nations Unies (ONU) et plusieurs groupes industriels. Indépendamment de la politique qui entoure les changements climatiques, les ambitieux objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies sont devenus le cadre mondial qui permet de juger des progrès réalisés pour arrêter ou inverser les changements climatiques (ainsi que d’autres questions importantes).

Le progrès repose sur une action coordonnée des secteurs public et privé. Les gouvernements nationaux et régionaux jouent un rôle essentiel dans la mobilisation des ressources, l’établissement des conditions réglementaires et fiscales, et la promotion (parfois même, la conduite) du changement. Malgré tout, le rôle du secteur privé demeure crucial et, dans des conditions politiques et économiques incertaines, il l’est encore plus. ‑La COVID‑19 a fait des ravages dans les économies et les budgets publics, à tel point que de nombreux dirigeants internationaux ont exprimé de grandes inquiétudes sur le fait que la COVID‑19 a grandement freiné les progrès des ODD. Cela souligne encore plus la nécessité d’un leadership du secteur privé, alors même que les gouvernements du monde entier formulent des politiques pour « mieux reconstruire ».

Comme pour d’autres secteurs, l’attention initiale sur les changements climatiques a porté essentiellement sur les risques présentés par les phénomènes météorologiques extrêmes et les menaces directes pesant sur certains types d’entreprises (par exemple, les producteurs de pétrole et de gaz, les compagnies aériennes, les constructeurs automobiles). Les sociétés de services financiers ont intensifié leurs efforts afin de renforcer la résilience opérationnelle et la gestion des risques liés aux tiers.

De plus en plus, les grandes banques, les assureurs et les gestionnaires de biens s’engagent publiquement à réorienter les ressources vers l’atteinte de l’objectif de zéro émission nette et d’autres objectifs de développement durable. Ce n’est que récemment que l’énorme potentiel de croissance a été pleinement mis en évidence. En effet, comme l’a suggéré Mark Carney, ancien directeur de la Banque d’Angleterre et aujourd’hui envoyé spécial des États‑Unis auprès des Nations Unies, « le passage au bilan carbone à zéro émission nette représente le vecteur de possibilités commerciales le plus important de notre époque ». D’autres ont comparé l’ampleur et la portée des possibilités à celles de la révolution industrielle.

Dans ce contexte, les grandes entreprises rassemblent leurs ressources et remodèlent leurs stratégies pour se préparer à la transition vers le bilan carbone à zéro émission nette, sachant qu’une finance durable sera essentielle à leur réussite tout au long du parcours. Les dirigeants de ces entreprises ne considèrent pas la durabilité comme un exercice de conformité ou simplement comme un risque majeur (bien qu’elle soit devenue un élément majeur de conformité et de risque), mais comme une occasion de saisir les importantes possibilités de croissance qui accompagneront les grands changements macroéconomiques déjà en cours.

Une telle prévoyance est nécessaire étant donné la tendance manifeste à passer de mesures volontaires à des actions plus tangibles dans la poursuite d’objectifs spécifiques liés au carbone. L’accroissement du nombre des mandats de réglementation est une certitude. L’élaboration d’objectifs stratégiques et de mesures permettant de suivre les progrès réalisés par rapport à ces objectifs devrait être la priorité, la première étape pour les entreprises qui souhaitent paver la voie d’un avenir plus durable de manière relativement facile et rentable. Les sociétés de services financiers devraient être les partenaires des industries et des entreprises qui s’engagent sur la voie du bilan carbone à zéro émission nette.

Une femme asiatique debout dans la forêt tropicale
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Chapter 2

Defining an authentic, achievable and meaningful sustainability strategy

Where to invest time and resources to manage physical and transitional risks should be top-of-mind.

Pour définir la bonne stratégie, il faut d’abord déterminer où et comment les institutions financières devraient s’engager sur la voie de la durabilité. Il ne s’agit pas seulement de définir les bonnes politiques, il faut aussi identifier les bonnes actions pour faire du financement durable un levier de croissance. Entre autres questions essentielles, en voici quelques-unes que les institutions financières devraient se poser :

  • Le leadership sur les questions environnementales (ou sociales) doit-il être un élément essentiel de l’objectif, comme c’est le cas pour plusieurs entreprises du secteur automobile et des biens de consommation? Notre engagement sur les questions environnementales (et sociales) s’inscrit‑il dans une démarche authentique par rapport à notre culture, à notre marque et à nos produits?
  • De quelle manière jouons‑nous un rôle de soutien actif dans la transition vers le bilan carbone à zéro émission nette?
  • De quelle manière la durabilité recoupe‑t‑elle ou influence‑t‑elle la stratégie commerciale et les modèles opérationnels?
  • Comment déterminer l’impact des changements climatiques sur notre stratégie et nos activités, et modifier la demande du marché pour nos produits et services?
  • Avec qui, et comment, devrions‑nous collaborer pour faciliter un changement systémique?
  • Qu’est‑ce qui compte le plus pour nos parties prenantes concernant les mesures que nous prenons pour lutter contre le changement climatique?

Ces questions peuvent amener les conseils d’administration et les dirigeants des institutions financières à réfléchir sur l’objectif et la mission de l’entreprise. Les bonnes réponses aideront à définir les objectifs de durabilité qui conviennent à l’entreprise, c’est‑à‑dire ceux qui sont authentiques, réalisables et significatifs, et qui répondent aux besoins des parties prenantes. En outre, les stratégies les plus fructueuses seront celles qui sont intégrées au cœur même de l’entreprise, bénéficiant du bon niveau de leadership et de défense des intérêts de la part de la haute direction.

Grâce à une solide stratégie de durabilité, les risques physiques et de transition s’intégreront aux référentiels de conformité et de gestion de risque de l’entreprise, aux processus de développement de produits, de décisions de souscription et de tarification, et à d’autres processus décisionnels importants de la direction. Les risques physiques peuvent s’avérer plus déterminants pour la résilience opérationnelle, ainsi que le risque de crédit, le risque de liquidité et le risque lié au bilan. Certains fournisseurs et sous‑traitants fournissant des services essentiels (par exemple, un centre d’appels ou du soutien technologique) n’étaient pas prêts pour le passage soudain à des opérations virtuelles. Les sociétés de services financiers doivent évaluer leur capacité à maintenir leurs activités, ainsi que celle des entreprises qu’elles financent et qu’elles couvrent, en évaluant les disruptions potentielles dues aux changements climatiques. Les décisions peuvent s’avérer difficiles à prendre lorsqu’il y a combinaison d’activités nationales, continentales ou internationales et de tiers.

Les risques liés à la transition se situent là où la durabilité croise les stratégies en matière de produits et de clients. Cela concerne à la fois les clients du commerce de détail, les clients institutionnels et les sociétés clientes. Par exemple, les entreprises qui ne sont pas préparées ou qui ne peuvent pas trouver une voie de transition viable vers le bilan carbone à zéro émission nette peuvent avoir du mal à survivre, surtout si elles ne peuvent pas compter sur le soutien de leurs fournisseurs de services financiers dans cette transition. Pour les consommateurs, le défi consistera à obtenir un logement, un financement et une assurance dans les régions touchées par les changements climatiques.

Pour les banques et les gestionnaires de biens, il s’agira de définir les segments sur lesquels il vaut la peine d’octroyer du crédit et d’investir. Pour les assureurs, il s’agit d’adapter les modèles de souscription et de tarification en fonction de l’augmentation du nombre des inondations, des feux de forêt et autres événements physiques – des efforts qui ont déjà commencé. Dans l’ensemble, il serait illusoire de la part du secteur des services financiers de penser pouvoir soutenir la transition sans financer les industries à fortes émissions de carbone à court et moyen terme. En réalité, les industries et les entreprises polluantes ont besoin de financement pour devenir vertes.

Un défi majeur pour les sociétés de services financiers sera de décider si, ou comment, il faut soutenir la transition. Certaines sociétés de services financiers ont décidé de cesser de travailler avec certaines entreprises ou d’investir dans certains secteurs. Cette décision a été prise pour une question de principe ou dans un souci de réduire les risques de réputation. D’autres entreprises ont décidé que leur rôle consistait à soutenir la transition en encourageant et en finançant les changements nécessaires. Elles estiment que cette ligne de conduite est plus conforme à leurs principes et qu’elles peuvent en gérer les risques. C’est une dure décision à prendre pour ces sociétés.

Les stratégies de durabilité permettront d’équilibrer les désinvestissements dans certains secteurs par un engagement croissant dans d’autres. Encore une fois, il s’agit de poser les bonnes questions :

  • Quelle voie devons‑nous suivre pour soutenir nos clients dans leur transition vers un bilan carbone de zéro émission nette?
  • Comment décider dans quel secteur nous devons investir ou lequel financer? Comment ces décisions cadrent‑elles avec notre objectif et notre stratégie?
  • Quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour la transition vers un bilan carbone de zéro émission nette et qui méritent donc d’être financées ou dans lesquelles il est intéressant d’investir? Quels sont les secteurs ou les entreprises qui développent ou utilisent ces technologies?
  • Quels nouveaux produits et services d’atténuation des risques est-il possible de créer afin de soutenir les clients? De quels services de modélisation de risques ou de portefeuilles nos clients ont‑ils besoin?

Dans le contexte du changement climatique, des investissements appropriés peuvent générer des billions de dollars, et il existe des possibilités dans de nombreux secteurs, des sources d’énergie renouvelable et des logements verts aux sources de denrées de remplacement et aux technologies d’emballage intelligent. Par exemple, l’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’il faudra 3,5 billions de dollars d’investissements mondiaux annuels pour construire les infrastructures nécessaires à une économie verte.1

Étant donné le large consensus sur le fait que le rythme d’investissement a été trop lent, les investisseurs qui font les bons choix à court terme peuvent encore bénéficier de l’avantage d’être les premiers à investir et de suivre rapidement le mouvement. Un récent rapport de la Harvard Business Review2 a confirmé l’importance de stratégies robustes : « Les investisseurs se demandent de plus en plus... non pas si une entreprise a de bonnes intentions, mais si elle dispose de la vision stratégique et des capacités nécessaires pour atteindre et maintenir de solides rendements ESG. » Si cela est vrai du point de vue de l’investissement, c’est également vrai en ce qui concerne la manière dont les sociétés de services financiers décident de financer les entreprises qui prennent les changements climatiques au sérieux ou la façon dont elles peuvent s’en assurer.

Voici ce que les institutions financières devraient faire maintenant :

  • Trouver le lien entre la finance durable, le bilan carbone de zéro émission nette et la mission ou l’objectif de l’entreprise.
  • Cartographier les risques et les possibilités liés aux changements climatiques par unité fonctionnelle, gamme de produits et zone géographique.
  • Définir une stratégie et une vision claires pour un financement durable : ce que l’entreprise espère réaliser et comment elle atteindra ses objectifs.
  • Trouver la bonne structure organisationnelle, y compris la surveillance exercée par le conseil d’administration et les hauts dirigeants responsables.
  • Communiquer la vision et la stratégie de durabilité aux employés, aux investisseurs et aux autres parties prenantes.

L’essentiel : visualiser le long chemin à parcourir

Définir un contexte stratégique en vue des changements climatiques devrait être une priorité à court terme, car la finance durable est un projet de longue haleine. Les banques, les assureurs et les gestionnaires de biens devraient participer aux efforts en cours du secteur pour établir des normes en matière de données et de divulgation. Cependant, la mise en place d’un contexte stratégique d’affaires plus large doit être une priorité, car c’est la clé qui permet de gérer les risques les plus importants et de saisir les avantages.

Autre contributrice : Judy LJ Li, leader, Finance durable – Services financiers, pour la région EY Asie‑Pacifique

Résumé

Alors que les parties prenantes et la société exercent une pression croissante sur les entreprises en ce qui concerne les changements climatiques, les institutions financières doivent décider comment s’engager sur la voie de la durabilité et de la transition vers le bilan carbone de zéro émission nette. Il ne s’agit pas uniquement de définir les bonnes politiques, de respecter les mandats réglementaires et d’éviter les industries polluantes, il faut faire de la finance durable un levier de croissance.

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