L’adaptation, source de progrès dans le secteur minier aujourd’hui et dans l’avenir

Découvrez comment des dirigeants du secteur des mines et métaux redéfinissent leurs stratégies pour répondre à la demande.

Sujets connexes

Trent Mell, président et chef de la direction d’Electra Battery Materials (anciennement First Cobalt), nous parle de transformation des perspectives, d’occasions à saisir et de stratégies de gestion des talents dans un contexte en pleine évolution.

La pandémie de COVID‑19 a été une source de disruption dans pratiquement tous les secteurs, dont le vôtre. Comment Electra a‑t‑elle géré cette période, étant donné surtout qu’elle a continué d’être très active sur le marché?

Comme tout le monde, nous avons appris à nous adapter. Notre entreprise a connu une période de croissance exceptionnelle, sa taille a probablement triplé depuis le début de la pandémie. Malgré les défis, le fait que nous sommes une équipe d’entrepreneurs nous a probablement aidés à nous adapter un peu plus facilement que certaines grandes organisations. Beaucoup de nos employés travaillent sur le terrain. Nous avons des géologues qui s’occupent en personne des forages, en Idaho principalement. Notre équipe de projet ne pouvait pas interrompre ses activités, alors il a fallu porter des masques, respecter la distanciation sociale, faire des tests, tenir un registre des visiteurs à notre raffinerie. Tout s’est bien passé, et nous n’avons pas eu de problèmes d’éclosion ou de propagation parmi nos employés. Comme d’autres employeurs, nous avons fait de la vaccination une condition pour pouvoir accéder au site et y travailler. Nous avons essayé de suivre les meilleures pratiques et, jusqu’à maintenant, tout s’est très bien passé pour nous.

Vous avez conclu un certain nombre de transactions pendant la pandémie. Est‑ce que la COVID‑19 a eu une quelconque incidence sur le processus de contrôle préalable ou la conclusion de ces transactions?

Ce qui a été difficile, c’est que les investisseurs auraient normalement voulu voir l’actif en question pendant le processus de financement. Nous avons un permis pour une raffinerie hydrométallurgique au nord de Toronto. Les marchés se sont ouverts, et nous avons pu conclure une meilleure entente, selon moi. Nous avions prévu chercher à obtenir du financement garanti auprès des banques et des sociétés de capital investissement, mais cela aurait normalement exigé un contrôle préalable du site. C’était compliqué. Il a fallu faire intervenir plusieurs tierces parties. Nous avions pensé utiliser un drone pour faire une visite virtuelle de la raffinerie, mais ça n’a pas été nécessaire finalement. Comme n’importe quelle entreprise, nous pouvons faire beaucoup de choses en ligne. Mais je crois que réaliser un contrôle préalable, conclure une entente ou simplement interagir avec les membres de votre équipe, cela doit se faire en personne. Travailler en mode hybride, c’est bien, mais le virtuel ne peut pas devenir la norme. C’est moins efficace, on perd des occasions de mentorat et cet esprit d’équipe qui se crée quand on se retrouve tous ensemble à discuter autour de la machine à café.

Pour l’avenir, qu’est‑ce qui selon vous attend le secteur des mines et métaux en général?

Notre entreprise est établie à Toronto. Je travaille depuis une vingtaine d’années dans le secteur des mines, initialement chez Barrick Gold, on peut donc dire que mon univers est très centré sur les métaux précieux. Je me sentais un peu seul quand nous avons lancé cette entreprise il y a près de cinq ans. Ça m’a rappelé l’époque où je travaillais dans le palladium, car c’est un petit marché. Notre entreprise se consacrait uniquement sur le cobalt avant de diversifier ses activités.

Le secteur de l’énergie va être extraordinaire au cours de la prochaine année. Cela a à voir avec la cadence des annonces d’investissements en Amérique et en Amérique du Nord particulièrement. Nous sommes en retard pour l’adoption des véhicules électriques. Mais regardez tous ces milliards de dollars d’investissements qui ont été annoncés, initialement dans les usines automobiles et maintenant dans la fabrication de batteries. GM et POSCO Chemical ont annoncé la construction d’une usine qui fournira les matériaux actifs pour la fabrication des cathodes. Elles font leur arrivée dans notre écosystème, et ce n’est qu’un début.

Après un creux à 12 $ US la livre, les prix du cobalt avaient progressé de 50 % au moment de la clôture de l’exercice (2021) et avoisinent maintenant 33 $ US la livre. Le marché affiche une croissance annuelle de 26 %, donc je suis très optimiste. L’année a été bonne, et les choses n’iront qu’en s’améliorant.

Parlez-nous du processus par lequel First Cobalt a évolué pour devenir Electra Battery Materials. Comment décririez‑vous la redéfinition de la stratégie de votre entreprise?

Parlons d’abord de l’entreprise qu’est Electra (anciennement First Cobalt). Nous avons de formidables actifs en Idaho, et il y aura probablement plusieurs mines de cuivre et de cobalt en exploitation au cours des prochaines années dans cette région. Mais notre entreprise tire véritablement sa valeur actuelle du site métallurgique permanent. Pensez à Timmins et à Sudbury, notre site est situé à peu près à mi‑chemin entre les deux. C’est une entreprise de produits chimiques, reconvertie dans le secteur intermédiaire du marché des batteries. Le repositionnement était envisagé depuis six ou huit mois, mais pour aller de l’avant, il fallait obtenir les permis et le financement pour l’usine de cobalt. Nous avons dû commencer par le début et démontrer la crédibilité de notre plan d’affaires initial.

 

Tout cela est en fait le résultat de conversations que nous avons eues en aval. En particulier, un client du secteur automobile m’avait dit : « C’est bien qu’Electra produise du sulfate de cobalt pour fabriquer des batteries, mais ce n’est pas assez. Nous avons aussi besoin de nickel et d’un endroit pour recycler nos matériaux. » Il savait que nous allions suivre les meilleures pratiques. Ce dont nous avons vraiment besoin en Amérique du Nord, c’est d’un site intégré pour produire ces trois produits que j’ai mentionnés, et il faut ensuite aller plus loin et transformer ces produits en précurseurs, car autrement, le matériau emballé et expédié contient 80 % d’humidité. C’est mauvais pour l’empreinte carbone et la structure de coûts. Et si on peut éliminer l’étape de cristallisation, cela réduit le coût. Il fallait que quelqu’un prenne l’initiative. Nous l’avons fait, et le marché a très bien réagi jusqu’ici.

Cela étant dit, que pensez‑vous de la transition énergétique en général? Quel est selon vous l’état de préparation des parties prenantes au sein du secteur minier et hors secteur minier?

Aussi difficile que cela peut sembler de construire une usine, que ce soit pour assembler des véhicules ou fabriquer des batteries, plus on remonte en amont, et plus cela devient difficile et demande du temps. Nous savons tous que la demande est là. Les pressions sur la chaîne d’approvisionnement vont s’accentuer. Il va y avoir des pénuries, que ce soit pour le lithium, le nickel, le cobalt ou le manganèse. Je me concentre sur les activités de traitement, car c’est là que les besoins sont les plus grands en Amérique du Nord. Nous pensons pouvoir y arriver dans trois ans si nous obtenons les permis nécessaires. Puisque nous devons commencer avec un nouveau site au Canada, il faudra probablement compter deux ou trois années de plus. Dans le secteur minier aux États‑Unis, cela prend sept ou dix ans en règle générale. C’est ça, l’enjeu. Comment y remédier?

Je suis capitaliste. Je crois que le sentiment d’urgence commence à se répandre. On l’entend de la part des administrateurs des constructeurs automobiles. Mais il faudra un nouveau contrat social. Les jeunes d’aujourd’hui comprennent mieux le lien direct entre les ressources extraites du sol et les matières qui se retrouvent dans leur téléphone, ainsi que ce qu’il faut faire pour améliorer l’environnement. Je crois que la perspective sociale et urbaine sur l’exploitation des ressources minérales et son rôle dans l’économie en général ne peut aller qu’en s’améliorant, pourvu que nous nous engagions à les exploiter de manière responsable.

Au Salon de l’auto de Shanghai, il y avait 130 différents modèles de véhicules électriques. Ces modèles se retrouveront bientôt en Amérique du Nord. Il n’y en avait que 16 environ l’an dernier et 32 cette année. Ce nombre continuera d’augmenter, et en Amérique du Nord, nous avons besoin de l’autonomie et de véhicules plus gros. La technologie et les batteries sont enfin là. Je crois que même au sein du marché, les gens sont surpris de voir la vitesse à laquelle les choses évoluent, et nous devons tous travailler ensemble. Ce sera un moment décisif. Ça devrait être passionnant pour ceux d’entre nous qui sont au cœur de l’action cependant.

Que pensez‑vous des questions ESG en général et des nouvelles réalités auxquelles nous devons nous adapter?

Il y a des enjeux auxquels nous devrons répondre, mais je trouve cette conversation au sujet des questions ESG (questions environnementales, sociales et de gouvernance) très stimulante parce que très différente de cette époque, au début de ma carrière, où on parlait de la RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), ce qui était un peu nébuleux. Les critères ESG, c’est quantifiable. Dans mon secteur, le produit que nous vendons se retrouve dans un véhicule électrique. L’empreinte carbone d’un véhicule commence au site d’extraction des ressources minérales et se prolonge tout au long de notre processus, jusqu’à l’usine où les batteries sont fabriquées. À chaque étape, il y a un facteur lié à l’empreinte carbone qui doit être pris en considération et qui fait l’objet d’une obligation d’information.

C’est fabuleux pour nous d’être au Canada. Nous avons accès au réseau hydroélectrique, et le procédé utilisé à notre site est hydrométallurgique. C’est de l’énergie renouvelable, et nous ne générons pratiquement aucune émission. Le défi pour une nouvelle entreprise, c’est la complexité de toutes ces différentes normes. Il y a aussi beaucoup de prétentions écologiques, autant dans le secteur que du côté des investisseurs. J’aimerais que nous disposions d’une feuille de route claire pour connaître les règles et les obligations d’information, ainsi que les normes que nous pouvons adopter afin d’être tous évalués sur une base comparable. C’est ce qui permettra à une entreprise comme la nôtre de se distinguer. Nous avons évalué le cycle de vie de notre cobalt, et nous savons déjà qu’il s’agira du matériau le plus propre sur la planète pour la fabrication de batteries. Ce serait bien de pouvoir comparer notre produit d’une manière plus transparente que ce que nous faisons aujourd’hui.

Dernière question, mais certainement pas la moindre : le virage numérique et la concurrence pour les talents se sont intensifiés d’une manière sans précédent en raison de la pandémie. Que peut faire le secteur pour répondre plus rapidement à ces impératifs?

C’est une bonne question. Nos activités d’exploration ont augmenté, alors c’est devenu plus difficile de se procurer des appareils de forage et de recruter une bonne équipe d’exploration interne. C’est un combat pour moi, la course aux talents et la grande démission. Cela revient à ce que je disais précédemment, à savoir que même si je souhaite voir mes employés revenir au bureau parce que je trouve cette interaction importante, nous devons adopter une approche plus souple pour recruter des talents. Le modèle hybride sera important pour un employé de 24 ans qui veut pouvoir travailler à la maison le vendredi. J’ai confiance qu’il saura se montrer motivé et assidu. C’est une approche intéressante pour le recrutement de talents à l’heure actuelle.

J’aborde également la question du recrutement dans une perspective globale. Mon responsable de projet est à Sudbury. Mon responsable commercial est en Europe. Je suis actuellement à la recherche d’un autre vice-président qui sera peut-être – ou non – basé à Toronto. Autant j’aime le modèle traditionnel du travail au bureau, que je trouve préférable à certains égards, autant je crois qu’une société entrepreneuriale doit faire preuve d’agilité pour mieux composer avec la course aux talents. Il suffit de ne pas se cantonner à une ville et de tirer parti des technologies à notre disposition.

Article connexe


    Résumé

    Entretien avec Trent Mell, président et chef de la direction d’Electra Battery Materials (anciennement First Cobalt), sur la transformation des perspectives, les occasions à saisir et les stratégies de gestion des talents au sein du secteur des mines et métaux dans un contexte en pleine évolution.

    À propos de cet article