Cela étant dit, que pensez‑vous de la transition énergétique en général? Quel est selon vous l’état de préparation des parties prenantes au sein du secteur minier et hors secteur minier?
Aussi difficile que cela peut sembler de construire une usine, que ce soit pour assembler des véhicules ou fabriquer des batteries, plus on remonte en amont, et plus cela devient difficile et demande du temps. Nous savons tous que la demande est là. Les pressions sur la chaîne d’approvisionnement vont s’accentuer. Il va y avoir des pénuries, que ce soit pour le lithium, le nickel, le cobalt ou le manganèse. Je me concentre sur les activités de traitement, car c’est là que les besoins sont les plus grands en Amérique du Nord. Nous pensons pouvoir y arriver dans trois ans si nous obtenons les permis nécessaires. Puisque nous devons commencer avec un nouveau site au Canada, il faudra probablement compter deux ou trois années de plus. Dans le secteur minier aux États‑Unis, cela prend sept ou dix ans en règle générale. C’est ça, l’enjeu. Comment y remédier?
Je suis capitaliste. Je crois que le sentiment d’urgence commence à se répandre. On l’entend de la part des administrateurs des constructeurs automobiles. Mais il faudra un nouveau contrat social. Les jeunes d’aujourd’hui comprennent mieux le lien direct entre les ressources extraites du sol et les matières qui se retrouvent dans leur téléphone, ainsi que ce qu’il faut faire pour améliorer l’environnement. Je crois que la perspective sociale et urbaine sur l’exploitation des ressources minérales et son rôle dans l’économie en général ne peut aller qu’en s’améliorant, pourvu que nous nous engagions à les exploiter de manière responsable.
Au Salon de l’auto de Shanghai, il y avait 130 différents modèles de véhicules électriques. Ces modèles se retrouveront bientôt en Amérique du Nord. Il n’y en avait que 16 environ l’an dernier et 32 cette année. Ce nombre continuera d’augmenter, et en Amérique du Nord, nous avons besoin de l’autonomie et de véhicules plus gros. La technologie et les batteries sont enfin là. Je crois que même au sein du marché, les gens sont surpris de voir la vitesse à laquelle les choses évoluent, et nous devons tous travailler ensemble. Ce sera un moment décisif. Ça devrait être passionnant pour ceux d’entre nous qui sont au cœur de l’action cependant.
Que pensez‑vous des questions ESG en général et des nouvelles réalités auxquelles nous devons nous adapter?
Il y a des enjeux auxquels nous devrons répondre, mais je trouve cette conversation au sujet des questions ESG (questions environnementales, sociales et de gouvernance) très stimulante parce que très différente de cette époque, au début de ma carrière, où on parlait de la RSE (responsabilité sociale de l’entreprise), ce qui était un peu nébuleux. Les critères ESG, c’est quantifiable. Dans mon secteur, le produit que nous vendons se retrouve dans un véhicule électrique. L’empreinte carbone d’un véhicule commence au site d’extraction des ressources minérales et se prolonge tout au long de notre processus, jusqu’à l’usine où les batteries sont fabriquées. À chaque étape, il y a un facteur lié à l’empreinte carbone qui doit être pris en considération et qui fait l’objet d’une obligation d’information.
C’est fabuleux pour nous d’être au Canada. Nous avons accès au réseau hydroélectrique, et le procédé utilisé à notre site est hydrométallurgique. C’est de l’énergie renouvelable, et nous ne générons pratiquement aucune émission. Le défi pour une nouvelle entreprise, c’est la complexité de toutes ces différentes normes. Il y a aussi beaucoup de prétentions écologiques, autant dans le secteur que du côté des investisseurs. J’aimerais que nous disposions d’une feuille de route claire pour connaître les règles et les obligations d’information, ainsi que les normes que nous pouvons adopter afin d’être tous évalués sur une base comparable. C’est ce qui permettra à une entreprise comme la nôtre de se distinguer. Nous avons évalué le cycle de vie de notre cobalt, et nous savons déjà qu’il s’agira du matériau le plus propre sur la planète pour la fabrication de batteries. Ce serait bien de pouvoir comparer notre produit d’une manière plus transparente que ce que nous faisons aujourd’hui.
Dernière question, mais certainement pas la moindre : le virage numérique et la concurrence pour les talents se sont intensifiés d’une manière sans précédent en raison de la pandémie. Que peut faire le secteur pour répondre plus rapidement à ces impératifs?
C’est une bonne question. Nos activités d’exploration ont augmenté, alors c’est devenu plus difficile de se procurer des appareils de forage et de recruter une bonne équipe d’exploration interne. C’est un combat pour moi, la course aux talents et la grande démission. Cela revient à ce que je disais précédemment, à savoir que même si je souhaite voir mes employés revenir au bureau parce que je trouve cette interaction importante, nous devons adopter une approche plus souple pour recruter des talents. Le modèle hybride sera important pour un employé de 24 ans qui veut pouvoir travailler à la maison le vendredi. J’ai confiance qu’il saura se montrer motivé et assidu. C’est une approche intéressante pour le recrutement de talents à l’heure actuelle.
J’aborde également la question du recrutement dans une perspective globale. Mon responsable de projet est à Sudbury. Mon responsable commercial est en Europe. Je suis actuellement à la recherche d’un autre vice-président qui sera peut-être – ou non – basé à Toronto. Autant j’aime le modèle traditionnel du travail au bureau, que je trouve préférable à certains égards, autant je crois qu’une société entrepreneuriale doit faire preuve d’agilité pour mieux composer avec la course aux talents. Il suffit de ne pas se cantonner à une ville et de tirer parti des technologies à notre disposition.