Europe
Les pays européens se sont dotés de politiques de recyclage et de gestion des déchets dès le milieu des années 1970 et, au milieu des années 2000, ont élaboré de nouvelles politiques relatives à la conception des produits. Toutefois, la circularité n’a commencé à faire l’objet de débats politiques qu’au milieu des années 2010, après quoi plusieurs politiques et mesures relatives à l’économie circulaire ont rapidement été mises en œuvre. Le Pacte vert pour l’Europe de 2019 de la Commission européenne (la « Commission ») était représentatif de l’objectif ambitieux visant à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici 20505, l’économie circulaire étant le principal pilier de cette transition. La Commission a par la suite, soit en mars 2020, publié le deuxième Plan d’action pour une économie circulaire6.
Un nombre encore plus grand de mesures et d’instruments de politique visent à appuyer cette transition en adoptant la circularité. Les propositions de politique sectorielle ne sont que quelques‑unes des mesures de politique les plus ambitieuses qui seront adoptées, comme l’Initiative relative aux produits durables, qui révisera la directive sur l’écoconception en y intégrant la circularité et en mettant en place le Passeport numérique de produit. La Commission a également proposé de nouveaux droits des consommateurs et une interdiction d’écoblanchiment7 en vertu desquels les entreprises seront tenues de fournir aux consommateurs l’information sur la durabilité et la réparabilité des produits.
Par ailleurs, la nouvelle taxonomie de l’UE comprendra des obligations d’information sur l’économie circulaire et les paramètres d’utilisation efficiente des ressources. Outre les mesures prises au niveau de l’UE, des pays comme la France et l’Allemagne ont adopté des politiques nationales sur l’économie circulaire. L’objectif encore plus ambitieux de l’UE et le grand nombre de mesures provenant de celle‑ci se reflètent dans le niveau élevé de maturité de la réglementation sur l’économie circulaire en vigueur dans la plupart des pays de l’UE (figure 2). Des pays européens voisins, comme la Norvège, le Royaume‑Uni et la Suisse, leur ont emboîté le pas. En Europe de l’Est, certains pays ont décidé de transposer les lois sur l’économie circulaire de l’UE, mais ne semblent pas vouloir rendre publique leur feuille de route ou leur stratégie.
Amérique du Nord, Amérique latine et Caraïbes
Aux États‑Unis, le gouvernement fédéral ne se charge pas directement de l’élaboration de politiques relatives à l’économie circulaire, mais il a adopté depuis 2009 une approche de gestion durable des matériaux8. La stratégie nationale de recyclage (National Recycling Strategy), publiée en 2011 par la Environmental Protection Agency9, est l’initiative la plus récente et la plus avant-gardiste à avoir été mise en œuvre, et a été suivie par une proposition publiée en 2020 à des fins de sollicitation des commentaires du public10. En outre, des mesures de politique ambitieuses ont été adoptées au niveau étatique et local pour faire la promotion de la circularité, comme l’élargissement, au Colorado, de la responsabilité du producteur à l’égard du papier et des emballages imprimés11, qui pourraient inciter d’autres États à en faire autant. En 2021, la Californie a adopté des propositions législatives qui faisaient la promotion d’initiatives d’économie circulaire visant à sensibiliser davantage les consommateurs et à responsabiliser le secteur et qui venaient s’ajouter à un investissement audacieux de 270 millions de dollars aux fins de la modernisation des systèmes de recyclage12. Il importe de tenir compte du soutien bipartite requis pour que les initiatives futures d’économie circulaire soient couronnées de succès.
Le Plan d’action pancanadien visant l’atteinte de zéro déchet de plastique a pour objectif de réduire l’incidence nuisible des déchets de plastique sur l’environnement en ayant davantage recours à la prévention, à la collecte et à la revalorisation afin de stimuler l’économie circulaire des plastiques. Le Canada a récemment annoncé l’adoption d’un nouveau règlement qui interdit les articles en plastique à usage unique, et qui devrait être mis en œuvre en décembre 2022. Ce règlement devrait permettre d’éliminer plus de 1,3 million de tonnes de déchets de plastique difficiles à recycler et plus de 22 000 tonnes de pollution plastique sur une période de 10 ans, soit l’équivalent de plus d’un million de sacs à ordures remplis de détritus13.
Plusieurs pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont publié des feuilles de route et des stratégies de mise en œuvre de politiques d’économie circulaire à titre de moteurs d’une croissance économique durable, certains de ces pays ayant déjà transposé ces mesures dans leur législation, comme l’Équateur, qui a publié en 2021 la loi intitulée Ley Orgánica de Economía Circular Inclusiva (loi nationale pour l’économie circulaire inclusive)14. Des initiatives ont également été mises en œuvre pour élaborer des mesures coordonnées à l’échelle du continent. La Coalition pour l’économie circulaire en Amérique latine et dans les Caraïbes, composée de décideurs, d’universitaires et d’autres parties prenantes, en collaboration avec la Ellen MacArthur Foundation, a publié sa vision stratégique commune de ce que devrait être l’économie circulaire dans la région, qui comprend des mesures adaptées aux spécificités de la région15. Plusieurs pays d’Amérique latine adoptent la circularité à titre de moteur de la croissance économique et de la protection de l’environnement et élaborent des cadres de politique robustes à l’appui de cette vision, augmentant ainsi le niveau de maturité de la région.
Asie‑Pacifique et Afrique
Les premières initiatives en Asie‑Pacifique comprennent la loi sur la promotion de l’économie circulaire (2000) et la loi‑cadre pour l’établissement d’une société circulaire (2000) de la Chine. En Chine, l’économie circulaire est en voie de devenir l’un des principaux objectifs politiques nationaux, alors que dans d’autres régions et pays, comme l’UE, le Japon et les États‑Unis, elle constitue un outil pour revisiter de fond en comble la conception des chaînes d’approvisionnement16.En 2017, la Chine a adopté la National Sword Policy qui limite les importations aux fins de traitement de matières premières secondaires. Cette politique a eu des répercussions à l’échelle mondiale, et, selon des chercheurs, la quantité de plastiques envoyés dans les sites d’enfouissement américains a augmenté de 23,2 %17.Par ailleurs, selon la All India Plastics Manufacturers’ Association, l’interdiction des plastiques par l’Inde en 2019 entraînerait une augmentation des coûts d’emballage, la perte de 100 000 emplois et une perte de 650 millions de dollars américains dans le pays18. La circularité, à titre de stratégie de croissance future, gagne en importance dans les économies asiatiques, et plusieurs pays ont déjà élaboré des feuilles de route de mise en œuvre. Selon une étude d’EY, certains pays d’Asie‑Pacifique, comme la Chine continentale, le Japon, la Mongolie, Taiwan, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis ont adopté des politiques nationales d’économie circulaire.
En Afrique, les premières initiatives de promotion de l’économie circulaire comprenaient plusieurs mesures de lutte contre la pollution par les plastiques ayant recours à la taxation et au bannissement des plastiques à usage unique. Une feuille de route clairement définie a été élaborée en 2016, qui a mené à l’adoption d’un plan d’action national pour une consommation et une production durables en Égypte. En 2019, la Banque africaine de développement a annoncé qu’elle ne financerait plus les projets liés au charbon19, et des chercheurs en sont venus à la conclusion qu’une approche favorisant l’économie circulaire pourrait favoriser la transition vers les énergies renouvelables20. Le Pacte vert de l’Europe aura également des répercussions sur les pays africains, comme la délocalisation hautement probable de la chaîne d’approvisionnement vers des pays africains21.En mars 2022, pendant la réunion de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement qui a eu lieu à Nairobi, 175 pays se sont entendus pour négocier un nouvel accord mondial sur la pollution par les plastiques. Cet accord comprendrait des mesures contraignantes couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques. Dans les pays émergents, les initiatives de promotion de l’économie circulaire sont surtout mises en œuvre par le secteur informel. Selon une étude d’EY, plusieurs pays d’Afrique, dont Madagascar, le Rwanda et la Tunisie, ont adopté une politique nationale d’économie circulaire.
Évolution des tendances : comment les entreprises peuvent‑elles s’adapter?
Au moment où les entreprises doivent se préparer à composer avec le nombre grandissant d’exigences réglementaires liées à l’économie circulaire, nous leur recommandons ce qui suit :
- Élaborer des stratégies alignées sur le niveau de maturité du pays, ce qui aidera les entreprises à comprendre le paysage réglementaire sous-jacent en évolution et à s’y adapter.
- Repérer les lacunes en matière de politiques ou d’infrastructures, et prendre les mesures préventives nécessaires. Il est fort probable que les entreprises qui exercent leurs activités dans des régions dans lesquelles il existe des obstacles au recyclage et à la transformabilité seront aux prises avec des obligations légales, des litiges ou un plus grand nombre d’exigences légales contraignantes.
- Des politiques régionales ou locales pourraient avoir une incidence nationale ou mondiale. Par exemple, dans certains États américains, les entreprises pourraient être incitées par les politiques sur le droit de réparer à fournir la même information sur la « réparation » à tous les consommateurs américains.
- Établir des relations et être à l’affût des possibilités de coopérer avec les participants à la chaîne de valeur et des collaborateurs technologiques pour prolonger la vie des matériaux et des ressources dans les chaînes de valeur et élaborer des stratégies fondées sur des données.
- Tirer parti des outils numériques pour favoriser la conformité, réduire au minimum le fardeau administratif et améliorer la transparence. Il sera essentiel d’avoir recours à des outils numériques pour améliorer la transparence des flux de matériaux pour aider les entreprises à comprendre l’empreinte de leurs matériaux, accroître les taux de récupération et réintégrer les matériaux dans la chaîne de valeur.
Outre les incitatifs réglementaires, l’évolution des préférences des consommateurs pourrait inciter les entreprises à adopter des modèles d’affaires plus circulaires et durables en prenant de meilleures décisions d’achat, en prenant en compte les préoccupations grandissantes et en satisfaisant aux exigences accrues de réduction de l’empreinte environnementale et de l’incidence des matériaux.
La coopération sectorielle, que ce soit par voie de coalitions ou au moyen de l’élaboration de normes de produit, est un facteur important pour l’établissement de règles du jeu et d’une concurrence équitables favorisant l’adoption de modèles d’affaires plus circulaires. Les coalitions et les initiatives sectorielles, comme la Alliance to End Plastic Waste ou le U.S. Plastics Pact, peuvent s’avérer des mécanismes efficaces pour combler les lacunes en matière de réglementation et bâtir une organisation rassembleuse. Toutefois, avant de participer à de telles initiatives ou de se joindre à ces coalitions, l’obtention de l’adhésion des parties prenantes internes peut se révéler un exercice difficile.