Theo Yameogo : Bonjour et bienvenue! Aujourd’hui, je m’entretiendrai avec mes collègues Jo‑Anne VanStrien et Christopher Gordon du groupe Services consultatifs, Gens d’EY. Nous discuterons de la stratégie mondiale en matière de mobilité du personnel et de l’approche intégrée adoptée par EY pour aider les sociétés minières. Jo‑Anne et Chris, c’est avec plaisir que je vous accueille.
Jo‑Anne VanStrien : Merci. Je suis heureuse d’être des vôtres.
Christopher Gordon : Merci. C’est un réel plaisir d’être avec vous aujourd’hui.
Theo Yameogo : L’année dernière, l’étude annuelle d’EY sur les dix principaux risques et possibilités dans le secteur des mines et métaux révélait que la main‑d’œuvre était un des principaux défis. Lorsque nous pensons à la pénurie de main‑d’œuvre et à la mobilité du personnel, qu’est‑ce que vous voyez dans le secteur à l’heure actuelle?
Jo‑Anne VanStrien : C’est une excellente question, Theo! Comme vous le savez, je travaille dans le secteur des mines depuis de nombreuses années maintenant. Avant la pandémie, les sujets de l’heure étaient le vieillissement de la main‑d’œuvre et l’attraction des talents dans un secteur qui n’a pas toujours été le plus attrayant, surtout pour les jeunes.
Nous sommes en train de sortir de cette réalité. Nous constatons une augmentation de la transformation numérique. Les besoins des employés changent, tout comme leurs attentes. Les gens doivent faire preuve de souplesse et s’adapter à la situation. Quand je pense au secteur des mines plus particulièrement, je constate que l’ensemble de compétences exigé a changé. Je pense plus précisément au secteur des TI, et à la main‑d’œuvre dans ce domaine, qui est en concurrence avec des entreprises comme Shopify et Google. La souplesse et la créativité seront essentielles à la réussite du secteur des mines. Aussi, les discussions que j’ai eues me confirment que les employés sont à la recherche de souplesse et de changement.
Nous avons récemment réalisé un sondage qui révèle que 9 employés sur 10 souhaitent obtenir de la souplesse quant à l’horaire et au lieu de travail et que 54 % des répondants quitteraient leur organisation s’ils n’obtenaient pas la souplesse qu’ils désirent. Dans le secteur des mines, si l’on ajoute aux défis déjà présents liés à l’attraction et au maintien en poste du personnel l’évolution des compétences exigées et des demandes au chapitre de la souplesse, on peut entrevoir que la pression s’accentuera sur les organisations relativement à leurs besoins en main‑d’œuvre. Et les entreprises devront s’adapter.
Christopher Gordon : Je suis entièrement d’accord, Jo. Avec l’accroissement de la transformation numérique dans le secteur des mines et la modification des compétences et des aptitudes exigées, nous constatons un véritable changement quant au type d’employés que les sociétés minières cherchent à embaucher et à attirer. Comme Jo l’a mentionné, les sociétés minières se livrent à une concurrence de plus en plus féroce pour attirer une main‑d’œuvre hautement qualifiée qui pourrait tout aussi bien se diriger vers le secteur bancaire, les TI ou d’autres professions dans le domaine du génie. Or, ce type d’employé hautement qualifié profite de processus d’immigration avantageux, ce qui facilite la tâche des entreprises qui souhaitent les embaucher.
Sur le plan de l’immigration, le défi le plus important dans le secteur concerne les travailleurs miniers semi‑spécialisés, la classe ouvrière, si vous voulez. En toute franchise, ce type de travailleur ne profite pas de processus d’immigration aussi avantageux que la main‑d’œuvre mieux qualifiée. Cette situation provoque un effet de compression pour ce type d’employés, plus particulièrement en ce qui a trait à la capacité des entreprises à les faire entrer au pays. Dans ce contexte, le processus est alourdi pour les organisations qui souhaitent embaucher des employés et les affecter rapidement à un site minier.
Les pays commencent à réaliser qu’il s’agit d’un problème et à mettre en place des voies d’accès à l’immigration plus favorables. Par exemple, Singapour a déployé une catégorie de visa pour les ingénieurs et les travailleurs miniers d’échelon inférieur, ou plutôt pour les travailleurs semi‑spécialisé, afin de pallier la pénurie de ce type de compétences au pays. Certains pays affichent du retard sur ce plan. Il y aura donc très franchement des gagnants et des perdants alors que les entreprises et les pays tentent de faire face à la pénurie dans le secteur des mines.
Theo Yameogo : Merci pour ce survol. Entrons maintenant dans les détails. Sur le plan des lacunes en matière de compétences et de la souplesse, quelles mesures les sociétés minières prennent‑elles à l’heure actuelle? Ou que devraient‑elles faire pour faire face à la situation? À toi la parole, Chris.
Christopher Gordon : Merci, Theo. Excellente question! Il est intéressant de parler de souplesse et de la notion de travail de n’importe où ou de télétravail. Si cette notion est une réalité pour de nombreux secteurs ou types d’emploi, une grande partie de l’activité minière et des emplois dans le secteur doivent encore être exercés en personne, dans des endroits très éloignés, à plusieurs kilomètres sous terre. Comme nous l’avons mentionné, nous avons constaté des bouleversements dans la chaîne d’approvisionnement du talent dans le secteur en raison de certains problèmes et pressions attribuables au contexte géopolitique et à la COVID‑19. Mais les entreprises commencent à penser différemment aux bassins de talents. Certaines d’entre elles mettent à l’essai diverses approches pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre et aux questions frontalières. L’une de ces approches consiste à miser davantage sur une stratégie régionale de gestion de la main‑d’œuvre et de la chaîne d’approvisionnement du talent. Par exemple, en Amérique latine, le bassin de talent est beaucoup plus important au sein des pays membres du Mercosur, ce qui permet aux sociétés minières de faire preuve d’une plus grande souplesse en ce qui a trait à la main‑d’œuvre, d’accélérer le processus pour faire venir des gens dans leur pays et d’éviter certains problèmes liés à l’immigration, car elles profitent de processus et de programmes d’immigration préférentiels pour ce type d’employés.
Les entreprises du secteur des mines cherchent également à mettre en place des programmes avec des universités tant à l’échelle nationale qu’internationale dans l’espoir de puiser dans des bassins de talents et de main d’œuvre encore plus vastes à l’étranger, alors que le vieillissement de la main-d’œuvre dans leur pays commence à se faire sentir.
Enfin, les entreprises commencent à examiner leurs politiques en matière de mobilité dans le but d’offrir leur soutien au processus de demande de résidence permanente et de citoyenneté, ce qui permettra à un plus grand nombre d’employés d’accéder à la résidence permanente dans leurs pays d’accueil et, ainsi, rendra ces emplois beaucoup plus attrayants.
Jo‑Anne VanStrien : J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du télétravail et des déplacements d’affaires. Voilà deux des sujets les plus en vogue dans le secteur de la mobilité à l’heure actuelle. Dans les conversations que j’ai avec mes clients, la mobilité n’a jamais été aussi stratégique. La capacité de travailler de n’importe où, c’est une stratégie importante utilisée par beaucoup d’entreprises pour attirer et maintenir en poste la main‑d’œuvre. Jamais je n’aurais pensé tenir ce type de conversation lorsqu’elle a commencé dans le secteur des mines. Surtout en raison de l’endroit où se trouvent les mines. Impossible de les déplacer. Un grand nombre d’employés doit travailler sur place. Cela dit, plusieurs rôles au sein d’une organisation n’ont pas à être exercés depuis la mine. C’est à cet égard qu’on voit les sociétés minières faire preuve de souplesse. Et c’est très bien comme ça. Il y a deux volets à cette souplesse. Premièrement, les entreprises permettent à leurs gens de travailler à distance pendant des périodes temporaires, habituellement à l’approche des vacances. Si un employé part en vacances, on pourrait l’autoriser à faire du télétravail pour une période allant jusqu’à 30 jours, par exemple. Une autre stratégie utilisée par certaines sociétés minières consiste à laisser les employés, surtout les nouvelles recrues, habiter la région où ils habitent habituellement et à les faire venir au bureau seulement au besoin. Voilà une stratégie que nous voyons de plus en plus, habituellement au siège social de l’entreprise et principalement pour les hauts dirigeants.
Theo Yameogo : Jo‑Anne, j’aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du télétravail. La mobilité semble accroître les risques pour les sociétés minières, et le télétravail comme nous l’avons vu avec la COVID‑19 semble en ajouter davantage. Quel type de stratégies d’atténuation les sociétés minières envisagent-elles ou mettent-elles en œuvre pour faire face à ce défi?
Jo‑Anne VanStrien : C’est une excellente question, Theo! En fait, je vois différentes choses. D’abord, les entreprises mettent en œuvre des politiques, surtout en matière de télétravail. Soit elles limitent la période durant laquelle une personne peut travailler à l’extérieur du pays si cette période est censée être temporaire. Soit elles limitent les pays à partir desquels une personne peut faire du télétravail. Je pense plus particulièrement à la sécurité des données. Ou selon le type de poste occupé par une personne, une entreprise pourrait limiter la capacité de cette personne à se prévaloir de la politique de télétravail.
L’important, c’est de comprendre les risques, et le télétravail peut comporter son lot de risques multidisciplinaires. Il est nécessaire de mettre en place des mesures de protection que ce soit au chapitre de l’immigration, de la santé et sécurité, de la protection des renseignements personnels ou de l’impôt sur le revenu. Il faut établir certains paramètres autour de ces éléments qui contribueront véritablement à l’atténuation des risques. Et c’est ce que font les entreprises. Lorsqu’une entreprise permet à ses gens de faire du télétravail, elle doit mettre en place certains processus et mesures de suivi, car l’employeur est toujours tenu à un devoir de diligence à l’égard de ses employés.
Ensuite, il y a la notion d’« organisme de placement à l’échelle mondiale » qui a été remise au goût du jour, je dirais. Ce n’est pas un concept nouveau, surtout dans ce secteur, mais on est en train de le relancer. Nous voyons beaucoup d’organisations se tourner vers un organisme de placement à l’échelle mondiale. Il s’agit d’une structure spéciale mise en place pour faciliter le recrutement de personnel à l’échelle internationale, la rémunération, l’octroi d’avantages sociaux et l’atténuation des risques d’entreprise qui peuvent survenir lorsque des employés travaillent àl’extérieur de leur pays d’origine. Le concept s’élargit. On a souvent eu recours à ce type d’organisme dans le cadre de projet où les gens y prenant part devaient effectuer des allées et venues. À l’heure actuelle, toutefois, on envisage d’employer ce type d’organisme pour les déplacements à l’échelle internationale ou le télétravail.
Christopher Gordon : Vous avez absolument raison, Jo. Et nous parlons constamment de ces défis avec nos clients. Vous avez abordé de nombreux points importants. J’ajouterais quelques éléments, si vous me le permettez. Depuis que la priorité a été accordée au télétravail avec l’avènement de la COVID‑19, nous disons aux entreprises, comme Jo l’a mentionné, qu’il est encore plus essentiel qu’elles adoptent une démarche très globale dans la planification et l’élaboration de leurs politiques afin de limiter les risques et de réduire au minimum les frictions dans le processus de mobilité et de télétravail. Alors que les sociétés minières commencent à s’attaquer aux difficultés liées aux bouleversements géopolitiques, à la transformation numérique de la main‑d’œuvre et à la concurrence dans la course aux talents, il faut envisager la mobilité et le recrutement de talents à l’étranger comme un outil servant à répondre à ces besoins et à stimuler la croissance dans le secteur des mines. Mais il faut procéder méthodiquement et stratégiquement en mettant sur pied une équipe multidisciplinaire de parties prenantes regroupant des représentants des secteurs des ressources humaines, de la mobilité, des services juridiques de l’entreprise et, évidemment, des conseillers qui peuvent vous aider à comprendre toutes les nuances. Il est important de reconnaître que les possibilités sont énormes. Mais si vous les envisagez de manière collaborative et coordonnée, vous pourrez assurément surmonter certains des risques et défis dont il a été question tout au long de cette conversation.
Theo Yameogo : Merci, Chris! Comme vous l’avez tous les deux souligné, la mobilité du personnel à l’échelle mondiale joue un rôle essentiel permettant aux sociétés minières d’atteindre leurs objectifs de rendement partout sur la planète. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre point de vue aujourd’hui.
Christopher Gordon : Je vous remercie. Ce fut un plaisir de vous parler aujourd’hui.
Jo‑Anne VanStrien : Merci. C’est toujours un plaisir d’échanger.