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John McCluskey, président et chef de la direction d’Alamos Gold, dépeint un avenir placé sous le signe des facteurs ESG, des métaux pour batteries et du potentiel à l’échelle locale.

Pourriez‑vous nous donner une vue d’ensemble du secteur des mines et des métaux, y compris de vos idées concernant l’or en particulier?

Le secteur des mines au Canada ne cesse de croître, et son importance ne cesse de croître aussi. Si nous pensons à l’avenir, alors que les combustibles fossiles seront délaissés au profit de ce qu’on appelle les « métaux pour batteries », nous avons vraiment intérêt à centrer nos efforts sur l’exploration et le développement au Canada.

L’or est un produit de base cyclique. Je suis dans le secteur depuis plus de trente ans, et bien sûr j’en ai connu des cycles pendant toute cette période. Le creux du cycle actuel a probablement eu lieu vers la fin de 2015. Le secteur a connu une sorte de reprise, et nous croyions être sur une bonne lancée jusqu’à ce que la pandémie vienne y mettre un terme. La pandémie a bouleversé ce qui aurait autrement été un cycle normal. En ce moment, nous nous situons clairement dans une phase de redressement. La période de fluctuation des taux d’intérêt a eu un effet quelque peu négatif sur le prix de l’or, mais elle va inévitablement prendre fin. Je pense que le prix de l’or va continuer de se raffermir.

Que pensez‑vous de l’affirmation selon laquelle le marché appelle une meilleure consolidation du secteur aurifère?

Il s’agit d’un petit secteur, à tous les égards. Si on additionne la valeur marchande de toutes les entreprises d’exploitation aurifère productives, peu importe où elles sont cotées, soit au Canada, en Australie ou à Londres, la capitalisation boursière de toutes ces entreprises combinées équivaut à environ la moitié de l’une des plus grandes sociétés du palmarès Fortune 500. Alors c’est un petit secteur. L’un des arguments en faveur de la consolidation du secteur est de créer une entreprise beaucoup plus grande qui, du point de vue du secteur aurifère, pourrait concurrencer les plus grandes entreprises de n’importe quel secteur. Pas plus de quelques transactions plutôt importantes ont été annoncées, dont probablement la plus grosse transaction jamais vue dans le secteur aurifère, soit l’acquisition de Newcrest par Newmont Mining. Une très importante transaction. 

Avec plusieurs acquisitions remarquables à son actif, Alamos est devenu un producteur de taille moyenne au cours des 20 dernières années. Quels facteurs clés ont contribué à la croissance d’Alamos?

Au début, mon partenaire et moi ne faisions que constater l’état du secteur. Cela remonte à l’été 2001. Avec un prix de l’or se chiffrant à environ 300 $ l’once, c’était une période creuse importante. Mais de toute évidence, elle tirait à sa fin. Prenant tout cela en considération, nous avons décidé de créer une entreprise qui ressemble beaucoup à Glamis Gold.

 

Glamis était le nom de l’entreprise que mon partenaire, Chester Miller, avait fondée. En fait, il était mon premier employeur dans le secteur. J’ai passé mes cinq premières années dans le secteur des mines à travailler pour cette entreprise, et j’ai ensuite tracé mon propre chemin. Nous avons uni nos forces pour démarrer une petite entreprise qui a été cotée en bourse en 1996, et qui a été l’une des dernières entreprises à faire son entrée à la Bourse de Vancouver.

 

Nous avons été entraînés dans le courant descendant. Après notre entrée en juin, le marché entier s’est complètement effondré en octobre. La Bourse de Vancouver a disparu. La majorité des courtiers qui avaient pignon sur rue se sont volatilisés. Des centaines et des centaines d’entreprises cotées en bourse ont disparu. Alamos, l’une des très rares entreprises ayant survécu, a réussi à migrer vers ce qui allait devenir la Bourse de croissance TSX.

Voilà où nous en étions. La société était cotée, mais l’entreprise elle‑même n’exerçait que très peu d’activités. Elle n’existait que dans le tiroir d’un classeur. Elle n’affichait pas de coûts indirects et ne versait aucun salaire. Mais elle pouvait être un véhicule important pour quiconque avait la bonne solution. Pour ma part, j’ai eu l’idée de faire l’acquisition du projet aurifère Mulatos au Mexique et ainsi de transformer Alamos en producteur.

C’est ce que j’ai fait. Cela n’aurait jamais été possible si le prix de l’or n’avait pas été aussi bas que ce qu’il était. Personne ne s’intéressait au secteur aurifère à ce moment‑là. La confiance était au plus bas et, franchement, c’était le cas pour chacune de nos grandes transactions.

Par exemple, le prix de l’or a commencé à grimper en flèche en seulement trois mois après l’acquisition de Mulatos. Nous avons conclu l’entente le 17 novembre 2001, et au début de 2002, le prix de l’or se situait à plus de 300 $ l’once.

Le prix de l’or a suivi une trajectoire ascendante jusqu’à l’automne 2011, où il a atteint un plafond de 1 900 $, pour ensuite redescendre.

Bien sûr, quand le prix était en baisse, nous attendions. Nous avions accumulé beaucoup de liquidités. Nous avons donc décidé d’attendre que la situation s’améliore. Quand cela a finalement eu lieu en 2015, le prix de l’or avait reculé jusqu’à 1 100 $ l’once. C’est à ce moment que nous avons conclu l’entente avec AuRico. Quand nous avons finalisé la transaction avec Richmont Mines, le prix de l’or se situait à 1 285 $. Il oscillait un peu dans la limite inférieure. Maintenant, il se situe à 1 800 $ et fluctue constamment à la hausse ou à la baisse.

Au cours de son histoire, Alamos a notamment été amenée à se redresser plus d’une fois. Mulatos est toujours active et s’est même agrandie. Vous avez acheté Island Gold, et elle est à présent un actif de premier rang. Au cours de cette longue période de croissance, quel est le rôle que les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance ont joué?

Le secteur des mines a été au‑devant de ces questions depuis des décennies. La nouveauté est que les investisseurs ont commencé à démontrer leur intérêt pour les questions ESG. De plus, ils essaient maintenant de quantifier et de qualifier ce qui se passe.

Mais je peux vous dire, pour l’avoir vécu, que nous n’aurions jamais pu construire une mine d’or au milieu de la Sierra Madre au Mexique si nous ne nous étions pas concentrés sur les questions ESG, ou si nous avions accordé peu d’importance à l’environnement et à l’aspect social du développement d’un tel projet. C’est une région très isolée du Mexique.

Au milieu des montagnes, on trouve de petits villages qui ne disposent ni d’électricité, ni d’eau courante, ni de connexion à Internet. Lorsque nous sommes arrivés, le système routier se résumait plus ou moins à quelques sentiers pour le bétail. 

On pouvait conduire un véhicule utilitaire sur certaines de ces routes. Imaginez la scène suivante : vous regardez par la fenêtre et vous voyez le sol 1 500 pieds plus bas; une seule fausse manœuvre et vous vous retrouvez à dévaler cette falaise très haute. C’est exactement ce dont Mulatos avait l’air au début du projet.

Aujourd’hui? Tout a changé. Nous avons investi massivement à cet endroit. Dans les collectivités. En arrivant sur place, nous avons remarqué que les gens tombaient malades au printemps, à cause de l’eau.

Nous avons donc réparé le système d’approvisionnement en eau. Nous avons fait venir une infirmière et avons offert des médicaments aux personnes âgées. Il était important de prendre ces initiatives, parce que les gens n’avaient pas accès à des soins médicaux. C’est ainsi que nous avons commencé à prendre conscience des enjeux ESG. Nous avons fini par construire une école primaire, une école secondaire, un terrain de sport, une place publique, une clinique, une église, une mairie… bref toutes les choses dont une collectivité a besoin. Nous avons bâti près de trente maisons pour que les gens et les familles puissent y vivre. Nous avons transformé cette partie de la Sierra. Nous avons installé des panneaux solaires en ville, afin d’offrir du chauffage et de l’éclairage pour les enfants, qui pouvaient ainsi aller à l’école. Même l’usine de traitement de l’eau que nous avons installée est alimentée par l’énergie solaire. Tout cela nous a aidés à transformer la vie dans ces communautés.

Autre projet tout aussi important, nous avons distribué plus de 1 500 bourses d’études aux enfants désireux de poursuivre leur parcours éducatif. Cela inclut l’école secondaire (au Mexique, l’éducation secondaire exige qu’on dispose de moyens), l’école professionnelle et l’université. 

Dans l’ensemble, les questions ESG se résument à ses valeurs et au fait d’incarner celles‑ci dans le cadre de ses activités et pratiques, partout dans le monde.

Quel est votre point de vue sur les activités et les perspectives ici, au Canada?

Le Canada offre un des meilleurs cadres administratifs au monde. Nous avons tout intérêt à exploiter des minéraux, au Canada, qu’il s’agisse de l’or ou du cuivre. Aujourd’hui, nous faisons aussi des découvertes de nickel, de cobalt, de lithium. Ces métaux, en fin de compte, auront une grande importance si nous voulons vraiment nous convertir à l’énergie électrique. Si vous voulez passer des voitures à essence aux voitures électriques, vous aurez besoin de tous ces métaux.

Selon moi, l’importance accrue que le secteur minier accorde aux facteurs ESG et les occasions offertes par les métaux pour batteries sont à même d’attirer de nouveaux talents vers le secteur. En un mot, comment Alamos parvient‑elle à intéresser les jeunes générations à l’avenir du secteur minier?

Je crois que la réponse à cette question réside dans l’éducation. Il s’agit d’éduquer les enfants, mais aussi les enseignants. Il y a peu de compréhension et d’appréciation réelle de ce qui est réellement en jeu dans le secteur des mines et métaux.

Il faut comprendre que tout ce qui se trouve dans cette pièce provient de l’exploitation minière. Une pièce, cela s’éclaire avec des ampoules électriques. Cela signifie que des fils de cuivre traversent les murs. Sans l’exploitation minière, rien de tout cela ne serait ici. Si vous avez des murs, il est plus que probable qu’ils aient été cloués. Or, qui dit clous dit exploitation minière. Si vous enlevez tout ce qui provient d’une mine, il n’y a plus de bâtiment du tout. C’est la réalité.

Nous devons être plus conscients du fait que la réponse au problème – car il y a un problème – est de mieux exploiter les actifs, non de cesser toute exploitation. Nous devons continuer d’améliorer notre façon de faire. Je crois qu’il est essentiel de réduire notre empreinte carbone. Cette nécessité ne fait aucun doute. Nous pouvons l’observer et la mesurer. Je me souviens d’avoir regardé des photos d’une région au Pérou, où nous avions fait de l’exploration pour le cuivre à la fin des années 1990. Nous avions regardé des photos de ces montagnes prises 20 ans plus tôt. Tout était recouvert de glaciers. Mais les photos récentes ne montrent que deux glaciers au sommet des montagnes. C’était là déjà une preuve évidente du réchauffement de la planète, et ce, il y a presque 30 ans.  Ce phénomène persiste toujours.

Je pense que la solution pour les entreprises minières canadiennes est de travailler de manière à réduire leur empreinte carbone pour atteindre la cible de zéro émission nette. C’est un sujet important, et il appartiendra au Canada de montrer l’exemple au reste du monde. Je fais partie du World Gold Council depuis plus de dix ans, et j’ai remarqué très tôt à quel point les questions ESG étaient au centre des préoccupations. Les entreprises qui sont membres du World Gold Council produisent environ 60 %, voire 65 % de tout l’or dans le monde. C’est beaucoup. Et si l’on pouvait faire en sorte que les PDG de toutes ces entreprises mettent en œuvre des politiques liées à l’exploitation, qu’ils intègrent ces principes et ces valeurs dans leur énoncé de mission, voilà la direction que le secteur devra continuer d’emprunter. Cela se fait petit à petit, depuis plus d’une décennie.

Résumé

John McCluskey, président et chef de la direction d’Alamos Gold, dépeint un avenir placé sous le signe des facteurs ESG, des métaux pour batteries et du potentiel à l’échelle locale.

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