Contexte
De manière générale, les FCE sont une forme d’actionnariat des employés dans laquelle les actions d’une entreprise sont détenues en fiducie au profit des employés de l’entreprise. Ce type de fiducie peut être utilisé pour faciliter l’achat d’une entreprise par ses employés, sans que ceux-ci aient à payer directement pour acquérir des actions.
Le budget fédéral de 2023 a proposé de nouvelles règles pour faciliter la création et l’utilisation de FCE. Par la suite, l’Énoncé économique de l’automne de 2023 a proposé d’exempter temporairement d’impôt la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE, sous réserve de certaines conditions.
Le projet de loi C‑59, qui a franchi l’étape de la première lecture à la Chambre des communes le 30 novembre 2023, comprend les propositions législatives initiales relatives à l’utilisation d’une FCE pour acquérir des actions d’une entreprise. De façon générale, les propositions législatives contenues dans le projet de loi C‑59 i) définissent les conditions pour qu’une fiducie constitue une FCE; ii) font passer de cinq à dix ans la provision pour gains en capital à l’égard des ventes admissibles à une FCE; iii) ajoutent une exception aux règles actuelles sur les prêts aux actionnaires et l’avantage au titre des intérêts réputés; et iv) exemptent les FCE de la règle de disposition réputée tous les 21 ans qui s’applique à certaines fiducies. Ces modifications s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2024. Le projet de loi C‑59 ne contenait pas de détails relativement à l’exemption applicable aux gains en capital.
Le budget fédéral de 2024 a fourni des précisions sur l’exemption applicable aux gains en capital, qui sont maintenant comprises dans le projet de loi C‑69 (dans leur version modifiée, comme il est indiqué ci-dessous).
Sauf indication contraire, les modifications prévues par le projet de loi C‑69 seraient réputées être entrées en vigueur le 1er janvier 2024, de sorte qu’elles s’appliqueraient à compter de la même date que les propositions initiales incluses dans le projet de loi C‑59.
Conditions d’admissibilité
Un particulier (sauf une fiducie) pourrait demander une exemption allant jusqu’à 10 millions de dollars en gains en capital sur la vente d’actions à une FCE lorsque toutes les conditions ci-après sont remplies :
- Le particulier est âgé d’au moins 18 ans et dispose des actions d’une société qui n’est pas une société professionnelle en faveur d’une fiducie ou d’une société détenue à cent pour cent par la fiducie.
- La transaction est un transfert admissible d’entreprise2 dans le cadre duquel la fiducie acquérant les actions n’est pas déjà une FCE ou une fiducie semblable avec des employés bénéficiaires (autrement dit, si les actions sont vendues à une FCE préexistante ou à une fiducie semblable, le transfert n’est pas admissible à la déduction)3.
- Le transfert admissible d’entreprise est effectué entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026.
- Tout au long des 24 mois précédant immédiatement le transfert admissible d’entreprise, i) les actions concernées ne sont la propriété de nul autre que le particulier ou une personne ou une société de personnes qui lui est liée; et ii) plus de 50 % de la juste valeur marchande des actions concernées découle d’éléments d’actif utilisés principalement dans une entreprise exploitée activement.
- Aucun particulier n’a déjà demandé de déduction relativement à la disposition d’actions dont la valeur découle de la même entreprise exploitée activement.
- Tout au long d’une période de 24 mois se terminant avant le transfert admissible d’entreprise, le particulier (ou son époux ou conjoint de fait) a pris une part active de façon régulière et continue aux activités de l’entreprise.
- Au moment du transfert admissible d’entreprise, au moins 75 % des bénéficiaires de la fiducie résident au Canada (cette condition a été modifiée par rapport à l’exigence plus stricte de 90 % initialement annoncée dans le budget fédéral de 2024).
- La fiducie, chaque société acheteuse appartenant à la fiducie et le particulier font un choix conjoint d’appliquer la déduction et produisent le choix au plus tard à la date d’échéance de production de la fiducie pour l’année d’imposition qui comprend le moment du transfert admissible d’entreprise. Le choix doit préciser le montant des gains en capital admissible à la déduction (c.-à-d. la « somme convenue », qui ne peut excéder 10 millions de dollars) et, si plus d’un particulier a droit à la déduction, le pourcentage de la somme convenue qui est attribué à chaque particulier admissible. Le montant total de la déduction relativement au transfert admissible d’entreprise ne peut excéder 10 millions de dollars.
Selon les propositions législatives, il serait interdit à un particulier qui a demandé une déduction relativement à un transfert admissible d’entreprise à une FCE (et à tout particulier lié) d’être bénéficiaire de la FCE.
Fait donnant lieu à une exclusion
Il y a fait donnant lieu à une exclusion si i) la fiducie qui a participé au transfert admissible d’entreprise perd son statut de FCE; ou ii) si moins de 50 pour cent de la juste valeur marchande des actions de l’entreprise admissible est attribuable aux éléments d’actifs utilisés principalement dans une entreprise exploitée activement au début de deux années d’imposition consécutives de l’entreprise admissible. Les notes explicatives du ministère des Finances fournissent des exemples de faits donnant lieu à une exclusion, notamment un exemple d’une entreprise admissible qui loue à un tiers des locaux auparavant utilisés dans le cadre de l’entreprise exploitée activement.
Les conséquences d’un fait donnant lieu à une exclusion varieraient selon qu’il se produit dans les 24 mois suivant le transfert admissible d’entreprise ou après cette période :
- Si le fait donnant lieu à une exclusion se produisait dans les 24 mois suivant le transfert admissible d’entreprise, la déduction pour gains en capital ne serait pas disponible et elle serait refusée rétroactivement si le particulier l’a déjà demandée.
- Si le fait donnant lieu à une exclusion se produisait plus de 24 mois après le transfert admissible d’entreprise, la FCE serait réputée avoir réalisé un gain en capital (équivalent à la somme convenue totale au titre des gains en capital) dans l’année où le fait donnant lieu à une exclusion se produit. Par conséquent, la fiducie serait seule responsable de l’impôt sur le gain en capital réputé découlant d’un fait donnant lieu à une exclusion qui se produit plus de 24 mois après le transfert admissible d’entreprise.
Il est à noter que cette période de 24 mois représente un changement par rapport à ce qui avait été annoncé dans le budget fédéral de 2024. Plus précisément, le budget indiquait que les conséquences ci-dessus varieraient selon que le fait donnant lieu à une exclusion se produit dans les 36 mois suivant le transfert admissible d’entreprise ou après cette période (plutôt que 24 mois).
Anti-évitement
Un certain nombre de règles anti-évitement complexes empêcheraient les contribuables de se prévaloir de la déduction pour gains en capital relativement à un transfert admissible d’entreprise dans certaines circonstances. De façon générale, les règles anti-évitement visent à garantir :
- que la déduction n’est disponible que dans le cas d’un transfert admissible d’entreprise authentique;
- qu’une entreprise n’est pas scindée de façon à permettre de demander des déductions pour gains en capital à l’égard de plusieurs transferts admissibles d’entreprise;
- que les montants qui auraient pu être versés à titre de dividendes ne sont pas convertis en gains en capital admissibles à la déduction pour gains en capital;
- que les contribuables demandant une déduction produisent toutes les déclarations fiscales requises en temps opportun.
Impôt minimum de remplacement (« IMR »)
Les propositions législatives exempteraient les FCE de l’application de l’IMR pour les années d’imposition qui commencent après le 31 décembre 2023.
De plus, selon leur libellé actuel, les propositions législatives prévoient que les gains en capital exonérés qui sont réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE ne seraient pas assujettis à l’IMR. Il s’agit également d’un changement par rapport à ce qui avait été annoncé dans le budget fédéral de 2024. Plus précisément, le budget indiquait que les gains en capital exonérés qui sont réalisés sur la vente d’une entreprise à une FCE seraient assujettis à un taux d’inclusion de 30 % aux fins de l’IMR, ce qui est comparable au traitement, aux fins de l’IMR, des gains admissibles à l’exonération cumulative des gains en capital.
Période de nouvelle cotisation
Si un particulier a demandé la déduction pour gains en capital, la période normale de nouvelle cotisation de celui-ci pour une année d’imposition relativement à cette déduction serait prolongée de trois ans.
Coopératives de travailleurs (mesure proposée uniquement dans le budget fédéral de 2024 à l’heure actuelle)
Le budget fédéral de 2024 a proposé d’élargir la définition de transfert admissible d’entreprise afin d’y inclure la vente d’actions à une société coopérative de travailleurs admissible. Si les exigences applicables sont satisfaites, cette mesure permettrait à un particulier de demander une déduction pour gains en capital sur la vente d’une entreprise à une coopérative de travailleurs. Le projet de loi C‑69 ne contient pas de renseignements sur cette proposition.
Points à retenir
L’exemption de la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’actions à une FCE inciterait fortement les propriétaires d’entreprise à vendre leur entreprise à une FCE plutôt qu’à un tiers acheteur. Plusieurs propriétaires d’entreprise attendent avec impatience des précisions sur cette mesure, et les propositions législatives fournissent quelques détails importants, notamment des modifications majeures par rapport à ce qui avait été annoncé dans le budget fédéral de 2024.
De plus, la proposition du budget fédéral de 2024 visant à faire augmenter le taux d’inclusion des gains en capital d’une demie aux deux tiers pour les gains en capital réalisés le 25 juin 2024 ou après cette date rend cette exemption encore plus intéressante et pourrait encourager fortement le recours à de tels mécanismes, surtout pour les transactions de petite taille.
Comme l’exemption applicable aux gains en capital n’est que temporaire, il s’agit d’une occasion d’une durée limitée pour les propriétaires d’entreprise qui songent à vendre leur entreprise. Plus précisément, elle ne s’appliquerait qu’aux transferts admissibles d’entreprise à une FCE effectués après 2023 et avant 2027. Les propriétaires ont donc tout intérêt à examiner leurs plans de relève et à déterminer si la vente à une FCE serait avantageuse dans leur situation.
Pour en savoir davantage
Doron Barkai
+ 1 416 932 5312 | doron.barkai@ca.ey.com
Lawrence Levin
+1 416 943 3364 | lawrence.levin@ca.ey.com
Adam Power
+1 902 470 2071 | adam.power@ca.ey.com
Heather Wright
+1 519 646 5521 | heather.a.wright@ca.ey.com
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- Pour en savoir davantage sur les autres mesures visant l’impôt sur le revenu contenues dans le projet de loi C-69, consultez le bulletin FiscAlerte 2024 numéro 27 d’EY.
- Au sens des modifications proposées au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, lesquelles sont comprises dans le projet de loi C-59.
- Le but de cette condition est de s’assurer que les employés de l’entreprise cible qui souhaitent acquérir l’entreprise et établir une nouvelle FCE ne font pas une offre contre une FCE déjà établie, qui pourrait avoir un plus grand accès à du financement.