EY ‑ Immeubles presque terminés sur un chantier de construction d’immeubles à logements multiples

Interdiction de l’investissement étranger dans le logement : le gouvernement recule

Rédigé par : Aya Aswad, avocate, EY Cabinet d’avocats s.r.l./S.E.N.C.R.L.

La hausse des prix partout au pays ayant réduit l’abordabilité, la politique en matière de logement est devenue une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens au cours des 20 dernières années.


En bref

  • Le gouvernement fédéral a interdit, pour une période de deux ans, à quiconque n’est pas citoyen canadien d’acheter une propriété résidentielle.
  • Certains ont toutefois affirmé que cette loi rend le Canada moins attrayant pour les talents étrangers.
  • En réponse aux pressions intérieures et américaines, le gouvernement a assoupli les restrictions en permettant à des non‑Canadiens d’acheter des immeubles résidentiels dans certaines circonstances.

La hausse des prix partout au pays ayant réduit l’abordabilité, la politique en matière de logement est devenue une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens au cours des 20 dernières années.

Le fait que les salaires ne suivent pas l’inflation a compliqué davantage la question.Les politiciens sont de plus en plus conscients du problème et ont été pressés d’agir afin d’atténuer la pression sur l’offre et les coûts.

Aperçu de l’intention législative

Le gouvernement fédéral promet depuis longtemps de s’attaquer au sujet délicat de l’accès à la propriété à prix abordable. Le 1er janvier 2023, le gouvernement a présenté le règlement pris en vertu de la Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non‑Canadiens. L’objectif était de mettre en œuvre une interdiction de deux ans visant l’achat d’immeubles résidentiels par toute personne qui n’est pas un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada ou par toute société qui n’est pas inscrite à une bourse de valeurs au Canada ou qui est contrôlée par des non‑Canadiens. L’intention était de rendre le logement plus abordable pour les Canadiens en empêchant les investisseurs étrangers d’acheter des immeubles résidentiels alors qu’ils n’ont pas l’intention de s’établir au Canada. Cette loi découle d’une promesse électorale faite par le parti libéral au pouvoir lors des dernières élections fédérales.

Le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion, Ahmed Hussen, a déclaré : « Grâce à cette loi, nous veillons à ce que les logements appartiennent à des Canadiens et à des Canadiennes, dans l’intérêt de toutes les personnes vivant au Canada. Nous continuerons de faire tout ce que nous pouvons pour que tous les résidents du pays aient un logement qui est abordable et qui répond à leurs besoins1. »

De nombreux Canadiens peinent à accéder à la propriété en raison de l’effervescence du marché du logement alimentée par l’inflation galopante. L’intention de la loi était de ralentir le marché du logement et d’empêcher la spéculation étrangère, mais les critiques remettant en question l’objet de cette loi ont fusé depuis son dépôt plus tôt cette année.

L’Association du Barreau canadien a préparé un mémoire à l’intention du ministre, soulignant que la loi rend en fait le Canada moins attrayant pour les talents étrangers.

Les talents hautement qualifiés sont en demande partout dans le monde, et le Canada rivalise avec d’autres pays pour en attirer. Une politique interdisant aux travailleurs étrangers d’être propriétaires d’une habitation au Canada pendant de nombreuses années après leur arrivée est contre‑productive, peut décourager les travailleurs étrangers et leur famille de s’intégrer dans leur communauté, et pourrait laisser le Canada dans une position non concurrentielle.

Le Canada Employment Relocation Council (CERC) a aussi rédigé un mémoire en réponse à la loi. Comme il est souligné ci‑après, le CERC estime que le règlement vise injustement les étrangers.

Le projet de règlement traite injustement les étrangers qui ont un visa de travail ou d’études valide et qui cherchent à immigrer au Canada en leur interdisant d’être propriétaires d’une habitation […]. Le projet de règlement crée de l’incertitude pour les employeurs, les sociétés de gestion de la réinstallation et, surtout, les employés.

Pour ajouter à la confusion, en 2020, le Programme de la statistique du logement canadien a révélé que les non‑résidents ne possédaient qu’environ de 2 % à 6 % des propriétés résidentielles au Canada2. Les économistes et les professionnels de l’immobilier doutent que la loi ait une incidence importante, étant donné que les achats de non‑résidents représentent un si petit nombre des transactions globales sur le marché du logement.

 

Alors que le Canada est aux prises avec une pénurie de main‑d’œuvre à l’échelle nationale, le gouvernement fédéral a annoncé, en novembre 2022, de nouvelles cibles d’immigration ambitieuses. Il a proposé d’accueillir 465 000 nouveaux résidents permanents en 2023 et plus de 500 000 en 20253. La Loi sur l’interdiction d’achat d’immeubles résidentiels par des non‑Canadiens semble toutefois aller à l’encontre de cet objectif.

 

Selon l’une des critiques formulées, l’interdiction d’achat de logements amènerait les talents étrangers à remettre en question leur décision de faire carrière et de s’établir au Canada. Certains immigrants au Canada ont exprimé leurs préoccupations. Par exemple, une femme de Shanghai (Chine), qui a déménagé au Canada avec son mari et son fils adolescent et qui loue un petit appartement, a affirmé : « Selon cette nouvelle politique, nous ne pourrons pas acheter une maison tant que nous n’aurons pas obtenu la résidence permanente. Ce n’est pas bon pour nous. Nous avons loué un appartement, mais pour moi, il n’y a pas de sentiment d’appartenance. »

 

Réactions à l’étranger

Si cette interdiction suscite beaucoup de discussions au Canada, elle a également fait réagir sur la scène mondiale. L’Association canadienne de l’immobilier a dit craindre que l’interdiction n’incite les États‑Unis et le Mexique à prendre des mesures de représailles pour interdire aux Canadiens d’acheter des immeubles résidentiels dans ces pays, particulièrement les retraités qui se cherchent un logement pour fuir l’hiver canadien. Les Canadiens sont les plus importants acheteurs étrangers d’immeubles aux États‑Unis – plus de la moitié des immeubles achetés par des Canadiens aux États‑Unis sont situés en Floride et en Arizona.

 

Des voix en faveur de mesures de représailles s’élèvent déjà aux États‑Unis. Brian Higgins, démocrate élu à la Chambre des représentants pour le district qui inclut la collectivité frontalière de Buffalo, dans l’État de New York, a déclaré qu’il était prêt à plaider en faveur d’une nouvelle taxe pour les Canadiens qui possèdent des biens immobiliers aux États‑Unis, à moins que les citoyens américains ne se voient offrir des exemptions supplémentaires de la nouvelle taxe sur les logements sous‑utilisés d’Ottawa, qui cible les propriétaires de biens immobiliers étrangers au Canada. Il ne semble pas s’agir de revendications qui n’auront pas de suite. Brian Higgins a indiqué qu’il avait écrit au secrétaire d’État Antony Blinken et qu’il s’était entretenu avec le Bureau de la représentante américaine au Commerce, Katherine Tai.

 

L’héritage législatif

Le 29 mars 2023, le gouvernement canadien a semblé répondre aux pressions intérieures et américaines et a assoupli les restrictions en permettant à des non‑Canadiens d’acheter des immeubles résidentiels dans certaines circonstances. Les personnes qui détiennent un permis de travail ou qui sont autorisées à travailler au Canada en vertu du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés et dont le permis ou l’autorisation de travail sera encore valide pour au moins 183 jours au moment de l’achat peuvent désormais acheter un immeuble résidentiel.

 

Ces modifications montrent que le gouvernement du Canada reconnaît l’importance de permettre aux travailleurs temporaires au Canada d’entrer sur le marché canadien du logement et d’y participer librement. En annonçant ce changement de politique, le ministre a déclaré dans un communiqué de presse publié par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) le 27 mars dernier que ces modifications permettront aux nouveaux arrivants de s’établir au Canada grâce à l’accession à la propriété. Elles permettront aussi aux entreprises de créer des emplois, de construire des logements et, ce faisant, d’augmenter l’offre de logements dans les villes canadiennes.

La présente publication ne fournit que des renseignements sommaires et à des fins d’information générale uniquement. Elle ne doit pas être considérée comme exhaustive et ne peut remplacer des conseils professionnels. Les sociétés membres de l’organisation mondiale EY déclinent toute responsabilité à l’égard des pertes subies par quiconque s’appuie sur le contenu du présent article.

Résumé

Points à retenir pour les employeurs

Les employeurs peuvent remédier à leur manque de main‑d’œuvre et rechercher des candidats à l’échelle mondiale tout en donnant aux employés éventuels une véritable occasion de s’établir et de vivre au Canada. Nous recommandons aux employeurs de poursuivre ces discussions au moyen des stratégies suivantes :

  • Envisagez de communiquer cette mise à jour aux parties prenantes internes, notamment à vos travailleurs autorisés, afin de leur permettre de mieux comprendre la situation actuelle.
  • Tenez un forum pour passer en revue les mises à jour et les préoccupations des membres de votre équipe à ce sujet.
  • Recueillez les commentaires de vos travailleurs autorisés et d’autres parties prenantes sur l’incidence de cette question afin de les présenter aux gouvernements fédéral et provinciaux et aux députés, pour leur faire savoir comment les approches proposées et révisées à l’égard de cette loi influent sur les décisions de planification des personnes touchées.

Cette modification est une bonne nouvelle pour beaucoup de gens qui rêvent d’accéder à la propriété. La question plus vaste concerne l’offre de logements et l’abordabilité en général. Selon la SCHL, 22 millions de logements seront nécessaires d’ici 2030 pour que tous les résidents du Canada puissent profiter d’un logement abordable4. Pour répondre à la demande d’une population croissante, le gouvernement canadien devra réorienter sa stratégie et cesser de freiner la demande pour se concentrer davantage sur les stratégies qui favorisent l’offre de logements.

Quelle que soit l’approche adoptée, elle doit aller de pair avec l’augmentation importante prévue des cibles d’immigration du Canada.

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