La dernière édition du Baromètre Climat EY, la sixième, sonne l’alarme sur les engagements climatiques des entreprises analysées à l’aune de leurs communications sur les risques et opportunités liés au climat. La dernière décennie a vu une attention réglementaire accrue sur les communications des entreprises relatives au climat, les poussant à un carrefour critique où les engagements en matière d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique doivent se transformer en résultats tangibles.
Cette année, les informations couvertes par les communications ont atteint 94% du nombre d’informations recommandées par la TCFD (Taskforce for Climate related Financial Disclosures) contre 90% en 2023. La qualité des communications climatiques s’est également améliorée, atteignant 54% en 2024, contre 50% en 2023 (et 31% en 2018). Les scores de qualité les plus élevés ont été enregistrés au Royaume-Uni (69%), en Corée du Sud, au Japon, et dans les régions du nord, de l’ouest et du sud de l ’Europe.
Cependant, le niveau de qualité atteint en 2024 reste insuffisant face à l’urgence climatique et ses conséquences potentiellement dévastatrices.
Le Baromètre de l’Action Climatique d’EY, anciennement appelé Baromètre des Risques Climat, explore les divers défis que les entreprises rencontrent, notamment sur les plans de transition climatiques, l'interconnexion entre les risques climatiques et les états financiers, ou encore l'adoption des normes IFRS (International Financial Reporting Standards) de l’ISSB (International Sustainability Standards Board).
Le Baromètre poursuit ainsi son analyse annuelle des communications extra-financières et financières sur le climat, en couvrant plus de 1 400 entreprises dans 13 secteurs et 51 pays.
Les points saillants du Baromètre de l’Action Climatique d’EY 2024
États financiers et réalités climatiques : l’analyse de l’impact des risques physiques et des risques de transition sur le business model des entreprises nécessite d’adopter une analyse prospective à l’aide de scénarios climatiques afin d’apprécier la matérialité en termes d’impacts financiers. Bien que l’analyse des scénarios climatiques ait gagné du terrain (67% cette année contre 58% en 2023), seulement 36% des entreprises ont inclus des impacts financiers liés au climat dans leurs états financiers. Cette situation est alarmante, car elle indique que la matérialité du changement climatique n’est pas toujours correctement reflétée dans les états financiers des entreprises. Pourtant, le changement climatique constitue très souvent un risque matériel pour beaucoup d’entreprises, impactant leurs opérations en propre et certains segments de leur chaîne de valeur.
Conception et mise en œuvre de plans de transition efficaces : un plan de transition apporte une vision complète des enjeux, objectifs et actions d’une entreprise vis-à-vis du changement climatique. Il doit comprendre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre clairs basés sur la science (par exemple des objectifs de réduction des émissions alignés avec les objectifs de l'Accord de Paris et validés par le Science-Based Target Initiative) à court et long terme pour les émissions de Scope 1, 2 et 3, une description des actions de réduction des émissions ainsi que des ressources financières en CapEx et OpEx nécessaires à la mise en œuvre des actions et l’attente des objectifs de réduction des émissions.. Bien que des progrès aient été réalisés, les niveaux actuels de planification de la transition sont insuffisants pour répondre aux enjeux des entreprises tels que :
- La mise en œuvre des actions pour réaliser leur ambition ;
- La communication sur les ressources humaines et financières requises pour atteindre leurs objectifs ;
- La réponse aux attentes des parties prenantes et aux exigences réglementaires.
En effet, seulement 41% des entreprises étudiées ont communiqué sur un plan de transition pour lutter contre le changement climatique. Les dépenses opérationnelles (Opex) liées à l'atténuation du changement climatique n'ont été déclarées que par 4% des entreprises, et 17% ont communiqué des éléments sur des dépenses en capital (Capex).
Ces faibles niveaux de déclarations reflètent la nouveauté de l’exercice et les difficultés à évaluer les besoins financiers pour atteindre des réductions d’émissions élevées.
L’engagement à long terme reste également préoccupant, puisque seulement 51% des entreprises ont fixé des objectifs pour 2050, contre 83% pour 2030, montrant une tendance à privilégier les objectifs à court terme pouvant compromettre la capacité des entreprises à répondre efficacement aux défis climatiques à long terme.
Performance de la région EMEIA (Europe, Moyen Orient, Inde et Afrique) : la région EMEIA se distingue sur la publication de plans de transition, avec 53% des entreprises ayant publié un plan de transition (comparé à 41% sur l’ensemble des entreprises analysées), en particulier au Royaume-Uni et dans l’Union Européenne.
Globalement, 60% des entreprises britanniques et 59% des entreprises de l’UE incluses dans le Baromètre ont communiqué des plans de transition. Ces niveaux élevés de planification de la transition sont une réponse à l’établissement de la Taskforce de planification de transition (TPT), cadre volontaire au Royaume-Uni et la préparation à la directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD). La TPT encourage les entreprises à développer des plans de transition crédibles qui répondent aux exigences de l’IFRS S2, tandis que la CSRD exige que les entreprises concernées divulguent leur plan de transition, si elles en ont un. À noter que compte tenu des clarifications attendues de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) d’ici fin 2024 pour aider les entreprises à mettre en œuvre leurs plans de transition climatique conformément à la norme ESRS E1 (European Sustainability Reporting Standards) sur le Changement Climatique, cette analyse ne prend en compte qu’une partie des attendus de la norme ESRS E1.
Focus sur les secteurs : le Baromètre a enregistré des améliorations significatives d’une année sur l’autre en termes de qualité de la communication climatique dans les secteurs de l’exploitation minière, des services bancaires et des transports, des secteurs tous fortement exposés au risque de transition. Toutefois, les scores de qualité les plus élevés (59%) reviennent aux secteurs :
- De l’énergie, particulièrement exposé au risque de transition et attendu en tant que facilitateur de la décarbonisation pour d’autres secteurs ;
- Et de l’assurance, soumis à une augmentation des demandes d’indemnisation en raison d’événements climatiques (tels que les inondations), pouvant avoir incité les entreprises de l’assurance à évaluer l’impact du risque climatique sur leur activité.
La qualité des communications s'est améliorée notablement dans le secteur minier, soumis à une forte pression pour améliorer ses performances environnementales, sociales et de gouvernance, avec une augmentation de 7%, passant de 51% à 58%. Le secteur bancaire et celui des transports, également exposés aux risques de transition, ont vu leurs scores augmenter de 6%.
Conclusion
Le Baromètre de l’Action Climatique 2024 d’EY met en évidence la nécessité pour les entreprises d’adopter une approche plus ambitieuse et proactive en matière de communication sur la transition climatique. Les entreprises doivent élaborer des plans de transition solides, basés sur des objectifs scientifiques, et intégrer pleinement les risques climatiques dans leurs rapports financiers.