3) Quelles sont les modalités de reporting de la CSRD et qu’implique-t-elle en termes de gouvernance ?
Plusieurs aspects de la CSRD visent à mettre le reporting de durabilité au même niveau de qualité que l’information financière. Ainsi, la période et le périmètre de reporting extra-financier sont alignés sur ceux en vigueur pour les états financiers, et la publication sera réalisée dans une section spécifique du rapport de gestion. Les informations de durabilité seront aussi digitalisées au format ESEF (European Single Electronic Format) comme les informations financières et disponibles sur l’European Single Access Point (ESAP). La CSRD place également le reporting de durabilité sous la responsabilité de la gouvernance de l’entreprise comme pour l’information financière. L’une des évolutions majeures apportée par la nouvelle directive est aussi l’obligation partout en Europe de faire vérifier les informations extra-financières par le Commissaire aux Comptes (ou un tiers indépendant), délivrant une assurance d’abord limitée, puis raisonnable dans quelques années.
Enfin, la connectivité entre l’information financière et de durabilité est au cœur du dispositif. Par exemple pour les normes environnementales, il est demandé de mesurer les effets financiers potentiels engendrés par les impacts, risques et opportunités sur la situation et les résultats financiers ou encore sur les actifs, les investissements et les activités de l’entreprise. Une quantification des effets financiers potentiels en termes monétaires implique d’expliquer le lien avec les montants dans les états financiers.
4) Comment la CSRD s’articule-t-elle avec les autres initiatives internationales de reporting de durabilité ?
Depuis plusieurs années, l’Europe, à travers la NFRD puis la CSRD, a poussé d’autres initiatives à accélérer en direction d'une normalisation des informations de durabilité.
Aux Etats-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) a publié en avril 2022 un projet de règles sur les informations liées au climat à publier dans les documents d’enregistrement pour les entreprises cotées. Une réflexion y est en cours également sur les informations liées au capital humain.
L’IFRS Foundation, de son côté, a décidé en 2021 de créer l’International Sustainability Standard Board (ISSB), une deuxième jambe à côté de l’IASB (qui a développé les normes IFRS financières depuis 20 ans). L’ISSB devrait finaliser en 2023 deux projets de standards sur les informations relatives à la durabilité : l’un sur les règles générales et l’autre sur le climat. Le périmètre est donc limité à ce stade par rapport aux ESRS et ces 2 projets de norme issus d’une initiative privée devront être adoptés par des juridictions pour pouvoir être appliqués, sachant que l’Europe et les Etats-Unis ont déjà fait le choix de développer leurs propres normes pour des raisons de souveraineté sur des sujets qui touchent aux politiques publiques.
Dans ce contexte, l’interopérabilité entre ces différentes normes représente un enjeu important pour réduire la charge de travail lié au reporting des entreprises mondiales. Les 3 initiatives sur le climat s’inspirent de la Taskforce on Climate Related Financial Disclosures (TCFD) et sont donc relativement convergentes. Par ailleurs, des réunions de travail se tiennent depuis plus d’un an pour favoriser cette convergence.
La CSRD et les ESRS sont néanmoins plus ambitieux par définition : d’abord car ils couvrent d’ores et déjà toutes les thématiques ESG ainsi que les informations matérielles pour l’entreprise et pour la société et l’environnement alors que l’ISSB et la SEC ne s’intéressent qu’à la matérialité financière (pour les investisseurs) du climat ; ensuite car l’Europe cherche à lutter contre le greenwashing en renforçant la comparabilité, la fiabilité et l’auditabilité des informations ESG. Ce faisant, elle est naturellement plus granulaire, plus précise dans ses exigences. Pour toutes ces raisons, l’objectif de l’Europe serait de pouvoir obtenir qu’une entreprise européenne qui répondrait aux exigences des ESRS soit reconnue comme conforme aux exigences de transparence de la SEC et de l’ISSB.
Maintenant que la CSRD a été adoptée au niveau européen, elle devra encore être transposée dans le droit commun des Etats membres au plus tard 18 mois après sa parution au journal officielle de l’Union européenne. Elle représente une marche haute pour toutes les entreprises, notamment pour celles qui étaient passées jusqu’à présent « en dessous des radars » de la NFRD. De leur côté, les entreprises françaises déjà soumises à la Déclaration de performance extra-financière (DPEF) paraissent les mieux préparées pour embrasser ce changement, puisqu’elles produisent déjà un rapport extra-financier vérifié par un tiers externe indépendant. Une attention particulière devra être portée aux modalités de transposition de la CSRD, notamment quant aux formes juridiques qui seront concernées, par exemple pour les SAS qui étaient exemptées de produire une DPEF dans le cadre de la directive NFRD.