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Entrée en vigueur de Pilier 2 : comment simplifier l’approche ?

D’une part, l’imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales, aussi connue sous le nom de Pilier 2, entre en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023. L’idée de base est simple, les groupes dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 750M€1 doivent être soumis à un taux effectif d’impôt (TEI) minimum de 15%. D’autre part, le volume de données à traiter ainsi que la complexité des règles Pilier 2 imposent des changements, tant au niveau des processus de remontée des informations (granularité, maille d’analyse juridictionnelle), que dans les systèmes de reporting fiscaux en place.


Entrée en vigueur de Pilier 2 :

  • Imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales ;
  • Calcul détaillé du TEI (taux effectif d'impôt) ;
  • Mesures transitoires de sauvegarde ;
  • Pilier 2 ;
  • Tax reporting.

Adaptation des reportings fiscaux :

  • Country by country Reporting (CBCR) ;
  • Reporting fiscal ;
  • Règles GloBe ;
  • Logiciels de consolidation et de reporting (Entreprise Performance Management - EPM). 

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Entrée en vigueur de Pilier 2

L’imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales, aussi connue sous le nom de Pilier 2, entre en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023. Cette réforme très ambitieuse issue des travaux menés par plus de 140 pays négociant de concert sous l’égide de l’OCDE, représente un véritable changement de paradigme en matière de fiscalité internationale.

L’idée de base est simple, les groupes dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 750M€1 doivent être soumis à un taux effectif d’impôt (TEI) minimum de 15 % dans chacun des pays où ils opèrent. Si ce n’est pas le cas, un impôt complémentaire doit être acquitté pour atteindre ce taux minimum de 15 %.

Là où les choses se compliquent, c’est notamment dans le détail du calcul du TEI qui s’opère en divisant la somme des charges d’impôt sur le résultat de chacune des entités constitutives2 par la somme des résultats avant impôt des mêmes entités. Les difficultés sont dues au fait que ces agrégats sont calculés dans la norme de consolidation de l’entité mère ultime3 (avant élimination des transactions intragroupe) et surtout que les règles prévoient de nombreux ajustements, parfois assez complexes, tant sur le résultat que sur la charge d’impôt. En pratique, ces nombreux ajustements nécessitent l’identification d’un nombre considérable de points de données, de 150 à 200 par entité selon les cas.

Par exemple, les impôts différés doivent être recalculés à 15 % si ‘ils ont été enregistrés à un taux supérieur, ce qui suppose de connaître précisément le taux d’enregistrement, qui peut parfois s’écarter du taux du pays considéré4. Par ailleurs, des règles spécifiques s’appliquent aux impôts différés passifs qui ne se retournent pas dans un délai de 5 ans sauf exceptions (notamment ceux relatifs aux frais de développement ou aux amortissements des biens corporels), ce qui nécessite de connaître à la fois le délai de retournement de ces éléments et leur nature précise. Il va sans dire que le tax reporting des groupes français descend rarement à ce niveau de granularité. Ce qui va donc prendre du temps dans un projet de mise en conformité avec les règles Pilier 2, ce n’est pas tant le calcul lui-même que les modifications des process nécessaires pour assurer la remontée des données nécessaires au calcul.

Les contribuables vont toutefois bénéficier d’un certain répit dans l’application de ces règles complexes, du fait de la possibilité de bénéficier pendant trois exercices de mesures transitoires de sauvegarde. En application de ces règles, il est possible de considérer que le montant de l’impôt complémentaire est nul au titre d’un pays si l’un des trois tests prévus est rempli : un test de minimis qui va regarder un seuil de chiffre d’affaires (10M€) ET de résultat avant impôt du pays (1M€) tels que déclarés dans la déclaration pays-par-pays de l’exercice, un TEI simplifié5 où l’on va diviser la charge d’impôts des entités constitutives d’un pays par le montant du résultat avant impôt de la déclaration pays par pays et un test des bénéfices de routine qui va comparer le résultat avant impôts de la déclaration pays par pays à la somme de 10 % des frais de personnels et de 8 % de la valeur nette comptable des actifs corporels.

Existe-t-il alors une formule simplifiée qui permettrait de se mettre en conformité en subissant le moins possible la complexité des règles Pilier 2 ? Fatalement, la réponse dépend de la taille des groupes concernés et de leur stratégie fiscale historique. Mais pour la majorité des groupes français dans le champ qui sont relativement peu optimisés et ne comptent pas des milliers d’entités constitutives, une approche pragmatique consisterait :

  1. A s’appuyer sur les mesures transitoires de sauvegarde afin de sortir le plus grand nombre possible de pays du calcul. En effet, l’expérience montre qu’une grande majorité de juridictions bénéficient en général de ces règles, les principales exceptions étant sans surprise les pays dont le taux standard d’imposition est nul ou bas ;
  2. S’agissant de ces exceptions, pour lesquelles il est nécessaire d’appliquer les règles complètes, l’idée est de maîtriser le calendrier :
    • Aucun impôt complémentaire et aucune déclaration ne seront dus avant le 30 juin 20266
    • Au-delà de l’information à donner en annexe des comptes 2023, seule la comptabilisation de la charge d’impôt dans les comptes 2024 et 2025 sera nécessaire dans l’intervalle. À ce titre, les groupes multinationaux auront un interlocuteur unique : le(s) commissaire(s) aux comptes.

Une approche pragmatique devrait donc nécessairement passer par une discussion avec le(s) commissaire(s) aux comptes sur les pays dans le champ des règles complètes et notamment sur la matérialité de l’impact attendu et celle des éléments concernés par les ajustements nécessaires au calcul de Pilier 2. Si ces pays sont simples et/ou peu matériels, il devrait en principe pouvoir être envisagé de calculer une provision pour impôts qui n’utilise qu’une partie des points de données nécessaires au calcul7.

Il convient toutefois de noter que cette approche ne pourra fonctionner que temporairement. Déjà parce que les mesures de sauvegarde sont transitoires et qu’à terme (en 2027) tous les pays, seront dans le champ des règles complètes (sous réserve de l’application de futures mesures de sauvegarde permanentes non encore connues). Mais également, parce qu’en juin 2026, il faudra être en mesure de déposer une déclaration complète au titre de 2024 qui devra précisément déterminer le montant de l’impôt complémentaire dû.

Cette approche pragmatique doit donc permettre de gagner du temps mais ne doit pas dispenser les groupes concernés de lancer en parallèle un projet de mise en conformité plus complet, avec un travail sur l’identification des points de données, la définition des process de remontée des informations manquantes, et de calcul de l’impôt complémentaire ainsi que la détermination des rôles et des responsabilités de chacun entre équipes fiscales, équipes de consolidation, équipes centrales et équipes locales.

Une nécessaire adaptation des reportings fiscaux

Comme évoqué précédemment, le volume de données à traiter ainsi que la complexité des règles Pilier 2 imposent des changements, tant au niveau des processus de remontée des informations (granularité, maille d’analyse juridictionnelle), que dans les systèmes de reporting fiscaux en place.

En premier lieu, le calendrier de production de l’information fiscale et particulièrement du « Country by country Reporting » (CBCR) se trouve bouleversé. Auparavant produit uniquement à des fins déclaratives, il devient un élément central de l’arrêté des comptes sociaux et consolidés des groupes soumis à Pilier 2. Il sert en effet de base de calcul, en complément des comptes consolidés de l’entité mère ultime, aux mesures transitoires de sauvegarde permettant aux groupes d’exclure le plus grand nombre possible de juridictions du calcul complet des règles GloBe. Il doit donc être préparé concomitamment à l’établissement des comptes sociaux et consolidés des groupes au moins durant la période d’application de ces mesures de sauvegarde (2024, 2025 et 2026), en attendant de connaître les prochaines mesures de sauvegarde permanentes promises par l’OCDE.

Le second changement, encore plus profond, concerne le reporting fiscal en lui-même. La complexité du modèle de règles Pilier 2 entraine une croissance exponentielle du nombre de points de données à collecter et à stocker pour chaque entité constitutive pour être en mesure de réaliser les calculs et la déclaration afférente. Les reportings fiscaux généralement intégrés dans les outils de consolidation (EPM) sont naturellement orientés sur la fiabilisation des impôts différés et de la preuve d’impôt. Leur adaptation pour le Pilier 2 est non seulement une question de conformité, mais aussi une stratégie essentielle pour gérer efficacement les risques fiscaux et maintenir la réputation de l'entreprise dans un paysage fiscal.

A ce stade, de nombreux acteurs du monde des logiciels de consolidation et de reporting (Entreprise Performance Management - EPM) ainsi que d’autres plus particulièrement dédiés à la fiscalité développent des solutions spécifiques pour permettre aux groupes de réaliser la collecte des données et les calculs GloBe. Ces modules viennent s’ajouter aux reportings fiscaux en place, ce qui peut complexifier tant l’organisation informatique des groupes que la responsabilité des personnes en charge de collecter et reporter ces informations.

Ainsi, la stratégie de déploiement d’un nouveau logiciel, d’un module spécifique ou tout simplement l’adaptation des reportings fiscaux existants dépend finalement de la complexité que chaque groupe doit appréhender en fonction de sa capacité à bénéficier des mesures transitoires actuelles de sauvegarde transitoires. Le calendrier de déploiement ou d’adaptation des outils existants s’en trouve profondément différencié, en gardant à l’esprit que les règles GloBe continuent d’être précisées et que de nouvelles mesures de sauvegarde, cette fois permanentes, sont attendues.

En conclusion, l'adaptation du reporting fiscal pour le Pilier 2 est non seulement une question de conformité, mais aussi une stratégie essentielle pour gérer efficacement les risques fiscaux et maintenir la réputation de l'entreprise dans un paysage fiscal international en évolution.

Sources

  1. Sur au moins deux des quatre exercices précédents.
  2. Le périmètre des entités constitutives pour les besoins de Pilier 2 correspond essentiellement au périmètre de la déclaration pays par pays.
  3. L’entité la plus élevée dans la chaîne de détention qui dépose des comptes consolidés dans le cadre desquels les comptes des entités constitutives sont intégrés en intégration globale ou en intégration partielle.
  4. Si régime d’imposition spécifique par exemple.
  5. Qui doit être supérieur ou égal à 15 % en 2024, 16 % en 2025 et 17 % en 2026.
  6. Date de la première déclaration due 18 mois après la clôture 2024 pour les exercices calendaires.
  7. Sous réserve également des seuils de matérialité de l’audit statutaire des comptes des entités contribuables concernées qui peuvent être l’entité mère ultime mais aussi selon les cas une holding intermédiaire ou une entité locale.

Ce qu'il faut retenir

Du côté de l’entrée en vigueur de Pilier 2, cette approche pragmatique doit donc permettre de gagner du temps mais ne doit pas dispenser les groupes concernés de lancer en parallèle un projet de mise en conformité plus complet, avec un travail sur l’identification des points de données, la définition des process de remontée des informations manquantes, et de calcul de l’impôt complémentaire ainsi que la détermination des rôles et des responsabilités de chacun entre équipes fiscales, équipes de consolidation, équipes centrales et équipes locales.

D’un autre côté, l'adaptation du reporting fiscal pour le Pilier 2 est non seulement une question de conformité, mais aussi une stratégie essentielle pour gérer efficacement les risques fiscaux et maintenir la réputation de l'entreprise dans un paysage fiscal international en évolution.


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