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Comment adresser les attentes des salariés dans un monde du travail en pleine évolution ?

Cet article est une traduction de l’article : How workforce rebalancing is building pressure in the talent pipeline | EY - Global rédigé par Liz Fealy et Roselyn Feinsod.

L'enquête EY 2022 Work Reimagined dévoile les points de vue des salariés et des employeurs dans un contexte de "grande démission". Si certains retrouvent une sensation de liberté suite aux années COVID ; des divergences subsistent.


Les questions à se poser :

  • Que recherchent les salariés chez leur employeur, et de quoi les employeurs pensent-ils que les salariés ont besoin pour s'épanouir ?
  • Comment évoluent les comportements des salariés des nouvelles générations de travailleurs ?

Des changements considérables dans notre façon d’organiser le travail ont provoqué des évolutions profondes dans notre façon de voir nos priorités et nos perspectives dans la vie quotidienne.

La pandémie de COVID-19 a intensifié des tendances déjà en marche, et a nous amené à nous interroger sur nos envies, notre vision du succès, la valeur du travail. La hausse de l'inflation, la "grande démission" et les appels à l'engagement et à l'action sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) redessinent le parcours professionnel que nous essayons tous de parcourir avec un regard neuf. Alors que les premières vagues de pandémie cèdent le terrain à d’autres vagues de changement, les salariés redéfinissent leurs priorités, la façon dont ils travaillent, qui ils sont.

C'est un nouveau contexte, avec de nouvelles opportunités et un besoin de mieux comprendre le comment, le quoi et le pourquoi du travail.

L'enquête EY 2022 Work Reimagined présente les résultats des réponses aux questions de plus de 17 000 salariés et 1 575 employeurs dans 22 pays et 26 secteurs. Les résultats explorent les principales causes de l’attrition ou de la rétention des salariés et mettent en évidence les domaines d’actions prioritaires pour les leaders qui cherchent à élaborer une stratégie RH gagnante.

L'enquête fait les constats suivants :

  • Les employeurs et les salariés reconnaissent qu'il est nécessaire de s’adapter pour introniser le travail hybride mais les attentes sur les priorités divergent.  Tous les employeurs n'ont pas créé et communiqué de politique et des lignes directrices formelles et claires.
  • Les salariés sentent un vent de renouveau, mais près de la moitié (43%) des répondants disent qu'ils sont susceptibles de quitter leur employeur au cours de l'année à venir. Le salaire reste la principale préoccupation, suivie des opportunités de carrière, dans un contexte de tensions sur le marché du travail et de besoins élevés de talents dans certains domaines.
  • Les populations les plus susceptibles de quitter leur emploi dans les 12 mois sont celles de la génération Z ou des milléniaux aux États-Unis (53 %), ainsi que celles qui travaillent dans le secteur de la technologie/du matériel informatique (60 %).
  • Les employeurs qui ont adopté une approche proactive face à l'évolution du monde du travail sont très optimistes quant aux effets de cette approche sur la productivité et de culture.
  • Les employeurs et les salariés considèrent que la rémunération globale, la diversité, l'équité et l'inclusion (DE&I) sont des domaines qui requièrent une attention et une action particulières.

La situation est propice pour réimaginer une stratégie de ressources humaines plus durable et centrée sur l'humain. En agissant au bon moment avec conviction et en reconnaissant la nécessité d'une transformation durable de l'entreprise, les employeurs peuvent dessiner les contours d’une nouvelle façon de travailler qui préserve le vivier de talents et la valeur future.

Comment nous travaillons dans un monde en mutation

Même si le monde aimerait oublier la pandémie de COVID-19 et ses effets, nous sommes toujours confrontés à ses répercussions, y compris dans notre façon de travailler. Au début de la pandémie, les employeurs comme les salariés se sont - nécessairement - concentrés sur des décisions à court terme pour surmonter l'un des plus grands défis sanitaires de toute une génération. Mais aujourd'hui, de nouvelles macro-tendances influencent à leur tour les attitudes et les stratégies à l'égard du travail. Les analyses de la Banque mondiale indiquent un ralentissement de la croissance économique et à la persistance d'une inflation élevée dans les années à venir, ainsi que la nécessité d'une action coordonnée pour faire face aux coûts élevés des catastrophes météorologiques et climatiques.

Cette situation affectera à coup sûr la capacité d'investissement des entreprises et le sentiment des salariés, à un moment où la "Grande Démission" est un phénomène encore très présent dans certaines régions du monde.


L'année dernière, 68 % des employeurs interrogés ont déclaré que le taux d’attrition du personnel avait augmenté au cours des 12 derniers mois, et 43 % des salariés ont déclaré qu'ils étaient susceptibles de quitter leur employeur actuel au cours de l'année prochaine. Il s'agit d'une augmentation significative par rapport à l'année dernière, où seulement 7 % des salariés étaient peu enclins à rester.

Au cours des deux dernières années, la flexibilité du travail a été plébiscitée par les salariés et adoptée par certains employeurs ; autrefois un avantage dont peu de salariés bénéficiaient, elle est désormais devenue une exigence pour eux. Parmi les personnes interrogées, 80 % souhaitent travailler à distance au moins deux jours par semaine. Seuls 20 % des salariés ont exprimé des réticences à l'égard du travail à distance total, contre 34 % l'année dernière, preuve que le télétravail devient la norme.

Malgré ce signal fort des salariés, près d'un quart (22%) des employeurs interrogés attendent que tous les salariés retournent au bureau cinq jours par semaine.

Les points de vue divergents entre les employeurs et les salariés sur le travail hybride ne sont qu'un exemple de ce qui pourrait être considéré comme un rééquilibrage du pouvoir en faveur des travailleurs.  D’autre différences de perception, comme, par exemple, la culture d’entreprise, la productivité, les opportunités de carrière ou sur la mobilité peuvent complexifier une course aux talents déjà intense.

Alors que les salariés se sentent plus autonomes et que le marché du travail semble de plus en plus fluide, de nombreux employeurs affichent une perte de confiance dans la manière dont la culture d’entreprise se développe. Seuls 57% des employeurs pensent que leur culture s'est améliorée depuis le début de la pandémie, contre 77% l'année dernière. Quant aux salariés, 61 % d'entre eux affirment que la culture de leur entreprise s'est améliorée depuis le début de la pandémie, contre 48 % en 2021.

Bien que les employeurs aient fait preuve d'agilité pendant la pandémie, l'exode des salariés s'est accéléré. Nous distinguons trois groupes distincts d'employeurs en fonction de leur perception de la productivité de l'entreprise et de la culture organisationnelle :

Optimistes (32%)

Les employeurs qui ont adopté une approche proactive en matière de flexibilité du travail, d'immobilier et de technologie sont plus susceptibles de reconnaître qu'ils ont obtenu des résultats positifs. Les optimistes indiquent qu'ils ont le sentiment d'avoir plus de capacité d'action dans l'incertitude actuelle. En apportant de la clarté à leurs effectifs et en se préparant au changement, ces entreprises ont investi dans une démarche stratégique et peuvent en voir les bénéfices. En adoptant une approche cohérente, stratégique et transversale du climat actuel, ces optimistes sont plus susceptibles de penser qu'ils maîtrisent leur trajectoire.

Pessimistes (11%)

Un plus petit nombre d'employeurs se sentent dépassés par le contexte actuel. Leur perception de l’évolution de la culture et de la productivité est beaucoup plus mesurée et indique un investissement moindre dans des actions concrètes visant à améliorer la technologie, les équipements sur site et la flexibilité de leurs salariés. Ces employeurs semblent être restés dans une posture d'attente alors que le marché du travail et la situation économique générale continuent d’évoluer. Ces employeurs ne se sont pas positionnés pour attirer de nouveaux talents, et courent le risque de voir partir leurs collaborateurs actuels, dégradant encore la confiance dans leur compétitivité.

Entre deux (57%)

Une majorité d'employeurs demeure quelque part entre ces deux extrêmes, sans perspective distincte sur les résultats en matière de productivité et de culture. Cela montre que la plupart des employeurs comme les salariés restent indécis quant à ce que l'avenir leur réserve et qu'il existe une opportunité majeure pour ces sociétés d'élaborer une stratégie de pointe et de gagner la course aux talents.

La grande majorité des salariés et des employeurs semblent s'accorder pour dire que l'ancien monde du travail est derrière nous. La plupart des personnes interrogées conviennent que les conditions de travail hybrides sont destinées à rester, et que les salariés sont disposés à changer d'emploi s'ils ne trouvent pas ce qu'ils veulent. Dans ce contexte, il devient impératif pour un employeur de bien comprendre ce que les salariés recherchent le plus.

Ce que nous valorisons, du salaire à l'objectif visé

La portée de notre réévaluation collective du travail est visible dans ce que nous déclarons valoriser. Les pressions inflationnistes, la généralisation du travail à distance et la diminution des obstacles à la recherche d'un nouvel emploi ont contribué à ce que les salariés (79 %) accordent une plus grande importance au salaire et aux autres avantages tangibles. Les employeurs (83 %) s'accordent à dire que la pandémie a accéléré la nécessité de modifier en profondeur la politique de rétribution, qui s’étend à une vision cohérente de la rémunération, du bien-être, d’avantages flexibles, des horaires de travail, etc.

Cette vision élargie révèle de multiples catégories d'incitations et une analyse détaillée des priorités des employeurs et des salariés montre un décalage notable entre les deux. Selon notre étude, les salariés interrogés ont souligné l’importance de la rémunération, de la progression de carrière et des modalités de gestion flexibles du travail.

Le salaire joue également un rôle dans la façon dont les salariés perçoivent le DE&I : 20 % d'entre eux ayant déclaré que l'équité salariale est la mesure la plus importante que l'entreprise devrait prendre pour améliorer le DE&I. Les employeurs conviennent qu'il faut faire davantage pour améliorer le DE&I, mais le plus grand nombre d'entre eux (17%) évoquent la revue des critères d'embauche comme l'action la plus importante à entreprendre.

La flexibilité du travail apportent pour certains salariés une ouverture bienvenue des horizons - ils y voient des possibilités de progression de carrière avec des missions virtuelles et un éventail plus large de possibilités d'emploi. En revanche pour certains, la crainte que le travail hybride soit synonyme de ralentissement de carrière subsiste. Nous relevons notamment un écart de perception sur ce sujet entre les employeurs et les salariés : 72 % des employeurs pensent que les nouvelles méthodes de travail feront perdre à certains secteurs d’activité un avantage concurrentiel, contre seulement 56 % des salariés.

Pour les employeurs, le salaire représente un coût fixe dans une période d'inflation croissante. Seuls 18% des employeurs pensent que des révisions salariales sont nécessaires pour maintenir l’engagement du personnel, ce qui montre un décalage évident entre ce que les salariés disent vouloir dans un nouveau rôle et ce que les employeurs pensent devoir faire pour contribuer à l'épanouissement des salariés. Les employeurs, eux, mettent l'accent sur l'apprentissage et les compétences, la flexibilité, le bien-être psychologique et la sécurité des salariés.

Des méthodes de travail différentes selon les profils démographiques

Cela peut sembler évident, mais il convient de souligner que la main-d'œuvre n'est pas homogène et que les perceptions du bien-être, de la valeur et de la productivité peuvent varier considérablement d'un travailleur à l'autre en fonction des données démographiques. Les données montrent des écarts importants du sentiment de bien-être en fonction de la situation géographique, du secteur d'activité, du sexe et de l’âge des cohortes étudiées.

L'une des différences les plus marquantes entre les préférences et les perceptions du travail se manifeste à travers le prisme des générations.

Réalités de l'immobilier et du travail

L'enquête EY 2022 Work Reimagined fournit plus de détails sur les préférences générationnelles, notamment en ce qui concerne l'aménagement physique et organisationnel des bureaux. La génération Z est beaucoup plus susceptible d'accorder une plus grande importance à la capacité de rester socialement connecté au travail (29 %) que les baby-boomers (21 %). La génération Z accorde également plus d'importance à la flexibilité et à la possibilité de changer de cadre de travail (22 %), contre seulement 14 % pour les baby-boomers. La génération Z est également plus susceptible de considérer la conception d'un bureau ou d'un espace de travail comme une motivation pour être au bureau (12 %), par rapport aux baby-boomers (7 %).

De manière générale, l'influence du lieu de travail sur la façon dont le travail est effectué dépendent de la répartition démographique des salariés. Les jeunes travailleurs citent des facteurs sociaux plus informels comme incitateurs de présence au bureau, par rapport à une vision plus utilitaire de la part de la génération X ou des baby-boomers, plus enclins à considérer l'espace comme utile à la collaboration. L'analyse détaillée des salariés d'une organisation permet d'élaborer une solution sur mesure pour harmoniser les priorités des employeurs et des salariés.

Des domaines d'action clés pour réimaginer votre stratégie RH

Le monde du travail reste en pleine transformation, stimulée par les défis de ces dernières années et les attentes futures. Les données indiquent que le groupe d'employeurs optimistes a adopté une attitude plus proactive face à l'incertitude. Les dirigeants devraient envisager de trouver des moyens interfonctionnels de répondre aux opportunités lorsqu'elles se présentent, par exemple :

  • Rendre opérationnels les modèles hybrides
    Le travail hybride étant appelé à perdurer, les employeurs doivent mettre en place une structure adaptée. Ils doivent identifier les rôles qui s’adaptent au mieux au travail à distance, et mettre en place les systèmes nécessaires pour créer de la valeur tout en rationalisant les fonctions. Cela peut inclure l'élaboration d'une stratégie de mobilité intégrée pour gérer la conformité fiscale de salariés géographiquement diversifiée, ainsi que la refonte des structures de rémunération et même la stratégie immobilière pour attirer et retenir la main-d'œuvre dont elles ont besoin.
  • Réinventer le lieu de travail
    Il ne suffit pas de repeindre un bureau et de s'attendre à ce que les travailleurs retournent au même bureau dans l’open space. Les employeurs devraient envisager un nouveau concept pour le lieu de travail qui tient compte de l'espace physique et des équipements nécessaires pour bien travailler. Mais ils doivent également tenir compte de la manière dont les salariés entretiennent les échanges avec leurs collègues, tant sur le lieu de travail qu'à distance.
  • Créez l'expérience travail-technologie
    Qu'il s'agisse de faire des courses ou de commander un taxi, nous connaissons l'importance d'une bonne interface utilisateur. L'expérience employé doit être équivalente à celle du client consommateur moderne et offrir une expérience digitale / physique « sans couture » dans tous les contextes de travail. La mise en place des technologies modernes contribue à identification des domaines nécessitant un changement de culture et à faire évoluer l'organisation vers une réalité plus fluide et équitable.
  • Remanier et optimiser les plans et schémas de carrière
    La pandémie, les ruptures technologiques et certains changements sociétaux, notamment ont redéfini les attentes des salariés. Les employeurs doivent adapter leurs modèles de rémunération et d'évolution de carrière pour répondre à un marché du travail volatile.
  • Définir la culture et les réseaux relationnels
    Avant d'entreprendre une transformation à grande échelle, les employeurs doivent évaluer leur culture d’entreprise. Il s'agit notamment de comprendre quels sont les aspects clés d'une culture organisationnelle à préserver et comment impliquer les principaux acteurs influents pour réduire les obstacles aux nouvelles réalités physiques et numériques du travail.

Ces domaines d'intérêt peuvent varier d'une organisation à l'autre, mais les dirigeants doivent s'efforcer de trouver la bonne combinaison de solutions qui répondent à la configuration spécifique de leur personnel, à l'orientation souhaitée de leur organisation et à l'évaluation continue de la transformation en cours.


Ce qu'il faut retenir

Les salariés et les employeurs sont en train de réimaginer le travail, mais leurs visions ne concordent pas systématiquement. S’ils s’accordent pour dire que la flexibilité et le travail hybride deviennent la nouvelle norme, des nuances importantes subsistent. Les salariés sont de plus en plus prêts à quitter leur emploi pour faire progresser leur carrière et leur rémunération. L'incertitude mondiale liée à l'inflation et aux coûts salariaux alimente la réticence des employeurs à revaloriser les salaires et les opportunités de carrière. Si les entreprises ne se préoccupent pas de l'équité salariale entre les marchés du travail interne et externe, les efforts visant à améliorer la culture, la productivité et le DE&I seront neutralisés par la pression du turnover. En agissant avec conviction, les dirigeants peuvent instaurer un climat de confiance et dessiner des perspectives optimistes pour leurs organisations.


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