Main frôlant l'eau

Panorama de la gouvernance 2022 : Accélération de l’ESG

Vingt éditions du Panorama annuel de la Gouvernance auront démontré les capacités de changement incroyables des acteurs de la gouvernance, malgré quelques lenteurs et points de résistance.

L’édition 2022 du Panorama de la Gouvernance met en lumière une consolidation des tendances post-Covid, une nette accélération des thématiques ESG dans les activités des Conseils, avec en corollaire un élargissement des compétences des administrateurs. 

Avec des pratiques de place de plus en plus avancées et homogènes, la gestion des risques, l’éthique et la compliance confirment leur rôle central dans le bon fonctionnement de la gouvernance.

Fonctionnement de la gouvernance : consolidation des tendances post-Covid

La crise de la Covid-19 a accéléré la transformation de la gouvernance des entreprises. En 2022, ces évolutions sont désormais pérennisées :

  • Meilleure diversité au sein des Conseils : consolidation de la part des femmes, des non-nationaux, et des administrateurs représentant les salariés,
  • Consolidation des administrateurs indépendants, désormais majoritaires au sein des Conseils et des comités depuis 2021,
  • Progression confirmée du rythme de travail des Conseils et des comités, en lien avec le net élargissement des thèmes de travail traités par les administrateurs au cours de l’année.

Tableau de bord de la gouvernance : Un nouveau palier après la pandémie ? 

Tableau de bord de la gouvernance

2022
Global

CAC 40

SBF 80

Midcaps

2021
Global

2015
Global

Tendance

Effectifs

12,0

14,1

11,3

11,0

11,3

11

🡽

% femmes

44,0%

44,2%

45,1%

41,1%

43,0%

28%

🡽

% non-nationaux

29,8%

31,1%

30,0%

27,4%

28,0%

23%

🡽

Représentants des salariés

11,6%

12,7%

11,7%

9,9%

12,5%

-

🡺

Indépendants

54,1%

61,8%

52,7%

46,2%

55,2%

48%

🡽

Âge moyen (années)

57,3

58,2

56,7

57,5

57,8

58,6

🡺

Ancienneté moyenne

6,2

5,8

5,9

7,3

6,1

6,8

🡺

Nbre de réunions

9,3

9,9

8,7

10

9,4

8

🡺

% Assiduité

96%

97%

97%

95%

96%

-

🡺

Rémunération moyenne des administrateurs (K€)

43,0

61,2

41,2

26,6

42,9

34,2

🡺


Agenda de travail et profil de compétences des administrateurs : diversité et exigences accrues

Le constat est sans appel : les thématiques ESG se sont imposées comme l’un des quatre principaux piliers qui structurent l’agenda des Conseils. Fait notable en 2022, 34% des Conseils ont inscrit l’analyse de l’impact des changements climatiques parmi leurs thèmes de travail. Ce même pourcentage était proche de zéro il y a deux ans.

Face à l’élargissement continuel des thèmes de travail, la montée en compétences des administrateurs reste un véritable défi, notamment en matière de changement climatique. Trois tendances caractérisent l’évolution des compétences des administrateurs : 

  • Les grandes « familles » de compétences comprennent désormais les compétences stratégiques classiques, les compétences régaliennes et les compétences ESG ;
  • Les compétences ESG se déclinent désormais en 4 domaines clé : RSE, gouvernance, éthique et conformité et expertise en changement climatique ;
  • Plusieurs compétences différenciantes émergent en 2022 : notamment autour de la géopolitique, l’expérience Asie et la cybersécurité. 

Ces évolutions appellent les recommandations suivantes :

  • Intensifier les actions de formation, interne et externes – notamment autour des sujets ESG et leur lien avec l'éthique et la conformité ;
  • Poursuivre l’effort d’ouverture des Conseils vers de nouveaux profils, en lien avec les enjeux de transformation des modèles d’affaires ;
  • En termes de transparence, poursuivre la démarche de description des domaines de compétence des administrateurs et faire le lien entre ces domaines de compétence et les enjeux stratégiques de l’entreprise.

Les sujets ESG au cœur de la gouvernance : quatre illustrations concrètes pour 2022

Les enjeux ESG rythment davantage le fonctionnement des instances de gouvernance et redéfinissent largement les bonnes pratiques attendues par les différentes parties prenantes. Quatre exemples illustrent cette évolution majeure au titre de 2022 et seront certainement amplifiés en 2023 :

  1. Renforcement du rôle des comités RSE (ou ESG) au sein des comités spécialisés du Conseil
  2. Evolution du modèle de rémunération des dirigeants mandataires sociaux
  3. Intégration des sujets ESG au sein des comités d’audit
  4. Prise en compte accrue de critères ESG dans la prise de décision des entreprises

1. Renforcement du rôle des comités RSE (ou ESG)

69% des entreprises du SBF 120 disposent  d’un comité RSE dédié parmi les comités spécialisés du Conseil.

Les activités des comités RSE sont nettement mieux décrites en 2022 dans les DEU. Cet effort de transparence permet de cartographier plus précisément les thématiques prioritaires abordées au cours de l’année et d’établir les deux constats suivants :

  • La revue des risques ESG est devenue une activité incontournable des comités RSE, avec un focus particulier plus prononcé sur les risques climatiques ;
  • La surveillance des systèmes de reporting ESG et l’analyse de performance se renforcent - cette tendance va encore s’accélérer en 2023/24 avec la mise en œuvre du Green Deal européen. 
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2. Evolution du modèle de rémunération des dirigeants

Autre constat positif intéressant : l’indexation de la rémunération variable des dirigeants sur des critères ESG devient la norme.

Ainsi 78% des entreprises du SBF120 ont mis en place un système de rémunération variable incitatif fondé sur des objectifs ESG pour les mandataires sociaux. Mais seulement 25% d’entre elles présentent un objectif ESG quantitatif associé à la rémunération variable.

3. Intégration des sujets ESG au sein des comités d’audit

Autre défi qui attend les instances de gouvernance, notamment en raison des changements réglementaires : l’appréhension des sujets ESG par les comités d’audit. Seulement un quart des comités d’audit du SBF120 déclarent aborder des sujets ESG et seulement 12 % de ces comités affichent au moins un membre formé à ces enjeux.

Les comités d’audit vont devoir rapidement faire monter leurs membres en compétence pour qu’ils puissent reporter et communiquer sur ces sujets de manière à respecter la CSRD (Corporate Sustainibility Reporting Directive), mise en œuvre à l’échelle européenne et applicable à partir de l’exercice 2024.


Proportion d’entreprises dont le comité d’audit traite des sujets RSE
+ 1 pts par rapport à 2020

Proportion des comités d’audits ayant au moins une personne formée aux enjeux climatiques
+ 1 pts par rapport à 2020

4. Critères ESG inclus dans la prise de décision des entreprises

Les sujets ESG sont également pris en compte lors des décisions d’acquisitions et d’investissements potentiels. En effet, 46 % des entreprises du SBF 120 indiquent prendre en compte les sujets ESG lors de leurs acquisitions et investissements. 

Mais seulement 18 % déclarent avoir une approche d’évaluation ESG structurée avec une intégration de critères de durabilité dans l’analyse des acquisitions et investissements.

Gestion des risques, éthique et compliance : vers un alignement des meilleures pratiques

A. Gestion des risques : des cartographies plus complètes et une meilleure transparence

Typologie des facteurs de risques dans les DEU : 15 facteurs de risques sont présentés en moyenne par les sociétés du SB120, avec la possibilité de les distinguer selon 3 grands pôles : risques opérationnels, risques exogènes et risques ESG – les risques ESG se sont donc imposés comme une famille à part entière dans les cartographies des risques globales ;

gouvernance-graphs-risques
  • Mise à jour de la cartographie des risques quasi-systématique (95% du CAC40 et 90% du SBF120) ;
  • Mise en cohérence de toutes les cartographies des risques réalisées (corruption, RSE, opérationnelle) et intégration au sein de la cartographie globale en net progrès (78% du SBF80 contre 70% l’année dernière) ;
  • Méthodologie de hiérarchisation plus lisible et cohérente : 82% des groupes du CAC40 fondent la hiérarchisation des risques sur les risques nets (après prise en compte des dispositifs de maîtrise). L’intégration de critères ESG dans les échelles d’évaluation est également en fort progrès (80% pour l’ensemble du SBF120). Enfin, sans attendre les textes réglementaires 
  • finalisés, la présentation des cartographies des risques avec des matrices de double matérialité pour l’ensemble des risques et non plus seulement les risques environnementaux s’est nettement développée en 2022.
  • En revanche, la communication sur les plans de continuité et les plans de gestion de crise est encore limitée et hétérogène en termes de précision.
Proportion des entreprises du SBF 120 mentionnant l’existence d’un plan de gestion de crise couvrant l’ensemble du groupe
  • Enfin, il reste des marges de progression concernant le suivi des points d’audit interne et les interactions entre les directeurs d’audit interne et le comité d’audit. De plus, les comités d’audit vont devoir élargir leurs champs de compétences, notamment sur les sujets ESG et collaborer avec les comités RSE d’ici la mise en œuvre de la CSRD.

B. Poursuivre les efforts déployés en matière de compliance dans un contexte d’instabilité continue

Dans un contexte de conduite éthique des affaires compliqué, avec une pression accrue pour l’atteinte des résultats et d’intensification des contrôles par les autorités, les entreprises doivent poursuivre les efforts importants engagés en matière de lutte anti-corruption et anti-fraude.

La quasi-totalité des entreprises du CAC 40 (vs 68% SBF 80) possède désormais un directeur compliance dédié, preuve d’un engagement fort des instances de gouvernance sur ces sujets.

Organisation Compliance

CAC 40

SBF 80

Tendance

Existence d’un Directeur Compliance Groupe/Référent éthique

95%

68%

🡺

Présence d’un réseau de correspondants éthiques dans

les filiales

95%

44%

🡺

Les résultats sont aussi encourageants en ce qui concerne le déploiement du dispositif compliance. 91% du SBF120 a ainsi mis en place une cartographie des risques de corruption dédiée. Le défi tient au déploiement opérationnel en filiales et à la prise en compte périodique des nouveaux risques. Par ailleurs, pour le SBF 120,  50% des formations sont réalisées en présentiel.

98% des entreprises du SBF 120 a déployé une ligne d’alerte éthique. Cependant, seul 68% du CAC 40 indique avoir mis en place des indicateurs quantitatifs sur le nombre d’alertes traitées. Par ailleurs, la réalisation d’investigations internes en cas de besoin doit rester une priorité dans un contexte de recrudescence des cas de fraude, même si 89% du SBF 120 exécute par ailleurs un programme récurrent des contrôles anti-fraude (tests d’audit, revues externes, etc.)


Ligne d’alerte éthique

CAC 40

SBF 80

Tendance

Déploiement d’une ligne d’alerte

98%

97%

🡺

Mention des processus en place et d’indicateurs quantitatifs sur nombre d’alertes traités

68%

23%

🡽

Typologie d’alerte est spécifiée

dans le rapport annuel

100%

67%

🡺


Déploiement d’un dispositif de sanctions sur le SBF120 (vs 73 % en 2021)

C. Gestion des tiers à risque : un sujet complexe nécessitant une approche transverse

Également prévu par la loi Sapin 2, le déploiement d’un dispositif dédié de gestion des tiers à risque est un des principaux défis du fait de la complexité de sa mise en œuvre (volumétrie des tiers, difficulté de leur recensement, variété des relations avec ces tiers). 42% du SBF 120 affirme avoir mis en place des procédures dédiées de diligences des tiers et seulement 31% indique réaliser des audits de compliance de leurs tiers.


Tableau de bord

CAC 40

SBF 80

SBF 120

Partage des procédures de diligences des tiers (y compris KPI, nombre de tiers revus, etc.)

60%

32%

42%

Existence d’un code de conduite / charter des tiers / fournisseurs

80%

49%

60%

Formation compliance des tiers / fournisseurs

68%

10%

30%

Réalisation d’audit de compliance dans le cadre de la relation commerciale

48%

22%

31%


D’une façon générale, l’enjeu principal reste l’amélioration continue du programme de compliance dans le temps, pour intégrer les nouveaux risques émanant du développement des activités/produits de l’entreprise. De ce point de vue, tester de façon périodique l’efficacité des démarches engagées – y compris les transactions les plus à risque - est clé. Cela est d'autant plus important que l'Agence française anticorruption poursuit ses contrôles, qu'elle n'hésite pas à indiquer les manquements identifiés et à exiger les mises en conformité dans des délais impartis, avec plan de remédiation à l'appui.



Ce qu'il faut retenir

Avec le recul dont nous disposons maintenant, la crise Covid a agi comme un puissant accélérateur. 

Dans le même temps, les enjeux futurs « après-crise » se cristallisent et constituent sans aucun doute les champs d’intervention majeurs de la gouvernance au cours des prochaines années.

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