Un monsieur âgé à son domicile

Pourquoi adapter les logements au vieillissement devient un enjeu majeur de politique publique ?

Les pouvoirs publics souhaitent développer une approche préventive pour adapter les logements au vieillissement de la population.


En résumé

  • Notre population âgée augmente et souhaite en grande majorité vieillir et rester le plus longtemps possible à son domicile.
  • Les pouvoirs publics souhaitent mettre en place une approche préventive.
  • EY a réalisé une étude pour France Silver Eco qui montre l’intérêt sociétal et économique d’une politique d’adaptation des logements.

Pourquoi adapter les logements au vieillissement devient un enjeu majeur de politique publique ?

Phénomène démographique et sociologique désormais bien connu, notre population âgée augmente et souhaite en grande majorité vieillir et rester le plus longtemps possible à son domicile.

L’étude réalisée par EY pour France Silver Eco montre l’intérêt sociétal et économique d’une politique ambitieuse d’adaptation des logements pour permettre ce « virage domiciliaire ».

Couplée à un renforcement des politiques de soutien à domicile et d’aide aux aidants, cet enjeu vient aujourd'hui s’inscrire dans l’approche préventive souhaitée par les pouvoirs publics.

1) « Bien vieillir à domicile » : un sujet ancien, devenu urgent
  • Des séniors de plus en plus nombreux souhaitant vivre à domicile

96% des seniors (65 ans et plus) vivent à leur domicile. Ils en sont souvent propriétaires (70% selon l’INSEE -enquête ménage 2018- contre 57% pour la moyenne nationale)¹.

D’après la DREES, en 2019, une femme de 65 ans peut espérer vivre 11,5 ans sans incapacité et 18,5 ans sans incapacité sévère ; un homme, 10,4 ans sans incapacité et 15,7 ans sans incapacité sévère

  • Un virage domiciliaire indispensable

Dans une étude publiée en décembre 2020 par la DREES, si le gain d’années d’espérance de vie n’entrave pas la capacité de ces personnes à rester autonomes (scénario optimiste), ce seront près de 6,5 millions de séniors en plus qui vivront chez eux.

Dans le scénario pessimiste –le gain en espérance de vie s’accompagne d’un accroissement d’une perte d’autonomie-, 250 000 personnes devront aller en établissement spécialisé. Le besoin en places en EHPAD serait alors de 1,03 millions de places, soit une progression de +69% du parc existant.

Or, avec 21 % des personnes de plus de 85 ans en EHPAD, la France affiche l’un des plus forts taux de personnes accueillies en EHPAD en Europe. Ce chiffre est révélateur du fait que le parc français n’est pas assez pourvu de logements adaptés. Seuls 7 % des moins de 80 ans vivant à domicile et 21 % des 80 ans et plus ont effectué au moins un aménagement d’adaptation de leur logement alors que 25 % des personnes âgées de 60 ans et plus déclarent connaitre des limitations fonctionnelles (s’abaisser, s’agenouiller ou monter, descendre un escalier) qui nécessiteraient des aménagements. Plusieurs rapports ont montré que la complexité des démarches à engager ainsi que leur coût sont autant de freins à la mise en œuvre des dispositifs nombreux qui existent.

Avec 100 000² décès liés aux chutes des personnes âgées chaque année, on peut considérer que le modèle français est insuffisamment orienté vers la prévention de la perte d’autonomie.

Pour éviter ce mur d’investissements, il a été acté de prendre le « virage domiciliaire » au plus vite et de prévenir la dégradation de l’autonomie des personnes par une politique d’accompagnement et de prévention ambitieuse. Ce virage domiciliaire fait par ailleurs échos au souhait des Français de vieillir dans leur domicile (85% de la population)³.

  • Des aides actuelles complexes et essentiellement curatives

Les travaux menés sur les politiques d’adaptation dressent un même diagnostic : les dispositifs actuels (ex. aide versée par l’ANAH ou la CNAV, le Crédit Impôt, les aides des collectivités) sont trop complexes, « illisibles » et insuffisamment tournés vers la prévention.

Ainsi, par exemple :

  • De nombreux dispositifs comme le Crédit Impôt sont conditionnés à une perte d’autonomie de la personne (logique curative et non préventive),
  • La durée du « parcours » permettant de toucher les aides nationales versées par l’ANAH et la CNAV (auxquelles s’ajoutent fréquemment les aides des collectivités) dépasse souvent 1,5 à 2 ans,
  • Les travaux d’adaptation réalisés le sont souvent de façon incomplète faute de financement (reste à charge trop élevé) ou de prescription adaptée (ex. absence d’ergothérapeute dans l’identification des besoins et des solutions à mettre en place),

Le rapport interministériel « Nous vieillirons ensemble » de L. Broussy qui présente 80 propositions, souligne en particulier la nécessité d’accélérer le virage domiciliaire, notamment via l’adaptation des logements et le rôle crucial des professionnels de l’aide à domicile pour réussir ce virage.

Face à ces constats, le Gouvernement acte en mars 2022, la mise en place de l’aide unique Ma Prime Adapt’⁴ avec les principales échéances suivantes :

  • Depuis octobre 2022 : Inscription de la réforme MPA’ dans les Politiques Prioritaires du Gouvernement & lancement du CNR « Bien vieillir dans la cité », réalisation d’une concertation, structuration du programme par la DGALN et les différentes parties-prenantes,
  • 2023 : accélération des travaux de préfiguration pour un lancement du dispositif prévu au 1er janvier 2024.
2) Une politique à fort impact sur l’économie et la société française

Au-delà de la réponse aux attentes des Français, une aide pour soutenir une politique d’adaptation des logements au vieillissement devrait permettre de réaliser un véritable investissement social, qui pourrait s’avérer neutre sur le plan budgétaire à condition de générer un effet d’entraînement.

Pour atteindre cet objectif, 2,3 Millions de logements devraient être adaptés dans la décennie à venir (2024-2033), avec une croissance progressive de 100 000 logements en 2024 à 230 000 en 2030, à adapter chaque année ce qui représente un doublement du rythme d’adaptation des logements sur la période. Cela s’explique grâce au lancement du dispositif Ma Prime Adapt’ et son effet d’entrainement au-delà de son public éligible (parc privé non éligible et le parc social). Cet effet d’entrainement devrait s’accentuer dans les années à venir avec la mise en place d’un droit universel au diagnostic, permettant à l’ensemble des seniors d’évaluer leurs besoins d’ALV

Cette adaptation massive et préventive des logements permettrait de réduire d’environ 20% le risque de chutes à domicile (soit environ 700 000 chutes évitées pour les personnes âgées sur l’ensemble de la période) et de diminuer les dépenses de protection sociale à hauteur de 7,2 Milliards € sur la période 2024-2033, dont les 2/3 proviennent de financement public⁵:

  • 2,0 Milliards € de coûts évités sur les dépenses de soins au sens large, dont 70 % en hospitalisations et 25 % en SSR⁶ (mais aussi en interventions pompiers, médecine de ville, arrêt de travail sur l’aide à domicile)
  • 5,2 Milliards € de coûts évités sur les prises en charge en EHPAD ou autres structures d’accueil pour personnes âgées

L’adaptation des logements aura également un effet d’entrainement sur l’activité des entreprises avec un renforcement de filières spécialisées dans l’adaptation des logements au vieillissement :

  • Un marché de l’adaptation des logements au vieillissement estimé à environ 1,9 Milliards € annuel dès 2027
  • 5000-8000 emplois additionnels nécessaires pour répondre à la demande sur la période, dont 95% de professionnels du bâtiment

En parallèle, le marché de l’aide et des soins à domicile va se renforcer avec 1,6 Milliards€ de dépenses additionnelles nécessaires pour soutenir le virage domiciliaire, dont 0,9 Milliards€ de financement public.

Au final, un équilibre budgétaire serait ainsi trouvé pour 100€ de dépense d’intervention dans la politique d’adaptation des logements au vieillissement :

  • Bénéfices pour la sphère sanitaire et médico-sociale76€ de coûts évités avec un désengorgement des hôpitaux et une amélioration des conditions de travail des professionnels de l’aide à domicile
  • Bénéfices pour le monde économique : développement du marché des travaux d’adaptation et de l’aide et soins à domicile, générant 24€ de TVA récupérés par l’État
  • Sans compter les nombreux bénéfices sociétaux attendus : amélioration de l’espérance de vie en bonne santé pour les personnes âgées (confort, réduction du caractère anxiogène lié à la chute) comme pour leurs aidants (allégement de la charge mentale) et respect du souhait des personnes âgées à vieillir au sein de leur logement.

En synthèse, investir dans l’adaptation des logements au vieillissement permettra de répondre aux attentes des personnes et de leurs proches de pouvoir bien vieillir à domicile ; elle permettra aussi de réduire les hospitalisations et le recours aux urgences et de faciliter le retour à domicile après une hospitalisation. Enfin, elle contribuera à renforcer la dimension préventive de nos politiques publiques, tout en permettant le développement d’une activité économique de proximité sur l’ensemble des territoires.


Ce qu'il faut retenir

EY a réalisé une étude pour France Silver Eco qui montre l’intérêt sociétal et économique de mener une politique forte d’adaptation des logements.
Le gain en espérance de vie s’accompagne d’un accroissement de la perte d’autonomie de nos anciens. Il a été acté de prendre le « virage domiciliaire » au plus vite et de prévenir la dégradation de l’autonomie des personnes par une politique d’accompagnement et de prévention ambitieuse. Ce virage domiciliaire fait par ailleurs échos au souhait des Français de vieillir dans leur domicile et doit permettre de réduire les hospitalisations et le recours aux urgences pour nos aînés.

 


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