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Quelles projections pour le marché du crédit bancaire dans la Zone Euro ?

Découvrez dans cette analyse les prévisions économiques sur les principaux marchés de crédit bancaire de la Zone Euro, basées sur les données de la Banque Centrale Européenne et sur une analyse indépendante réalisée par Oxford Economics et sponsorisée par EY.


En résumé :

  • L'économie de la zone Euro a fait preuve de résilience face à diverses crises, évitant ainsi une récession économique,
  • Son PIB devrait augmenter de 0,5% en 2023, suivi de 0,6% en 2024 et de 1,8% en 2025,
  • Ces prochaines années, des signes d'amélioration sont donc attendus grâce à la baisse des taux d'intérêt, une hausse du pouvoir d'achat, et une demande croissante de crédit de la part des ménages et des entreprises.

Depuis le début de l’année 2022, l'économie de la zone Euro démontre sa capacité de résilience dans un contexte de crise globalisé (inflation des prix, hausse des taux d'intérêts des banques centrales, conflit en Ukraine et au Moyen-Orient...). Cependant, bien qu'une récession économique ait été évitée jusqu'à présent, le PIB de la zone Euro va faiblement progresser cette année et la croissance des prêts bancaires au secteur privé a atteint son niveau le plus bas depuis la fin de la crise de la dette de la zone Euro, au début des années 2010.

L'effet retardé de la politique de contraction monétaire n'a pas encore atteint son sommet. Les prix de l'énergie au détail restent élevés et de nouvelles incertitudes géopolitiques mettront à l'épreuve la résilience de l'économie de la zone Euro. Le PIB de la zone Euro devrait augmenter de 0,5% cette année, suivi de 0,6% en 2024 et de 1,8% en 2025. Parmi ses grandes économies, l’Allemagne devrait être la moins performante et l'Espagne la plus performante.

L’économie de la Zone Euro devrait être caractérisée par une croissance anémique jusqu'en 2024, laissant néanmoins percevoir progressivement des signes d’amélioration. La BCE devrait commencer à réduire les taux d'intérêt à partir du second trimestre de l'année prochaine, une baisse de l'inflation stimulera le pouvoir d’achat, et l'économie devrait continuer son adaptation à des prix plus élevés de l'énergie. Par ailleurs, avec un marché de l'emploi qui s’est montré résilient, la demande des ménages et des entreprises devrait reprendre lentement, avec des effets pleinement mesurables en 2025.

Économie et crédits en France : les principaux axes de développements et perspectives

L'économie française connaît une période de croissance lente, principalement en raison de l'impact de la hausse des taux de la BCE. Elle fait cependant preuve de robustesse et devrait se montrer plus performante que les autres grandes économies de la zone Euro cette année et l’an prochain.

Malgré le ralentissement de la croissance du PIB à 0,1% au 3ème trimestre contre 0,6% au deuxième, la demande intérieure a fortement rebondi grâce à une hausse des dépenses de consommation et à une reprise de l'investissement par rapport au trimestre précédent.

Cependant, il est difficile d’envisager une reprise significative de l'économie à court terme. Bien que le pouvoir d’achat des salariés augmente à nouveau, le marché de l'emploi commence à montrer des signes de fragilité, la confiance des consommateurs restant faible et l'inflation est plus prononcée que dans le reste de la zone Euro. La politique monétaire restrictive restera le principal obstacle à la croissance même en cas d’inflexion en cours d’année 2024. Dans l'ensemble, le PIB devrait augmenter de 0,9% cette année, avant de ralentir à 0,6% en 2024. La croissance devrait ensuite atteindre 2% en 2025.

La plus faible croissance de production de prêts bancaires aux entreprises en 9 ans
d’augmentation en glissement annuel au troisième trimestre 2023.

Focus sur les prêts bancaires

À court terme, une croissance anémique est à prévoir pour la production de crédits en zone Euro. La dernière enquête sur les octrois de prêts bancaires menée par la Banque Centrale Européenne (BCE) souligne que les conditions d’octroi de crédit en zone Euro sont devenues plus strictes au troisième trimestre 2023, au-delà de ce que les banques avaient initialement prévu. Au quatrième trimestre, le durcissement des conditions d’octroi de crédit s’est accentué, entraînant une demande plus limitée et une diminution globale de la production de crédits.

Au sein de la zone Euro, la croissance des prêts bancaires a ralenti cette année, ne s'élevant qu'à 0,4% en glissement annuel au troisième trimestre. Il s’agit de la plus faible performance enregistrée depuis huit ans. Les prêts devraient augmenter de 2,1% en 2023 et de 2,3% en 2024, freinés par une baisse de l’offre et de la demande en fin d'année ; la réduction attendue des taux d'intérêt devrait en revanche permettre une croissance des prêts de 3,2% en 2025.

La production de prêts bancaires en France a augmenté de 0,8% en glissement annuel au troisième trimestre 2023, plus rapidement que la moyenne de la zone Euro, à comparer à l’augmentation de 2,3% au second trimestre, c’est la plus faible augmentation depuis neuf ans. Cette diminution s'explique principalement par les conditions d’octroi plus restrictives des prêts immobiliers.

Focus sur les prêts aux entreprises

Contrairement à la croissance modeste des prêts aux ménages, le crédit aux entreprises en zone Euro a chuté de 0,3 % sur un an au troisième trimestre, après une hausse de 2,7 % au deuxième trimestre. Il s'agit de la première baisse sur un an depuis le premier trimestre 2016.

La demande des grandes entreprises était proche du plus bas niveau enregistré lors de la crise financière mondiale (-36% contre -37% au quatrième trimestre 2008). Les demandes de prêts des petites et moyennes entreprises (PME) n'ont pas diminué autant.

En France, les prêts aux entreprises ont continué de croître récemment, mais le taux de croissance de ces prêts a ralenti, atteignant son plus bas niveau depuis une décennie. Plus précisément, la production de crédit aux entreprises a augmenté en France de 2,3% en glissement annuel au troisième trimestre. Ce taux est inférieur au taux de croissance des prêts observé au deuxième trimestre (4,1%), et il est aussi le plus bas depuis le quatrième trimestre de 2013. Ce ralentissement est le contrecoup des Prêts Garantis par l’Etat massivement octroyés durant la pandémie de COVID-19. La croissance de la demande de crédit devrait être soutenue par la baisse de l’inflation et le Plan de Relance Européen jugés favorables aux entreprises.

Globalement, la croissance des prêts aux entreprises devrait atteindre 5% cette année, contre 7,3% en 2022. Même si la progression devrait ralentir à 3,3% en 2024, une diminution des taux d’intérêt devrait permettre un rebond à 4,7% en 2025.

Concernant la capacité d’endettement des entreprises, celle-ci sera diminuée en raisons des taux d'intérêt plus élevés (le taux moyen des prêts aux entreprises non financières était de 4,4% en août 2023, contre 1.9% il y a 12 mois) et une économie atone. Le niveau d'endettement élevé des entreprises françaises comparé au PIB, l'un des plus élevés de la Zone Euro, incite à la vigilance.

Focus sur les prêts immobiliers aux particuliers

La forte hausse des taux des prêts immobiliers pénalise les marchés immobiliers de la zone Euro, les marchés immobiliers en Italie et en Espagne ayant été plus fortement impactés par les fluctuations économiques que ceux de l'Allemagne et de la France.

En France, la production de crédit immobilier a commencé à se contracter
Première baisse annuelle depuis 2015 pour la production de crédit immobilier
de contraction au troisième trimestre 2023, par rapport à l’année précédente.

En France, la production de crédits immobiliers a connu un ralentissement particulièrement marqué, comparée aux autres grandes économies de la zone Euro. La production au troisième trimestre a baissé de 1% par rapport à l'année précédente : il s’agit de la première baisse annuelle depuis le premier trimestre 2015. Les taux immobiliers pratiqués par les banques françaises sont restés inférieurs à ceux du reste de la Zone Euro, mais ont tout de même augmenté de façon significative, atteignant en moyenne 3,32% en septembre, contre 1,1% fin 2021.

En contrepartie, l'envolée des prix des logements s’est atténuée. Les prix au m2 n’ont augmenté que de 0,5% en glissement annuel au deuxième trimestre, soit la plus faible augmentation annuelle depuis plus de sept ans. À titre de comparaison, au troisième trimestre en 2021, ces valeurs moyennes avaient atteint un sommet en augmentant de 7,5%.

Au vu de l'ampleur du durcissement de la politique monétaire depuis l'été 2022, une certaine vulnérabilité pourrait persister sur le marché immobilier ainsi que sur celui des prêts immobiliers.

Focus sur le crédit à la consommation

Face à un marché de l'emploi incertain et une confiance des consommateurs qui reste faible, une hausse du pouvoir d'achat pourrait renforcer la demande de crédit à la consommation.

Les dépenses de consommation françaises ont enregistré une performance plus importante que celles des autres grandes économies de la Zone Euro cette année. La production nette a augmenté de 3,4% en glissement annuel au troisième trimestre, soit plus que les 2,9% au deuxième trimestre et que la moyenne de 3,2% depuis début 2019, et plus rapidement qu'en Allemagne ou en Espagne.

Plusieurs éléments positifs devraient stimuler le crédit à la consommation : des hausses significatives des salaires en 2024, issues des négociations salariales, et une baisse de l’inflation permettront une amélioration du pouvoir d’achat des ménages, malgré une confiance des consommateurs qui reste faible.

Dans l'ensemble, le crédit à la consommation devrait augmenter de 2,4% cette année, contre 3,5% en 2022. Une croissance de 2,1% est attendue en 2024, puis de 3,9% l'année suivante.

Focus sur les taux de défaut

Malgré une augmentation des taux d'intérêt, les taux de défaut dans les économies de la Zone Euro sont restés faibles et stables, reflétant la solidité des bilans financiers des ménages et des entreprises, ainsi que la résilience des marchés de l'emploi. Ces taux de défaut pourraient cependant augmenter si les conditions économiques (taux d’intérêt et croissance) se dégradent de manière persistante.

 

La contraction rapide des prêts bancaires, observée durant la crise financière mondiale de 2008-2009 et la crise de la dette de la zone euro au début des années 2012, ne s’est pas reproduite jusqu'à présent. Si la baisse de l’inflation se maintient, Oxford Economics s'attend à ce que la BCE diminue ses taux d'intérêt à partir du deuxième trimestre 2024. Ils prévoient également une baisse supplémentaire des taux de 150 points de base pour l'année suivante.

 

Comme pour d'autres économies de la zone Euro, les taux de défaut en France n'ont pas varié ces derniers trimestres, malgré une hausse des taux d'intérêt. Le ratio pour la France s'élevait à 1,92% au deuxième trimestre 2023, légèrement supérieur aux 1,85% du deuxième trimestre de 2022, mais nettement inférieur à la moyenne de 3,31% de 2015 à 2019, grâce à la résilience du marché de l’emploi. Les modalités de prêts immobiliers à taux fixe en France devraient limiter le surendettement des ménages, malgré une économie fragile.

 

Le ratio de prêts non performants devrait être de 1,9% cette année (2,0% en 2022). Il devrait s’élever à 2,9% en 2024. Cependant, des mesures de soutien devraient maintenir les prêts non performants bien en dessous des niveaux rencontrés pendant la crise de la dette de la zone Euro, lorsque le ratio de prêts non performants avait grimpé à 4% en 2013 et 2014.

 

Merci à Pierre-Emmanuel Hassoun et David Zonus pour leurs contributions.

Ce qu'il faut retenir

Même si la Zone Euro et la France sont confrontées à des défis économiques, notamment liés à l'augmentation des taux d'intérêt et aux incertitudes géopolitiques, des signes de résilience et d'adaptation se dessinent, laissant envisager un rebond dans les années à venir. Cependant, une surveillance constante des évolutions économiques et des politiques monétaires réactives seront cruciales pour préserver une stabilité économique à court et moyen terme.

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