Al’occasion de son vingtième anniversaire, lors des discussions du projet de loi finances 2024, il a été placé sous le feu des critiques, avec l’inquiétude qu’il soit utilisé comme outil d’optimisation fiscale.
Il s’agit pourtant d’un formidable outil au service du développement de nos entreprises familiales françaises, en facilitant leur transmission à la génération suivante et assurant la stabilité de leur actionnariat et de leur direction en période trouble, notamment en cas de décès du dirigeant.
La base imposable des titres transmis peut être exonérée de 75%, ce qui implique que seuls 25% de la valeur des dits titres se trouve soumise aux droits de mutation, réduisant ainsi le taux maximum des droits à payer à 11% environ (voire 5,5% dans certains cas, si la transmission est bien anticipée). Cette exonération s’accompagne, par ailleurs, de facilités de paiement des droits dont le règlement peut, sous conditions, être différé de 5 ans puis étalé sur 10 ans, mesure essentielle lorsque le seul actif familial est l’entreprise.
Les avantages ainsi concédés ne le sont cependant pas sans contreparties : le chef d’entreprise doit en effet s’engager à conserver ses titres pendant une durée minimale de 2 ans (détention effective lors de la transmission), puis à leur tour, ses héritiers sont tenus de les conserver pendant au moins 4 ans. Les dirigeants qui souhaitent bénéficier du Pacte Dutreil doivent donc être animés par la volonté de voir leur activité se maintenir dans un tissu local, ce qui est souvent le cas des entreprises familiales, qu’elles soient industrielles ou commerciales.
Concrètement, le Pacte Dutreil permet à de nombreuses sociétés de survivre à la mort de leur propriétaire, en évitant que les héritiers ne soient obligés de vendre la société pour régler les droits de succession (tranche à 45%).
Dans le cadre des discussions du projet de loi de finances pour 2024, un amendement, finalement non adopté, avait été proposé afin d’encadrer le Pacte Dutreil dans la durée et, potentiellement, remettre en question sa reconduction si le dispositif était jugé inefficace.
Bercy aurait par ailleurs pour projet de « recentrer » le bénéfice de l’exonération aux seuls actifs effectivement affectés à l’activité opérationnelle, ce qui laisse présager de longues discussions avec l’administration quant au sort de la trésorerie qui pourrait être vue comme excédentaire et à celui des investissements pouvant être qualifiés de « patrimoniaux ».
Ces remises en cause du dispositif sont d’autant plus regrettables pour peu que l’on jette un œil hors de nos frontières, et notamment en Allemagne, terreau de l’entreprise familiale, avec pas moins de 16 % du top 500 en la matière : « […] les gens savent que les entreprises familiales font de meilleurs employeurs, moins prompts au turnover et davantage résolus à soutenir leur personnel en temps de crise », selon le professeur Reinhard Prügl de l’Institut de Friedrichshafen*. Cette culture de l’entreprise familiale comme vecteur de croissance et d’emploi pourrait bénéficier à la France.
Or, le Pacte Dutreil ne saurait constituer meilleur tremplin. Plutôt que de le remettre en cause, il conviendrait de célébrer son vingtième anniversaire en le promouvant pour ce qu’il est : un outil indispensable pour assurer la pérennité et le développement de nos entreprises familiales, facteur clé du dynamisme de notre tissu économique et de la survie de notre savoir-faire.
Pour bénéficier à plein de ce formidable outil et réussir sa transmission, la clé, et on ne le répétera jamais assez, reste l’anticipation.
Wie Familienunternehmen den Schritt in die Zukunft schaffen | EY - Deutschland