Calendar with pins on the days

La semaine de 4 jours peut-elle être mise en place en France ?

Le sujet du temps de travail est depuis de nombreuses années au centre des préoccupations des décideurs politiques et des acteurs économiques.


Au sommaire de cet article :

  • Quels sont les bénéfices et les impacts de la semaine de 4 jours en France ?
  • Quelles sont les entreprises qui ont testé le modèle de la semaine de 4 jours ?

Un cap majeur a été franchi en 1998 avec le vote, par le Parlement, de la réforme du temps de travail hebdomadaire, instituant la semaine de 35 heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.

Depuis cette réforme, que ce soit du côté des salariés ou de celui des employeurs, les débats sont animés. Les premiers se battent pour conserver ce qu’ils considèrent être un acquis social, les seconds cherchent à innover en matière de temps de travail pour contrer les effets considérés comme négatifs de cette mesure. Parmi les pistes étudiées par les entreprises, un nouveau dispositif prend de l’ampleur : la semaine de 4 jours. Déjà mis en place par quelques entreprises, la pandémie a renforcé cette tendance. En Europe également, cette formule innovante est sérieusement étudiée, certains pays testant actuellement des projets pilotes.

Une étude, réalisée par EY, fait un point sur la mise en place en France de la semaine de 4 jours, dresse la liste des bénéfices et des impacts potentiels de cette nouvelle organisation du travail. Elle nous enseigne également une chose : la semaine de 4 jours séduit une majorité de salariés, qui voudraient profiter d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, grâce à des semaines plus courtes. 

Mais qu’en est-il en France ? Quels en sont les potentiels bénéfices et quels sont ses impacts ?

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I. Organisation et bénéfices


Retour sur les mesures relatives au temps de travail

La durée hebdomadaire du travail s’est réduite au fil des décennies, la règlementation ayant favorisé la protection des salariés, sous l’influence, principalement, de gouvernements de gauche. Une petite chronologie s’impose.

Le jour de repos hebdomadaire obligatoire le dimanche a été mis en place en 1906, la durée du travail a été réduite à 40 heures par semaine en 1936, puis à 39 heures en 1982 sans perte de rémunération. Une première tentative de mise en œuvre de la semaine de 4 jours, rémunérée 5, a vu le jour avec les accords Robien en 1997, selon le principe du volontariat. Votées en 1998, les lois Aubry ont progressivement institué les 35 heures hebdomadaire pour toutes les entreprises employant plus de 20 salariés. Rappelons que la durée légale du travail permet de déterminer le seuil à partir duquel le contrat de travail est considéré à temps plein, et le déclenchement des heures supplémentaires (ayant une contrepartie monétaire ou en repos dans les limites autorisées par la loi).

Actuellement, que prévoit le code du travail sur le temps de travail ?

Le code du travail fixe :

  • La durée journalière maximale à 10 heures,
  • La durée maximale hebdomadaire à 48 heures,
  • La durée légale du travail à 35 heures,
  • Le nombre de jours de travail à six jours par semaine,
  • Le repos hebdomadaire en principe le dimanche.

En pratique, la majorité des salariés travaillent cinq jours par semaine, souvent du lundi au vendredi, mais de nombreuses dérogations existent quant aux durées maximales hebdomadaires, au jour de repos dominical obligatoire et à la répartition du temps de travail.

Par conséquent, quelle organisation induit la semaine de 4 jours?

La mise en place de la semaine de 4 jours n’implique pas nécessairement une réduction du temps de travail. En effet, d’autres dispositifs peuvent être imaginés. Tant que la durée maximale journalière légale est respectée, le dispositif mis en place peut-être très varié, selon les contraintes de l’activité de l’entreprise : un jour de repos supplémentaire par semaine sans perte de rémunération au choix ou imposé, une augmentation du temps de travail journalier sans perte de rémunération, un roulement entre plusieurs salariés induisant une augmentation des plages horaires travaillées. Par le biais d’accord collectif négocié avec les syndicats, les entreprises peuvent définir librement les nouvelles modalités de répartition du temps de travail pour mettre en place un tel dispositif.

Ces évolutions démontrent l’importance donnée à la prise en compte du bien-être des salariés, à la protection de leur santé physique et mentale et au respect d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Quels pourraient être les bénéfices engendrés par la généralisation de la semaine de 4 jours au sein des entreprises ?

Les bénéfices d’un point de vue collaborateur sont nombreux. Citons tout d’abord la réduction du stress et de la fatigue causés notamment par les déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Malgré une amplitude horaire potentiellement plus importante, le jour de repos supplémentaire permettrait de limiter ces deux inconvénients. De plus, un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle peut être le résultat d’une plus grande flexibilité dans la gestion du temps de travail, permettant de consacrer plus de temps aux activités personnelles. Enfin, l’objectif de ce dispositif est de permettre un maintien de rémunération malgré une répartition différente ou une diminution du temps de travail.

Du point de vue de l’employeur, la performance et la productivité peuvent être stimulées par la mise en place de ce dispositif. En effet, des études montrent que la concentration des salariés augmente lorsqu’ils n’ont que 4 jours pour accomplir leurs tâches. Un exemple : la filiale japonaise de Microsoft a enregistré une hausse de 40% de la productivité après avoir testé ce dispositif durant un mois. De plus, ce dispositif innovant et centré sur la vie personnelle des salariés peut être un facteur d’attractivité pour la marque employeur.

II. Entreprises qui l’ont testé et adopté

Quelques entreprises ont choisi de sauter le pas et mis en place la semaine de 4 jours. Certaines ont adopté ce mode de travail depuis plus de 20 ans, d’autres plus récemment, notamment pour répondre aux attentes post-Covid mais aussi pour créer une nouvelle culture, un nouveau rapport au travail.

YPREMA : modèle industriel

YPREMA est l'une des premières entreprises en France à instaurer la semaine de 4 jours. Ce choix s’avère payant pour ses collaborateurs. Il constitue un modèle pour les entreprises souhaitant appliquer ce nouveau dispositif. Cette entreprise de recyclage industriel de 42 employés a profité des accords Robien de 1997 pour le mettre en place, par référendum. Depuis, la croissance et le bien-être de ses employés se sont améliorés et la marque employeur a été valorisée.

Pourquoi cette décision ?

YPREMA a fait le choix de mettre en place la semaine de 4 jours car, paradoxalement, ce dispositif permettait d’allonger le temps de travail des équipements. Si les salariés ont alors vu leur temps de travail baisser de 39 à 35 heures, les machines ont, elles, tourné 44 heures par semaine, ce qui représente une demi-journée de gagnée par semaine, soit presque 1 mois de production supplémentaire par an. La semaine de 4 jours fut une aubaine stratégique en matière de rentabilité.

Comment cela se passe-t-il concrètement ?

Mettre en place la semaine de 4 jours représente un très gros travail en amont ainsi qu’un suivi régulier. C’est la raison pour laquelle YPREMA a été accompagné par différents cabinets pour préparer le lancement du dispositif et accompagner son déploiement. Concrètement, la méthode choisie fut celle du roulement : chaque collaborateur prend à tour de rôle un jour de repos. Ce choix assure la continuité de l’activité et développer la poly-compétence des salariés, ce qui leur permet de remplacer les collaborateurs absents. 

En outre, les salariés d’YPREMA ne travaillent plus que trois jours par semaine les 6 derniers mois précédant leur départ à la retraite. Enfin, les collaborateurs à la retraite peuvent travailler une journée par semaine pendant environ 3 ans afin de transmettre leurs savoir-faire.

Pourquoi tant de succès ?

Le secteur d’activité auquel appartient YPREMA - l’industrie -, favorise la réussite de cette mesure. Le dispositif de roulement s’applique aisément et permet d’accélérer la productivité des machines et donc leur rentabilité.

WELCOME TO THE JUNGLE: un modèle start-up

En 2019, Welcome to the Jungle, alors en pleine croissance, a également fait le choix de mettre en place la semaine de 4 jours, après quelques mois tests. Son objectif : améliorer la productivité, la rentabilité et favoriser la satisfaction au travail.

Concrètement, comment la semaine de 4 jours s’organise-t-elle ?

Les collaborateurs peuvent prendre un jour de repos supplémentaire le mercredi ou le vendredi en s’organisant en équipe. La gestion du temps de travail fut un vrai défi. Mais la mise en place de la semaine de 4 jours a permis une organisation des journées plus efficace : moins de réunions inutiles, des pauses moins longues, une meilleure qualité de vie au travail de manière générale et ce, sans aucune baisse de performance notable.

Quels défis face à ce changement ?

L’étude réalisée par Welcome to the Jungle sur la semaine de 4 jours, à l’issue de leur période de test, indique que, selon les métiers et les équipes, l’adaptation au nouveau rythme a été plus ou moins longue ou difficile. Certains services ont été réorganisés ou repensés, les équipes commerciales ont été formées pour optimiser l’utilisation de leurs outils de prospection. Pour certains postes dits « créatifs », la performance des collaborateurs a été affectée par le rythme de 4 jours au début de la phase de test. Ce dispositif mise sur l’efficacité des collaborateurs sur la réalisation de leurs tâches. Néanmoins, certains types de profils ont besoin d’un temps « incompressible » pour travailler afin d’aller au bout de leurs idées. Il est important de rappeler que pour ajuster ce genre de bouleversement d’organisation dans une entreprise, le temps, la patience et l’accompagnement au changement sont nécessaires.

Ce changement radical de l’organisation du travail a permis de mettre en lumière les disfonctionnements de certaines équipes ou de certains services chez Welcome to the Jungle.

Les 4 jours travaillés pour 5 jours rémunérés deviennent une réelle tendance, appréciée, car cette formule permet d’avoir un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Cependant, sa mise en place nécessite des efforts d’organisation et de dialogue social en amont. La réussite de ce modèle repose sur un suivi très strict des procédures nouvelles par les collaborateurs, mais aussi sur leur adhésion et leur implication dans ce changement.

Conclusion :

Le Royaume-Uni, a lancé en début d’année une phase de test pour 6 mois, la 4 Day Week. L’Espagne et la Belgique initient également le débat sur ce sujet. La Nouvelle-Zélande a instauré la semaine de 4 jours afin de redynamiser l’industrie du tourisme, le Japon afin de lutter contre le surmenage des employés... La semaine de 4 jours séduit de plus en plus à travers le monde.

En France, la mesure est encore loin d’avoir convaincue le plus grand nombre. Mais de plus en plus d’entreprises et de collaborateurs se déclarent intéressés et se portent volontaires pour l’adopter et ce, pour diverses raisons : équilibre de vie, motivations écologiques, finalités économiques, etc.

Cependant, une adoption plus massive de cette mesure n’est pas encore pour demain ; le secteur d’activité, la taille et/ou la culture de l’entreprise facilitent plus ou moins l’application de ce modèle de 4 jours. Par exemple, le secteur tertiaire ou les postes à haut niveau de responsabilité demandant plus de 35 heures et plus de 5 jours de travail par semaine sont peu adaptés à cette mesure. Un tel changement représenterait un investissement humain et financier bien trop colossal : négociations, réorganisations, recrutements…

C’est aussi toute la culture du travail à la française « travailler plus pour gagner plus » qu’il faudrait bouleverser. Or, pour l’instant, ce paradigme est loin d’être remis en cause.

L’autre travers possible de la semaine de 4 jours est la perte ou la dissolution des relations sociales inhérentes au travail. Si la productivité et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle sont valorisés grâce à la semaine de 4 jours, c’est peut-être au détriment d’autres éléments qui favorisent aussi l’épanouissement au travail comme les relations humaines, le lien avec l’équipe, etc.

Etendre ce dispositif est-il souhaitable ? Peut-il être applicable à tous ? La crise sanitaire a très certainement accéléré ce besoin de changement des normes du travail, mais la question de l’opportunité de généraliser cette mesure à l’ensemble des entreprises françaises se pose encore.

Merci à Constance de Montgrand et Margaux Lépine, consultantes pour la réalisation de cet article.

Ce qu'il faut retenir

Déjà mise en place par certaines entreprises françaises avant la crise sanitaire, la pandémie a renforcé cette tendance. Des pays européens testent aussi des projets pilotes. La réduction du temps de travail hebdomadaire depuis plusieurs décennies montre une réelle volonté des entreprises d’améliorer le bien-être des collaborateurs tout en étant plus productive et plus performante. Ainsi, la semaine de 4 jours semble être un nouveau dispositif attrayant. Elle a déjà fait ses preuves dans de nombreuses entreprises : meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle, baisse de la fatigue et du stress, accélération de la performance et de la productivité, atout pour la marque employeur… les bénéfices sont nombreux pour le collaborateur et l’employeur. Cependant, des études d’impacts permettant de cerner les coûts et les bénéfices de cette mesure doivent encore être menées pour accompagner ce changement de paradigme, en France et ailleurs.

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