Ces deux dernières années, l’industrie du sport a dû compter avec les mesures sanitaires mises en place pour lutter contre la pandémie : tous les événements et activités sportives ont été annulés dès le mois de mars 2020, pesant sur l’ensemble de l’écosystème et sa viabilité économique. Même si l’Etat a mis en place des mesures de soutien, la pratique du sport amateur ou professionnel a fortement reculé. Les fédérations ont annoncé une baisse du nombre de licenciés de l’ordre de 1,6 million, soit 14,5 % du total et près de 5 000 clubs ont fermé depuis 2017. Enfin la plupart des experts interrogés parlent d’un important turnover des licenciés avec en moyenne 30 % à 35 % de départs chaque année.
La crise du Covid-19 n’est pas la seule cause de ce recul. Des tendances plus profondes sont l’œuvre : poursuite de l’urbanisation, émergence de la génération Z, vieillissement de la population, les technologies ont également ouvert de nouvelles portes et créent des pans entièrement nouveaux d’activité. La présence et l’interactivité en ligne s’accroissent tandis que les Français se désintéressent progressivement de la retransmission d’événements sportifs en direct. La recherche de temps « utile » s’impose dans un quotidien où les frontières entre le travail et les loisirs s’effacent. Enfin l’engagement des plus jeunes en faveur du climat devient un marqueur générationnel. Les frontières bougent et demandent aux acteurs du sport de s’adapter pour assurer leur pérennité.
S’inspirer de l’industrie de l’entertainment
Au cours des vingt dernières années, l’audiovisuel, l’audio et le jeu vidéo ont été frappés de plein fouet par des mouvements similaires et peuvent donc être invoqués comme point de comparaison. Quels enseignements peut-on retenir de cette période ?
1. Une personnalisation de l’expérience grâce aux données
L’augmentation des données disponibles est apparue pour ces acteurs comme de nouveaux relais de croissance et nombreuses sont les entreprises de l’audiovisuel, de l’audio et du jeux vidéo à avoir massivement investi dans la data science et la personnalisation de l’expérience client pour accroître leurs revenus. Un pari réussi qui leur a permis de disposer d’une plus grande flexibilité pour tester de nouvelles idées et adapter l’offre très rapidement.
2. L’accessibilité pour objectif
Dans les années 2000, les univers de la vidéo et de la musique ont dû faire face à une période de piratage de contenus. Face à ce phénomène, ces acteurs ont décidé d’agréger leurs contenus en ligne au sein de grandes plateformes dont ils ont progressivement renforcé l’interopérabilité, l’accessibilité étant devenu un critère d’adhésion important avec la profondeur du catalogue. Autre effort notable, ces acteurs ont revu leurs grilles tarifaires pour s’adapter à l’évolution des habitudes de consommation qui accordaient déjà à cette époque une plus grande importance à la valeur d’usage qu’à la propriété. Les plateformes ont donc proposé des offres d’abonnement standardisées en laissant la possibilité à leurs clients de se désabonner à tout moment. Une fluidification de l’expérience d’achat qui leur a permis de renouer avec la croissance.
3. L’utilisation de nouveaux formats
De nouveaux formats se sont également développés pour toucher un nombre toujours plus grand d’utilisateurs. Dans la vidéo, cette évolution s’est traduite par de nouveaux formats documentaires, la montée en puissance des séries ou encore la popularisation des docu-séries. Le monde de l’audio a lui aussi été marqué par le succès des podcasts et des livres audios. Cette évolution est partie d’un constat simple : les utilisateurs n’étaient plus passifs vis-à-vis de ce qu’ils écoutaient, ils décidaient du contenu, du format et de la durée de ce qu’ils consommaient et du moment de leur consommation. Une observation toujours d’actualité aujourd’hui.
4. L’émergence de communautés puissantes
Les réseaux sociaux, pourtant encore émergents à cette époque, ont été utilisés comme un véritable levier pour accroître la visibilité et la diffusion des contenus du secteur. De leur côté, les jeux vidéo sont devenus avec le temps de véritables médias où les joueurs ont fini pas dépasser les frontières du jeu pour former des communautés, en temps réel comme en différé. De nouveaux modèles économiques sont nés, avec la monétisation des jeux et applications qui créaient les communautés les plus fidèles et les plus engagées.
5. L’élargissement des champs d’expertise grâce à la croissance externe
Les acteurs de l’entertainment se sont enfin livré une course à la masse critique pour pouvoir réaliser les investissements nécessaires à leur transformation. A la clef ? L’acquisition de nouvelles compétences et un élargissement bienvenu de la base de clients. En parallèle, ils ont également fait appel à des levées de fonds pour financer leur besoin d’investissement ou noué des partenariats pour pouvoir lutter à armes égales avec leurs rivaux.
Comment cela se traduit-il dans le monde du sport ?
Aujourd’hui, les maîtres mots sont l’immédiateté et la facilité. Le monde du sport doit s’adapter en digitalisant ses outils, interfaces et modes de tarification pour que la pratique et les contenus sportifs soient rapidement accessibles, à portée de clic.
Le second axe de développement concerne les données. Exploiter les données constitue une source très importante de développement économique pour le monde du sport, en particulier parce que contrairement à d’autres types de revenus comme les subventions, les droits TV, etc., il s’agit de ressources internes qu’il est possible de maîtriser.
Enfin l’évolution sociétale pousse cette industrie à associer de manière beaucoup plus étroite que par le passé ses préoccupations financières avec les enjeux sociétaux et climatiques. Selon une enquête menée en février 2021 par CSA Research pour Havas Sports & Entertainment, 66 % des fans de sports seraient prêts à boycotter une marque ou un événement sportif qui ne s’engage pas dans un programme environnemental ou qui serait coupable d’actes de discrimination. Le sport doit donc initier un virage pour répondre aux attentes de plus en plus exigeantes de ses parties prenantes et de ses fans.
Retrouvez l’étude complète, L’industrie du sport en danger : 5 leviers de transformation