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Le CBAM change les règles du jeu en matière de carbone : Les entreprises européennes peuvent-elles tirer avantage de sa mise en place ?


Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (CBAM) est un nouvel instrument règlementaire européen dédié à la lutte contre les fuites de carbone.


En résumé :

  • Le CBAM est un élément déterminant dans la valorisation des actions de décarbonation des entreprises.
  • Il adresse la question de la collaboration des entreprises avec leurs fournisseurs dans la réduction de l’empreinte carbone de leurs produits.
  • Entré en application au 1er octobre 2023, pour une première déclaration au mois de janvier 2024, il nécessite de déployer un plan d’adoption au sein des entreprises.
  • Il mobilisera notamment les fonctions douanes, taxes, produits, production, achats, carbone et RSE au sein des entreprises.

En 2005, l’Europe avait été pionnière en mettant en place le Système d’Echanges des Quotas d’Emission (ou European Union Emission Trading System). Ce mécanisme de cap and trade concerne environ 10 000 installations fortement émettrices – production d’énergie et sites industriels, et couvre environ 40% des émissions européennes en 2023. Avec ce dispositif, le prix de la tonne de CO2 est passé de 7 €/tCO2 en 2014 à près de 100 €/tCO2 en 2023, guidé par l’offre et la demande de quotas d’émissions au niveau européen, et présente un coût pour les acteurs économiques concernés. Il induit cependant un risque de distorsion de concurrence avec les produits issus de régions non couvertes par des exigences équivalentes.

Dans le cadre du paquet de mesures européennes Fit for 55, un mécanisme pourrait renforcer les efforts déployés pour accélérer la décarbonation de l’économie, au-delà des producteurs industriels émetteurs, et en s’adressant plus largement à la chaîne de valeur des produits et au-delà des frontières européennes.  Le MACF, Mécanisme d’Ajustement du Carbone aux Frontières, en français ou CBAM, Carbon Border Adjustment Mechanism, en anglais, entré en application le 1er octobre 2023, prévoit en effet de taxer de manière équivalente les produits importés au sein de l’UE depuis les pays tiers et la production européenne. Un produit importé soumis à la règlementation CBAM sera ainsi taxé en fonction de son contenu carbone et du mécanisme de couverture par un prix du CO2 éventuellement existant dans le pays concerné.

Avec la mise en place du CBAM, les entreprises ayant investi dans des actions de réduction de leurs émissions pour la production de produits concernés sur des sites hors Europe pourraient ainsi bénéficier d’un avantage déterminant pour adresser le marché européen. Le renouvellement des procédés industriels pour des processus de production moins carbonés, des solutions d’optimisation des flux énergétiques ou des solutions d’intégration de sites industriels à des écosystèmes d’entreprises sont aussi des atouts. D’un point de vue règlementaire, les pays ayant fixé des objectifs de décarbonation et structuré des mécanismes de prix du CO2, présenteront l’avantage pour les exportations à destination de l’Europe de limiter l’impact du coût du CBAM pour leurs industries. D’autant que le CBAM va venir s’additionner à un coût du transport croissant, lui aussi de plus en plus contraint par les exigences internationales sur les combustibles en matière de réduction de leurs émissions, et par l’EU-ETS à partir de 2024 pour le transport maritime.

Le CBAM entre en application dès 2023 de manière transitoire, puis de manière définitive avec l’obligation d’achat de certificats équivalents aux quotas ou EUA (European Union Allowances) de l’EU-ETS dès 2026. Une période de 3 ans s’ouvre, durant laquelle, les leviers de décarbonation peuvent devenir un facteur différenciant pour réduire son empreinte carbone et un facteur de résilience pour des chaînes de valeur aujourd’hui fortement carbonées. Ces plans d’actions sont déjà au cœur des préoccupations des grands groupes, engagés dans des trajectoires Net-Zero, que ce soit en tant que producteurs ou importateurs. La recherche de solutions passe également par la réduction des émissions indirectes (ou scope 3) qui représentent 75% des émissions de gaz à effet de serre en moyenne¹, des entreprises publiant leur résultats CDP Climate (près de 15 000 entreprises en 2022).

Le CBAM présente un enjeu de collecte de données auprès du tissu de fournisseurs : en effet le contenu carbone d’un produit pourra être déterminé par des valeurs par défaut ou par les données fournies par les fournisseurs. La capacité à disposer plus largement de données de tiers s’inscrit également dans le renforcement de la transparence en matière de performance extra-financière pour les entreprises, avec la mise en application dès le 1er janvier 2024 de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive).


Ce qu'il faut retenir

La mise en place du CBAM est un pas de plus dans le déploiement des actions de réduction de l’Union Européenne définit dans le cadre de Fit for 55.

Si ce mécanisme nécessite l’adoption de nouvelles pratiques de reporting sur la comptabilisation des émissions et des mécanismes de taxation du carbone au sein des entreprises, les informations alimenteront les réflexions sur les stratégies de décarbonation du scope 3 des entreprises, les stratégies d’approvisionnement ou le développement de produits et offres bas-carbones.


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