Malgré la crise, la France est restée la première destination européenne des IDE en 2020. Quels commentaires vous inspirent cette performance ?
Quand on est au premier rang pour la seconde année consécutive, la performance ne peut être le fruit du hasard. Des raisons de fond l’expliquent. Nos atouts sont solides et de mieux en mieux identifiés par les investisseurs étrangers : la France est reconnue pour la qualité de ses infrastructures, le potentiel de son marché, le niveau de formation et la productivité de ses salariés. En outre, les investisseurs savent gré au chef et de l’Etat et au Gouvernement de mener à bien depuis quatre ans des réformes majeures qui consolident ces atouts et répondent aux enjeux économiques du futur : création d’un environnement social mieux adapté et plus prévisible, simplification de la vie des entreprises, baisse conséquente de leurs impôts, investissement massif dans la transition écologique, les technologies de rupture et les compétences d’avenir. Enfin, cette performance peut se lire aussi comme une reconnaissance, tant des efforts considérables faits dès le début de la pandémie pour soutenir les entreprises – 470 Mds€ – que de la qualité et de l’ampleur du plan de relance adopté – 100 Mds€.
Dans l’industrie, elle conserve également la première place. Pourtant, l’image de notre secteur manufacturier est souvent ternie par des délocalisations, des fermetures d’usines. Comment expliquer ce décalage ?
Comme toutes les économies avancées, la France a connu une désindustrialisation, due non seulement aux conditions salariales plus favorables offertes ailleurs mais encore aux gains de productivité rapides et à l’évolution des modes de consommation, tournés davantage vers les services. Il n’en demeure pas moins que notre pays dispose de facteurs favorables au développement industriel et qui séduisent les investisseurs : présence de filières et de grands donneurs d’ordre, savoir-faire, taille et richesse du marché national, infrastructures de transports, population disponible et qualifiée, foncier abordable, etc. Selon notre baromètre de l’attractivité, plus des deux tiers des dirigeants plébiscitent la qualité de la main d’œuvre et du management, l’automatisation de l’outil de production ou encore la montée en gamme des produits. Par ailleurs, depuis plus d’une décennie, les pouvoirs publics ont pris des mesures fortes en faveur de l’amélioration de la compétitivité. Les allègements de charges sociales ont réduit sensiblement le coût du travail et les impôts pesant sur les entreprises font l’objet de baisses tous azimuts : jamais l’environnement fiscal n’a été plus favorable à l’investissement industriel. Enfin, notre pays affiche une volonté déterminée de se réindustrialiser. Le Gouvernement a lancé, là encore, de nombreuses initiatives, avec la French Fab, la création des 120 Territoires d’industrie, dotés de facilités d’implantation, et les dispositions du plan de relance visant à soutenir plusieurs filières industrielles et à relocaliser des activités en France. Nous devrions ainsi pouvoir conforter notre première place en Europe et, surtout, augmenter significativement le nombre de projets industriels étrangers, car si nous occupons la première place, il est encore inférieur à ce que nos atouts laissent espérer.
L’effet Brexit est encore limité. La France peut-elle profiter d’un rapatriement sur le continent de certaines activités, notamment industrielles ?
En raison du Brexit, près des deux-tiers des dirigeants d’entreprise revoient leur stratégie d’implantation au profit d’un pays de l’Union européenne afin d’avoir une présence au sein du marché unique. L’Allemagne et la France sont les pays les plus souvent retenus à ce titre. Une quarantaine de projets d’investissement recensés dans nos bilans 2019 et 2020 sont liés au Brexit. Ils proviennent principalement des États-Unis, du Royaume-Uni, du Japon et du Canada. Une moitié correspond à des relocalisations d’une partie des activités depuis Londres, surtout des services financiers, l’autre au renforcement de sites déjà présents en France. S’agissant des activités industrielles, on constate ces dernières années une augmentation des investissements britanniques en France, avec notamment de nombreuses reprises de sites en difficulté, telles que celle du site Smart à Hambach, en région Grand Est, par le groupe Ineos Automotive, en vue de fabriquer un véhicule tout-terrain. Par ailleurs, dans certains secteurs industriels, la production est très intégrée entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ; nul doute que le Brexit aura un impact significatif sur ces chaînes de production, mais bien malin qui peut en présager l’ampleur.
Afin de sécuriser les chaînes de valeur, peut-on espérer des relocalisations massives ?
Des relocalisations, oui. Massives ? C’est difficile à pronostiquer au vu du nombre de facteurs en jeu. De fait, la crise a révélé la fragilité des chaînes de valeur mondiales et l’importance de la localisation de certaines activités stratégiques sur le territoire national. C’est pourquoi le Gouvernement a intégré au plan de relance un dispositif de financement pour redévelopper des productions en France dans des secteurs jugés cruciaux : santé, agroalimentaire, électronique, intrants essentiels de l’industrie et applications industrielles de la 5G. Le bilan est d’ores et déjà encourageant puisque 273 projets ont été retenus à ce jour, qui vont bénéficier d’un financement public de 462 M€. Deux exemples : le projet « Elecmif » de Probent Technology, qui vise à créer une ligne de production dernier cri pour internaliser la fabrication en série de cartes électroniques aujourd’hui réalisée à l’étranger, et le projet lancé par l’ETI Forezienne, qui souhaite produire en France les lames de scie circulaires nécessaires au développement de notre filière bois.
La pandémie a accéléré les transitions (numérique, environnementales, inclusion…). La France a-t-elle la capacité de jouer les premiers rôles dans ces domaines ?
Le plan France Relance traduit une ambition en ce sens, fondée sur des atouts structurels qui l’accréditent. Il investit dans tout ce qui fera l’économie et les emplois de demain, en accélérant la conversion écologique, en développant la production industrielle, en stimulant l’innovation technologique et en redoublant d’effort sur la formation professionnelle. Il finance des investissements exceptionnels dans des filières industrielles et des technologies d’avenir : le numérique, les industries de santé, les énergies décarbonées, l’agriculture responsable, les transports durables. L’objectif n’est pas seulement de conforter nos filières d’excellence, mais aussi d’en créer de nouvelles : dans les biotechnologies, les énergies renouvelables, le calcul quantique, la cybersécurité, le traitement des déchets, la France vise un leadership européen, voire mondial. Et elle compte aussi sur des alliances intra-européennes pour concrétiser ses ambitions.
Comment les équipes de Business France peuvent-elles faciliter cette prise de leadership ?
Business France et les autres acteurs publics du développement international des territoires ont décidé de renforcer leur coopération pour promouvoir l’attractivité française, prospecter davantage d’investisseurs, notamment dans les domaines clefs de l’économie du futur, et mieux accompagner leur implantation et leur essor en France. Le 26 février dernier, nous avons lancé officiellement la Team France Invest : cette « équipe de France de l’attractivité » réunit notre agence et les agences régionales de développement ainsi que tous les acteurs publics de l’attractivité (Régions, ministères et les services déconcentrés d’autres agences, notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires, Bpifrance et la Banque des territoires). La Team France Invest s’appuiera sur un guichet unique virtuel proposé aux investisseurs étrangers et, opérationnel à l’été, visant à partager les informations, être plus réactifs et mieux coordonner nos actions. La promotion internationale, quant à elle, a déjà commencé, avec l’élaboration d’une cartographie des atouts des Régions pour valoriser le dynamisme économique et les facteurs d’attractivité de leurs territoires : c’est pour notre pays une « nouvelle frontière ». C’est dire si nous sommes déterminés à pérenniser et à fortifier notre leadership dans l’investissement étranger en Europe.