Grand-père mesurant la taille de son petit-fils sur le pilier d’une maison

Comment des paramètres communs peuvent favoriser la création de valeur à long terme

Le Conseil international des affaires du Forum économique mondial (WEF-IBC) a défini un ensemble d’indicateurs pour favoriser la création de valeur durable. Il s’agit d’une avancée positive, à condition de la saisir.


En résumé :

  • Composé de 120 PDG internationaux, le WEF-IBC a défini un ensemble de critères communs pour mesurer la création de valeur à long terme.
  • Les 21 paramètres de base et les 34 paramètres élargis fournissent des informations ESG cohérentes et comparables entre les secteurs d'activité et les zones géographiques.
  • Ils permettent d’accompagner la transition de l’économie, aujourd’hui guidée par les performances financières à court terme, vers la création de valeur à long terme.

Au cours des 18 derniers mois, le Conseil international des affaires du Forum économique mondial (WEF-IBC) – une instance réunissant les PDG de 120 entreprises internationales - a mené un travail de fond avec un ensemble d'entreprises mondiales, d'organismes de normalisation et d'institutions internationales pour mesurer de manière homogène et cohérente la croissance durable et inclusive. Un travail qui aurait dû être conduit depuis longtemps.

En tant que chefs d'entreprise, nous savons que le succès d’une entreprise repose sur sa capacité à créer de la valeur à long terme pour toutes les parties prenantes. Toutefois, à la différence de la performance financière, il n'existe pas de normes permettant de mesurer les informations extra-financières et la valeur créée pour l’ensemble des parties prenantes - au-delà des seuls actionnaires – informations qui sont souvent intégrées dans les rapports environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG). Concrètement, le champ des possibles est trop vaste. Il existe plus de 600 cadres de référence et des milliers de critères envisageables. Or, pour paraphraser l’expert en management Peter Drucker, on ne peut pas améliorer ce que l'on ne peut pas mesurer. 

C'est l'une des raisons pour lesquelles le travail entrepris par le WEF-IBC – soutenu par les Big Four, parmi lesquels EY, avec Bank of America – est si important.



La mise en place de critères communs est une avancée majeure dans la création de normes ESG universelles. Ils expliquent avec clarté les raisons pour lesquelles la priorité accordée à la création de valeur à long terme est si importante. Maintenant, nous devons tous saisir cette opportunité.



Indicateurs : les outils permettant de mesurer la création de valeur à long terme

En août 2019, avec 180 dirigeants, je me suis engagé à soutenir la déclaration de la Business Roundtable qui définit avec clarté la mission d’une entreprise : créer de la valeur à long terme pour l’ensemble de ses parties prenantes. Les « indicateurs communs » du WEF-IBC permettent aux entreprises de rendre compte de cette mission. Pour les investisseurs et les autres parties prenantes, ils leur donnent la possibilité d'évaluer leurs performances au regard de cet engagement.

À l'invitation du Professeur Klaus Schwab, président exécutif du Forum économique mondial, et de Brian Moynihan, président de l'International Business Council et PDG de Bank of America, les Big four ont collaboré à l’identification d’un ensemble de critères permettant de produire des rapports ESG comparables et cohérents quels que soient les secteurs et les zones géographiques tout en encourageant la convergence vers une norme mondiale pour les rapports non financiers. Le livre blanc “Measuring Stakeholder Capitalism: Toward Common Metrics and Consistent Reporting of Sustainable Value Creation », publié en septembre 2020, a identifié 21 paramètres de base et 34 paramètres élargis (dérivés des normes existantes telles que SASB, GRI, et TCFD). Cette initiative est conçue pour être complémentaire aux organismes de normalisation traditionnels, et non pour les remplacer.

Objectif pour l’entreprise : apporter des solutions pour répondre aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux

Composition de l'organe de gouvernance : les degrés les plus élevées des niveaux de gouvernance et leurs comités

Enjeux matériels ayant un impact sur les parties prenantes : impacts matériels sur l’entreprise et les parties prenantes ; comment les enjeux ont été identifiés et comment les parties prenantes ont été impliquées

Lutte contre la corruption : formation à la lutte contre la corruption ; nombre/nature des incidents et les initiatives ou engagement des parties prenantes pour combattre la corruption

Mécanismes de conseil et de signalement en matière d'éthique : mécanismes internes/externes permettant de demander conseil et de signaler les préoccupations relatives au caractère éthique ou légal d’un comportement

Intégration des risques et des opportunités dans les processus de l'entreprise : principaux risques ESG auxquels elle est confrontée (notamment économiques, environnementaux et sociaux, y compris le changement climatique et la gestion des données), aversion au risque, évolution de l’analyse des risques dans le temps et réactions aux changements

Diversité et inclusion (%) : pourcentage de salariés par catégorie de salariés (groupe d'âge, sexe et autres indicateurs de diversité)

Égalité salariale (%) : salaire/rémunération de base pour chaque catégorie d'employés, présentés par site pour chaque domaine identifié comme étant priorité en matière d'égalité

Niveau de salaire (%) : rapport entre le salaire moyen de départ par sexe et le salaire minimum local et ratio entre la rémunération totale annuelle du PDG et la médiane de la rémunération totale annuelle des employés, à l'exception du PDG

Risque d'incidents liés au travail des enfants, au travail forcé ou au travail obligatoire : opérations et fournisseurs présentant un risque significatif d'incidents liés au travail des enfants, au travail forcé ou au travail obligatoire

Santé & sécurité (%) : nombre, taux et type de décès et d'accidents du travail ; accès des travailleurs aux services médicaux et de santé non professionnels (y compris l'étendue de l'accès)

Formation dispensée (#, $) : nombre moyen d'heures de formation par sexe et par catégorie d'employés ; coût de la formation/du développement par employé à plein temps

Émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) : pour tous les GES pertinents, déclarer en (teqCO2) les émissions du scope 1 et 2 (GHG Protocol), et estimer/déclarer les émissions en amont et en aval (Scope 3 du GHG Protocol) lorsque les données sont dites « matérielles »

Mise en œuvre de la Task Force on Climate Disclosure (TCFD) : mettre pleinement en œuvre les recommandations de la TCFD ou, si nécessaire, partager le calendrier de mise en œuvre et l'engagement d’atteindre des émissions de GES conforme aux objectifs de l'accord de Paris

Utilisation des terres et des zones écologiquement sensibles : nombre et superficie des sites possédés, loués ou gérés dans ou à proximité des zones protégées et/ou des zones clés pour la biodiversité (ZCB).

Consommation et prélèvement d'eau dans les zones soumises à un stress hydrique : publier un rapport sur l'exploitation et le matériel, la consommation d'eau consommée en particulier dans les régions soumises à un stress hydrique structurel élevé ou extrêmement élevé. Estimer et publier également la consommation d’eau pour l'ensemble de la chaîne de valeur.

Nombre et taux d'emploi : nombre et taux de nouvelles embauches et turnover des collaborateurs par région, groupe d'âge, sexe et autres indicateurs de diversité

Contribution économique : 1) Valeur économique directe générée et distribuée 2) Aide financière gouvernementale

Contribution à l'investissement financier : 1) Dépenses d'investissement moins amortissement, 2) Rachats d'actions plus paiements de dividendes

Total des dépenses de R&D ($) : Coûts liés à la R&D

Total des impôts payés : total de l'impôt global payé par l'entreprise, y compris l'impôt sur le revenu des sociétés, l'impôt foncier, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) non admise au crédit ; et les autres taxes sur les ventes, les charges sociales payées par l'employeur et les autres taxes qui constituent des coûts pour l'entreprise, par catégorie d'impôts

Pour les entreprises qui commencent tout juste à appréhender les critères ESG, cette liste offre un point de départ significatif. Pour celles qui publient des rapports plus élaborés, les informations diffusées peuvent donner l'occasion de souligner le caractère ambitieux et différenciant de l’entreprise.

En outre, tous font partie intégrante de la création de valeur à long terme à travers des piliers interconnectés alignés sur les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies à l’horizon 2030 : la planète, les personnes, la prospérité et les principes de gouvernance. Au cœur de la mission de l’initiative se trouve la conviction que lorsque les entreprises alignent leurs objectifs sur les objectifs de la société, tels qu’ils sont définis par les ODD, nous nous en portons tous mieux.

Paysage à quatre piliers

En substance, cet ensemble de critères est conçu pour guider le monde des affaires dans sa volonté de passer d’une logique de court terme basée sur les performances financières à une logique de long terme prenant en compte l’humain, les consommateurs, les impacts sociétaux et les résultats financiers. Ces critères offrent aux entreprises un moyen tangible de mieux servir leurs communautés et de devenir les moteurs d'une prospérité globale.

Si cette transition bénéficie à la société, elle est positive pour nos entreprises. Il est de plus en plus évident que la création de valeur à long terme n'est pas seulement la bonne chose à faire – elle est également rentable financièrement. Une étude récente menée par JUST Capital a révélé que les entreprises les plus performantes en 2020 sont celles qui ont pris le plus soin de leurs collaborateurs.

Création de valeur durable

 

La bonne nouvelle, c'est que cette transition fait l’unanimité à tous les niveaux de la gouvernance : les comité exécutifs et les conseils d'administration savent qu'il est important de poser des questions stratégiques et de construire une meilleure voie pour l'avenir. Quant aux employés et aux consommateurs, ils l'exigent. Les investisseurs sont sur la même longueur d’ondes. Ils investissent dans des actifs aujourd’hui stratégiques, c’est à dire ceux placés dans les fonds ESG, qui se développent rapidement, et les entreprises qui misent sur la valeur à long terme, qui bénéficient d'un coût du capital moins élevé.

 

Alors, comment la divulgation ESG s’intègre-t-elle dans la stratégie globale à long terme d’un chef d’entreprise ? Le projet WEF-IBC a fait appel à la participation d’experts de différentes fonctions au sein des organisations – notamment le PDG, le directeur du développement durable, le directeur financier, le directeur de la gestion des risques et le directeur de la stratégie – signe que la divulgation ESG est au cœur de la stratégie globale, et non marginale. Il est important de noter que, même si les divulgations sont la bonne première étape, ces fonctions devraient prendre le temps de jeter un regard neuf sur la façon dont l’entreprise crée de la valeur pour ses employés, ses clients, la société et ses actionnaires.

 

L'intégration des critères ESG dans la stratégie de l'entreprise, quel que soit le secteur, permet de valoriser la manière dont votre entreprise crée de la valeur à long terme pour toutes ses parties prenantes.

Au sein d’EY, nous avons commencé par concevoir une stratégie visant à créer de la valeur à long terme. Nous le concevons comme un processus en trois étapes.

 

Tout d'abord, alignez votre comité exécutif et votre conseil d'administration sur votre objectif de création de valeur à long terme pour vos collaborateurs, vos clients, la société et les actionnaires. Ensuite, initiez la transformation de votre entreprise afin de réaliser votre objectif et votre stratégie de valeur à long terme, en évaluant et en investissant dans les capacités de l'entreprise afin de créer de la valeur pour toutes les parties prenantes. Enfin, faites la preuve de votre impact et instaurez la confiance en mesurant et en rendant compte de cette transformation. Une stratégie de valeur à long terme efficace intègre les considérations ESG dans la façon de diriger votre entreprise. De plus, grâce aux critères établis par le WEF-IBC, les entreprises peuvent comparer leurs performances par secteur et par zone géographique.

 

Notre stratégie à long terme – NextWave – est construite autour de notre ambition, « Building a better working world », en créant de la valeur à long terme pour nos clients, nos collaborateurs et la société. Dans ce cadre, nous rendons compte de nos efforts et de nos progrès grâce à un ensemble d’indicateurs propre à chaque partie prenante et nous intégrons maintenant les mesures du WEF-IBC dans nos rapports.

Adopter pour transformer

Nous espérons que la création et l’adoption des mesures WEF-IBC marqueront un moment charnière dans la transition du monde du travail vers une forme de capitalisme plus inclusive, durable et axée sur les objectifs. Le cadre métrique représente une nouvelle lentille à travers laquelle nous pouvons voir et mesurer la création de valeur bien au-delà de l’objectif étroit des résultats à court terme et de l’information purement financière. Il contribue à un réel changement dans l’écosystème de l’information, et c’est une lentille à travers laquelle nous pouvons réimaginer ce qu’est la valeur réelle, recadrer notre avenir et construire un monde du travail meilleur pour tous.

Ce qu'il faut retenir

Le projet WEF-IBC et les mesures représentent une base de référence et une étape majeure vers la création d’une norme universelle de reporting ESG. Le soutien que le projet a reçu et les mesures prises par le secteur privé pour adopter les critères retenus reflètent la volonté commune de créer de la valeur à long terme en servant les intérêts des multiples parties prenantes, et non uniquement ceux des actionnaires.

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