Gouttelette de pluie

Vers des opérations plus durables et plus résilientes

Face à la complexité d’un environnement de plus en plus changeant et instable, les directeurs des opérations (COO) doivent repenser entièrement leurs opérations pour assurer la pérennité à long terme de leur organisation.


Trois questions à poser

  • Comment transformer sa supply chain en une organisation agile ?
  • Êtes-vous prêt à faire face aux risques liés aux données et à la technologie qui vont de pair avec la digitalisation des opérations ?
  • Comment intégrer la dimension du capital humain au sein de cette transformation des opérations ?

Jusqu'à récemment, les COO se focalisaient principalement sur la rapidité de mise sur le marché, l'efficacité et la rentabilité de leur chaîne de valeur. Mais le monde a changé, d'abord progressivement, puis de façon brutale. Au cours des dernières années, l'évolution des attentes des consommateurs, des salariés et des investisseurs, les changements climatiques, mais aussi la géopolitique, les innovations technologiques et les altérations des chaînes d’approvisionnement ont véritablement bouleversé les organisations, les poussant à modifier leur modede fonctionnement. Au cours des 18 derniers mois, la pandémie de COVID-19 a transformé cette lente transformation en une gigantesque poussée ; et les COO ont souvent dû improviser pour faire fonctionner leur organisation dans ce nouvel environnement.

Certes les entreprises fabriquent peut-être toujours le même type de produits et services, mais tout ce qui concerne leur conception, leur fabrication et leur livraison a changé. Et cette évolution impose aux dirigeants de repenser leur supply chain dans un souci d'agilité et de durabilité autant que de performance. Les innovations technologiques permettent ainsi de transformer le mode de fonctionnement de l’organisation pour répondre aux demandes multiples et simultanées de toute une série de parties prenantes, avec néanmoins la contrepartie d’augmenter les risques cyber. Accélérer la formation de ses équipes peut aussi devenir un véritable levier pour transformer ses opérations tout en faisant face aux risques et tout cela en tenant compte du contexte mondial.

Notre propos est d’aborder les problématiques essentielles pouvant aider les COO/directeurs des opérations à redéfinir l'avenir de leur organisation. Pour naviguer dans ce monde de plus en plus complexe et volatile, les directeurs des opérations doivent repenser leur avenir pour plus de résilience et de valeur long terme.

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Chapitre 1

La résilience commence par la visibilité

Passer d’une supply chain linéaire à un écosystème agile et en réseau.

La résilience opérationnelle commence par la chaîne de valeur. Le COO se doit de transformer une chaîne de valeur rigide et linéaire en un écosystème agile et en réseau. Trois leviers sont à privilégier pour obtenir des résultats mesurables.

 

1. Créer une visibilité en temps réel et de bout en bout

Les innovations technologiques permettent de construire de manière rentable un modèle virtuel de chaîne d'approvisionnement physique de bout en bout. Connu sous le nom de jumeau numérique , ce modèle rassemble et connecte des données provenant de diverses sources et systèmes à travers le réseau de la supply chain, contenant les mêmes entités d'approvisionnement, paramètres et objectifs financiers. En tirant parti de ces jumeaux numériques, associés à la capacité de simulation, les COO peuvent ensuite prendre des décisions fondées sur des données en temps réel, améliorant ainsi l'agilité à la fois dans la détection et la réponse aux éventuels incidents. Compte tenu de la vitesse accélérée des bouleversements aujourd'hui, les simulations doivent être répétées et suivies en permanence pour mieux gérer les risques.

 

2. Développer un approvisionnement résilient et durable

La prise de décision résiliente et durable repose sur la recherche constante du bon équilibre en matière d'approvisionnement. La diversité des sources peut contribuer à maintenir la compétitivité. Toutefois, une diversification excessive peut limiter la capacité à développer des relations de confiance avec les fournisseurs. Dans le même temps, la concentration des fournisseurs notamment géographique peut rendre l’entreprise vulnérable à des perturbations telles que l'insolvabilité d'un fournisseur ou des raisons de force majeure. L'environnement actuel volatile exige de donner la priorité à des partenariats et des écosystèmes de confiance pour atténuer les risques, améliorer la performance opérationnelle et soutenir les stratégies durables.

 

Pour savoir à qui faire confiance et où se situent les risques, il est nécessaire de s’appuyer sur une stratégie de sourcing qui cartographie et suit les fournisseurs, les installations et les produits, en amont jusqu'aux matières premières. Cette approche contribue à améliorer la transparence et la traçabilité opérationnelles, et permet d'analyser la conformité des fournisseurs, les indicateurs clés de performance et les potentiels risques de la chaîne d'approvisionnement.

 

3. Construire des réseaux omni-capables

Pour fournir des produits et des services au bon moment, au bon endroit et de la manière dont les clients s'y attendent, il faut de l'agilité et des capacités supérieures à la moyenne. Par exemple il peut s'agir de répondre aux besoins d'un client plus rapidement et de manière rentable à partir d'un magasin plutôt que d'un centre de distribution, si celui-ci est plus proche et dispose des stocks nécessaires. La mise en place des bonnes capacités de gestion des commandes distribuées (DOM) associées à des indicateurs spécifiques de contrôle peut contribuer à maximiser la valeur des stocks grâce à davantage de précision et de visibilité, en les positionnant là où ils sont le plus nécessaires.

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Chapitre 2

L’objectif RSE « net zero » n’est pas qu’un enjeu réglementaire

Penser la RSE comme une source d’avantage concurrentiel d’un point de vue business.

Les chaînes de valeur sont également au centre des opérations durables. De nombreuses organisations se sont engagées ou ont l'ambition de décarboner leurs activités en se fixant des objectifs de zéro émission nette. Alors comment transformer ce qui est souvent considéré comme un simple exercice de conformité, en en faisant une nouvelle source d'avantage concurrentiel ?

 

1. Décarboner la chaîne de valeur

Les efforts visant à décarboner la chaîne de valeur commencent par l'évaluation de l'empreinte carbone de son organisation, ainsi que de celle de chaque partenaire et fournisseur dans son écosystème. Ce faisant, on peut identifier les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre, se fixer des objectifs de réduction des émissions, préparer le reporting adéquate et améliorer sa situation par rapport aux directives internationales ou aux ambitions propres à l’organisation. La visibilité en temps réel, la quantification et la traçabilité des données tout au long des opérations sont des conditions préalables à ce type d'évaluation - tout comme une analyse de rentabilité claire pour la soutenir. Les avantages de l'amélioration de la performance RSE sur l'ensemble de la chaîne de valeur sont clairs : amélioration des processus, réduction des coûts, augmentation de la productivité, innovation, différenciation et amélioration des impacts sociétaux.

 

2. Construire des cycles de vie de produits circulaires

En complément des efforts de décarbonation, il est aussi possible de concevoir des produits destinés à une seconde vie, ou qui peuvent être recyclés ou réutilisés. Pour s’engager dans l'économie circulaire, il faut mettre en œuvre des modèles d'exploitation circulaires avec des boucles de matériaux fermées. Là encore, la collecte de données tout au long de la chaîne de valeur et leurs analyses seront essentielles pour identifier les opportunités du marché circulaire.

 

3. Prendre en compte la dimension fiscale

Les pénalités et les incitations fiscales jouent un rôle clé dans la mise en œuvre des initiatives de développement durable à l'échelle mondiale. Il est essentiel d’impliquer les équipes fiscales pour aligner le profil fiscal de l'organisation avec l’empreinte opérationnelle. Il pourra être décidé, par exemple, sur la base des implications fiscales, de délocaliser les activités fortement émettrices dans des juridictions où les pénalités fiscales sont moins élevées ou les incitations de nature différente. Toutefois, il faudra veiller à trouver un juste équilibre entre les avantages de la délocalisation et les inconvénients potentiels, tels que des ajustements de prix de transfert qui pourraient ne pas être favorables, ou le risque pour la réputation de l’entreprise de déplacer les émissions plutôt que de les réduire. En travaillant conjointement avec les équipes fiscales, il est plus facile de contribuer à réduire l'impact des taxes sur le carbone, tout en profitant pleinement des incitations à la durabilité - avec un accent particulier sur les chaînes d'approvisionnement circulaires.

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Chapitre 3

L’utilisation des nouvelles technologies et du Big Data

Un équilibre à trouver entre avantages – décisions plus rapides et plus pertinentes – et risques – exposition potentielle aux tiers et aux cyberattaques.

Les nouvelles technologies -automatisations intelligentes, analyse en masse des données, internet des objets (IoT), cloud, … permettent aux COO de recueillir des données instantanément, de mesurer et donc de mieux prévoir le court et moyen terme, et ainsi d’agir en quasi-temps réel. Bien exploités, ces outils peuvent aider à construire des réseaux d'approvisionnement agiles, flexibles, et à augmenter les performances dans toute l'entreprise.

 

De nombreux COO qui entreprennent des transformations numériques pour intégrer ces nouveaux outils continuent à prendre des décisions en se basant sur des statistiques, leur intuition et leur expérience, mais ils sont forcément amenés à prendre de plus en plus de décisions prédictives et fondées sur des données. Ces décisions fondées sur les données nécessitent des volumes d’informations très importants. Par conséquent, il faut intégrer des technologies tierces capables d’acquérir des données pour mieux anticiper les besoins des clients, construire des chaînes d'approvisionnement en réseau en mesure de fabriquer des produits personnalisés, et innover vers une nouvelle génération de logistique capable de livrer les produits plus rapidement et à moindre coût. Mais ce potentiel élargi s'accompagne d'un risque accru.

 

En effet, dans cette quête pour recueillir autant de données de première main que possible, les organisations sont amenées à s’ouvrir à des réseaux et des systèmes avec une connectivité étendue, y compris dans des zones qui n'ont jamais été connectées auparavant. Et plus une organisation a de connexions - aux systèmes, réseaux, fournisseurs, partenaires et écosystèmes - plus le risque d'intrusion et d'attaques telles que les ransomwares est élevé.

 

Selon l’édition 2021 de l’étude EY sur la sécurité de l’information, de nombreuses organisations ont encore un état d'esprit réactif en matière de cybersécurité. Dans ce contexte, le COO se doit d’adopter un état d'esprit de sécurité « par conception »,ce qui nécessite des analyses d'intégrité lors de l'acquisition de nouvelles technologies, puis des tests lorsqu'elles sont introduites dans l'organisation. La cybersécurité est également plus facile à gérer dans un environnement en cloud que dans un environnement « legacy ». Mais l'intégrité des données dans le cloud n'est bonne que dans la mesure de l'intégrité des tiers qui les fournissent. Le développement de la confiance entre les fournisseurs tiers nécessitera souvent un changement de gouvernance et de gestion.

 

Dans cette perspective, le positionnement relatif des différentes parties prenantes doit également être repensé. En effet, il est plus difficile aujourd'hui de faire une distinction claire entre un fournisseur, un client, un salarié et un prestataire tier de type startup – les différents collaborateurs pouvant agir comme un mécanisme de propagation de codes malveillants, en représentant donc un point de vulnérabilité susceptible d’attaques.

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Chapitre 4

Des opérations résilientes nécessitent des équipes au diapason

Améliorer le bien-être au travail et la confiance entre les collaborateurs

Aujourd'hui, les équipes chargées de la supply chain et des opérations doivent analyser des données, identifier des opportunités et proposer des recommandations. Cela nécessite une aisance digitale et une familiarité avec les données et les processus qui peuvent ne pas venir naturellement à tous. Dans une récente enquête d'EY, intitulée « Reinventing the supply chain for an autonomous future », seuls 44 % des répondants ont déclaré que leurs salariés étaient préparés aux innovations digitales liées à la supply chain.

 

Impliquer les équipes RH et le directeur des ressources humaines (CHRO) peut permettre de combiner les actions de recrutement, perfectionnement, formation et amélioration continue des effectifs. Un dispositif d’évaluation des capacités des effectifs peut être mis en place pour certains axes prioritaires comme les processus, les technologies, les analyses et le reporting. L’attention croissante aux risques cyber peut aussi être mieux gérée en travaillant en commun avec le CHRO et le responsable de la sécurité des informations (CISO) afin d'améliorer les compétences des salariés en matière de risques informatiques.

 

En plus de participer au développement des compétences, il est important de motiver ses équipes en leur apportant une vision claire de l’avenir basée sur des objectifs. Cela peut comprendre un parcours de développement assorti d'incitations à la performance. Le CHRO peut là encore aider à la création de programmes individuels qui soutiennent le bien-être de chacun des collaborateurs.

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Chapitre 5

L’instabilité mondiale complique la voie vers la résilience opérationnelle

Tenir compte de la concurrence accrue entre les États-nations et la montée des nationalismes.

Certaines situations liées à l’environnement mondial peuvent venir compliquer l’élaboration d’une feuille de route de transformation vers des opérations plus durables et plus résilientes.

 

En effet, l'ordre économique mondial du libre-échange est en train de passer d'un modèle unipolaire, générateur de stabilité et de croissance, sur lequel s'appuyaient les modèles commerciaux et opérationnels mondiaux, à un ordre multipolaire. La volatilité et le nationalisme économique prennent le pas sur la mondialisation. Le groupe EY Geostrategic Business Group a ainsi identifié la montée du « néo-étatisme » comme l'un des 10 principaux risques politiques de 2021.

 

Alors que la prochaine génération de superpuissances étatiques se dispute la suprématie économique, militaire et culturelle, les alliances changeantes créent des points de crises géopolitiques, des points d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement et des risques de cybersécurité qui menacent la résilience opérationnelle.

 

De plus, la concurrence entre les gouvernements éloigne les organismes de réglementation les uns des autres, à un moment où les organisations ont besoin que les régulateurs s'unissent pour apporter une réponse globale aux menaces qui compromettent le développement économique, la résilience des entreprises et leur durabilité.

 

Ce défi est mis en évidence par la cybersécurité. Dans leur lutte contre les vulnérabilités technologiques, les organisations mondiales sont confrontées au défi croissant du techno-nationalisme. Par exemple, certains pays adoptent des normes de cybersécurité et de protection des données qui leur sont propres, ce qui peut rendre la surveillance des cybermenaces et la réponse à la cybersécurité excessivement complexes, voire impossibles.

 

Ce n'est pas seulement un problème que la fonction cyber doit résoudre. Dans un environnement opérationnel ouvert, connecté à l'échelle mondiale et toujours en mouvement, les COO qui jouent un rôle de premier plan dans l'orientation de leur entreprise vers un avenir de croissance plus durable, doivent contribuer à la gestion de ces risques. Au-delà de la collaboration au sein de leur conseil d'administration et même de leur secteur d'activité, il faut rallier les régulateurs du monde entier, les amener à élaborer des normes qui simplifient et rationalisent le commerce mondial et les réglementations en matière de cybersécurité, et qui, en fin de compte, profitent à toutes les nations plutôt que de donner l'avantage à l’une par rapport à l’autre.

La collaboration est la clé des opérations durables et résilientes

Nous atteignons un point d'inflexion alors que les organisations mettent en œuvre des transformations numériques axées sur l’intelligence artificielle pour améliorer la productivité des équipes, les chaînes d'approvisionnement, la logistique et la livraison des marchandises. Les COO gagnants construiront la prochaine génération de modèles d'entreprises durables et résilientes en gérant la complexité de la mise en place d'écosystèmes technologiques et de données avec la bonne hiérarchisation et l'attention portée aux risques mondiaux.

Cependant, pour réussir, ils auront également besoin du soutien total de leur conseil d'administration et de la C-suite pour comprendre à la fois les opportunités et les risques, et prendre des décisions plus rapidement pour gérer les perturbations à venir.

Ce qu'il faut retenir

Historiquement, les COO ont été chargés de maintenir la continuité des activités et d'optimiser les performances opérationnelles. Mais alors qu'ils assument davantage de responsabilités en matière de stratégie, ils sont chargés de réinventer la chaîne de valeur pour faire face à la volatilité et aux perturbations croissantes - tâches exacerbées et intensifiées par la pandémie de COVID-19. La mise en place d'opérations résilientes et durables est un processus complexe, souvent impacté par des perturbations sur lesquelles les COO n'ont aucun contrôle : géopolitique, troubles civils, techno-nationalisme et évolution de l'ordre économique mondial multipolaire. Mais pour relever ces défis et positionner l'entreprise de manière à obtenir une croissance plus durable et plus ciblée, il faut de la visibilité, de l'agilité, de l'innovation technologique, de la cybersécurité et une meilleure formation des équipes.

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