3. L’innovation remet-elle en cause le modèle de la supply chain ?
Les technologies numériques
Selon le rapport 2023 de la Banque mondiale sur la performance logistique, « la numérisation de bout en bout des chaînes d’approvisionnement, en particulier dans les économies émergentes, permet à ces pays de réduire jusqu’à 70 % les délais des opérations portuaires par rapport à ceux des économies développées ».
La numérisation offre aussi la possibilité de minimiser les gaspillages et de sécuriser la chaîne en améliorant le pilotage des flux, favorisant la traçabilité, ainsi que la circulation et l’exploitation des données. Illustrations. L’intelligence artificielle aide à la gestion des stocks – elle permet de prévoir la demande et d’anticiper les ruptures – et donc de limiter les flux, de transport en particulier. La blockchain, technologie de stockage et de transmission d’information transparente, offre un suivi des livraisons et des expéditions en temps réel, entraînant une meilleure gestion des commandes.
Vertu de la transformation numérique : la capacité à partager plus facilement les informations entre les maillons de la chaîne. Nombre de plateformes web se sont développées pour mieux prévoir, mutualiser davantage de flux, optimiser le recours aux différents modes de transport mais aussi garantir une meilleure traçabilité du produit depuis l’amont jusqu’au consommateur.
Les camions et bornes électriques
En mars 2023, le gouvernement a annoncé qu’il allait apporter « un soutien de l’ordre de 100 millions d’euros en faveur de la décarbonation des poids lourds » au trois dispositifs. (Source : Gouvernement.fr)
55 millions d’euros pour faciliter l’achat de poids lourds électriques
Un appel à projets bénéficiera d’une enveloppe de 60 millions d’euros, dont 55 millions d’euros pour les camions électriques. L’objectif ? Faciliter l’acquisition de plus de 500 poids lourds électriques.
40 millions d’euros pour produire des camions électriques
Un appel à projets pourrait atteindre, voire dépasser 40 millions d’euros pour favoriser « l’innovation et l’industrialisation pour le secteur de l’automobile et de la mobilité lourde ». L’objectif ? Produire des poids lourds électriques.
Des bornes électriques à haute puissance dédiées aux camions
Le déploiement de bornes électriques haute puissance pour les poids lourds va être soutenu au travers d’un appel à projets France 2030 dédié aux bornes de recharge.
Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, relève toutefois que l’accompagnement public pour l’utilisation de technologies décarbonées pour la voiture a atteint une somme bien plus conséquente – un milliard d’euros.
Des véhicules intermédiaires durables - entre vélo électrique et automobile,
Portée par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), cette nouvelle offre de véhicules intermédiaires durables – entre le vélo électrique et
l’automobile – vise à décarboner la logistique du dernier kilomètre notamment. Ce programme accompagne « le prototypage et l’expérimentation de nouveaux véhicules sobres, éco-conçus, durables, légers et peu coûteux ». (Source : Gouvernement.fr)
Un corridor électrique sur autoroute pour poids lourds
Des camions électriques qui se rechargent tout en roulant ? C’est une première mondiale. Française, qui plus est. Il s’agit de permettre aux poids lourds électriques, notamment, d’expérimenter la recharge dynamique par induction ou par rail au sol sur une autoroute ouverte à la circulation – pendant qu’ils roulent.
Les objectifs poursuivis ? « Réduire la taille des batteries des poids lourds, atténuer les contraintes liées à leur autonomie et les besoins de recharges particulières », lit-on sur le site internet de Vinci Autoroutes – le groupe pilote le consortium qui s’apprête à lancer cette expérimentation en conditions réelles.
Budget total du projet : 26 millions d’euros. Dans le cadre du plan France 2030, le consortium bénéficiera d’un financement de l’État. La France va tester cette solution en septembre 2023 sur l’autoroute A10, en région parisienne – à proximité de la barrière de péage de Saint-Arnoult (Yvelines).
Comment ça marche ? « La recharge par induction permet de charger un appareil électrique (ou un véhicule) sans contact, sans avoir à le brancher. (…) La recharge par induction dynamique permet de recharger un véhicule électrique en roulant. C’est la route elle-même qui joue le rôle de plaque à induction. (…) Pour pouvoir se recharger tout en roulant, le poids lourd doit être équipé d’un patin placé à l’extrémité d’un bras mobile fixé au bas du châssis, qui se fixe automatiquement sur le rail conducteur. » (Source : site internet Vinci Autoroutes).
Jean-Marc Jancovici, ingénieur et consultant, président du groupe de réflexion The Shift Project, résume ainsi les innovations possibles en la matière sur son fil Linkedin : sur autoroute, « une solution existe : transformer les camions en trolleybus, ou presque, pour les charger en même temps qu’ils roulent. L’idée est d’alimenter ces engins en continu dès qu’ils empruntent une autoroute. Il y a trois manières de faire cela :
- avec un rail d’alimentation dans la chaussée (il faut donc modifier la chaussée et doter le camion – électrique ou a minima hybride – d’un contacteur qui se connecte au rail) ;
- avec des caténaires (même principe mais le cap d’alimentation est aérien)
- avec des boucles d’induction (là le véhicule déclenche un gros champ magnétique en roulant au-dessus de la boucle dans la chaussée, et ce champ génère du courant dans des boucles contenues dans le camion.
Les trois dispositifs vont être testés en France. C’est plutôt une bonne nouvelle. Autant dans la voiture les Chinois sont partis bille en tête, autant dans l’électrification du fret, les Européens gardent une longueur d’avance. »
4. Les contraintes réglementaires sont-elles trop floues ?
Conformément à l’Accord de Paris, la France a adopté la stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
TRANSPORT ROUTIER
Pour diminuer de 28 % ses émissions de GES entre 2015 et 2030 et contribuer à ce que la France respecte ainsi sa stratégie nationale bas carbone, le secteur des transports doit accélérer sa transition écologique et énergétique.
Les Zones à Faible Emission mobilité
Publiée en 2019, la loi d’orientation des mobilités instaure des zones à faible émission mobilité (ZFE-m). Son objet ? Interdire d’accès les véhicules les plus polluants dans les agglomérations les plus polluées. Sur les 42 métropoles qui devaient créer une ZFE d’ici à 2025, onze l’ont mises en place : Grand Paris, Aix-Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Etienne.
Juillet 2023 : le ministère de la Transition écologique annonce que seules cinq agglomérations, classées comme « territoires ZFE » – Paris, Aix-Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen –, devront continuer à durcir les interdictions dans le cadre de ce dispositif. Désormais catégorisées en « zones de vigilance », les villes où la qualité de l’air est meilleure doivent tout de même créer une ZFE. Mais seules les voitures immatriculées avant 1997 devront faire l’objet d’une interdiction, ce qui réduit la portée du dispositif initial.
Au-delà de ces annonces, les transporteurs du dernier kilomètre – les principaux concernés par le dispositif ZFE-m mais aussi par la règle zéro artificialisation nette (ZAN) – s’interrogent : « Comment cela va se traduire concrètement ? ». Selon Jean-Thomas Schmitt, le Pdg du transporteur et logisticien Heppner : « Il est difficile d’industrialiser et de massifier la démarche avec des réglementations et des calendriers de mise en œuvre qui diffèrent selon les agglomérations » (Source : Les Echos, article de Etienne Thierry-Aymé publié le 27 mars 2023).
Les dispositifs mis en place par certaines Villes
Longtemps, les collectivités ne se sont pas intéressées à la logistique. Peut-être parce que « les colis ne votent pas », selon la formule d’Anne-Marie Idrac, ex-ministre et présidente de Logistique France. Mais la crise du Covid-19 et le changement climatique ont poussé certains élus à s’en emparer.
Paris
La Ville a rédigé une Charte pour une Logistique Urbaine Durable et créé des espaces logistiques en zone dense pour un dernier kilomètre en véhicule propre. Elle accorde également des subventions aux transporteurs pour effectuer des livraisons de nuit avec des véhicules neufs électriques, à hydrogène ou GNV, et silencieux. (Source : site internet Mairie de Paris)
Grenoble
Outre la mise en place d’une ZFE, la Ville a été la première métropole à s’engager dans la logistique urbaine avec le Groupe La Poste, via sa filiale Urby qui propose des solutions de livraison écologique en centre-ville. Vélo, véhicules légers ou électriques, poids lourds avec une norme anti-pollution ou roulant au Gaz Naturel pour Véhicule… Tout est mis en œuvre pour stopper les camions à l’avant-dernier kilomètre.
Le programme « Engagements volontaires pour l’environnement »
Le programme « Engagements volontaires pour l’environnement rassemble trois dispositifs : « Fret 21 pour les chargeurs » ; « EVCOM pour les commissionnaires » ; « Objectif CO2 » pour les transporteurs routiers de marchandises, de voyageurs et les grossistes...
Le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) le finance, sous l’égide du ministère de la Transition écologique et de l’Ademe. Il permet, via un réseau d’animateurs actifs sur l’ensemble du territoire, un accompagnement méthodologique des entreprises dans leur stratégie de réduction des GES et de polluants.
L’avantage pour une entreprise qui y adhère – pour une durée de trois ans ? D’un point de vue environnemental, il est double, selon le ministère de la Transition écologique. D’une part, réduire sa consommation de carburant. D’autre part, accéder à un outil d’amélioration de la compétitivité hors prix afin d’assurer une meilleure visibilité de sa démarche environnementale vis-à-vis de ses clients et de son public.
ENTREPÔTS
La règle « Zéro artificialisation nette »
Adoptée en juillet 2023, loi sur le « zéro artificialisation nette » précise les objectifs inscrits dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021, soit la réduction de moitié de la consommation d’espaces agricoles et naturels dans la période 2021/2031, comparée à la décennie précédente. L’ambition va au-delà : atteindre le « zéro artificialisation nette » à l’horizon 2050. Cette règle remet en cause la construction de nouveaux entrepôts, très gourmands en foncier. Dans certains territoires, leur installation est également chahutée par les riverains, hostiles à une augmentation du trafic de camions.