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Faire face à l’avenir : approches de l’ESG dans l’évaluation immobilière


Pleins feux sur les défis auxquels est confronté le secteur immobilier en matière de durabilité et les avantages de l’intégration des critères ESG


En résumé

  • Les critères ESG ont une influence majeure sur la valeur marchande des biens immobiliers et doivent être pris en considération dans leur évaluation.
  • L’approche additive, l’approche intégrative et l’analyse de scénarios sont trois moyens de prendre en compte les critères ESG dans l’estimation de biens.
  • Le choix de l’approche dépend des besoins et des objectifs individuels des investisseurs.

Le marché immobilier est en pleine mutation en raison de l’importance croissante des critères ESG. Ces critères influencent la valeur des biens immobiliers. Cet article décrit trois techniques permettant de prendre en compte les critères ESG dans l’évaluation immobilière : l’approche intégrative, l’approche additive et l’analyse de scénarios. Chaque technique comporte des avantages, mais aussi des inconvénients. Le choix de la technique la plus appropriée doit s’opérer en fonction des besoins et des objectifs spécifiques de chaque investisseur.

Le secteur de l’immobilier en Suisse fait face à un défi majeur : la Suisse s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030. Or, le secteur immobilier est aujourd’hui le deuxième plus gros émetteur de CO2 du pays, avec une part d’environ 24 % des émissions totales. Un autre défi est que 65 % des bâtiments en Suisse ont été construits avant 1980 et ont donc besoin d’être rénovés pour les rendre plus efficaces sur le plan énergétique. Le taux de rénovation est actuellement d’environ 1 %, mais il doit être considérablement augmenté pour atteindre les objectifs climatiques. D’après certaines études, il doit même précisément être doublé d’ici à 2050. À ce jour, environ 70 % des bâtiments à usage résidentiel en Suisse utilisent le mazout ou le gaz pour le chauffage. Le pays affiche ainsi la part la plus élevée de chauffage au mazout en Europe, tandis que seulement 23 % de l’énergie dans la production de chauffage provient de sources renouvelables. Par conséquent, il est indispensable de tenir compte des aspects ESG dans le secteur de l’immobilier. Bien entendu, l’ESG ne se résume pas aux seules émissions.

Comment ces critères peuvent-ils être pris en considération dans l’évaluation des biens immobiliers ?

Cette question est fondamentale et son importance est encore appelée à s’accentuer dans les années à venir. Cet article passe en revue différentes méthodes permettant d’intégrer les critères ESG dans l’estimation des biens immobiliers.

Deux approches largement utilisées pour intégrer les critères de durabilité dans l’évaluation immobilière sont les approches additive et intégrative. Ces approches intègrent les critères de durabilité au niveau des revenus, des coûts et des taux d’escompte et de capitalisation. Elles seront examinées ci-après dans la perspective d’une estimation DCF (Discounted cash flow model), qui est la principale méthode d’évaluation des immeubles de placement en Suisse.


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Chapitre 1

Evaluation pragmatique de l’immobilier ESG : l’approche additive

Approche additive : quantifier les caractéristiques techniques de la durabilité sur le cash-flow

Dans la première étape de l’approche additive, les critères de durabilité pertinents pour le bien immobilier à estimer sont identifiées. Il peut s’agir par exemple de l’efficacité énergétique, de l’utilisation rationnelle de l’eau, de l’utilisation de matériaux recyclés ou encore de la facilité de maintenance, par exemple. Cette approche met principalement l’accent sur les caractéristiques techniques d’un bien immobilier. Les aspects environnementaux, sociaux et économiques de la durabilité ne sont pris en compte qu’indirectement, dans la mesure où ils ont une incidence sur les caractéristiques techniques. La deuxième étape consiste à quantifier l’impact des critères de durabilité sur le cash-flow du bien immobilier, par exemple en calculant les économies d’énergie, d’eau et de l’élimination des déchets. Le taux d’escompte utilisé pour actualiser les flux de trésorerie à la valeur actuelle peut également être adapté aux caractéristiques de durabilité du bien. Afin que ce taux d’escompte soit transparent, il est recommandé d’indiquer séparément les majorations et les déductions (voir l’illustration 1). De même, il est également possible d’appliquer une majoration ou une déduction supplémentaire pour les caractéristiques de durabilité du bien évalué (p. ex. conformité ESG). Les biens immobiliers dont les caractéristiques de durabilité sont bonnes (mauvaises) font ainsi l’objet d’une majoration (déduction) car ils peuvent être considérés comme un investissement à faible risque (à risque élevé).

Axée sur les répercussions quantifiables des caractéristiques techniques sur le cash-flow, l’approche additive offre un moyen simple et transparent pour intégrer les caractéristiques de durabilité dans l’évaluation de biens immobiliers. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’elle comporte un risque de comptabilisation à double de certains critères de durabilité, étant donné que les caractéristiques des biens immobiliers sont divisées en deux catégories : celles qui sont pertinentes pour la durabilité et celles qui ne le sont pas. Concrètement, cela signifie que des critères individuels, tels que les normes de construction et d’ameublement, qui sont déjà pris en compte dans le processus d’évaluation conventionnel (cash-flow), peuvent être inclus dans la processus d’évaluation une deuxième fois.

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Chapitre 2

Le bilan ESG à l’appui de l’immobilier : l’approche intégrative

Approche intégrative : intégration de tous les critères sur le cash-flow et le taux. Monétisation du bilan ESG et estimation transparente de la valeur du marché.

L’objectif principal de l’évaluation est de prendre en considération toutes les caractéristiques d’un bien immobilier pertinentes pour son évaluation. Outre l’analyse des flux de trésorerie et les risques immobiliers, cela inclut les caractéristiques du bâtiment, la qualité de l’emplacement et de l’environnement, l’impact du bien sur la société (p. ex. création d’emplois, amélioration de la qualité de vie) et sa durabilité économique (p. ex. prise en compte des risques liés au climat et de l’épuisement des ressources). À l’évidence, l’expert en charge de l’estimation doit donc répertorier une multitude de caractéristiques pertinentes et veiller à ce qu’il n’y ait pas de double comptage qui pourrait résulter d’une prise en compte opaque de certains critères de durabilité, comme cela peut se produire dans la méthode additive. La solution à ce problème est l’approche « intégrative ». Dans cette méthode, outre les caractéristiques techniques incluses dans la méthode additive, les caractéristiques des biens immobiliers dans les trois dimensions de la durabilité (environnementale, sociale et économique) ayant une pertinence potentielle pour l’évaluation, doivent être examinées au cas par cas sur la base d’une longue liste (voir le Guide d’évaluation de la durabilité et de la valeur de biens immobiliers NUWEL). À la lumière de cette liste exhaustive, l’estimateur peut vérifier, selon le principe d’une check-list, si chaque caractéristique est appropriée et pertinente pour l’évaluation. Cette liste unique, qui rassemble à la fois des caractéristiques pertinentes pour la durabilité (p. ex. macrosituation et microsituation, parcelles, fonctionnalité, durée de vie, etc.) et non pertinentes pour la durabilité (p. ex. utilisation des ressources, santé, fonctionnalité, durée de vie, occupation de surfaces, etc.), permet d’éliminer la distinction entre ces caractéristiques et réduit considérablement le risque de comptabilisation à double ou même d’omissions.

Dans la méthode d’évaluation des cash-flows actualisés (DCF), tous les critères pertinents pour l’évaluation, y compris les caractéristiques de durabilité, sont pris en compte dans les cash-flows modélisés. La présence ou l’absence de caractéristiques de durabilité (voir la section précédente) est donc monétisée. Les mesures prises dans une perspective ESG, comme la location de surfaces de toiture pour la pose d’installations de panneaux solaires, peuvent ainsi générer des revenus supplémentaires, qui ne pourraient pas être perçus avec un bien comparable sans panneaux solaires. S’agissant des coûts induits par les critères ESG, on peut mentionner les frais engagés pour rénover un bien immobilier afin d’améliorer son efficacité énergétique et de réduire ainsi les coûts à long terme (p. ex. diminution des coûts énergétiques grâce à des sources d’énergie renouvelables, baisse des coûts de maintenance, baisse des coûts de réparation grâce à une meilleure isolation thermique et à l’utilisation de matériaux de haute qualité qui évitent les défauts de construction et les problèmes d’humidité, réduction des coûts d’exploitation, car en général, les bâtiments efficaces sur le plan énergétique nécessitent moins de travaux de nettoyage et d’entretien).

Seuls les facteurs qui ne peuvent pas être inclus dans le cash-flow jouent un rôle dans la modélisation du taux d’escompte ou de capitalisation au titre des risques du bien. L’illustration 2 montre de façon sommaire quelles critères de durabilité peuvent être intégrés dans les sources de valeur individuelles « Revenus locatifs », « Vacances », « Frais d’exploitation, d’entretien ou de réparation » et « Taux d’escompte et de capitalisation ». En termes concrets, on peut donc s’attendre, pour le rendement brut annuel des biens immobiliers durables, à une augmentation des loyers (taux de croissance adaptés et capacité de paiement de montants nets plus élevés par les locataires grâce à des frais de fonctionnement moindres) et, par conséquent, à des durées de locations plus longues en raison d’une plus grande facilité de commercialisation et d’un marché plus exigu. Il est en effet plus confortable et plus sain d’habiter dans des logements efficaces sur le plan énergétique, ce qui peut se traduire par des loyers plus élevés et une satisfaction accrue des locataires. De surcroît, les coûts d’exploitation sont réduits (grâce entre autres aux investissements visant à améliorer la durabilité d’un bâtiment pendant la période d’investissement). Le taux d’escompte peut par ailleurs diminuer en raison du risque plus faible du bien. Eu égard à la facilité globalement plus grande à commercialiser des biens immobiliers durables, un Exit Yield plus bas (valeur immobilière plus élevée, risque moindre et potentiel de plus-value à long terme) devrait également se refléter dans les flux de paiement actualisés.

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Chapitre 3

Valoriser l’immobilier grâce à l’analyse de scénarios ESG

L’ analyse de scénarios ESG prévoit des valorisations basées sur des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.

L’utilisation d’analyses de scénarios pour évaluer l’impact des critères ESG exige au préalable d’identifier des scénarios pertinents qui correspondent à différentes évolutions des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Une répartition pourrait par exemple être réalisée selon les scénarios suivants :

1. Facteurs environnementaux

Si l’on souhaite évaluer les répercussions du changement climatique sur la résilience climatique d’un site et donc sur les valeurs immobilières dans différentes régions, il faut commencer par évaluer la fréquence et l’intensité des catastrophes naturelles telles que les inondations, les tempêtes et les sécheresses. L’objectif est d’élaborer des scénarios avec différents niveaux d’efficacité énergétique, d’utilisation d’énergies renouvelables et plusieurs normes de durabilité des bâtiments. L’influence de ces facteurs sur les coûts d’exploitation, la demande du marché et la progression de la valeur à long terme peut alors être analysée.

2. Facteurs sociaux

L’accroissement de la population et l’évolution démographique influencent considérablement la demande de différents types de biens immobiliers et l’attrait de certains lieux. Il est indispensable, pour anticiper ces facteurs, de s’intéresser aux tendances démographiques et aux mouvements des populations. L’égalité sociale et l’intégration communautaire sont également d’importants facteurs qui entrent en ligne de compte dans la valeur des biens immobiliers par le biais de facteurs tels que la gentrification, l’accès à l’éducation et aux soins et l’intégration sociale. Tous ces facteurs influencent l’attractivité et la durabilité à long terme d’un emplacement et donc une influence complexe sur l’évaluation des biens immobiliers. Un quartier stable peut ainsi alimenter une plus forte demande de biens immobiliers, de même qu’un faible taux de criminalité ou l’accès à des écoles et des établissements de formation de qualité. Ces atouts rehaussent la qualité de vie et font donc grimper la valeur des biens immobiliers.

3. Facteurs de gouvernance

Dans le cadre des changements réglementaires, il est fondamental d’intégrer les évolutions des règles en matière de construction, des lois sur la protection de l’environnement et de la politique fiscale. De même, les aspects de gouvernance d’entreprise et de transparence revêtent une importance croissante dans les sociétés immobilières. Leur influence sur la confiance des investisseurs, les coûts du capital et les performances à long terme n’est plus à prouver.

4. Scénarios combinés

L’intégration de multiples facteurs ESG dans des scénarios complets permet d’analyser les interactions et les synergies entre les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de dresser un tableau complet de leurs répercussions à long terme sur l’évaluation des biens immobiliers.

En pratique, il s’agit tout d’abord d’identifier les principaux paramètres intervenant dans l’estimation immobilière. Ensuite, la distribution de probabilité est appliquée aux différents paramètres clés de façon à refléter leur importance relative. Enfin, la valeur d’un bien peut être calculée en fonction des paramètres clés à l’aide de différents modèles financiers. Sur la base des distributions de probabilités définies, plusieurs scénarios sont simulés en prenant différentes combinaisons de valeurs pour les paramètres clés à partir de ces distributions. Il en résulte un ensemble de scénarios futurs possibles. Par conséquent, une analyse de scénarios n’aboutit pas à une estimation ponctuelle de la valeur du marché conformément à la définition de la RICS, mais à une zone de plausibilité (estimation d’une fourchette pour la valeur vénale d’un bien basée sur les conditions actuelle du marché).

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Chapitre 4

Intégration ESG : défis et opportunités

Le secteur immobilier doit réduire ses émissions pour atteindre les objectifs climatiques et les normes ESG.

Le secteur de l’immobilier est confronté à deux défis majeurs : d’une part, la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et, d’autre part, la rénovation et l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments anciens. La réalisation des objectifs climatiques passe nécessairement par une hausse considérable du taux de rénovation et un recours accru aux énergies renouvelables, notamment pour le chauffage. L’utilisation généralisée du chauffage au fioul est un défi majeur pour l’empreinte carbone du secteur.

Les critères ESG vont au-delà de la simple prise en compte des émissions, ils sont incontournables. Non seulement l’amélioration et la modernisation accroissent l’attrait et la valeur des biens immobiliers, mais elles contribuent également à la poursuite des objectifs climatiques.

L’intégration des critères ESG dans l’évaluation immobilière est une étape essentielle pour mieux comprendre la valeur des biens à long terme et minimiser les risques ESG. En intégrant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, il est possible de quantifier les répercussions potentielles sur la valeur des immeubles et de prendre des décisions raisonnées.

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Chapitre 5

Résumé

L’intégration ESG dans l’évaluation augmente la valeurs des biens immobiliers et favorise les décisions durables.

L’application de méthodes d’évaluation spécialisées et d’analyses de scénarios permet d’intégrer systématiquement les critères ESG dans le processus d’évaluation. Les investisseurs peuvent ainsi mieux estimer la valeur à long terme de leurs biens immobiliers et prendre des décisions de placement durables. En résumé, il peut être affirmé que les critères ESG jouent un rôle essentiel dans la valeur de l’immobilier à long terme. L’intégration des critères ESG dans l’évaluation immobilière garantit une meilleure évaluation des risques et une meilleure prise de décision, notamment au niveau des financements. Les méthodes d’évaluation spécialisées et analyses de scénarios facilitent la prise en compte systématique des facteurs ESG.

Néanmoins, au moment de choisir l’approche à utiliser, il est important de se poser les questions suivantes : Comment les critères ESG sont-ils intégrés dans l’approche envisagée ? Comment sont-ils pris en considération mathématiquement dans le modèle ? Comment et dans quelle mesure influencent-ils la valeur de marché non ajustée en fonction des critères ESG ? Avec une bonne compréhension des critères choisis, de leur influence et du modèle (points d’attention : éviter le double comptage et séparer les caractéristiques immobilières pertinentes et non pertinentes pour la durabilité), il est possible de mettre en évidence ce qui différencie un bien immobilier durable d’un bien immobilier non conforme aux exigences ESG.

Résumé

Les critères ESG revêtent une importance croissante dans l’évaluation des biens immobiliers. Ils permettent aux investisseurs de mieux évaluer la valeur à long terme d’un bien immobilier et de prendre des décisions durables.

Différentes méthodes d’évaluation et analyses de scénarios permettent d’intégrer les facteurs ESG. Il est important de bien comprendre la méthodologie afin de pouvoir évaluer avec précision l’impact des critères ESG sur la valeur d’un bien immobilier.

L’intégration des critères ESG aboutit à une meilleure évaluation des risques et à des décisions plus étayées, y compris en matière de financement.

En résumé, nous pouvons dire que les critères ESG jouent un rôle essentiel dans la valeur de l’immobilier à long terme.

Remerciements:

Nous remercions Alessandro Lanzarotti et Annabell Nachbaur pour leur contribution à cet article.

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