Pour la plupart des entreprises, seules les trois catégories de risques suivantes, parmi celles énumérées par la loi sur l’IA, auront sans doute un intérêt au quotidien :
Les systèmes d’IA à haut risque sont ceux qui présentent des risques pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux des personnes. Les domaines d’utilisation et les finalités concrètes qu’ils incluent précisément sont énumérés dans l’annexe à la loi. Cette liste, qui sera actualisée en permanence après son entrée en vigueur, cite actuellement, entre autres, l’emploi, la gestion de la main-d’œuvre et l’accès au travail indépendant (p. ex. pour la sélection des candidatures, la décision sur les promotions ou le contrôle des performances et du comportement de personnes employées), la gestion et l’exploitation des infrastructures critiques (p. ex. pour le pilotage de réseaux électriques ou du trafic ferroviaire), ou encore l’application de la loi, l’administration de la justice, la migration et l’asile (p. ex. pour la simplification des décisions). La surveillance biométrique des personnes appartient également à cette catégorie. Il existe en outre un risque élevé lorsqu’un système d’IA relève d’une norme européenne harmonisée pour laquelle une évaluation de la conformité (c.-à-d. une évaluation et une confirmation ou certification) est prévue. Il s’agit notamment des normes applicables aux machines, aux dispositifs médicaux, aux jouets et aux ascenseurs.
La loi sur l’IA énonce d’importantes exigences pour les systèmes à haut risque :
1. Gestion des risques
Un système de gestion des risques permettant l’identification, l’analyse et la réduction des risques doit être mis en place et appliqué aux systèmes d’IA.
2. Qualité des données
Une série d’exigences sont imposées pour l’entraînement, les tests et la validation des données utilisées. Ces données doivent par exemple être pertinentes, représentatives, exemptes d’erreurs et complètes.
3. Documentation
L’enregistrement automatique de journaux de l’activité et une documentation technique exhaustive sont obligatoires.
4. Obligations de transparence et d’information
Différentes obligations de transparence et d’information, exposées en détail dans l’annexe à la loi sur l’IA, prévalent à l’égard des utilisateurs et utilisatrices. En complément, un contrôle humain et une intervention dans les systèmes d’IA doivent être possibles.
5. Exigences techniques
Certaines exigences doivent être satisfaites en matière de sécurité de l’information. L’exactitude et la robustesse doivent atteindre un niveau approprié. À cet égard, les prescriptions détaillées figurent dans l’annexe à la loi sur l’IA.
Ce sont surtout les personnes qui exploitent la solution d’IA qui doivent se conformer aux exigences. Il leur incombe d’analyser le respect des exigences et de soumettre l’IA à une surveillance humaine. De plus, les systèmes d’IA à haut risque doivent être enregistrés dans une base de données de l’UE. L’exploitant est chargé de surveiller les systèmes d’IA et de signaler les incidents aux instances compétentes y compris après la mise en service.
Les systèmes d’IA soumis à des obligations de transparence sont les systèmes qui interagissent avec les personnes, qui utilisent la reconnaissance des émotions ou la catégorisation biométrique, ou qui génèrent des contenus artificiels présentant une ressemblance avec des personnes, des lieux ou des objets réels (hypertrucage ou deepfake). Les contenus de ce type doivent être identifiés de manière à ce que l’utilisation de l’IA apparaisse clairement et à ce que la production de contenus illicites soit impossible.
Les systèmes d’IA à faible risque sont les systèmes qui, d’après les prévisions, n’impliquent aucun risque pour les utilisateurs et utilisatrices et leurs données, tels que les solutions d’IA utilisées à des fins de tests dans des « sandboxes ». Ils sont soumis à des exigences dans le domaine de la sécurité générale des produits. La loi recommande par ailleurs l’élaboration volontaire de codes de conduite, qui s’inspirent des prescriptions édictées pour les systèmes d’IA à haut risque, mais peuvent également aller plus loin.
Cette sélection montre clairement qu’une classification dans les différentes catégories de risque n’est possible que sur une base systématique. Les systèmes à haut risque, en particulier, font l’objet d’exigences strictes et d’obligations de documentation qui nécessitent une collecte et une documentation structurées.
Outre ces systèmes, des exigences spécifiques sont prévues pour les systèmes d’IA dits à usage général (« General Purpose Artificial Intelligence », ou GPAI). La définition de ces systèmes n’a pas encore été finalisée, mais elle inclut en général les modèles d’IA qui ont été entraînés à l’aide d’un grand nombre de données utilisant l’auto-supervision non seulement pour une finalité particulière, mais aussi pour pouvoir exécuter une multitude de tâches distinctes. Sont notamment concernés les grands modèles linguistiques tels que GPT-3 et GPT-4 d’OpenAI, qui sont utilisés entre autres dans ChatGPT, ou DALL-E, également développé par OpenAI, mais aussi l’outil Bard développé par Google.
Ces modèles sont soumis à des exigences supplémentaires en matière de transparence, de respect des exigences en matière de droits d’auteur et de publication d’un « résumé détaillé » des données utilisées pour l’entrainement de ces modèles. Le législateur n’a toutefois pas encore défini ce qu’il faut entendre par « résumé détaillé ».
Si les systèmes GPAI en question ont été créés avec une puissance de calcul élevée (l’UE mentionne un seuil de 1025 opérations en virgule flottante par seconde), d’autres exigences s’appliquent sur l’évaluation des modèles, ainsi qu’une obligation d’analyses relatives aux risques systémiques liés aux modèles et des obligations de communication et de rapport à l’égard de la Commission européenne sur les incidents survenant dans le cadre de ces systèmes GPAI.
Étape 3 : Définition de calendriers clairs
Même s’il n’est pas certain que la chronologie prévue de l’entrée en vigueur de la loi sur l’IA puisse être respectée, il est conseillé de procéder dès à présent à une première évaluation des risques relatifs aux systèmes existants dans l’entreprise afin d’être préparé à une entrée en vigueur et, le cas échéant, d’adopter sans attendre les mesures adéquates pour se conformer aux exigences de la loi sur l’IA. Cette anticipation est particulièrement conseillée pour les entreprises ayant une structure complexe ou utilisant de nombreuses applications d’IA. Les entreprises qui se préparent à l’avance peuvent s’épargner quelques ennuis, et, le cas échéant, édicter à temps des réglementations qui devront être prises en compte lors de la création ou de l’acquisition d’applications d’IA. La mise en oeuvre de modifications qui exigent une intervention a posteriori dans des applications déjà implémentées et utilisées, en particulier, requiert une charge de travail importante et une concertation étroite avec les unités opérationnelles concernées. L’attribution de mandats nécessitant d’intenses efforts peu avant l’échéance peut aisément décourager les équipes, tandis que des calendriers et des instructions de travail clairs facilitent la préparation.
Plusieurs instances, telles que les organisations européennes de normalisation CEN et CENELEC, mais aussi ISO et IEC, ainsi que divers groupes industriels, travaillente d’ores et déjà sur des stratégies de bonnes pratiques et des normalisations autour de la loi sur l’IA. Avec le pacte sur l’IA de l’UE, la Commission européenne a lancé un appel aux entreprises à appliquer dès maintenant les exigences définies, à participer à l’élaboration des bonnes pratiques et à partager des informations sur la loi sur l’IA avec les autres entreprises concernées.