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Évolution du cadre légal de la retraite en France : quels sont les principaux enjeux de la réforme de 2023 ?

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La réforme des retraites entérinant le passage de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans a été promulguée le 14 avril 2023. Si quelques décrets sont encore attendus, devant permettre l’application de certaines mesures, les principes clés sont connus.


En résumé :

  • La réforme de 2023 s’inscrit dans la continuité des précédentes, visant à reculer l’âge de départ effectif en retraite des français.
  • Si la réforme affecte diversement les français en fonction de leur âge de naissance et de leur comportement au départ, elle devrait permettre d’accélérer le rapprochement de l’âge de départ à la retraite en France avec celui observé en moyenne en Europe.
  • En repoussant l’âge de sortie du marché du travail, la réforme renforce la nécessité d’une politique d’accompagnement de l’emploi des séniors.

La 5ème réforme en 50 ans

Depuis 1971 et la réforme Boulin, c’est la cinquième réforme du système de retraite en France. Chacune de ces réformes a notamment actionné l’un ou l’autre des deux principaux leviers du système :

  • l’âge dit légal, c’est-à-dire l’âge minimum d’ouverture des droits à retraite (hors situation particulière de handicap ou de carrière longue), et
  • la durée d’assurance requise pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
  • On rappelle dans le graphique ci-dessous les paramètres retenus pour chaque réforme, en précisant les principales mesures adoptées.

On observe que :

  • la durée d’assurance requise pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein a continûment augmenté pour passer de 37,5 ans à 43 ans, soit une augmentation de 5,5 ans sur la période, quand, sur la même période, l’espérance de vie à 60 ans augmentait en moyenne de près de 7 ans (autrement dit, les trois quarts des gains d’espérance de vie ont été imputés sur la période de vie active) ;
  • l’âge minimum d’ouverture des droits a progressivement augmenté après la réforme Mitterrand de 60 à 64 ans ;
  • l’âge effectif de départ, c’est-à-dire l’âge moyen des liquidations constatées chaque année, a quant à lui peu évolué, entre 61 et 63 ans depuis 1982, à la baisse puis à la hausse depuis 2010.

Un âge effectif de départ de 62,3 en France contre 63,8 en moyenne en Europe

La comparaison, de règles à règles, entre pays européens est difficile tant elles sont complexes, et en pratique non directement comparables. Par exemple, si l’âge légal de départ correspond en France strictement à l’âge minimum de départ en retraite, dans d’autres pays, comme en Espagne ou en Allemagne, l’âge dit légal se rapproche davantage d’un âge pivot, autorisant un départ plus tôt, mais avec des pénalités.

Dans le cadre d’une étude sur la démographie des régimes de retraite des différents États en 2021, la Commission européenne a analysé l’âge dit effectif de départ en retraite, en retenant l’âge de sortie du marché du travail¹.

On observe que :

  • en 2019, l’âge moyen en France est l’un des plus bas observés en Europe, à 62,3 ans contre 63,8 en moyenne dans l’Union européenne ;
  • si l’on tient compte des réformes déjà initiées avant la réforme actuelle, l’âge de départ effectif tel que projeté par la Commission augmente sensiblement, pour atteindre 64,3 ans en 2060, se rapprochant ainsi de la moyenne européenne à cet horizon.
  • La réforme de 2023 devrait permettre d’accélérer ce rapprochement.

Cœur de la réforme : des mesures d’âge qui n’affectent pas toutes les générations de la même manière

Le cœur de la réforme concerne les deux principaux leviers avec, d’une part, le report de l’âge légal de 62 à 64 ans à horizon 2030, et d’autre part l’accélération de la réforme Touraine, avec une durée de cotisation requise pour obtenir le taux plein portée à 43 ans dès la génération 1965 (au lieu de la génération 1973).

Compte tenu de la progressivité de la mise en œuvre de chaque mesure, toutes les générations ne sont pas affectées de la même manière par la réforme. Nous présentons dans le graphique ci-dessous les effets par génération, pour l’âge légal (axe de gauche) et pour la durée d’assurance (axe de droite).

On rappelle que, hors dispositifs pour carrière longue ou inaptitude/invalidité, la plupart des Français partent en retraite quand ils ont atteint le taux plein, ou après. Seule une minorité d’entre eux partent avec décote².

Dans la perspective d’un départ à taux plein, la réforme affecte peu les générations les plus jeunes : pour ceux nés après 1973 et qui ne sont pas entrés tôt sur le marché du travail, les mesures de la réforme Touraine impliquaient déjà un départ en retraite à taux plein bien après 62 ans. Par exemple, un homme né en 1974 et entré sur le marché de travail à 21 ans devait déjà attendre 64 ans pour avoir le taux plein (avec 43 années de cotisation, en supposant une carrière ininterrompue).

Nous présentons dans le tableau ci-dessous un résumé des principaux impacts par génération (lequel ne tient pas compte par construction de l’ensemble des cas particuliers possibles, et se place dans l’optique d’un départ au taux plein).

S’agissant des femmes avec enfants, la réforme institue cependant une surcote allant jusqu’à 5% pour les mères qui ont une carrière complète dès 63 ans et au moins un trimestre de majoration d’assurance pour enfant.

Les leviers des cotisations et des prestations peu ou pas utilisés pour la réforme

On rappelle que les régimes obligatoires français représentent l’essentiel des retraites servies (98% des rentes), dans un système où les retraites supplémentaires privées sont nettement moins développées que dans certains pays.

La baisse du niveau des pensions, qui aurait pu constituer un levier rapide pour réduire le niveau des dépenses, a été écartée par le gouvernement. On peut observer que, compte tenu des réformes déjà engagées, le ratio de replacement des retraites, c’est-à dire le rapport entre la première pension et le dernier salaire, est déjà relativement bas en France. La dernière étude de la Commission européenne anticipe en effet une dégradation de ce ratio de 54,4% en 2019 à 34,7% en 2070.

Le gouvernement a en revanche décidé une augmentation du minimum contributif (MiCo). Le MiCo permet aux retraités du régime général qui ont cotisé sur de faibles salaires de percevoir un montant minimum de retraite de base : si la retraite de base est inférieure, elle est augmentée jusqu'au niveau de ce minimum. Actuellement, environ un retraité sur trois bénéficie de ce dispositif. Le MiCo va augmenter d’un montant pouvant aller jusqu’à 100€, pour le MiCo dit majoré qui passe de 748€ à 848€ mensuel. Pour les retraités actuels, le gain moyen serait de l’ordre de 60€ brut par mois. Pour une minorité des bénéficiaires du dispositif (retraite à taux plein avec plus 120 trimestres effectivement cotisés), l’augmentation maximum de 100€ devrait permettre, en tenant compte du montant de leur retraite complémentaire Agirc-Arrco, d’atteindre une retraite brute de 1200€.

S’agissant du levier des cotisations, pour le secteur public, il se traduit par l’augmentation d’un point du taux de cotisation. Pour le secteur privé, l’augmentation de certaines cotisations retraite est compensée par une baisse équivalente de la cotisation ATMP (Accident du Travail et Maladie Professionnelle), dont le régime est excédentaire ces dernières années.

L’emploi des seniors en question

Le taux d’emploi des seniors en France est l’un des plus faible d’Europe
des 55-64 ans sont en emploi en France en 2020, contre 60% en Europe

Si la minorité des Français qui choisit de partir en retraite dès que possible, à l’âge légal, va être significativement affectée par le décalage d’âge, pour ceux qui partent à taux plein, ou au-delà, la réforme va les amener à repousser leur départ de quelques trimestres, entre un et quatre pour la plupart des générations les plus concernées par la réforme.

Or, au moment de liquider ses droits à la retraite, près d'un français sur deux n'est déjà plus en emploi. Le taux d’emploi des seniors en France est l’un des plus faible d’Europe : en 2020, le taux d’emploi des 55-64 ans était de 54% en France contre 60% en Europe ; pour les 60-64 ans, ce taux était de seulement 33% en France contre 45% en Europe (DARES, Activité des seniors et politiques d’emploi, Avril 2022).

Il est donc nécessaire que la prolongation des carrières individuelles soit accompagnée d’une politique de l’emploi des seniors correspondante, et ce au niveau de chaque entreprise. Nous vous invitons à lire l’article de Marie-Pascale Piot (EY Société d’Avocats), qui analyse les impacts de la réforme sur la gestion de l’emploi des seniors en entreprise.


Ce qu'il faut retenir

  • La réforme affecte diversement les français en fonction de leur âge de naissance et de leur comportement au départ.
  • La réforme devrait permettre d’accélérer le rapprochement de l’âge de départ à la retraite en France avec celui observé en moyenne en Europe.
  • En repoussant l’âge de sortie du marché du travail, la réforme renforce la nécessité d’une politique d’accompagnement de l’emploi des séniors.

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