En résumé :
- Conditions macroéconomiques : L’inflation est à son plus haut niveau depuis plusieurs décennies et s’est révélée plus persistante que prévue.
- Risques climatiques : A cet environnement macro-économique complexe s’ajoute une forte pression sur les enjeux de développement durable de la part de l’ensemble des parties prenantes.
- Traduction de ces incertitudes dans les estimations comptables clés : l’entreprise et ses auditeurs doivent plus que jamais se concentrer sur la qualité de la préparation des estimations comptables clés et la transparence des informations fournies à leur sujet.
- Ukraine/Russie : Les enjeux comptables liés à la l’invasion de l’Ukraine par la Russie constituent le 3ème thème des recommandations de fin d’année des régulateurs comptables européen et AMF.
La clôture annuelle 2022 intervient dans un contexte profondément marqué par
- d’une part, des conditions macro-économiques dégradées, qui résultent à la fois de la guerre en Ukraine et de ses répercussions ainsi que l’évolution des grands marchés que sont la Chine et les Etats-Unis et,
- d’autre part, les enjeux liés au changement climatique et à l’adaptation à ce dernier.
Ce contexte suscite plus que jamais des attentes fortes et une pression croissante de la part des utilisateurs des états financiers et des régulateurs en matière de transparence et d’information en annexe aux états financiers. S’agissant par exemple des tests de dépréciation, le contexte impose de vérifier l’identification des hypothèses clés (éventuellement nouvelles) au regard des conditions macro-économiques et des risques climatiques, la base de leur détermination et d’en donner une description précise et cohérente avec les informations données par ailleurs hors des comptes. D’une manière générale, l’amplitude des variations raisonnablement possibles des hypothèses clés, notamment opérationnelles, devrait aussi augmenter cette année au regard des amplitudes mesurées par le passé au vu de l’ampleur des variations macro-économiques constatées dans l’année et de risques climatiques.
L’impact des risques climatiques, de la dégradation des conditions économiques et de l’invasion russe en Ukraine sont les trois thèmes des recommandations de fin d’année 2022 des régulateurs (AMF lien : ARRÊTÉ DES COMPTES 2022 ET TRAVAUX DE REVUE DES ÉTATS FINANCIERS (amf-france.org) et ESMA lien : ESMA32-63-1320 Public Statement on the European Common Enforcement Priorities 2022 (europa.eu))
Conditions macroéconomiques
L’inflation est à son plus haut niveau depuis plusieurs décennies et s’est révélée plus persistante que prévue. Elle a progressé partout de façon très significative pour atteindre par exemple 9,2% sur les 12 derniers mois en zone euro en décembre 2022 après avoir apparemment atteint son apogée en octobre à 10,6% .
La composition de l’inflation diffère cependant selon les régions. En zone euro, c’est le coût de l’énergie qui a une contribution prépondérante alors qu’au Royaume Uni et aux Etats Unis, par exemple, les sources sont plus variées et donc peut-être plus structurelles.
Plus généralement, les perspectives en termes de croissance économique sont durablement incertaines et de surcroît significativement différentes selon les secteurs et les zones géographiques (voire parfois même au sein des zones géographiques comme la zone euro).
Ces conditions macro-économiques sont susceptibles d’avoir de nombreux impacts parmi lesquels :
- les tests de dépréciation des actifs non-financiers et des actifs comptabilisés au titre des contrats clients
- la recouvrabilité des impôts différés actifs ;
- La rentabilité des contrats, tant en cours d’exécution qu’en carnet, appréciée conformément à l’amendement de la norme IAS 37 entré en vigueur cette année et qui impose d’inclure dans l’évaluation des contrats déficitaires tous les coûts directs d’exécution des contrats en incluant à la fois les coûts incrémentaux (matières et main d’œuvre par exemple) mais aussi une allocation des autres coûts d’exécution (par exemple une allocation de la dotation aux amortissements des actifs utilisés pour le contrat même s’ils sont aussi utilisés pour d’autres contrats)
- Les évaluations IAS 19 qui peuvent être impactées de multiples façons :
- L’évaluation des engagements vis-à-vis du personnel à travers la revue des taux d’actualisation mais aussi des taux d’augmentation des salaires, le coût des frais médicaux ou du choix des options de sortie quand le salarié a le choix entre le paiement d’un capital ou d’une rente faisant l’objet d’une indexation fixe
- L’évaluation des actifs de régime, particulièrement les actions et les obligations à taux fixe
- Le ré-examen des éventuels regroupements de secteurs opérationnels pour la présentation en annexe de l’information sectorielle dans l’hypothèse où la performance à long terme attendue pourrait désormais diverger entre des secteurs précédemment regroupés ;
- La revue des instruments financiers, s’agissant tant de la justification du classement « own use » des contrats d’achat ou de la poursuite de relations de couverture de transactions futures dans le contexte de perspectives opérationnelles dégradées que de détermination des justes valeurs ou des pertes de crédit attendues ;
- Et bien sûr la revue des perspectives de continuité d’exploitation, notamment au regard des besoins de liquidité et des éventuelles difficultés à satisfaire les covenants liés aux dettes contractées.
Risques climatiques
A cet environnement macro-économique complexe s’ajoute une forte pression sur les enjeux de développement durable de la part de l’ensemble des parties prenantes – que ce soit
- les investisseurs
- les salariés, les consommateurs et, plus largement, la société civile et
- les normalisateurs, gouvernements et régulateurs avec beaucoup d’initiatives
- notamment en Europe concernant les normes européennes de reporting de durabilité, les fameuses « ESRS » dans le cadre de la CSRD à venir à compter de l’exercice 2024, dont les 12 premières ont été approuvées par l’EFRAG le 15 novembre dernier et transmises à la Commission européenne depuis,
- et, au niveau international, l’utilisation accrue du référentiel de la Task force on Climate-related Financial Disclosures (« TCFD ») dans certaines juridictions et la création de l’ISSB il y a un an, petit frère de l’IASB sous l’égide de la Fondation IFRS, en charge de l’élaboration des normes internationales de reporting de durabilité.
Il est également intéressant de noter que l’ESMA a inscrit les enjeux climatiques comme priorité n°1 dans ses « Enforcement priorities » pour 2022.
S’agissant des risques climatiques, on distingue communément les risques dits de transition, et les risques physiques.
Les premiers incluent notamment :
- les risques associés à l’évolution des réglementations telles que la mise en œuvre de dispositifs carbone, l’interdiction de la construction de véhicules thermiques…
- l’évolution des technologies,
- les évolutions de marché et notamment en lien avec les attentes des consommateurs
- et le risque de réputation
Les risques physiques correspondent quant à eux aux risques qui touchent les installations, et qui sont liés
- au besoin d’adaptation des activités au changement climatique, ou
- à des phénomènes extrêmes ponctuels, tels que des cyclones, des inondations ou au contraire des épisodes de sécheresse.
Les conséquences financières de ces risques peuvent tout aussi bien être une diminution du chiffre d’affaires, soit du fait d’une réduction de la demande client dans un monde plus sobre, d’une baisse des capacités de production s’il faut considérer une indisponibilité récurrente de certaines installations ou tout simplement d’un changement du mix produits, tout autant qu’une augmentation des coûts notamment si l’on projette un coût élevé du carbone dans l’ensemble des géographies du monde d’ici 2050.
L’atteinte des objectifs climat que se fixe l’entreprise peut aussi conduire à mettre fin à certaines activités avec les conséquences associées aux actifs correspondants et à des dépenses d’investissement additionnelles.
Enfin, ces considérations peuvent conduire à la révision des durées de vie résiduelle de certains actifs, du montant des dépenses de mise en conformité ou de recherche et développement ou du montant et/ou de l’horizon des passifs de démantèlement et autres passifs environnementaux.