- Alors qu’en 2023, presque toutes les banques (87 %) indiquaient des prévisions de bénéfices en hausse, 40 % s’attendent actuellement à une baisse des bénéfices à moyen terme. À long terme, la plupart des banques (85 %) prévoient à nouveau une hausse de leurs revenus.
- 74 % tablent sur des marges d’intérêt plus faibles au cours des deux prochaines années du fait de l’augmentation des coûts de refinancement. Cependant, seule une banque sur dix (10 %) s’attend à ce que la marge d’intérêt baisse à nouveau au niveau d’avant le tournant des taux.
- Forte confiance dans le marché immobilier : seules 7 % des banques prévoient une augmentation des correctifs de valeur sur les hypothèques.
- Une banque sur trois (33 %) seulement s’attend à court terme à un besoin accru de provisions pour risque de crédit pour les financements des PME.
- Nouveaux instruments de surveillance pour la FINMA : plus d’une banque sur quatre (28 %) estime que les instruments de surveillance les plus efficaces sont une plus grande transparence et, en cas de comportement fautif, la mention des personnes concernées au sens du « Name and shame » ainsi qu’une obligation de rendre compte renforcée pour les membres de la direction.
Zurich, le 9 janvier 2025 – Les banques suisses ont réalisé une fois encore un excellent exercice, mais se montrent moins optimistes pour l’avenir proche qu’il y a un an. De nouveaux équilibres se forment sur la place financière suisse, et pas seulement à la suite de la reprise du Credit Suisse.
Les résultats de l’enquête du Baromètre des banques EY 2025 le montrent : pour la centaine d’établissements financiers interrogés, les thèmes centraux des années à venir seront l’optimisation de leurs résultats dans le contexte de baisse des taux d’intérêt, le durcissement continu des réglementations et la bonne gestion de l’intelligence artificielle et des questions de durabilité. Le cabinet d’audit et de conseil EY Suisse présente cette année l’étude pour la 15e fois.
Exercice d’équilibriste entre croissance et coûts
En 2023, les banques suisses ont profité d’un boom des intérêts, favorisé par des taux plus élevés et le peu de mouvements de fonds des clients pour quitter les comptes à faible rémunération. Ce boom s’est toutefois terminé brutalement en 2024 par les baisses des taux directeurs de la BNS. En conséquence, selon l’enquête, 39 % des banques prévoient une baisse de leurs bénéfices en 2024, et 40 % s’attendent également à un recul à moyen terme. L’année dernière, presque toutes les banques (87 %) indiquaient encore des prévisions de bénéfices en hausse. Les perspectives à long terme restent toutefois optimistes : 85% des banques misent sur une progression de leurs revenus.
L’évolution de l’activité opérationnelle actuelle varie fortement entre les groupes bancaires. Les banques régionales et cantonales, qui ont souvent réalisé des chiffres records l’année dernière grâce à l’environnement des taux d’intérêt, sont davantage affectées par les baisses des taux directeurs et les changements de comportement de la clientèle. Par conséquent, la part des banques de détail ayant une perception négative est nettement plus élevée chez les banques régionales (57 %) et chez les banques cantonales (47 %) que chez les banques privées (27 %) ou les banques étrangères (26 %). Parallèlement, la pression pour réduire les coûts reste forte : 39 % des banques prévoient des gains d’efficacité.
Pendant la phase de taux d’intérêt négatifs (2014–2021), la nette croissance des crédits a fait fortement s’étoffer les bilans des banques, ce qui est désormais un facteur limitant. La croissance du volume des crédits ces dernières années a généré, surtout pour les banques axées sur le marché suisse, un besoin accru de refinancement stable sous forme de fonds de la clientèle avec un horizon temporel long. Ceci entraîne toutefois des coûts plus élevés qui obligent les banques à trouver un équilibre entre croissance et discipline en matière de coûts.
Les banques profitent de moins en moins des marges d’intérêt
Après deux ans de hausse des taux d’intérêt, la tendance à la baisse des marges d’intérêt fait son retour. 74 % des banques tablent sur des marges d’intérêt plus faibles au cours des deux prochaines années. Cependant, seul un établissement financier sur dix (10 %) s’attend à ce que la baisse atteigne le niveau de la période des intérêts négatifs. Selon 42 % des entreprises interrogées, le recul des marges est dû en premier lieu à l’augmentation des coûts de refinancement.
Le rachat du Credit Suisse laisse des traces. Dans le segment de la clientèle entreprises, deux tiers des banques constatent une progression de la demande de financement suite à la disparition de cette grande banque. Néanmoins, seules 49 % des banques parviennent à traduire cette demande en marges plus élevées. Lutter contre l’érosion des marges en améliorant l’expérience client et en personnalisant le conseil reste le défi à long terme. Patrick Schwaller, responsable Assurance, Financial Services EY Suisse, commente la situation : « La forte croissance des bilans ces dernières années devient de plus en plus un facteur limitant. Les banques seront encore plus sélectives dans leurs activités de financement et devront immobiliser les fonds de dépôt à plus long terme. »
Une confiance toujours aussi forte dans le marché immobilier
La baisse des taux d’intérêt stabilise le marché immobilier et les prix continuent de grimper. Les garanties hypothécaires, qui représentent environ trois quarts (77 %) des engagements de crédit des banques, continuent donc à prendre de la valeur. De plus, une charge d’intérêts plus faible est généralement synonyme de taux de défaillance plus bas pour les crédits. Seules 7 % des banques prévoient une augmentation des correctifs de valeur sur les hypothèques. Il s’agit de la valeur la plus basse depuis l’existence du Baromètre des banques (2010).
Le besoin de provisions pour risque de crédit reste également faible pour les crédits aux PME. Malgré quelques fluctuations négatives dues aux augmentations fulgurantes des taux d’intérêt ces dernières années et à la période d’incertitude économique actuelle (notamment la menace de droits de douane sur les importations américaines, les coûts énergétiques et les crises géopolitiques), la confiance des banques culmine à un niveau record : seules 33 % des banques suisses s’attendent à court terme à un besoin accru de provisions pour risque de crédit pour leurs financements de PME. Des différences significatives existent toutefois. Les banques cantonales sont de loin les plus pessimistes : 65 % des établissements interrogés dans ce groupe s’attendent à une augmentation des correctifs de valeur pour les crédits aux PME, aussi bien à court qu’à long terme. Une potentielle raison à cela est que ce segment bancaire reconnaît la problématique plus tôt que les autres établissements en raison de sa proximité avec les PME suisses opérant à l’international.
Plus de pouvoir attendu pour la FINMA
Malgré les questions en suspens concernant les conséquences de la chute du CS, il existe un consensus dans le secteur financier sur le fait que cette affaire marque un tournant en matière de surveillance. Il y aura davantage de réglementations sur les marchés financiers et la FINMA sera dotée de plus d’instruments de surveillance. On ne sait pas encore quels seront ces instruments ni les mesures utilisées.
Pour plus d’une banque sur quatre (28 %), la transparence dans les procédures d’enforcement aurait le plus d’impact pour garantir une surveillance efficace. Cela comprendrait également la mention explicite des personnes concernées au sens du « Name and Shame » ainsi qu’une obligation de rendre compte renforcée pour les membres de la direction (« Senior Manager Regime »). La mesure la moins efficace selon les banques serait l’extension de l’activité de révision prudentielle par la FINMA. Seules 13 % d’entre elles estiment que cela serait utile. Les banques souhaitent continuer à désigner elles-mêmes leurs sociétés d’audit et sont en grande majorité opposées à un mandat direct imposé par les autorités de surveillance. Outre l’atteinte à la liberté économique des banques qui pose problème, des considérations d’efficacité sont sans doute ici au premier plan.
Une banque sur cinq en est à ses débuts en matière de réglementation de l’IA
L’intelligence artificielle (IA) et la GenAi gagnent de plus en plus en importance. Sur la liste des priorités des banques, composée de 30 thèmes, l’IA s’est hissée de la 19e à la 6e place. La part des banques qui utilisent déjà l’IA a plus que doublé par rapport à l’année précédente, passant de 6 % à 15 %. Les domaines d’application les plus souvent cités sont l’automatisation des processus (55 %) et la compliance (54 %).
Malgré l’importance croissante de l’IA, les banques ne sont pas encore entièrement préparées aux exigences réglementaires, notamment en matière de protection des données. Une banque sur cinq (19 %) s’estime « pas du tout » préparée à remplir les conditions réglementaires nécessaires à l’utilisation de l’IA.
Marcel Zünd, responsable Business Consulting, Financial Services EY Suisse, déclare à ce sujet : « Une stratégie et une gouvernance de l’IA bien pensées sont décisives pour réduire au maximum les risques liés à l’IA et saisir les opportunités qui se présentent. »
Durabilité : trouver l’équilibre entre la réglementation et l’utilité client
La durabilité reste un thème important, mais n’est plus prioritaire par rapport aux questions informatiques tels que l’IA et le big data. Pour la première fois, la part des banques qui appliquent des critères de durabilité lors de l’octroi de crédits a légèrement baissé, passant de 72 % à 67 %. Au niveau de la clientèle, un écart existe entre la demande déclarée et le comportement réel d’investissement dans les produits durables (« Attitude-Behavior-Gap »). Presque aucune banque (1 %) ne considère les offres durables comme un critère de différenciation. Pour les banques, le plus grand défi en matière de durabilité réside dans le respect des obligations de reporting (33 %) et nettement moins dans le fait de satisfaire les souhaits des clients, qui n’est mentionné que par 10 % des établissements financiers interrogés.
L’importance de la durabilité reste toutefois élevée. Les prescriptions réglementaires contribuent à cette évolution, que ce soit par le biais d’obligations de reporting ou de directives relatives à la collecte de préférences ESG dans les opérations de placement. Les banques doivent en plus faire face au danger des accusations potentielles d’écoblanchiment, qui représente un risque toujours plus grand pour leur réputation.
Conclusion
Fredrik Berglund, Senior Manager Audit, Financial Services EY Suisse, résume les conclusions du Baromètre des banques : « Les banques suisses seront confrontées à une année 2025 exigeante, marquée par la baisse des taux d’intérêt, l’érosion des marges et le durcissement des exigences réglementaires. Parallèlement, les possibilités d’application de l’IA offrent d’énormes opportunités. L’équilibre entre l’efficacité, l’orientation client et la maîtrise des coûts est décisif pour le succès à long terme. »
Pour toute question, veuillez contacter : daniele.mueller@ch.ey.com.