Spécificités des régimes de sanctions
Des changements dans la nature même des régimes de sanctions sont apparus ces dernières années. Les sanctions générales sont désormais complétées par des sanctions sectorielles (i.e. ciblant des secteurs de luxe, transport, énergie, aviation et espace, défense, santé etc.), mettant ainsi en évidence l’importance d’une vigilance accrue, pour les entreprises concernées souhaitant continuer leurs activités dans des pays sous sanctions.
Ainsi, la mise en œuvre d'un dispositif efficace de conformité aux sanctions devient donc un impératif, l’erreur n’étant pas acceptable dans ce contexte bien particulier. La plupart des programmes de sanctions reposent sur la notion de « responsabilité stricte », ce qui signifie que les entreprises et les particuliers peuvent être tenus responsables des violations des sanctions même s'ils n'avaient pas l'intention de fournir des ressources aux entités sanctionnées.
Le déploiement d’un dispositif efficace est délicat dans un contexte de multiplication de programmes de sanctions provenant de pays tels que les États -Unis, l’Australie, le Canada etc., de l'UE et des états membres séparément, d’autant que les programmes nationaux ou non sont composés de multiples couches de sanctions successives (régimes de l’OFAC, BIS, DOS, etc.). Cette situation est par ailleurs changeante, les listes de sanctions étant mises à jour quotidiennement.
Mettre en place un dispositif de conformité efficace
L'évaluation des risques est un élément central des programmes de conformité. Bien qu'elle ait des traits communs avec les vérifications habituelles KYC (Know Your Customer), l'évaluation des risques de sanctions est une notion plus holistique. Outre le fait de connaître son client et de s’assurer qu'il ne fait pas l'objet de sanctions, il est essentiel de suffisamment contrôler des aspects tels que :
A. Les produits et services fournis
Les sanctions sectorielles interdisent en effet la fourniture de certains services ou produits aux personnes sanctionnées. Par exemple, les biens luxueux, comme les yachts, sont aujourd’hui ciblés par les sanctions européennes touchant la Russie.
B. Les moyens de distribution
À ce titre, le recours à des distributeurs doit être étroitement contrôlé car, dans le cadre de certains programmes de sanctions, même la fourniture indirecte de produits à des personnes sanctionnées constitue une violation de celles-ci. Les itinéraires logistiques, contractuels et financiers nécessiteront également un examen. À titre d’exemple, dans le cadre de certains programmes de sanctions, les produits dont l'itinéraire de livraison traverse le territoire de pays sanctionnés sont considérés comme provenant de ces pays. Par exemple, le transit par la Russie de matériel minier ou pétrolier à destination du Kazakhstan pourrait être considéré comme une violation du régime de sanctions.
C. Les flux financiers et moyens de paiement
Il est en effet essentiel de s’assurer que les paiements ne sont pas traités par les banques sanctionnées, que les (co)garanties ne sont pas délivrées par les institutions sanctionnées, etc. À ce titre, on peut souligner que certaines personnes sous sanctions pourraient chercher à masquer des échanges normalement sanctionnés au travers de partenaires bancaires et de sociétés-écrans installées dans des paradis fiscaux.
Le durcissement des régimes de sanctions lié au contexte actuel de la guerre russo-ukrainienne ne peut être considéré comme un épiphénomène, dans un environnement politique et économique concurrentiel entre les États, où les barrières au commerce risquent de se multiplier durablement. Il est donc essentiel pour les entreprises de se prémunir contre ces risques en les appréhendant au travers de programmes structurés de prévention et de détection, avec un point d’attention particulier sur les géographies à risques et sur les tiers les plus exposés tels que les distributeurs ou les prestataires logistiques.