Affichage environnemental textile

L’Affichage Environnemental textile en France, les défis et opportunités de la mise en conformité

Le secteur textile se trouve à un tournant décisif. Cet article explore les défis et les opportunités auxquels font face les acteurs du secteur pour répondre à ces demandes de plus de transparence et de durabilité.


En résumé :

  • La France introduit une loi sur l'affichage environnemental textile, qui sera volontaire et encadrée, et dont une obligation d'application sera définie dans les prochaines années. Cette législation a pour but de sensibiliser les consommateurs à l'impact écologique des produits en fournissant des informations sur leur coût environnemental.
  • Le calcul du coût environnemental nécessite un accès à des données, les plus précises possibles, pour l’ensemble des produits visés et ce sur l’ensemble de la chaîne de valeur, pour répondre à l’exigence réglementaire et piloter l’empreinte environnementale des produits.
  • Une méthodologie française basée sur une méthode d’analyse de cycle de vie (ACV) « augmentée » qui diffère de la méthode pressentie au niveau Européen et qui permet de valoriser les pratiques vertueuses des marques, questionnant l’harmonisation future de la réglementation européenne avec la loi française. 
  • Un affichage environnemental qui vise à orienter les choix des consommateurs et dont les directions marketing doivent se saisir sous peine de le subir. La communication autour des impacts des produits imposera un travail sur les allégations produit, la valeur client et l’image de marque.
  • Des retombées positives attendues, en matière de relation client et d’éco-conception du portefeuille de produits, qui nécessiteront des investissements substantiels en marketing et data.

Une France pionnière en matière d’affichage environnemental et un cadre européen qui se précise

L’attente des consommateurs en matière de transparence sur les origines et les impacts des produits qu’ils achètent n’a cessé d’augmenter depuis 20 ans, avec une première tentative d’encadrement en 2009 (loi dite « Grenelle I ») puis 2010 (loi « Grenelle II). La France a décidé d’accélérer le déploiement de l’affichage environnemental sur le textile de manière volontaire et encadrée dans un premier temps, avec pour ambition de le rendre obligatoire à terme. 

 

Désormais, des PME aux multinationales, les entreprises qui mettent en marché des biens et services dans le secteur textile devront se conformer aux attendus de l’affichage environnemental s’ils souhaitent développer le dispositif. Des vérifications sont prévues ainsi que des sanctions en cas de manquement allant de 5 000 à 15 000 euros d’amende, stipulées dans l’article 2, Art. L. 541-9-14 de la loi Climat et résilience bien que les modalités de vérification et niveaux d’assurance ne soient, à date, pas définies.

 

A l’échelle française, ce dispositif prend la forme d’un « coût environnemental », qui est une combinaison d’indicateurs intrinsèques (durabilité physique) et extrinsèques (durabilité émotionnelle) calculés sur l’ensemble du cycle de vie d’un produit. A l’instar des coûts économiques, plus un coût environnemental est élevé, plus l’impact est négatif. Des critères extrinsèques peuvent, par exemple, impacter le coût d’un jean : un jean d’une marque ne proposant pas de services de réparation ou de garantie a un coût environnemental de 4550 points contre 4150 points pour un jean d’une entreprise qui dispose de ces mêmes services.

Premier test de score

Premier test de score d’impact tiré du site ecobalyse.beta.gouv.fr

La méthodologie française de calcul du coût environnemental s’appuie en partie sur la méthode européenne Product Environmental Footprint (PEF) et sur les Category Rules, spécifiques à une catégorie de produits, ici « Product Environnemental Footprint Category Rules Apparel & Footwear » (PEFCR). Le calcul est réalisé via l’analyse de cycle de vie, méthode de référence normalisée pour évaluer l’impact environnemental d’un produit.  À date, la méthodologie française justifie une approche distincte du PEF par une volonté de combler des limites de cohérence identifiées lors de tests menés en 2022-2023 et de permettre les comparaisons entre segments.  Cette adaptation s’illustre par l'intégration de critères intrinsèques supplémentaires liés à l'usage de produits chimiques, à l'émission de microfibres et aux volumes de vêtements usagés exportés vers l'étranger. Les résultats de l’ACV sont également pondérés avec des critères de durabilité extrinsèques prenant en compte les pratiques des marques : la largeur de gamme, l’affichage de la traçabilité des étapes de fabrication, la durée de commercialisation moyenne des vêtements, l’incitation à la réparation et les types de matières : artificielles, synthétiques versus naturelles. L’objectif est d’assurer une comparaison des produits de différents segments du marché (d’Ultra fast fashion à Haute couture) et une valorisation de certaines pratiques vertueuses des marques, qui ne l’étaient pas suffisamment avec le PEF. A noter que la méthodologie française fait l’objet de discussions et pourrait évoluer afin d’assurer un alignement avec le PEFCR Apparel & Footwear, lui-même en cours de révision. 

À l'échelle européenne, le choix de la méthode de calcul du coût environnemental n’est pas encore arrêté. Pour un acteur vendant en France et en Europe, le déploiement de l’affichage se ferait donc « à deux vitesses ». Il est à noter que la méthode française actuelle n'est, à date, pas alignée avec le PEFCR Apparel & Footwear, méthode recommandée par l'Union européenne. Si le PEF devenait la méthode de référence pour l’évaluation des impacts environnementaux dans le cadre du règlement européen ESPR (Ecodesign for Sustainable Products Regulation), lors de la parution des actes délégués textile alors cette méthode prévaudra sur toute version nationale, française y compris. 

Deux enjeux majeurs pour les entreprises : l’accès à la donnée et l’industrialisation du calcul du coût environnemental

L’accès à la donnée est l'élément clé pour qu'une entreprise puisse mettre en œuvre l'affichage environnemental de manière fiable et efficace.

Pour réaliser les calculs de coût environnemental, la méthodologie française prend en compte la diversité des données disponibles au sein des entreprises, offrant ainsi trois niveaux de calculs distincts. Le premier niveau requiert des données de base comme le poids, la composition, les procédés et les pays d'origine. Pour ce premier niveau, le gouvernement a mis à disposition un calculateur, Ecobalyse, qui utilise la base de données d'impact EcoInvent et des facteurs d’émission par défaut majorants. Il est conçu pour être utilisé aussi bien par les équipes des PME que par celles des multinationales. Une option avancée a récemment été mise à disposition sur l’outil pour permettre la personnalisation. Pour se positionner aux niveaux 2 et 3 les entreprises devront utiliser des jeux de données spécifiques et granulaires qui auront été soumis à un contrôle de la donnée précis sur l’ensemble de leur chaine de valeur. Selon la donnée collectée, l’entreprise pourrait donc sélectionner trois niveaux de calcul. Le niveau 1 est actuellement la priorité des politiques publiques et le niveau 2 est en cours de développement, il reste sur base volontaire encadrée et nécessiterait à terme un accès payant à Ecobalyse.

Pour chaque entreprise, le point de départ du déploiement de l'affichage environnemental est donc un diagnostic approfondi des données disponibles, afin de structurer efficacement leur collecte. Ce diagnostic constitue le fondement conditionnel à l'élaboration d'une politique d’affichage et de réduction du coût affiché, laquelle sera guidée par la stratégie marketing de l'entreprise et ses objectifs en matière de RSE.

Quelles sont les étapes à franchir pour le déploiement opérationnel de cette mise en conformité ?  

  • Maitriser la donnée d’activité (exemple : poids, composition, procédés, etc.) et d’impact (exemple : consommation d’eau, empreinte carbone, etc.).
  • Structurer la collecte et la consolidation des données (processus, outils) et définir les rôles et responsabilités associés.
  • Former les équipes impliquées dans la collecte, la vérification et la gestion de la donnée.
  • Industrialiser les calculs de coûts environnementaux (Ecobalyse s’accompagne d’une API, interface logicielle qui permet de connecter l’outil du gouvernement aux systèmes de l’entreprise pour passer d’un calcul manuel à industriel).
  • Définir la stratégie multi-canal d’affichage environnemental (par exemple : produit, fiche produit, e-commerce, rayon) et le développement d’un récit et argumentaire sur les impacts environnementaux.

L’affichage environnemental, nouvelle dimension de la compétitivité des produits

Une fois que les entreprises et les marques disposeront des premiers résultats sur le coût environnemental de leurs produits, elles voudront naturellement chercher à se comparer et à s’améliorer. Pour y parvenir, il y a deux voies : mettre en place une stratégie d'éco-conception pour améliorer la performance des produits traditionnels et repenser son portefeuille d’offres en développant des produits radicalement plus performants.

Dans les deux cas, outre une animation de projet impliquant de nombreuses fonctions, l'accès à des données précises et un pilotage fin de celles-ci sont nécessaires. Les bénéfices associés permettront de définir ou faire évoluer son positionnement sur un marché compétitif.

Pour les marques déjà engagées et ayant largement intégré les principes de l’éco-conception dans leurs modèles d’affaire, l’affichage environnemental est un excellent moyen de valoriser leurs engagements auprès de leurs clients et de gagner des parts de marché.

Pour toutes les autres, l’affichage environnemental devrait agir comme un catalyseur sur le développement des stratégies d’éco-conception, le renforcement de la traçabilité sur l’ensemble de la chaîne de valeur et le passage à l’échelle de nouveaux modèles d’affaires toujours plus circulaires. 

Le coût environnemental va devenir une donnée additionnelle parmi les critères de choix des consommateurs, exigeant des marques qu’elles repensent leur stratégie de marketing durable. En effet, le format pressenti à date est inédit, un score brut « en points d’impact » qui se distingue des pratiques actuelles de marché utilisant un format prescriptif basé sur des systèmes de notation ou de jauge. Cet affichage en absolu de l’impact d’un produit ne permet pas immédiatement de répondre à la question « qu’est-ce qu’un produit performant dans sa catégorie ? », contrairement à un score de A à E par exemple. D’où la nécessité pour les marques d’adapter leur communication sur les produits pour guider l’acte d’achat, et plus largement de travailler sur de nouveaux récits de consommation qui visent à renforcer leur image et pérenniser la confiance des clients.

L’arrivée de l'affichage environnemental, pose un double enjeu pour les entreprises : intégrer avec rigueur et transparence ce nouveau système de notation dans les pratiques, tout en travaillant à la diminution du coût environnemental affiché pour en faire un levier de différenciation.

Cela passe par une transformation en profondeur de la manière de concevoir ses produits, de son marketing, voire de son modèle d’affaire. Transformation qui ne pourra s’opérer sans des investissements humains, technologiques et financiers.

EY apporte à ses clients, depuis les premières expérimentations sur l’affichage en 2011, un accompagnement spécialisé en éco-conception et en affichage environnemental, pour faire de l’affichage une démarche vertueuse de différenciation client, de performance des produits et de résilience d’entreprise.

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Ce qu'il faut retenir

L’affichage environnemental textile est un dispositif réglementaire d’information des consommateurs volontaire et encadré qui vise une transformation des pratiques du secteur autant que des actes d'achat, en mettant face à face le prix du produit et ses impacts. Il devrait valoriser les marques qui ont investi sur la mesure, la traçabilité, l’éco-conception et la circularité.

C'est une opportunité de différenciation avec des répercussions attendues sur l'image de marque, la fidélisation et la performance des produits, à condition de consentir des investissements : les défis à relever sont à la fois liés à la maîtrise des données (collecte, fiabilisation, consolidation), à la formation des équipes pour l'exploiter et l'intégrer dans les process et outils, tout autant que dans les stratégies de marque.

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