Les portefeuilles CRE sont-ils plutôt gérés et pilotés par une équipe de facility management interne ou externe?
AW: La tendance actuelle dépend plus du type de bien que de la branche. Dans le secteur des services de R&D et des installations de production, on recourt souvent à une combinaison de spécialistes internes et externes. Cela peut prendre la forme d’une série de contrats individuels, d’un regroupement de contrats ou d’un modèle IFM complet. Pour résumer, on peut dire que les activités en lien avec la production et la fabrication sont souvent réalisées par des spécialistes internes. L’externalisation des activités GMP suscite généralement des réticences, car elle implique une perte de contrôle sur ces domaines de production. Mais elle reste quand même pratiquée pour certains sites.
Les modèles d’approvisionnement plus complets tels que les contrats IFM et les contrats groupés sont aussi privilégiés parce que ces contrats de facility management incluent une part obligatoire de hard services et qu’ils contribuent à garantir la continuité des activités. À l’inverse, du fait de la plus grande importance qu’ils attachent aux soft services et de leur présence plus réduite ou plus fragmentée, les locataires de petite taille continuent de s’appuyer sur leurs collaborateurs internes ou sur plusieurs contrats d’externalisation de services individuels.
Les locataires utilisent des modèles de services de facility management différents selon les régions et les sites. La tendance générale est à la collaboration et à la coopération avec des fournisseurs de solutions IFM externes. La plupart des hard services et des soft services sont alors fournis par une entreprise pour chaque site ou chaque région, et parfois même dans le monde entier. Dans ce modèle, il y a encore des collaborateurs et des ressources internes. Mais ces experts se concentrent plus sur la gestion des contrats, des vendeurs et des fournisseurs que sur la fourniture des services individuels.
La flexibilité comme condition pour des biens hautement opérationnels. En d’autres termes: les biens des exploitants doivent offrir un potentiel de développement et d’agrandissement afin d’éviter les déménagements coûteux et permettre le développement du site. Ces considérations sont-elles pertinentes pour choisir un site et les entreprises exigent-elles un potentiel d’agrandissement flexible?
AW: La flexibilité est la clé d’un portefeuille immobilier réussi. Les décisions immobilières engagent l’organisation pendant une longue période et impliquent des coûts relativement élevés. Les dispositions contractuelles ne peuvent être modifiées qu’à certaines conditions. La flexibilité est donc indispensable, que ce soit pour s’adapter aux changements externes ou aux nouveaux besoins de l’organisation – comme ce fut le cas pendant la COVID-19 (télétravail) – avec un minimum d’efforts et de coûts.
Idéalement, cela signifie que l’agencement est modulable rapidement dès que les occupants en font la demande.
Pour permettre aux employés de partager leurs postes de travail et de travailler en fonction de l’activité, des locaux plus flexibles et modulables doivent être créés. Et le taux d’occupation de ces bureaux doit pourvoir être mesuré. On observe que le télétravail et le travail sur sites externes font l’objet d’un intérêt croissant dans l’ère post-COVID. Mais ce modèle n’est pas soutenable pour beaucoup d’entreprises.
J’estime qu’un bail de bureaux traditionnel bien négocié et offrant une certaine flexibilité (options de break, possibilité de réduire ou d’augmenter les surfaces pendant la durée du contrat, etc.) suffit pour la plupart des occupants.
La croissance en soi n’est pas synonyme de volatilité, de flexibilité et d’avantage comparatif. Comment ces aspects sont-ils gérés dans un portefeuille immobilier de l’industrie B ou C?
Un portefeuille immobilier nécessite une certaine flexibilité pour être performant, quelle que soit la taille de l’entreprise. Et ce besoin de flexibilité est encore plus grand dans les branches B et C, qui dépendent fortement de facteurs externes. Autrement dit, il y a moins de capital disponible et les flux de revenus générés sont parfois moins élevés.
Une tendance se dessine sur le marché des transactions: les entreprises, surtout celles dans l’industrie pharmaceutique et chimique, veulent puiser dans leur capital investi en immobilisations pour réinvestir dans leur cœur d’activité. Que pensez-vous de cette évolution?
AW: La plupart des entreprises ne détiennent plus beaucoup d’actifs immobiliers. La plupart ont déjà vendu ce qu’elles voulaient vendre. Le concept n’est pas nouveau, surtout quand il s’agit d’immeubles de bureaux. Il n’est pas très courant de détenir des immeubles de bureaux, sauf s’ils se trouvent dans un campus destiné avant tout à la production et aux activités liées.
La plupart des entreprises essaient de rationaliser leur utilisation de l’espace disponible (densité spatiale). Sauf dans les cas où des ventes ou des titrisations font partie de la stratégie commerciale de l’entreprise. Pour le dire autrement, les mètres carrés inoccupés ne génèrent pas de charges d’exploitation et ne nécessitent aucunes dépenses d’investissement. Plus la structure d’une organisation est légère, moins les dépenses d’investissement ont d’influence et plus l’empreinte de CO2 est réduite. Pour aménager leurs locaux plus efficacement, la plupart des organisations utilisent des indicateurs clés de performance pour leurs dépenses d’investissement ("fit-out CapEx KPIs"). Parce que des locaux aisément modulables sont moins coûteux à adapter si les exigences de leurs occupants évoluent.
Toutes les entreprises sont différentes. Certaines sont des organisations internationales, d’autres de petites entreprises locales. Certaines doivent investir beaucoup de capital, et d’autres ont besoin de cash-flows élevés. Y a-t-il des tendances spécifiques pour les entreprises qui font de grosses dépenses d’investissement?
AW: Les entreprises qui investissent du capital massivement sont plus intéressées par le coworking. Autrement dit, elles plébiscitent les bureaux flexibles ne nécessitant pas de dépenses d’investissement. Les coûts d’aménagement ainsi évités sont convertis en loyers. Tous leurs coûts immobiliers sont des charges d’exploitation. Ce choix, qui peut être fait pour des raisons financières ou de flexibilité, n’est généralement pas la norme. Mais je pense que l’efficience est souhaitée en matière d’allocation du capital. Les entreprises se focalisent de plus en plus sur la qualité de leur portefeuille immobilier, surtout post-COVID. Toutefois, dépenser plus de capital ne se traduit pas forcément par une qualité accrue. Les biens immobiliers sont vus avant tout comme des espaces offrant une certaine qualité de vie et non plus comme des facteurs de coûts. Cela signifie que le portefeuille a le potentiel d’accroître la productivité des employés, et qu’il peut permettre de prendre des mesures durables dans l’intérêt général ou d’améliorer la culture de l’entreprise.