luciana vaccaro

Notre job, fondamentalement, c’est de former des jeunes, de faire en sorte qu’ils aient une place dans la société et qu’ils soient heureux.

Luciana Vaccaro

Luciana Vaccaro est originaire de Naples où elle a grandi et étudié la physique. Elle a rejoint la Suisse en 1996 pour effectuer un doctorat en microtechnique à l’EPFL. Après avoir occupé différentes fonctions dans la recherche et la formation au sein des universités de Neuchâtel et de Lausanne puis dirigé le Grant Office de l’EPFL, elle a pris les rênes de la HES-SO en tant que rectrice en 2013. En octobre dernier, Luciana Vaccaro a été élue à la présidence de swissuniversities, l’organisation faîtière des hautes écoles suisses. Elle a pris ses nouvelles fonctions le 1er février.


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    3 Apr 2023

    Luciana Vaccaro nous fait part des changements qu’elle observe depuis la crise du COVID au sein des hautes écoles, de ses expériences et de ses motivations en tant que rectrice de la HES-SO et nouvelle présidente de swissuniversities.
    Comment vous définissez-vous en tant que dirigeante ?

    Je pense être une dirigeante qui écoute beaucoup, et qui décide. Je dis souvent que c’est pour ça que je suis payée. Je ne pense jamais avoir été une dirigeante qui crie ou qui se mette en colère mais j’ai pu faire preuve d’une certaine dureté. L’été dernier, j’ai eu un déclic lorsqu’un monsieur qui m’a cédé sa place dans une file d’attente m’a expliqué qu’être aimable avec les autres lui apportait quelque chose à lui aussi. J’ai alors réalisé le pouvoir de la bienveillance. J’ai compris que je peux être exigeante tout en étant bienveillante et au final, obtenir de meilleurs résultats collectifs. C’est une idée que j’aimerais diffuser dans l’école. On sait qu’un concept sera beaucoup mieux assimilé par l’apprenant si on arrive à créer un contexte positif. Il faut mieux exploiter ce principe dans l’enseignement, cela fera de nos étudiants de meilleurs professionnels, de meilleurs dirigeants et selon moi de meilleurs citoyens.

    Dans le climat d’incertitude actuel, est-ce que vous arrivez à vous projeter dans l’avenir en tant que dirigeante ou êtes-vous dans l’inquiétude constante ?

    Clairement, je déconseille mon job à quiconque est inquiet de nature mais en ce qui me concerne, je ne suis pas une personne anxieuse. Ma devise c’est : « Un problème par jour ». Résoudre un problème par jour, c’est en résoudre 365 par année, ce qui est déjà pas mal. Cela dit, j’ai vécu plusieurs crises, petites et grandes, personnelles comme professionnelles, parfois en même temps. Avec l’expérience, j’ai développé une certaine résilience et une confiance en ma capacité à affronter les crises les unes après les autres sans pour autant être en mesure de les prévoir.

    Résoudre un problème par jour, c’est en résoudre 365 par année, ce qui est déjà pas mal.
    Qu’est ce qui a fondamentalement changé au sein de la HES-SO après la crise du COVID?

    Premièrement, l’institution a dû s’adapter en tant qu’employeur et proposer des conditions de travail plus flexibles. Aujourd’hui, les collaboratrices et collaborateurs des services du Rectorat ont la possibilité d’effectuer 50 % de leur temps de travail à distance, pour autant que cela n’impacte pas les services de l’institution. Nous constatons également une quête de sens plus importante de la part des collaborateurs, notamment des plus jeunes. Heureusement, une haute école a un sens intrinsèque de par sa mission de création et de transmission du savoir. En tant qu’employeur, nous devons veiller à transmettre ces valeurs à nos collaborateurs afin de les retenir autrement que par le salaire et la sécurité de l’emploi.

    Au niveau de l’enseignement, nous avons assisté à une évolution extrêmement rapide de l’enseignement digital qui a pu réveiller certaines craintes, notamment au sein du corps enseignant. Le digital est certes un instrument de transmission du savoir mais le savoir est lui toujours détenu par les êtres humains. Même si la manière de transmettre le savoir change, le rôle des enseignants reste essentiel.

    Même si avec le digital la manière de transmettre le savoir change, le rôle des enseignants reste essentiel.

    Une évolution selon moi très positive depuis la crise du COVID est le regain d’importance de la pédagogie au sein des hautes écoles. Alors qu’elle a toujours été un thème central dans l’enseignement obligatoire et post-obligatoire, au niveau des hautes écoles le débat se concentrait surtout autour de la recherche. L’idée que cette recherche nous serve à bâtir un savoir qui doit être transmis à des étudiants qui deviendront un jour des citoyens responsables est redevenue centrale au sein de nos institutions.

    Quels sont les enjeux en matière de développement durable au sein d’une haute école telle que la HES-SO ?

    Évidemment, la question du développement durable implique plusieurs volets. Premièrement la gouvernance. Une institution telle que la HES-SO est dotée d’une stratégie en termes de durabilité qui implique toutes les parties prenantes. Ensuite, il s’agit de promouvoir la recherche et l’enseignement dans les disciplines clés du développement durable mais également d’intégrer la réflexion sur la durabilité à toutes les autres disciplines, par exemple la durabilité des pratiques médicales, sociales, etc. Finalement, il y a tout ce qui concerne la durabilité de nos infrastructures, que ce soit de nos bâtiments, nous nous trouvons ici à Delémont dans un bâtiment Minergie, ou de notre infrastructure informatique. Nous sensibilisons par exemple les collaborateurs des services du Rectorat à la question du stockage des données. Moi la première, qui stocke mes e-mails depuis la nuit des temps, je vais commencer à faire un peu de tri.

    Moi la première, qui stocke mes e-mails depuis la nuit des temps, je vais commencer à faire un peu de tri.
    Qu’est-ce que vous faites concrètement pour améliorer la santé, le bien-être, la qualité du travail de vos collaborateurs ?

    Comme je l’ai évoqué précédemment, nous accordons une grande place au télétravail. Personnellement, je pense qu’on doit promouvoir le management by objectives qui peut à mon avis contribuer à un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle. J’attache également beaucoup d’importance à l’égalité de traitement. Les services du Rectorat viennent d’être certifiés Equal-Salary, ce qui me réjouit. Nous avons également mis en place une multitude de canaux internes et externes que nos collaborateurs peuvent utiliser en cas de difficulté. De plus, nous avons dernièrement instauré un dispositif de whistleblowing.

    Vous avez parlé égalité de salaire, qu’en est-il de l’égalité des chances dans votre institution ?

    Au sein des services du Rectorat, les postes de cadre peuvent être occupés à 80 ou à 100 %. Je garantis qu’une personne employée à 80 % bénéficie d'une assistance complémentaire pour lui permettre de mener sa mission à bien, tout en assumant une charge, familiale par exemple, à côté. Cette offre est naturellement accessible aux femmes comme aux hommes.

    Durant le COVID, nous avons constaté une baisse des candidatures féminines pour l’obtentions de fonds de recherche. Cela signifie que l’activité des femmes a subi un coup de frein durant cette période où les enfants n’allaient plus à l’école. Nous avons réalisé un appel à projet pour permettre aux chercheuses de relancer ces projets restés sur le carreau durant le COVID. Il y a aussi la problématique des carrières académiques qui est très importante à mes yeux : comment retenir les femmes entre 30 et 40 dans la recherche et leur permettre d’accéder ensuite à des postes de professeure ? Une stratégie qui fait ses preuves et que nous avons mise en place depuis quelques années est celle des professeurs assistants tenure track.

    L’égalité des chances ne concerne pas seulement les femmes mais bien d’autres personnes. Nous avons mis en place la politique « HES-SO sans obstacle » qui vise à mieux intégrer les personnes en situation de handicap, mais aussi la communauté LGBTQIA+ dans notre institution.

    Encore un message particulier qui vous tient à cœur ?

    Fondamentalement, notre job en tant que hautes écoles c’est de former des jeunes, de faire en sorte qu’ils aient une place dans la société et qu’ils soient heureux. Les HES, les HEP, les universités et les EPF partagent toutes la même mission et un objectif commun qui est le bien être des futures générations. Dans ce sens, c’est un plaisir pour moi de collaborer avec ces différentes institutions et de les représenter en tant que présidente de swissuniversities.

    Acknowledgement

    We thank Guillaume Perret for taking the photo.

    Remerciements

    Nous remercions Guillaume Perret pour la prise de la photo.

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