23 minutes de lecture 6 mai 2021
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Questionsfiscales@EY – Mai 2021

Par EY Canada

Organisation de services professionnels multidisciplinaires

23 minutes de lecture 6 mai 2021
Questionsfiscales@EY est un bulletin canadien mensuel qui vous aide à rester au fait des nouveautés en fiscalité, de l’évolution jurisprudentielle, des publications et plus encore. Des questions liées à la fiscalité des particuliers et des entreprises aux nouveautés législatives et jurisprudentielles, nous vous présentons l’information d’actualité pertinente.

Votre pire obligation fiscale serait-elle celle que vous ne voyez pas?

Les questions fiscales nous concernent tous. Nous avons compilé des nouvelles et de l’information sur des sujets d’actualité en fiscalité pour vous tenir à jour. Dans ce numéro, nous examinons :

  

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(Chapter breaker)
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Chapitre 1

Limites proposées à la déduction pour options d’achat de titres

 

Alan Roth, Toronto

Des modifications proposées au traitement fiscal des avantages liés à des options d’achat de titres entreront en vigueur le 1er juillet 2021. Les modifications visent à limiter le traitement préférentiel des options d’achat de titres accordées aux employés de grandes entreprises bien établies, tout en continuant d’offrir les pleins avantages fiscaux aux personnes employées par des sociétés privées sous contrôle canadien (« SPCC ») ou des entreprises plus petites n’ayant pas le statut de SPCC.

Les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») instaureront, aux fins de la déduction de 50 % pour options d’achat de titres accordées à des employés, un plafond de 200 000 $ quant au montant des options d’achat de titres pouvant être acquises (c’est-à-dire qui deviennent exerçables) au cours d’une année civile, selon la juste valeur marchande des titres sous-jacents à la date où les options ont été accordées. Les règles proposées ne s’appliqueront pas, de façon générale, aux employés de SPCC ou de sociétés canadiennes qui ne sont pas des SPCC dont le revenu annuel brut n’excède pas 500 millions de dollars. En revanche, elles s’appliqueront aux options d’achat de titres octroyées par les autres sociétés (pour ce qui est de l’achat d’actions) ou par des fiducies de fonds commun de placement (en ce qui a trait à l’achat d’unités d’un fonds commun de placement) le 1er juillet 2021 ou par la suite (sauf dans le cas des options admissibles octroyées après le mois de juin 2021 en remplacement d’options accordées avant juillet 20211). Les règles existantes continueront de s’appliquer aux options d’achat de titres accordées avant le 1er juillet 2021.

Contexte

Si vous êtes un employé et que vous acquérez des titres dans le cadre d’un régime d’options d’achat de titres pour employés, l’excédent de la juste valeur marchande des titres visés à la date d’acquisition (le moment où vous exercez l’option) sur le prix que vous avez payé pour les acheter est inclus à titre d’avantage lié à des options d’achat de titres dans votre revenu d’emploi2.

Si l’employeur qui a émis l’option n’est pas une SPCC, l’avantage est généralement inclus, en vertu du paragraphe 7(1) de la LIR, dans le calcul de votre revenu dans l’année d’imposition où vous avez acquis les titres visés par l’option3.

Si l’employeur est une SPCC, l’avantage est, selon le paragraphe 7(1.1), inclus dans le calcul de votre revenu dans l’année d’imposition où vous disposez des titres acquis dans le cadre de l’option (ou les avez échangés), sous réserve de certaines conditions.

En vertu de l’alinéa 110(1)d) de la LIR4, la moitié de l’avantage lié aux options d’achat de titres inclus dans le revenu est généralement admissible à titre de déduction, pourvu que les conditions suivantes soient toutes remplies :

  • Le prix que vous avez payé pour acquérir les titres dans le cadre de l’option (le prix d’exercice) n’est pas inférieur à la juste valeur marchande des titres sous-jacents à la date où les options vous ont été accordées (moins le montant que vous avez payé pour acquérir l’option, le cas échéant).
  • Les titres ont les caractéristiques générales des actions ordinaires5 (dans le cas d’actions d’une société qui n’est pas une SPCC) ou des unités d’une catégorie d’unités d’une fiducie de fonds commun de placement largement réparties.
  • Vous n’avez aucun lien de dépendance avec votre employeur (ni avec aucune des entités ayant un lien de dépendance avec lui) immédiatement après l’octroi de l’option.

La déduction pour options d’achat de titres fait en sorte que l’avantage lié à des options d’achat de titres des employés est en fait imposé au même taux que les gains en capital.

Le gouvernement fédéral cherchait à limiter les possibilités de se prévaloir de cette déduction, étant d’avis que les avantages de la déduction reviennent de manière disproportionnée à un petit nombre de particuliers à revenu élevé employés par de grandes sociétés bien établies. Par conséquent, dans le budget fédéral de 2019, le gouvernement a indiqué que des modifications proposées seraient présentées et que celles-ci s’appliqueraient aux options d’achat de titres octroyées aux employés de « grandes entreprises matures et bien établies », mais pas à celles qui sont octroyées par les SPCC ou octroyées aux employés d’« entreprises en démarrage et d’entreprises canadiennes en croissance rapide ».

Dans l’Énoncé économique de l’automne présenté le 30 novembre 2020, ainsi que dans les mises à jour des modifications législatives déjà proposées qui en ont découlé, le gouvernement fédéral a donné d’autres détails concernant les règles proposées, confirmant en outre qu’elles s’appliqueraient aux options d’achat de titres octroyées le 1er juillet 2021 ou après cette date (sauf dans le cas des options admissibles octroyées après le mois de juin 2021 en remplacement d’options accordées avant juillet 2021) et qu’elles ne s’appliqueraient pas, de façon générale, aux employés de SPCC ou de sociétés qui ne sont pas des SPCC dont le revenu annuel brut n’excède pas 500 millions de dollars.

Voir les bulletins FiscAlerte 2020 numéro 57, Mesures visant l’impôt sur le revenu de l’Énoncé économique de l’automne de 2020 du Canada, et numéro 59, Reprise des propositions relatives aux options d’achat d’actions, d’EY pour d’autres détails concernant ces propositions. Vous pouvez aussi consulter les bulletins FiscAlerte 2019 numéro 26, Modifications proposées aux règles sur les options d’achat d’actions (mise à jour de juin 2019), et numéro 14, Budget fédéral de 2019-2020 : changements proposés à la déduction pour options d’achat d’actions.

Les propositions

Comme nous l’avons mentionné, les modifications proposées instaureront, aux fins de la déduction de 50 % pour options d’achat de titres accordées à des employés, un plafond de 200 000 $ quant au montant des options d’achat de titres pouvant être acquises au cours d’une année civile. Les propositions contiennent des règles pour :

  • faire en sorte que le plafond s’applique à toutes les conventions d’options d’achat de titres conclues entre l’employé et son employeur ou entre l’employé et toute société qui a un lien de dépendance avec son employeur;
  • déterminer l’ordre dans lequel les options seront admissibles à la déduction lorsque le plafond de 200 000 $ est dépassé, de même que l’année d’acquisition lorsqu’on ne sait pas avec certitude dans quelle année les options sont acquises.

Pour ce qui est du second point, si l’employé a des options d’achat de titres identiques et que certaines sont admissibles au traitement fiscal en vigueur tandis que d’autres sont assujetties au plafond proposé, l’employé sera considéré comme exerçant en premier les options d’achat de titres admissibles au traitement fiscal en vigueur. Par ailleurs, la détermination du moment où une option devient acquise sera effectuée au moment de l’octroi de l’option. Si on ne sait pas précisément l’année au cours de laquelle l’option est acquise, l’option sera considérée comme acquise au prorata de la durée de la convention, jusqu’à une période de cinq ans.

Le plafond annuel de 200 000 $ ne s’appliquera pas aux options accordées par les SPCC ni par les employeurs qui ne sont pas des SPCC dont le revenu annuel brut n’excède pas 500 millions de dollars. À cette fin, le revenu brut d’un employeur est celui présenté dans ses états financiers annuels les plus récents avant la date de l’octroi des options (ou, dans le cas d’un groupe de sociétés, les états financiers consolidés de la société mère ultime) préparés conformément aux principes comptables généralement reconnus.

Les employeurs pourront réclamer une déduction d’impôt à l’égard de la partie des avantages liés à des options d’achat de titres des employés qui n’est pas admissible à la déduction pour options d’achat de titres à cause des règles proposées (titres non admissibles), alors qu’elle l’aurait été par ailleurs. Les employeurs pourront aussi désigner les titres à vendre ou à émettre en vertu d’une convention d’options d’achat de titres comme des titres non admissibles aux fins de ces règles. Le cas échéant, les employés n’auront pas droit à une déduction pour options d’achat de titres (même s’ils y auraient normalement eu droit), mais l’employeur sera admissible à une déduction correspondant à la valeur de l’avantage reçu par les employés6.

Les employeurs devront aviser les employés par écrit au plus tard 30 jours suivant le jour où la convention d’options d’achat de titres est conclue pour les titres non admissibles, et déclarer l’émission d’options d’achat de titres pour les titres non admissibles dans le formulaire prescrit au plus tard à la date d’échéance de production de leur déclaration de revenus pour l’année d’imposition au cours de laquelle la convention a été conclue. Les employeurs seront également tenus de faire le suivi des options admissibles aux fins de la retenue d’impôt sur le revenu et de la déclaration dans les feuillets T4 (État de la rémunération payée). Cet exercice de suivi sera plus complexe dans les situations où les employés reçoivent de multiples options d’achat de titres.

Exemple

Production inc. est une société de fabrication dont les actions ordinaires sont cotées à la Bourse de Toronto.

Le 1er août 2021, Production inc. a octroyé à ses hauts dirigeants des options d’achat d’actions à l’égard de ses actions ordinaires. Elle n’a pas désigné les titres sous-jacents comme des titres non admissibles dans le cadre de la convention d’options. Chaque haut dirigeant a reçu 15 000 options lui permettant d’acheter 15 000 actions ordinaires de la société au prix de 100 $ l’action, soit la juste valeur marchande des actions ordinaires à cette date.

En vertu de la convention d’options d’achat de titres, les options seront acquises par tranches de 5 000 options, respectivement en 2022, 2023 et 2024. Selon les états financiers les plus récents de Production inc. antérieurs à l’octroi des options, le revenu brut de la société s’établissait à 735 millions de dollars pour l’exercice.

Le 1er août 2022, chacun des hauts dirigeants a exercé 5 000 options en vue d’acheter 5 000 actions de Production inc. Les titres avaient alors une juste valeur marchande de 120 $ l’action.

Chacun des hauts dirigeants réalisera un avantage lié à des options d’achat de titres de 100 000 $ [5 000 x (120 $ - 100 $)]. Les modifications proposées s’appliqueront aux options octroyées par Production inc., étant donné que la société n’est pas une SPCC et que son revenu brut pour l’année est supérieur à 500 millions de dollars selon ses états financiers pour le dernier exercice terminé avant l’octroi des options.

Pour chacune des années 2022, 2023 et 2024, seulement 2 000 des 5 000 options pouvant être exercées par chaque haut dirigeant seront admissibles à la déduction pour options d’achat de titres, car la juste valeur marchande des actions représentées par ces 2 000 options à la date de l’octroi correspond au plafond annuel de 200 000 $ (2 000 x 100 $ l’action).

Par conséquent, en 2022, chacun des hauts dirigeants pourra réclamer une déduction pour options d’achat de titres de 20 000 $ [50 % x 2 000 x (120 $ - 100 $)]. Production inc. pourra quant à elle réclamer une déduction d’impôt de 60 000 $ au titre de l’avantage lié à des options d’achat de titres réalisé par chaque haut dirigeant, s’agissant du montant de l’avantage n’étant pas admissible à la déduction pour options d’achat d’actions selon les règles proposées [3 000 x (120 $ - 100 $)].

Si, le 1er octobre 2022, Production inc. émet 15 000 autres options assujetties aux mêmes modalités d’acquisition (5 000 options pouvant être acquises respectivement en 2023, 2024 et 2025) et que le cours de l’action est revenu à 100 $ à la date de cet octroi, aucune des options octroyées en 2022 qui sera acquise en 2023 ou 2024 ne sera admissible à la déduction pour options d’achat de titres, étant donné que toutes les options admissibles auront été utilisées pour les années en question à la suite de l’acquisition, en 2023 et 2024, des options déjà octroyées en 2021. Ainsi, 2 000 options seront admissibles à la déduction pour ce qui est de l’année d’acquisition 2025, et les autres seront des options non admissibles.

Conclusion

Les modifications proposées pourraient avoir des conséquences considérables pour les employés de grandes sociétés bien établies n’étant pas des SPCC qui reçoivent des options d’achat de titres dans le cadre de leur programme de rémunération. Dans la mesure où un employeur projette d’octroyer de nouvelles options en 2021, il devrait prendre soin de le faire avant juillet 2021 pour être certain que les employés puissent se prévaloir des règles actuelles.

Les propositions imposeront de lourdes obligations de suivi aux employeurs, ceux-ci devant déterminer les options qui ne sont pas admissibles à la déduction pour options d’achat de titres au moment de l’octroi, aviser les employés et l’Agence du revenu du Canada et s’assurer de l’exactitude des déclarations dans les feuillets T4 des employés.

Pour des renseignements additionnels relativement à ces propositions et à leur incidence possible pour vous, consultez votre conseiller en fiscalité EY.

  • Références d'articles

    1. Par exemple, dans le cas où les options d’achat de titres d’un employé sont échangées contre d’autres options à la suite d’une réorganisation d’entreprise ou d’un remaniement du capital et que l’employé ne tire aucun avantage économique de l’échange.
    2. Le montant de l’avantage est réduit du montant payé par l’employé pour acquérir l’option elle-même, bien que ce type de paiement ne soit pas fréquent.
    3. Il y aurait aussi un avantage si vous transférez vos droits aux termes de la convention d’options ou que vous en disposez autrement.
    4. Un employé qui acquiert des actions d’une SPCC dans le cadre d’une option d’achat de titres pour employés visée par le paragraphe 7(1.1) et qui n’a pas disposé des actions, ou qui ne les a pas échangées, dans les deux ans suivant l’acquisition des actions pourrait aussi se prévaloir d’une déduction pour options d’achat de titres en vertu de l’alinéa 110(1)d.1).
    5. Absence de restriction quant aux droits à des dividendes ou droits de liquidation, absence de droit du détenteur de faire racheter, acquérir ou annuler l’action par la société, et absence de droit de la société de racheter, d’acquérir ou d’annuler l’action pour une somme supérieure à la juste valeur marchande.
    6. L’alinéa 110(1)d.01) de la LIR prévoit pour l’employé une déduction supplémentaire liée aux options d’achat de titres de 50 % lorsque les titres acquis en vertu d’une convention d’options d’achat de titres font ensuite l’objet d’un don à un donataire reconnu si certaines autres conditions sont remplies. Par le jeu combiné des déductions prévues aux alinéas 110(1)d) et d.01), aucun impôt n’est payable à l’égard de l’avantage lié aux options d’achat de titres, ce qui calque l’exonération d’impôt sur les gains en capital accordée dans le cas de dons de titres cotés en bourse admissibles. L’employé n’aura pas droit à cette déduction supplémentaire de 50 % si les titres faisant l’objet du don sont des titres non admissibles aux termes des modifications proposées. L’employé pourra cependant être admissible au crédit d’impôt pour don de bienfaisance.

  

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(Chapter breaker)
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Chapitre 2

Une exécutrice testamentaire ayant reçu, à titre de fiduciaire, le produit du REER d’une parente n’est redevable que des sommes reçues à titre de bénéficiaire

Goldman v. The Queen, 2021 TCC 13

Brittany Rossler, Toronto, Winnie Szeto, Toronto, et Gael Melville, Vancouver

Dans l’affaire dont la Cour canadienne de l’impôt (la « CCI ») était saisie, une exécutrice testamentaire avait fait l’objet d’une cotisation en vertu de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») relativement aux fonds qu’elle avait reçus du régime enregistré d’épargne-retraite (« REER ») de sa mère au décès de celle-ci. La principale question en litige était de savoir si l’exécutrice pouvait être redevable du montant intégral du produit du REER, et la CCI devait notamment déterminer si les instructions laissées par la défunte avaient eu pour effet de créer une fiducie.

Faits

La contribuable avait été nommée exécutrice de la succession de sa défunte mère. Le seul actif de valeur était le REER de sa mère, dont cette dernière avait désigné la contribuable bénéficiaire, étant toutefois explicitement entendu que la contribuable devait utiliser le produit du REER pour acquitter certaines dépenses précises, dont les frais funéraires, les frais d’administration de la succession, ainsi que les frais de déplacement de la famille pour venir au chevet de la mère mourante et assister à ses funérailles. La contribuable devait ensuite partager le reliquat de la succession entre ses deux sœurs et elle.

Après le décès de sa mère, la contribuable avait reçu un produit net de 76 616 $ au titre du REER et avait attribué les fonds conformément aux volontés de sa mère.

L’ARC avait établi une cotisation à l’égard de la contribuable en se fondant sur le paragraphe 160(1) de la LIR, lequel permet à l’ARC de tenir le bénéficiaire d’une somme transférée responsable de l’impôt à payer par l’auteur du transfert lorsque les conditions suivantes sont remplies1 :

  1. Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon.
  2. L’auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la LIR au moment du transfert.
  3. Le bénéficiaire du transfert avait un lien de dépendance avec l’auteur du transfert.
  4. La juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert est inférieure à celle des biens transférés.

Si ces conditions sont remplies, le bénéficiaire du transfert est responsable du paiement d’une somme équivalant au montant dû à l’ARC par l’auteur du transfert ou à l’excédent de la juste valeur marchande des biens sur la contrepartie, si ce dernier est moins élevé. Dans l’affaire Goldman, l’ARC avait, dans son avis de cotisation, réclamé à la contribuable l’intégralité de la somme lui ayant été transférée par la succession.

Décision de la CCI

La décision de la CCI porte principalement sur la responsabilité de la contribuable en vertu de l’article 160 de la LIR.

La CCI a statué qu’il fallait se pencher sur cinq transferts distincts, étant donné qu’en vertu du paragraphe 104(2) de la LIR, une fiducie est réputée être un particulier distinct du fiduciaire. En conséquence, si la fiducie doit de l’impôt, cette dette en est une de la fiducie, et non une dette personnelle du fiduciaire2. La CCI a dégagé les cinq transferts suivants :

  1. Le transfert du produit du REER de la mère à la contribuable en fiducie
  2. L’attribution d’une partie de cette fiducie à la contribuable à titre de bénéficiaire
  3. Le paiement des frais d’exécution testamentaire par la fiducie à la contribuable
  4. L’attribution inexpliquée de certaines sommes de la fiducie
  5. Le paiement des frais juridiques de la contribuable par la fiducie

Existence d’une fiducie valable

La CCI a conclu que les trois éléments essentiels à la création d’une fiducie (souvent appelés les « trois certitudes ») étaient présents :

  • L’objet de la fiducie était les filles de la défunte, à titre de bénéficiaires.
  • Le sujet était le produit du REER.
  • La mère avait clairement l’intention de constituer une fiducie.

Les instructions de la mère à sa fille avaient donc eu pour effet de créer une fiducie, et la contribuable avait reçu le produit du REER en fiducie. La CCI a centré son analyse sur la troisième certitude (la certitude d’intention) en raison de certaines remarques incidentes dans l’arrêt Canada c. Livingston, 2008 CAF 89 (« Livingston »).

Dans la jurisprudence, il est bien établi que l’intention de l’auteur du transfert d’éviter l’impôt n’est pas pertinente aux fins du paragraphe 160(1). Cependant, dans Livingston, la Cour d’appel fédérale a semblé se contredire en affirmant à la fois que cette intention était dénuée de pertinence et qu’il s’agissait d’un facteur important.

Dans Goldman, la CCI a posé le raisonnement suivant : si l’intention de l’auteur du transfert n’est pas pertinente pour déterminer la responsabilité en vertu du paragraphe 160(1), l’intention de l’auteur du transfert de frustrer ses créanciers pourrait contrecarrer l’intention de créer une fiducie. Par exemple, si un particulier transfère une somme à son conjoint en convenant que ce dernier lui remettra les fonds, il ne peut prétendre avoir eu l’intention de créer une fiducie. L’ARC peut donc examiner le transfert entre les conjoints et établir une cotisation réclamant le montant intégral à l’auteur du transfert.

En revanche, lorsque l’auteur du transfert a véritablement l’intention de créer une fiducie, comme dans l’affaire Goldman, le tribunal doit alors se pencher d’abord sur le transfert à la fiducie, puis sur le transfert de la fiducie aux bénéficiaires. En l’occurrence, la mère n’avait pas l’intention de frustrer l’ARC et de conserver un droit de bénéficiaire sur le produit de la fiducie, ce qui distingue cette affaire de Livingston où aucune fiducie n’avait été valablement établie. Même si la mère pouvait avoir eu l’intention d’éviter de payer l’ARC, la CCI a conclu que cette possibilité était parfaitement cohérente avec l’intention de la mère de créer une fiducie au bénéfice de ses filles et n’empêchait donc pas l’existence d’une fiducie.

Responsabilité en vertu de l’article 160 relativement au transfert à la fiducie

Étant arrivée à la conclusion qu’une fiducie valable avait été créée, la CCI s’est ensuite demandé qui était responsable, en vertu du paragraphe 160(1), à l’égard du montant du produit du REER transféré à la fiducie. La question était de savoir si la fiduciaire était responsable à titre personnel.

La CCI a statué que la contribuable ne pouvait pas être tenue responsable à l’égard de l’intégralité du produit du REER transféré à la fiducie, car elle n’avait acquis la propriété juridique de cette somme qu’à titre de fiduciaire. Si l’ARC avait voulu tenir la contribuable, à titre de fiduciaire, responsable de l’impôt impayé de la fiducie, elle aurait dû établir une cotisation en vertu du paragraphe 159(3)3, ce qu’elle n’a pas fait.

Responsabilité à l’égard des autres transferts

Bien que la contribuable ait eu gain de cause quant à la contestation de la cotisation que l’ARC avait établie à son égard relativement au produit du REER transféré à la fiducie, elle a été déboutée en ce qui a trait à certains des quatre autres transferts dégagés par la CCI.

D’abord, la contribuable était personnellement responsable des sommes reçues de la fiducie à titre de bénéficiaire. Le paragraphe 160(1) vise les transferts de biens « au moyen d’une fiducie » lorsque le bénéficiaire a un lien de dépendance avec le constituant et que ce dernier devait de l’impôt au moment du transfert des biens à la fiducie. Dans l’affaire qui nous occupe, la contribuable avait un lien de dépendance avec sa mère, la mère devait de l’impôt lorsqu’elle a transféré le produit du REER à la fiducie, et la contribuable n’a versé aucune contrepartie en échange des sommes qu’elle a reçues à titre de bénéficiaire. Par conséquent, la contribuable était responsable de la somme lui ayant été transférée sans contrepartie ou du montant de la dette fiscale de sa mère, selon le moins élevé des deux montants.

Par ailleurs, la contribuable était également responsable à l’égard des attributions inexpliquées, n’ayant fourni aucune preuve démontrant qu’elle n’en était pas la bénéficiaire et que l’avis de cotisation de l’ARC était erroné. Enfin, la CCI a décidé que la contribuable n’était pas responsable pour ce qui est des frais d’exécution testamentaire qu’elle a reçus de la fiducie, ayant donné une contrepartie en retour, à savoir ses services d’administration de la succession. L’obligation de la contribuable en vertu du paragraphe 160(1) a donc été considérablement réduite.

Leçons tirées

Cette affaire nous rappelle qu’il n’est pas forcément évident de déterminer si une fiducie a été créée ou non. La fiducie en cause était régie par les lois de l’Ontario, qui n’exigent pas qu’une fiducie soit créée par un acte écrit (sauf si elle vise un fonds de terre). La défunte dans cette affaire pourrait bien ne même pas s’être rendu compte qu’elle avait créé une fiducie en donnant des instructions à sa fille quant à la manière de distribuer sa succession.

Les contribuables devraient demander des conseils juridiques lorsqu’ils rédigent leur testament et d’éventuels codicilles pour être certains de bien en saisir toutes les implications.

Cette cause vient aussi nous rappeler qu’un particulier décédé peut avoir des dettes fiscales dont l’exécuteur testamentaire (ou le liquidateur) n’est pas au courant, de sorte qu’il est important de respecter la marche à suivre établie à l’article 159 avant de procéder à quelque attribution que ce soit. Comme la CCI l’a souligné, si l’ARC voulait établir une cotisation à l’égard de la contribuable à titre de fiduciaire, elle aurait pu utiliser le paragraphe 159(3) à cette fin, puisque la contribuable n’avait pas obtenu de certificat de décharge avant d’attribuer le produit du REER.

Finalement, les contribuables devraient retenir de cette affaire qu’il faut être prudent en acceptant des cadeaux de la part de parties avec lesquelles ils ont un lien de dépendance parce qu’ils peuvent être tenus solidairement responsables des dettes fiscales de l’auteur du transfert, même si ce dernier n’a pas procédé au transfert dans le but d’éviter l’impôt à payer.

  • Références d'articles

    1. Ces conditions ont été établies dans l’arrêt de principe Canada c. Livingston, 2008 CAF 89.
    2. Soulignons qu’un fiduciaire peut tout de même être tenu personnellement responsable des dettes fiscales de la fiducie s’il n’obtient pas un certificat de décharge avant d’attribuer les biens de la fiducie, comme nous en parlerons plus loin.
    3. Selon le paragraphe 159(3) de la LIR, le fiduciaire qui attribue les biens de la fiducie sans avoir préalablement obtenu un certificat de décharge de l’ARC est solidairement responsable.

  

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Chapitre 3

Les bulletins FiscAlerte – Canada récents

Nos bulletins FiscAlerte traitent des nouvelles, événements et changements législatifs de nature fiscale touchant les entreprises canadiennes. Ils présentent des analyses techniques sommaires vous permettant de rester bien au fait de l’actualité fiscale.

FiscAlerte – Canada

FiscAlerte 2021 numéro 14 – Québec publie une liste des opérations à divulgation obligatoire
Le 17 mars 2021, la première série d’opérations déterminées qui devront dorénavant faire l’objet d’une divulgation obligatoire au Québec en vertu du projet de loi no 42 du Québec a été publiée.

FiscAlerte 2021 numéro 15 – L’ARC publie des directives supplémentaires liées aux problèmes en matière de fiscalité internationale soulevés par la crise de la COVID‑19
Le 1er avril 2021, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a publié des directives supplémentaires liées à divers problèmes en matière de fiscalité internationale soulevés par les restrictions de voyage imposées en raison de la COVID-19.

FiscAlerte 2021 numéro 16 – Budget de la Saskatchewan de 2021-2022

FiscAlerte 2021 numéro 17 – Budget du Manitoba de 2021-2022

FiscAlerte 2021 numéro 18 – Points saillants du budget fédéral de 2021-2022

FiscAlerte 2021 numéro 19 – Budget fédéral de 2021-2022

FiscAlerte 2021 numéro 20 – Budget de la Colombie-Britannique de 2021-2022

Résumé

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