Le gouvernement fédéral annonce un régime de TPS/TVH déterminé pour les fournitures par voie électronique
FiscAlerte 2020 numéro 58, 3 décembre 2020
Le 30 novembre 2020, le gouvernement fédéral a rendu public le document Soutenir les Canadiens et lutter contre la COVID-19 : Énoncé économique de l’automne de 2020. L’Énoncé économique de l’automne (l’« EEA ») contient d’importantes propositions en matière de taxe sur les produits et services / taxe de vente harmonisée (« TPS/TVH »), dont des mesures visant à assurer une application équitable et efficace de la TPS/TVH dans une économie de plus en plus numérique. Plus précisément, les vendeurs non-résidents fournissant des produits et des services numériques au Canada seraient tenus de s’inscrire aux fins de la TPS/TVH, de la percevoir et de la verser à l’égard de leurs fournitures taxables à des consommateurs canadiens. Des exigences semblables s’appliqueraient aux fournitures de logement provisoire effectuées par l’intermédiaire de plateformes de logements numériques, ainsi qu’aux biens fournis au moyen d’entrepôts de distribution. De plus, la fourniture de certains masques et écrans faciaux serait détaxée aux fins de la TPS/TVH. L’EEA contient des modifications législatives à la Loi sur la taxe d’accise (Canada) (la « LTA ») visant à mettre en œuvre ces propositions.
Le gouvernement fédéral a aussi annoncé son intention d’instaurer une taxe nationale applicable aux sociétés qui fournissent des services numériques, ainsi qu’une mesure fiscale nationale visant l’utilisation improductive des logements au Canada appartenant à des investisseurs étrangers non-résidents.
Régime de TPS/TVH déterminé pour les fournitures par voie électronique
À l’heure actuelle, les personnes non-résidentes qui n’exploitent pas une entreprise au Canada ne sont pas tenues de s’inscrire aux fins de la TPS/TVH, ni de la percevoir ou de la verser1. Lorsqu’un bien meuble corporel est acheté d’un vendeur non-résident, la TPS/TVH est imposée sur la valeur des biens au moment de leur importation. En pratique, la TPS/TVH n’est souvent pas perçue sur les achats en ligne effectués auprès de vendeurs non-résidents ou au moyen de plateformes numériques. Les vendeurs canadiens de produits et services numériques sont donc grandement désavantagés sur le plan commercial.
Afin d’éviter les pertes de recettes fiscales attribuables à la TPS/TVH et d’uniformiser les règles du jeu entre les vendeurs canadiens et les vendeurs non-résidents, de nouvelles règles sont présentées, lesquelles obligeraient un vendeur non-résident à s’inscrire aux fins de la TPS/TVH, à la percevoir et à la verser, si le total des fournitures taxables de produits ou services numériques effectuées par le vendeur à des consommateurs au Canada dépasse ou devrait dépasser 30 000 $ sur une période de 12 mois. Ces mesures s’appliqueraient également à un exploitant de plateforme de distribution non-résident, si le total de ses fournitures taxables de produits ou de services numériques effectuées à des consommateurs au Canada, y compris les fournitures de produits ou de services numériques effectuées par des vendeurs non-résidents à des consommateurs au Canada qui sont facilitées par l’exploitant, dépasse, ou devrait dépasser, 30 000 $ sur une période de 12 mois. Il convient de noter que, aux fins de cette proposition, un consommateur est une entité ou une personne qui n’est pas inscrite aux fins de la TPS/TVH, et une entreprise est toute autre entité ou personne inscrite aux fins de la TPS/TVH.
Afin de déterminer si un consommateur est un résident du Canada (et, par extension, où il réside au Canada), les propositions législatives prévoient certains indicateurs déterminés, comme l’adresse résidentielle, l’adresse de facturation, les renseignements bancaires ou les renseignements sur les paiements et l’adresse de protocole Internet de l’appareil du consommateur. En règle générale, le lieu habituel de résidence d’un consommateur serait le Canada lorsque deux indicateurs ou plus désignent le Canada comme le lieu habituel de résidence du consommateur. Il y aura des exceptions pour les services liés à un emplacement précis à l’étranger, ou dans les cas où le lieu habituel de résidence du consommateur ne constitue pas un fondement approprié pour déterminer où, ou si, le lieu de consommation est au Canada et si la TPS/TVH s’appliquerait. La même règle générale s’appliquera afin de déterminer le lieu de fourniture des services au Canada, sous réserve de certaines exceptions pour les services liés à des emplacements précis au Canada.
Les vendeurs non-résidents ou les exploitants de plateforme de distribution non-résidents qui n’exploitent pas une entreprise au Canada seraient en mesure de s’inscrire dans le cadre d’un régime simplifié, ce qui leur permettrait d’utiliser un portail en ligne déterminé visant à simplifier la perception et les versements de la TPS/TVH. Selon le régime simplifié, ils ne pourraient pas demander de crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») pour recouvrer la TPS/TVH payée sur les intrants de leur entreprise. Toutefois, les vendeurs non-résidents ou les exploitants de plateforme de distribution non-résidents pourraient demander des CTI s’ils sont inscrits conformément aux règles habituelles en matière de TPS/TVH.
Les nouvelles règles s’appliqueraient aux fournitures de produits et services numériques transfrontaliers dans la mesure où la contrepartie de telles fournitures devient due, ou est payée sans être devenue due, le 1er juillet 2021 ou après cette date.
Entrepôts de distribution
Les vendeurs non-résidents vendent souvent des biens à des consommateurs au Canada au moyen de plateformes numériques (plateformes de distribution). Ces plateformes entreposent souvent les biens de vendeurs tiers dans des « entrepôts de distribution » au Canada, puis expédient ces biens à des acheteurs au Canada après que les biens ont été vendus au moyen des plateformes. Bien que les droits et les taxes s’appliquent lorsque les biens sont importés, on craint que la TPS/TVH ne soit pas facturée systématiquement sur le prix final payé (qui peut être supérieur à la valeur sur laquelle la TPS/TVH est appliquée à l’importation) pour les biens lorsque ceux-ci sont vendus par la suite à des consommateurs au Canada.
Pour régler ce problème, les nouvelles règles exigeraient des exploitants de plateforme de distribution qu’ils s’inscrivent en suivant les règles habituelles en matière de TPS/TVH et qu’ils perçoivent et versent la TPS/TVH relativement aux ventes de biens qui se trouvent dans des entrepôts de distribution au Canada (ou expédiés à partir d’un endroit au Canada à un acheteur au Canada), lorsque ces ventes sont effectuées par des vendeurs non-inscrits au moyen de plateformes de distribution. De plus, les vendeurs non-résidents seraient tenus de s’inscrire en suivant les règles habituelles en matière de TPS/TVH, et de percevoir et verser la TPS/TVH relativement aux ventes de biens qui se trouvent dans des entrepôts de distribution au Canada, lorsque les vendeurs non-résidents effectuent ces ventes pour leur compte.
Les exploitants de plateformes de distribution résidents et non-résidents seraient tenus de s’inscrire si leurs fournitures admissibles totales de biens meubles corporels à des acheteurs au Canada, y compris celles effectuées au moyen de leurs plateformes par des vendeurs tiers, dépassent, ou devraient dépasser 30 000 $, sur une période de 12 mois.
Une personne fournissant un service d’entreposage de biens meubles corporels au Canada (sauf un service accessoire à la fourniture d’un service de transport de marchandises) qui sont offerts en vente par une personne non-résidente serait tenue :
- d’aviser le ministre du Revenu national qu’elle exploite une entreprise de distribution;
- de tenir des registres concernant ses clients non-résidents.
De plus, les exploitants de plateforme de distribution seraient tenus de produire une déclaration de renseignements auprès du ministre et d’envoyer des renseignements à l’ARC relativement aux vendeurs non-résidents qui utilisent leur plateforme.
Les nouvelles règles s’appliqueraient aux fournitures effectuées à compter du 1er juillet 2021, ainsi qu’aux fournitures effectuées avant cette date si la totalité de la contrepartie de la fourniture est payable le 1er juillet 2021 ou après cette date.
Logement provisoire
De nombreux propriétaires participent au secteur du logement provisoire en louant leur résidence. De telles opérations sont souvent facilitées par des plateformes numériques qui inscrivent les propriétés et coordonnent les paiements entre le client et le propriétaire. En pratique, la TPS/TVH n’est souvent pas perçue sur de telles fournitures, pour plusieurs raisons. Par exemple, un propriétaire dont les fournitures annuelles taxables ne dépassent pas 30 000 $ est considéré comme un petit fournisseur et n’est pas tenu de percevoir et de verser la TPS/TVH. De plus, en vertu des règles actuelles, ces plateformes numériques ne sont souvent pas considérées comme le véritable fournisseur du logement et ne sont donc pas tenues de comptabiliser la TPS/TVH.
Conformément aux propositions législatives, la TPS/TVH devrait être perçue et versée à l’égard des fournitures de logements provisoires effectuées par l’intermédiaire d’une plateforme de logements numérique. Un propriétaire qui est un inscrit serait tenu de comptabiliser la TPS/TVH à l’égard des fournitures de logements provisoires. Si le propriétaire n’est pas un inscrit, le fournisseur de la plateforme de logements serait réputé avoir effectué la fourniture et serait responsable de percevoir et de verser la TPS/TVH.
Un fournisseur de services de logement serait tenu de s’inscrire aux fins de la TPS/TVH, si cette personne facilite ou prévoit faciliter pour plus de 30 000 $ de fournitures taxables de logements provisoires au Canada lorsque les fournisseurs tiers de logements ne sont pas des inscrits. Un fournisseur de services de logements qui exploite une entreprise au Canada et qui est tenu de s’inscrire aux fins de la TPS/TVH selon les règles actuelles serait toujours tenu de s’inscrire dans le cadre du régime habituel de TPS/TVH. Les exploitants de plateforme de logements non-résidents qui n’exploitent pas une entreprise au Canada seraient en mesure de s’inscrire dans le cadre d’un régime simplifié, ce qui leur permettrait d’utiliser un portail en ligne déterminé visant à simplifier la perception et les versements de la TPS/TVH. Ils seraient tenus de percevoir et de verser la TPS/TVH à l’égard des fournitures de logements provisoires effectuées à des consommateurs (définis comme des personnes qui ne sont pas inscrites aux fins de la TPS/TVH); toutefois, ils ne seraient pas tenus de percevoir et de verser la TPS/TVH à l’égard des fournitures effectuées à un inscrit. Selon le régime simplifié, ils ne pourraient pas demander de CTI pour recouvrer la TPS/TVH payée sur les intrants de leur entreprise.
Les exploitants de plateforme de logements seraient aussi tenus de produire auprès du ministre une déclaration de renseignements contenant les renseignements déterminés, notamment des renseignements sur les propriétaires tiers utilisant leur plateforme.
Les nouvelles règles s’appliqueraient aux fournitures de logements provisoires effectuées à compter du 1er juillet 2021, ainsi qu’aux fournitures effectuées avant cette date si la totalité de la contrepartie de la fourniture est payable le 1er juillet 2021 ou après cette date.
Allègement de la TPS/TVH sur les masques et les écrans faciaux
Les propositions législatives viseraient à modifier la partie II.1 de l’annexe VI de la LTA afin d’accorder un allègement temporaire de la TPS/TVH en détaxant les fournitures de certains masques et écrans faciaux. En règle générale, cette mesure s’appliquerait aux fournitures suivantes :
- Masque ou respirateur conçu pour usage humain et autorisé à des fins médicales au Canada
- Masque ou respirateur satisfaisant aux exigences d’homologation N95, KN95 ou à des exigences d’homologation équivalentes, conçu pour usage humain et n’étant pas muni d’une soupape d’expiration ou d’un évent
- Masque ou respirateur répondant aux conditions suivantes :
- Conçu pour usage humain
- Constitué de plusieurs couches de matériaux denses, mais dont une partie située devant les lèvres peut être faite d’un matériau transparent et imperméable qui permet la lecture sur les lèvres
- Assez large pour couvrir complètement le nez, la bouche et le menton sans laisser de régions à découvert
- Composé de boucles latérales, d’attaches ou de sangles permettant une fixation solide à la tête
- Destiné à être utilisé pour prévenir la transmission d’agents infectieux comme les virus respiratoires
- Non muni d’une soupape d’expiration ou d’un évent
De plus, la détaxation s’appliquerait à un écran facial qui répondrait aux conditions suivantes :
- Conçu pour usage humain
- Muni d’une fenêtre ou d’une visière transparente et imperméable
- Conçu pour couvrir tout le visage et muni d’une sangle ou d’un casque permettant le maintien en place
- Non spécialement conçu ou commercialisé à des fins autres que la prévention de la transmission d’agents infectieux, comme les virus respiratoires
La détaxation s’appliquerait aux fournitures effectuées après le 6 décembre 2020 et resterait en vigueur jusqu’à ce que leur utilisation ne soit plus largement recommandée par les responsables de la santé publique aux fins de la pandémie de COVID-19.
Taxe nationale sur la spéculation et l’inoccupation
Afin de réduire la demande spéculative sur le marché du logement national et rendre le logement plus abordable, le gouvernement fédéral prendra des dispositions afin de mettre en œuvre une mesure fiscale nationale visant l’utilisation improductive des logements au Canada appartenant à des investisseurs étrangers non-résidents. Il convient de noter que la Colombie-Britannique impose actuellement une taxe annuelle sur la spéculation et l’inoccupation payable par les propriétaires d’immeubles résidentiels situés dans certains secteurs désignés de la Colombie-Britannique.
Taxe sur les services numériques
En plus d’imposer des exigences d’inscription, de perception et de versement aux fins de la TPS/TVH aux vendeurs non-résidents et aux exploitants de plateforme numérique non-résidents, le gouvernement fédéral propose d’instaurer une nouvelle taxe applicable aux sociétés offrant des services numériques. Cette mesure viserait à faire en sorte que de telles sociétés soient assujetties à la taxe relativement à leurs activités canadiennes. Bien que le gouvernement ait indiqué qu’il préférait élaborer une solution multilatérale dans le cadre d’un processus mené par l’Organisation de coopération et de développement économiques, il s’est dit préoccupé par le retard qui a été pris pour l’obtention d’un consensus. Par conséquent, le gouvernement propose d’instaurer une taxe sur les services numériques à compter du 1er janvier 2022, qui s’appliquerait jusqu’à ce qu’une solution multilatérale la remplace. D’autres détails seront annoncés dans le budget de 2021.
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- Il convient de noter que le 1er janvier 2019, le Québec a instauré un système d’inscription désignée obligatoire pour les fournisseurs sans présence physique ou significative au Québec afin d’assurer la perception et le versement de la taxe de vente du Québec (la « TVQ »). Les fournisseurs n’ayant pas de présence physique ou significative au Québec sont tenus de percevoir et de remettre la TVQ sur les biens meubles incorporels et les services taxables qu’ils fournissent au Québec à des consommateurs québécois désignés. De plus, les fournisseurs non-résidents qui sont situés au Canada sont tenus de percevoir et de remettre la TVQ sur les biens meubles corporels taxables qu’ils fournissent au Québec à des consommateurs québécois désignés depuis le 1er septembre 2019. Pour de plus amples renseignements, consultez le bulletin FiscAlerte 2018 numéro 18 d’EY, Le gouvernement du Québec annonce des mesures relatives à la TVQ en matière de commerce électronique.
Renseignements sur les budgets : Pour des renseignements à jour sur les budgets fédéral, provinciaux et territoriaux, visitez notre site ey.com/ca/fr/budget.