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Le Canada va de l’avant avec sa propre taxe sur les services numériques et publie des propositions législatives révisées

Personne-ressource locale

EY Canada

30 août 2023
Objet FiscAlerte
Catégories FiscAlerte 2023
Pays et territoires Canada

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FiscAlerte 2023 numéro 36, 30 août 2023

Le Canada va de l’avant avec sa propre taxe sur les services numériques (« TSN »). Il est prévu que la TSN du Canada sera adoptée d’ici le 1er janvier 2024 et qu’elle entrera en vigueur de façon rétroactive au 1er janvier 2022.

Les nouvelles règles pourraient donner lieu à une obligation de déclaration et à un impôt à payer pour toute entité – canadienne ou étrangère – dont le groupe de sociétés affiche des revenus consolidés mondiaux d’au moins 750 millions d’euros et qui tire un revenu canadien de services numériques provenant de services de marché en ligne, de publicité en ligne, de services de médias sociaux ou de la monétisation de données d’utilisateurs de plus de 20 millions de dollars canadiens.

Les entités concernées devraient s’inscrire aux fins de la TSN du Canada d’ici le 31 janvier 2025, ainsi que produire des déclarations et verser la TSN pour 2022 et 2023 d’ici le 30 juin 2025.

Le 4 août 2023, le ministère des Finances a publié une version révisée des propositions législatives concernant la Loi de la taxe sur les services numériques (« LTSN ») aux fins de consultation publique. Cette publication est survenue peu de temps après la décision du Canada de ne pas prolonger d’une autre année le moratoire sur l’imposition de nouvelles TSN nationales aux termes d’une entente multilatérale. Les parties intéressées sont invitées à faire parvenir leurs commentaires sur les propositions législatives concernant la LTSN d’ici le 8 septembre 2023.

Le présent bulletin donne un aperçu de l’instauration de la TSN au Canada et résume certains changements inclus dans la version révisée de la LTSN.

Contexte

Au cours des dix dernières années, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (l’« OCDE ») a travaillé avec ses membres à l’obtention d’un consensus international sur l’adoption d’une solution pour lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices des entreprises multinationales. Pour lutter contre ce problème dans l’intervalle, plusieurs pays, dont la France, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, ont utilisé une approche unilatérale et adopté une TSN nationale visant à taxer certains services rendus par de grandes entreprises et des groupes de sociétés consolidés qui atteignaient certains seuils de revenus. À l’automne 2020, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de faire de même et de mettre en œuvre unilatéralement une TSN canadienne. Toutefois, le Canada a annoncé du même souffle qu’il reporterait l’adoption de la TSN jusqu’à la fin de 2023 dans l’éventualité où des mesures multilatérales seraient mises en œuvre d’ici là.

En juillet 2021, le Cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (le « Cadre inclusif ») a publié une déclaration décrivant les principaux éléments d’une approche à deux piliers. Le Pilier Un attribuerait une partie des bénéfices consolidés des grands groupes consolidés à la juridiction d’où proviennent les revenus, tandis que le Pilier Deux instaurerait un taux effectif d’imposition minimum mondial convenu pour ces groupes consolidés. Le 8 octobre 2021, une déclaration sur la mise en œuvre de la réforme fiscale internationale a été publiée dans l’intention que les nouvelles réformes entrent en vigueur d’ici la fin de 2023. Toutefois, l’une des conditions de la mise en œuvre du Pilier Un serait la suppression, par les États membres, de toute TSN unilatérale ou mesure similaire.

Le gouvernement du Canada, bien qu’il appuie la proposition à deux piliers, a présenté un projet de loi sur la TSN en décembre 2021 aux fins de consultation publique. Il a été entendu que les propositions législatives concernant la TSN n’entreraient pas en vigueur avant le 1er janvier 2024, ou qu’elles pourraient ne jamais être adoptées si les mesures du Pilier Un étaient mises en œuvre d’ici la fin de 2023 comme prévu. Advenant que l’approche multilatérale ne soit pas entrée en vigueur en 2023, la TSN du Canada serait payable à l’égard du revenu canadien de services numériques imposable gagné à compter du 1er janvier 2022.

Le 11 juillet 2023, le Cadre inclusif a publié une Déclaration de résultat1 prévoyant notamment le prolongement d’un an du statu quo sur l’imposition de toute nouvelle loi sur la TSN, étant donné qu’il devenait évident que le Pilier Un ne serait pas pleinement mis en œuvre d’ici la fin de 2023. Bien que 138 pays membres aient approuvé la Déclaration de résultat, le Canada ne l’a pas fait. Le 12 juillet 2023, la vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a plutôt publié une déclaration confirmant que le Canada ira de l’avant avec la mise en œuvre de sa TSN nationale si aucun accord multilatéral n’est conclu d’ici la fin de 2023. Peu après, le 4 août 2023, le ministère des Finances a publié une version révisée des propositions législatives concernant la LTSN. Bien que diverses modifications aient été apportées à ces propositions, la majeure partie des mesures proposées demeure conforme à leur version précédente.

Propositions législatives concernant la LTSN publiées le 4 août 2023

La TSN proposée continue de s’appliquer aux grandes entreprises nationales ou étrangères si les conditions suivantes sont remplies :

  1. Les revenus totaux de toutes provenances de l’entreprise sont (ou le revenu total du groupe consolidé2 dont elle est, durant l’année civile ou à un moment donné au cours de l’année civile précédente, une entité constitutive est) d’au moins 750 millions d’euros au cours d’un exercice qui se termine au cours de l’année civile précédente.
  2. Le revenu canadien de services numériques (ou le total du revenu canadien de services numériques de toutes les entités d’un groupe consolidé si ces entités sont des entités constitutives3 d’un groupe consolidé un moment donné au cours de l’année civile donnée) est supérieur à 20 millions de dollars canadiens au cours de l’année civile.

Si un contribuable ou son groupe consolidé remplissait ces conditions, le ou les contribuables devraient payer une taxe égale à 3 % sur leur revenu canadien de services numériques imposable excédant 20 millions de dollars canadiens au cours d’une année civile.

Les quatre catégories de revenu canadien de services numériques imposable, qui sont toujours le revenu canadien provenant de services d’un marché en ligne, le revenu canadien provenant de services de publicité en ligne, le revenu canadien provenant de services de médias sociaux et le revenu canadien provenant de données d’utilisateurs, sont décrites comme suit :

a.  Le revenu canadien provenant de services de marché en ligne inclut le revenu gagné relativement à des plateformes de marché en ligne qui provient de la prestation d’accès au marché en ligne ou de l’octroi de son utilisation, des frais de commission et d’autres frais relatifs à la facilitation d’une fourniture entre des utilisateurs du marché en ligne, et de la prestation de services supérieurs ou de services optionnels sur le marché en ligne (le revenu provenant de la prestation de services de stockage ou d’expédition à un taux raisonnable de rémunération serait exclu).

b.  Le revenu canadien provenant de services de publicité en ligne inclut le revenu gagné qui provient de systèmes facilitant les publicités en ligne ciblées ou de la fourniture d’espaces numériques affichant des publicités en ligne ciblées.

c.  Le revenu canadien provenant de services de médias sociaux inclut le revenu de plateformes de médias sociaux qui provient de la prestation d’accès à la plateforme de médias sociaux ou de l’octroi de son utilisation, de la prestation de services supérieurs et de services optionnels en lien avec la plateforme de médias sociaux, ou de la facilitation d’interactions entre des utilisateurs, ou entre un utilisateur et du contenu généré par un utilisateur, sur la plateforme de médias sociaux (les services de communication privée, comme les appels vidéo, seraient exclus si l’unique but de la plateforme est de fournir ces services).

d.  Le revenu canadien provenant de données d’utilisateurs inclut le revenu qui provient de la vente des données d’utilisateurs ou de l’octroi de l’accès aux données d’utilisateurs qui sont recueillies auprès d’un marché en ligne, d’une plateforme de médias sociaux ou d’un moteur de recherche en ligne.

Cependant, le revenu canadien provenant de services de marché en ligne est élargi pour inclure le revenu relatif à la fourniture, entre les utilisateurs d’un marché en ligne, d’un service :

a) physiquement exécuté et reçu au Canada;

b) relativement à un bien immobilier situé au Canada;

c) relativement à un bien meuble corporel qui est normalement situé au Canada et qui est situé au Canada au moment de la prestation du service.

Le revenu qui pourrait être inclus dans plusieurs sources de revenus se limite à une seule source de revenu, la priorité étant accordée au revenu provenant de services d’un marché en ligne, puis au revenu provenant de services de publicité en ligne, au revenu provenant de services de médias sociaux et enfin au revenu provenant de données d’utilisateurs.

Les propositions législatives concernant la LTSN comprennent aussi les modifications suivantes aux définitions :

  • La définition de « failli » a été ajoutée, car il s’agit d’un terme pertinent pour le nouvel article 26, « Syndic agissant à titre de mandataire », qui établit une relation de mandataire entre un syndic de faillite et un particulier qui est devenu un failli.
  • La définition de « contenu numérique » exclut désormais un instrument financier [note de la rédaction : c.-à-d. un « effet financier »].
  • La définition d’« effet financier » a été modifiée pour exclure un bien qui, selon le cas : (i) confère un droit à être échangé ou racheté contre des biens ou services spécifiques ou à être converti en biens ou services spécifiques; (ii) est destiné à être utilisé principalement dans le cadre d’une plateforme de jeu ou d’un programme d’affinité ou de récompenses; (iii) est un autre bien visé par règlement.
  • La définition de « marché en ligne » exclut désormais les interfaces numériques dont l’objet principal consiste à fournir des avances ou prêter de l’argent.
  • La définition de « publicité en ligne ciblée » est élargie pour désigner aussi du contenu « placé en évidence à des fins promotionnelles ».
  • Le terme « période de déclaration » a été entièrement retiré des propositions législatives concernant la LTSN et remplacé par « année civile », le cas échéant.

Les propositions législatives révisées concernant la LTSN comprennent aussi les modifications notables suivantes :

  • Le paragraphe 4(1) porte désormais sur la détermination du revenu plutôt que sur le sens de revenu, et le paragraphe 4(2), sur la conversion de la devise du revenu en euros.
  • Les propositions législatives révisées concernant la LTSN contiennent les nouveaux paragraphes 12(2) et (3), lesquels permettent aux contribuables de choisir une méthode simplifiée fondée sur une formule pour le calcul du revenu canadien de services numériques pour les années antérieures à la première année d’application. En vertu de ce choix, ce revenu peut être estimé en utilisant le ratio du revenu canadien de services numériques sur le total des revenus de la première année d’application multiplié par le revenu de l’année précédente. Le choix n’est pas offert aux contribuables qui auraient pu faire le choix prévu au paragraphe 12(2) au cours d’une année précédente, mais qui ont décidé de ne pas le faire. Le choix doit être produit au plus tard le 30 juin de l’année civile suivant la première année d’application.
  • L’article 21 est élargi pour ajouter les paragraphes 21(1) et (2) afin de préciser les règles relatives aux nouvelles entités constitutives. De façon générale, le revenu qu’un contribuable gagne avant la période au cours de laquelle il se joint à un groupe consolidé ne serait pas assujetti à la TSN, tandis que le revenu qu’il gagne après s’être joint à un groupe consolidé le serait.
  • Les articles 25 à 32 sont remplacés par des dispositions qui énoncent les règles relatives à la faillite et à la mise sous séquestre.
  • L’article 33 énonce désormais les règles relatives aux associés d’une société de personnes.
  • Le paragraphe 54(2) a été ajouté pour que le ministre puisse dispenser le contribuable de l’obligation prévue au paragraphe 54(1) (auparavant au paragraphe 45(1)) d’effectuer les paiements en dollars canadiens et accepter d’autres devises.
  • L’article 55 impose désormais l’obligation d’effectuer des paiements par voie électronique lorsque le montant est de 10 000 $ ou plus, sauf si le contribuable ne peut raisonnablement l’effectuer de cette manière.
  • L’ancien article 86, lequel énonçait la disposition relative à la défense de diligence raisonnable, a été supprimé.
  • L’article 88 prévoit désormais une pénalité pour la planification d’évitement.
  • Le paragraphe 100(4) (auparavant le paragraphe 90(4)) a été modifié afin de faire passer de cinq à huit ans le délai de prescription applicable aux poursuites.

Incidences

Les entreprises et les groupes consolidés qui dépassent le seuil aux fins de la TSN devraient examiner la LTSN révisée en détail et prendre connaissance des principales caractéristiques suivantes :

  • Inscription: Un contribuable ou un membre concerné d’un groupe consolidé est tenu de présenter une demande d’inscription en vertu de la LTSN s’il gagne un revenu canadien de services numériques, qu’il atteint le seuil de 750 millions d’euros et qu’il gagne plus de 10 millions de dollars canadiens en revenu canadien de services numériques. Fait à noter, le seuil visé pour l’inscription (10 millions de dollars canadiens) est inférieur au seuil visé pour l’imposition (20 millions de dollars canadiens). Si un contribuable ou un membre concerné d’un groupe consolidé est tenu de s’inscrire, il doit présenter une demande d’inscription au plus tard le 31 janvier de l’année civile suivante.
  • Déclarations: La déclaration pour une année doit être produite au plus tard le 30 juin de l’année civile suivante.
  • Paiements: Les paiements doivent être effectués au plus tard le 30 juin de l’année civile suivante. Comme il a été mentionné, tout paiement de 10 000 $ ou plus doit être effectué par voie électronique, sauf si le contribuable ne peut raisonnablement l’effectuer de cette manière.
  • Groupes consolidés: Puisque les seuils applicables sont calculés sur une base consolidée, des obligations d’inscription, de production et de paiement s’appliqueront à chacun des membres d’un groupe consolidé ayant un revenu canadien de services numériques, sauf si les membres en décident autrement. Prenons, par exemple, un groupe constitué des trois entités suivantes dont les revenus consolidés sont supérieurs à 750 millions d’euros : i) France Co., ii) US Co. et iii) London Co. Le revenu canadien de services numériques imposable de chaque entité pour l’année s’établit, respectivement, à 1 million de dollars, à 30 millions de dollars et à 15 millions de dollars. Les trois entités seraient tenues de faire une demande d’inscription, de produire des déclarations de TSN du Canada et de payer la TSN puisque le revenu canadien de services numériques consolidé est supérieur à 10 millions de dollars canadiens et à 20 millions de dollars canadiens, respectivement. Le ministre peut renoncer à exiger l’inscription, et un choix peut être fait pour permettre à un membre concerné de déclarer la TSN pour le compte d’autres membres du groupe consolidé.

On s’attend à ce que la loi canadienne sur la TSN soit adoptée d’ici le 1er janvier 2024, lorsque les commentaires reçus par le ministère des Finances concernant la version révisée de la LTSN publiée le 4 août 2023 auront été pris en considération. Les personnes touchées ou potentiellement touchées devraient passer en revue les propositions législatives concernant la LTSN et faire part de leurs commentaires d’ici le 8 septembre 2023.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage, veuillez communiquer avec votre conseiller EY ou EY Cabinet d’avocats, ou avec l’un des professionnels suivants :

David D. Robertson
+1 403 206 5474 | david.d.robertson@ca.ey.com

Selena Ing
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+1 416 932 6143 | tariq.nasir@ca.ey.com   

 

 

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  1. Déclaration de résultat sur la Solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie – 11 juillet 2023 – OCDE.
  2. Dans la LTSN proposée, un groupe consolidé s’entend de deux ou plusieurs entités qui sont tenues d’établir des états financiers consolidés à des fins d’information financière selon des principes comptables acceptables ou qui le seraient si des participations dans l’une d’elles étaient cotées sur une bourse de valeurs ouverte au public où les échanges exigent le recours à des principes comptables acceptables.
  3. Dans la LTSN proposée, une entité constitutive s’entend, relativement à un groupe consolidé, d’une entité du groupe qui, selon le cas : (i) fait partie des états financiers consolidés du groupe (établis conformément à des principes comptables acceptables), (ii) si le groupe n’est pas tenu d’établir des états financiers consolidés (ou que ceux-ci ne sont pas préparés conformément à des principes comptables acceptables) serait tenu de faire partie des états financiers consolidés du groupe si des participations dans une entité du groupe étaient cotées sur une bourse de valeurs ouverte au public où les échanges exigent le recours à des principes comptables acceptables. Une entité constitutive s’entend aussi d’une entité qui ne fait pas partie des états financiers consolidés du groupe uniquement pour des raisons de taille ou d’importance relative.

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