Chez Teck, l’an dernier, un peu moins de 30 % de nos nouvelles recrues étaient des femmes. Actuellement, notre effectif total est composé à plus de 20 % de femmes, un pourcentage en hausse par rapport à moins de 14 % il y a huit ans. Environ un tiers des membres de la haute direction de notre société sont des femmes, soit environ deux fois plus que la moyenne de 14 % dans le secteur des mines. Il n’y en avait aucune à mes débuts. Les choses évoluent, mais il y a encore du travail à faire. Nous devons continuellement insister sur l’importance fondamentale de la diversité de pensée.
Nous continuons de voir des entreprises du marché intermédiaire être acquises par des entités non canadiennes. Comment le secteur peut‑il favoriser l’émergence de sociétés minières plus concurrentielles et pertinentes à l’échelle mondiale, comme Teck?
Il y aura toujours au sein du secteur un esprit entrepreneurial qui permet à de nouvelles entreprises de se développer et de devenir très solides. Nous sommes dans une telle phase actuellement. Il peut y avoir des intervalles de durées diverses entre les phases, pendant lesquels il peut sembler que nous avons perdu certains de nos joueurs mondiaux, mais je suis convaincu qu’il y aura un retour du balancier. La conjoncture politique et économique nationale doit être favorable, et nous savons tous comment le balancier politique oscille constamment entre la gauche et la droite au fil du temps.
Tout cela entraîne une régression naturelle vers la moyenne et un cycle de correction qui, je crois, devrait se produire sous peu. En ce moment, les personnes qui souhaitent investir au Canada pourraient faire face à certains défis assez importants. C’est ce que nous indiquent les données faisant état d’une baisse des investissements étrangers. À long terme, le secteur des mines canadien est appelé à prospérer.
Parlant d’avenir, quels sont vos projets pour Teck au cours des cinq à dix prochaines années?
Nous sommes en train de rééquilibrer notre portefeuille pour privilégier la croissance dans le secteur du cuivre. L’atteinte de la pleine capacité de production dans le cadre du projet de Quebrada Blanca, phase 2 (QB2), au nord du Chili, l’an prochain permettra de doubler notre production de cuivre sur une base consolidée et de modifier l’équilibre entre les métaux écologiques et les actifs de carbone au sein de notre portefeuille. Nous comptons quatre divisions principales : le cuivre, le zinc, le charbon sidérurgique et l’énergie. Nous allons tenir compte du fait que beaucoup de gens hésitent à investir dans un portefeuille associé à un certain seuil d’émissions de carbone.
Notre principale priorité est de décarboner notre portefeuille en augmentant la production de cuivre. Pour 2023, nous pensons pouvoir atteindre un ratio de deux tiers de métaux écologiques pour un tiers de charbon sidérurgique. Nous verrons si les actionnaires souhaitent que nous conservions le volet énergie de notre portefeuille au sein d’une entreprise diversifiée ou que nous exercions les activités qui y sont liées en tant qu’entité distincte.
Le charbon sidérurgique est, à bien des égards, un élément essentiel de la transition vers un avenir sobre en carbone. La construction d’une éolienne nécessite 170 tonnes de charbon sidérurgique. Nous avons besoin d’acier pour produire de l’énergie solaire et pour les réseaux de transport collectif rapide qui permettent de retirer des voitures de nos routes.
Malgré toute l’attention accordée à la décarbonation, nous ne devons pas oublier que des milliards de personnes ont des besoins en énergie qu’ils n’ont pas les moyens de combler en se fiant uniquement à l’énergie solaire ou éolienne. Nous devons les sortir de la pauvreté et améliorer leur situation économique. Il faut qu’il y ait un équilibre.
Que doit faire Teck pour profiter de cette occasion et trouver le juste équilibre en matière de transition énergétique?
Nous devons mener à bien le projet QB2. Nous avons réalisé 50 % des travaux, malgré la pandémie de COVID‑19. La troisième vague a été difficile, autant au Chili qu’ailleurs dans le monde. Afin de maintenir la cadence hebdomadaire d’avancement des travaux, près de 10 000 travailleurs doivent être à l’œuvre sur place. Chacun doit passer un test avant d’arriver sur le chantier. Notre principale priorité est donc de surmonter ce défi et de mener à bien le projet.
À part cela, nous avons un portefeuille extraordinaire comptant d’énormes ressources cuprifères et sept différents projets de croissance. Cela nous permet de décider ce que nous voulons faire par la suite. Après l’achèvement de QB2, y aura‑t‑il un projet QB3? Il y a plus de 8 millions de tonnes à Quebrada Blanca, bientôt 10 millions de tonnes. Nous pourrions nous contenter d’exploiter les ressources de cette mine au cours des dix prochaines années, et ce serait une stratégie de croissance viable. Mais nous avons aussi Galore Creek, Schaft Creek, Mesaba et San Nicholas. L’important pour nous est de déterminer quel est le capital de croissance que nous pouvons déployer sans sacrifier notre capacité à offrir des rendements élevés à nos actionnaires. C’est un beau défi!
Quels sont certains des défis engendrés pour le secteur par les changements en cours pour lutter contre les changements climatiques?
La performance ESG est devenue un facteur et un risque très importants pour notre secteur en raison de la surveillance exercée à cet égard par les investisseurs et les gouvernements. Au cours des dix dernières années, le montant du capital investi conformément aux Principes pour l’Investissement Responsable des Nations Unies a été multiplié par cinq et dépasse maintenant 100 billions de dollars. Ces investisseurs doivent gérer un éventail de risques ESG, mais les changements climatiques et les émissions de carbone sont leur principale préoccupation.
Par nature, notre secteur est énergivore et à forte intensité d’émissions. Nous avons établi une stratégie de décarbonation. Malgré tout, ce ne sera pas chose facile de continuer de répondre aux attentes de plus en plus élevées à l’égard des questions ESG. Nous devons demeurer concurrentiels, mais pour obtenir notre part des sommes investies par les bailleurs de fonds, nous devons respecter leurs normes.
Teck s’est donné comme objectif de devenir un exploitant carboneutre d’ici 2050. Le même jour, nous avons annoncé que nous allions convertir 50 % de l’alimentation de QB2 pour qu’elle provienne de sources d’énergie propres et vertes, comme le solaire et l’éolien. Notre autre mine de cuivre au Chili est maintenant alimentée au moyen d’énergie propre et verte. En Colombie‑Britannique, nous pouvons déjà compter sur une énergie propre, l’hydroélectricité.
La source de l’électricité qui alimente nos installations ne constitue toutefois pas notre unique sujet de préoccupation. Nous devons également réduire les émissions de nos véhicules et décarboner notre matériel mobile. Le remplacement de nos énormes camions de 300 à 400 tonnes par un parc de camions électriques autonomes de 50 tonnes pourrait représenter la manière la plus efficace et écologique de transporter les matériaux dans l’avenir.
À l’instar de 27 des plus grandes entreprises à l’échelle mondiale, nous collaborons actuellement avec le Conseil international des mines et métaux à des projets d’innovation pour la mise au point de véhicules plus écologiques et sécuritaires. Si on faisait un état des lieux de notre secteur aujourd’hui, on risquerait d’avoir un tableau bien différent que si on refaisait l’exercice dans cinq ans.
Quel devrait être le legs du secteur des mines selon vous?
Le legs du secteur minier canadien sera sa contribution à long terme à un monde meilleur. Cette contribution consiste également à soutenir les efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques. Il n’y a que deux sources possibles pour expliquer la provenance de toutes choses dans notre vie. Si ça ne se cultive pas, il faut l’extraire. C’est vrai aussi pour l’énergie, mais il faut la produire en en réduisant au maximum l’empreinte écologique.
Nous allons prouver que nous sommes capables d’apporter une énorme contribution à la lutte contre les changements climatiques et d’améliorer notre secteur, tout en assurant l’approvisionnement en minéraux critiques et en aidant des centaines de millions de personnes à sortir de la pauvreté. C’est notre mission et notre legs.