10 minutes de lecture 28 juin 2024
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La durabilité dans les entreprises familiales : la NextGen prend la parole

Par Eric Van Hoof

EY Belgique - Family business leader

Au service des entreprises nationales, internationales et multinationales. Soutenir les entreprises familiales, leurs propriétaires et leurs dirigeants, où qu'elles opèrent dans le monde.

10 minutes de lecture 28 juin 2024

Que nous apprennent les résultats de l’EY NextGen Survey qui nous a permis de sonder les motivations et préoccupations de la NextGen ?

En bref :

  • La NowGen doit organiser des discussions structurelles avec la NextGen sur l’ESG et les questions numériques.
  • Le coaching, la formation et le networking sont importants pour la NextGen, et engager une personne de confiance externe en tant que coach est une situation win-win.
  • Plus d’action politique est nécessaire pour aider la NextGen à mettre en œuvre l’ESG.

En mars dernier, EY a célébré le 10e anniversaire du Family Business Award of Excellence. Ce prix récompense les entreprises familiales qui se distinguent par une administration saine et durable. Le thème de 2024 : collaboration et transmission entre Gen X et NextGen. Cette année, c’est l’entreprise VPK Group, basée en Flandre Orientale, qui a remporté le prix. Et à juste titre, car l’entreprise familiale est un bel exemple de la façon dont la nouvelle génération peut efficacement reprendre le flambeau.

Le choix thématique de la NextGen fut un choix délibéré. Dans nos contacts avec des entreprises familiales, ces derniers temps, nous avons eu le sentiment que la NextGen et la NowGen, dans leur façon de travailler, mettaient l’emphase sur des points différents. Pour ce qui concerne l’ESG, notamment, mais aussi les questions numériques. Cette remise de prix fut donc le moment idéal pour entamer le dialogue avec les deux générations, ainsi qu’avec les lauréats qui sont déjà bien avancés en matière d’ESG.

À noter cependant que les lauréats du Family Business Award of Excellence® ne sont pas représentatifs des entreprises familiales de notre pays ; leurs méthodes de travail sont caractérisées par des pratiques exemplaires. Pour présenter une image globale de la collaboration intergénérationnelle entre les NextGen’ers (les 18-35 ans) et les NowGen’ers (les 35-55 ans et plus de 55 ans), EY a dû mener l’enquête, et tout particulièrement auprès des NextGen’ers : quelles sont leurs motivations et préoccupations ? Quelle est leur position vis-à-vis de l’approche opérationnelle des générations dirigeantes en matière d’ESG ? Et surtout : où et comment souhaitent-ils changer les choses ? L’enquête apporte quelques perspectives.
 

1. La NextGen veut que sa voix soit plus entendue

L’une des principales conclusions de l’EY NextGen Survey est que, dans le contexte d’une entreprise familiale, la nouvelle génération (la NextGen) demande à être davantage impliquée dans les décisions stratégiques. De nombreux NextGen’ers ne se sentent pas suffisamment entendus et valorisés, en particulier lorsqu’il est question d’ESG. Les générations actuelles, qui doivent passer le flambeau, ont donc tout intérêt à réagir à cette plainte de manière adéquate.

Quelles sont les bonnes pratiques en la matière ?

  • Créer des organes pour entendre la NextGen

    Il existe différentes manières d’impliquer les NextGen’ers. En premier lieu, on peut directement les impliquer dans l’entreprise en tant que membres à part entière du conseil d’administration. Cependant, en fonction de leur niveau d’expérience, de la nature de l’entreprise et/ou de la présence d’externes, cela n’est pas toujours évident. Une autre possibilité consiste, avant l’entrée dans le cercle familial professionnel, à commencer par aborder les questions ESG au sein d’organes plus familiaux. S’il s’agit d’une grande famille, cela peut se faire lors de conseils ou réunions de famille, ou même lors d’une assemblée générale. Dans les familles plus petites, cela se fait souvent autour de la table.

    On constate donc la présence d’une frustration chez les NextGen’ers, qui indiquent que, dans leur entreprise, ces organes sont soit inexistants, soit très informels, ou encore qu’ils en sont exclus, par exemple parce qu’ils ne sont pas issus de la bonne branche familiale. Chez les lauréats du Family Business Award of Excellence® de cette année,  ces organes sont cependant bien en place, et chacun pratique un exercice d’écoute unique pour ses membres de la NextGen. Il n’existe donc pas de solution unique en matière de succession. Mais quelle que ce soit la manière dont vous organiserez cet exercice d’écoute, il est important de discuter des thématiques ESG et d’impliquer la NextGen dans ces discussions. L’immobilisme n’est pas une option.

  • Attention aux écueils

    S’il doit être clair pour la NowGen que la NextGen tient à être plus entendue, cela cache également une autre embûche pour la NowGen : c’est une chose d’écouter, encore faut-il en faire quelque chose. Il s’agit donc de répondre aux attentes de la NextGen afin d’éviter toute complication lors de la transmission de l’entreprise. Et c’est bien souvent là que le bât blesse. Les NowGen’ers perçoivent cet exercice d’écoute comme une sorte de boîte de Pandore, et cela a sur eux un effet inhibiteur. La NextGen, de son côté, voit cela comme un manque d’ambition dans la famille ou l’entreprise, mais aussi comme un manque de transparence. Ce dernier point n’a rien de surprenant, les millenials étant nés dans le monde des réseaux sociaux où s’ouvrir et s’exprimer sans tabou est bien plus normal qu’auparavant.

    Enfin, l’enquête met clairement au jour un facteur de vitesse. Les millenials ont grandi à l’ère des révolutions numériques, des révolutions encore plus rapides aujourd’hui. Pour eux, la vitesse est une normalité. La NowGen craint cependant que la NextGen ne veuille aller trop vite ; une crainte justifiée, d’une certaine manière. Car, bien que la NextGen entretienne des affinités avec l’ESG, il peut lui arriver de sous-estimer les risques qui s’y rattachent. Envoyer subitement l’entreprise dans une nouvelle direction peut faire autant de bien que de mal, tant à la chaîne de valeur qu’aux parties prenantes. Si la NowGen a donc tout intérêt à écouter la NextGen et à agir, mieux vaut tout de même éviter de faire une confiance aveugle à ce qu’elle en entendra. 

  • Préparer structurellement la transmission à la NextGen

    Alors, comment préparer la transmission à la NextGen et rendre les thématiques ESG plus abordables sans tomber dans les pièges précédemment cités ? Dans le meilleur des cas, on dispose d’une gouvernance familiale distincte de la gouvernance de l’entreprise afin d’impliquer progressivement la NextGen via les organes susmentionnés. On note, dans les cas réussis, que les NextGen’ers ont déjà été impliqués dans l’entreprise, d’une manière ou d’une autre, dès le plus jeune âge. Les parents parlent alors de leurs clients avec leurs enfants ou organisent, par exemple, des visites de l’entreprise. Plus tard, on aborde le sujet de la diversification lors de réunions ou conseils de famille, avant même une implication réelle dans l’entreprise. On discute par exemple d’un produit ou d’une activité qu’on a du mal à adapter aux critères ESG, et on peut ainsi demander aux jeunes comment, à terme, ils l’adapteraient, voire cesseraient de le proposer.

    Dans les meilleurs exemples que j’aie pu voir – je le répète, il n’y a pas de façon de faire universelle –, les jeunes plus âgés sont intégrés en tant qu’observateurs au sein d’organes familiaux ou d’entreprise. Cela leur permettait d’assister aux discussions, sans pour autant avoir voix au chapitre, et de donner leur opinion lorsqu’ils y étaient invités par le président ou sur leur propre initiative. Enfin, on peut également aborder des thèmes ESG avec les parties prenantes (clients, fournisseurs, personnel, régulateurs, etc.). Ceci est particulièrement utile pour les entreprises concernées par l’obligation de reporting de la CSRD.

  • Un alignement parfait sur l’ESG et les thèmes numériques avant le passage de flambeau

    Selon une autre conclusion de l’enquête, la NextGen estime devoir attendre trop longtemps que se fasse la passation de pouvoir. Selon ces jeunes, leur génération prête plus d’attention à des défis sociaux qu’il convient de relever rapidement. Ces défis concernent en premier lieu l’ESG, mais aussi le sujet brûlant de l’IA. Tous les débats entourant ces thèmes sont, pour eux, une motivation supplémentaire pour accélérer la transmission. La perception générale veut qu’il existe une différence considérable entre la vision et, parfois, les connaissances de la NextGen et de la NowGen autour de ces deux sujets. Les baby-boomers ne veulent plus investir là-dedans avant de passer le relais. Ils ne se sentent pas concernés, et c’est pourquoi la NextGen a du mal à les convaincre. Quoi qu’il en soit, il est essentiel que les générations soient parfaitement alignées l’une sur l’autre concernant ces sujets avant de procéder à la passation de pouvoir effective. Enfin, il s’agit là d’une responsabilité partagée. L’ESG et l’IA font définitivement partie du paysage, et les entreprises familiales qui s’y adaptent le plus rapidement bénéficieront d’un avantage concurrentiel.

Les laurétas du Family Business Award of Excellence, exemples de leadership et de succès

Les lauréats et Ambassadeurs du Family Business Award of Excellence® peuvent faire office d’exemples à suivre. A titre d’exemple, le plan stratégique du VPK Group – Ambassadeur de l’édition 2024 –,applique les bonnes pratiques exposées ci-dessus d’une manière unique. Leur séquence se présente comme suit. Les NextGen’ers étudient et apprennent des langues, puis acquièrent environ cinq ans d’expérience pertinente dans une entreprise, après quoi ils intègrent l’entreprise, dans un premier temps comme observateurs. VPK dispose en outre, dans son conseil familial, d’un sous-comité pour chaque sujet. Les personnes ayant plus d’affinités avec un certain sujet s’impliquent donc dans le sous-comité correspondant. L’entreprise possède par exemple un sous-comité pour l’ESG et un autre pour la transformation digitale. Il est ainsi beaucoup plus facile de discuter de ces thèmes et d’impliquer la NextGen dans les thèmes qui les intéressent le plus.
 

2. La NextGen veut plus de formations, de coaching et d’opportunités de networking

L’enquête révèle également que la nouvelle génération attache une grande importance aux initiatives de formation. Elle a besoin d’interactions avec ses pairs, de coaching et de formations. Là encore, cela n’a rien de surprenant. La nouvelle génération a grandi dans une culture de formation. Elle a étudié plus longtemps que les générations précédentes et est habituée au networking. Pour elle, le coaching n’a donc rien d’anormal. Pour la génération X, il est associé à la présence d’un problème, alors qu’il s’agit en réalité d’une opportunité.

Le coaching peer-to-peer est une opportunité

Pour le coaching entre pairs, les coaches sont souvent des externes, par exemple des personnes de même génération mais d’une autre entreprise familiale. Mais un membre externe du conseil d’administration ou un conseiller de l’entreprise familiale peut également faire office de coach. Dans les situations où le père ou la mère de famille doit endosser ce rôle, la communication rationnelle se mêle bien souvent à une communication plus émotionnelle, ce qui peut être évité avec une personne de confiance externe. Et si cette personne est liée à l’entreprise, elle peut même devenir un mentor qui aura tout intérêt à ce que la succession se déroule au mieux. Organiser le coaching de manière structurelle est donc un véritable win-win.

Dans les situations où le père ou la mère de famille doit endosser le rôle de coach, la communication rationnelle se mêle souvent à une communication plus émotionnelle, ce qui peut être évité avec une personne de confiance externe.
Eric Van Hoof
EY Belgique Assurance Partner en Family Business Leader

Nous avons déjà constaté, chez EY, ce besoin de formation et coaching entre pairs éprouvé par la NextGen. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place un réseau où elle peut entrer en contact avec des pairs à l’étranger. Ainsi, avec notre EY NextGen Academy, nous organisons des formations pour des membres de la NextGen dans le monde entier. Nous avons également lancé Tomorrow’s Legacy, un programme truffé de conférences et visites d’entreprise à destination des NextGen’ers, qui se sont montrés très enthousiastes à l’égard de ces initiatives. Et c’est ce que démontrent, de nouveau, les résultats de cette enquête.
 

3. La NextGen demande plus d’actions politiques

Une troisième et dernière conclusion notable de cette enquête concerne la politique. La NextGen voit un manque de stimuli gouvernementaux ou d’initiatives concrètes pour aider les entreprises familiales sur les questions ESG. La NextGen est tout à fait prête à se concentrer sur ces questions, mais souhaiterait, de la part du monde politique, des mesures incitatives pour implémenter l’ESG. D’autant plus qu’il existe des facteurs inhibiteurs tels que les charges financières et administratives, mais aussi la concurrence internationale avec des entreprises ne respectant pas de règles ESG. Ces facteurs constituent un obstacle pour la NextGen qui tente de convaincre la NowGen de procéder à des changements substantiels.

Le monde politique doit être conscient du fait que, dans de nombreuses entreprises, ce sont les baby-boomers qui ouvrent la voie à la nouvelle génération. Il a tout intérêt à ce que les successions se déroulent sans heurts. Cela aidera les entreprises, entre autres, à faire du green deal une réalité, car on constate que cela aussi prend encore trop de temps. J’appelle donc le monde politique à tout mettre en œuvre pour que ces transmissions se passent au mieux. Les initiatives possibles peuvent aller de subventions pour du coaching et des formations à des abattements fiscaux. Il existe suffisamment d’incentives pour permettre des passations de pouvoir fluides, de sorte que nos entreprises familiales puissent s’adapter plus rapidement à la réalité d’aujourd’hui.

En conclusion, je recommande à la NowGen de se détacher de ses vieilles habitudes en matière de succession et de rester ouverte à la contribution de la NextGen. La NextGen doit, quant à elle, avant tout, se faire entendre davantage. Elle doit oser défendre ses convictions et mettre les choses sur la table. Car c’est bien elle, en fin de compte, qui devra faire bouger les choses.

Pour plus de résultats et d'aperçus de l'enquête EY NextGen, contactez Eric Van Hoof.

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Résumé

Les entreprises familiales de tout le pays vivent une époque unique, où près de quatre générations se côtoient au travail. Chacune a sa propre vision et façon de travailler, et cela peut compliquer la collaboration et la transmission. L’EY NextGen Survey nous a permis d’identifier les motivations, les souhaits et les préoccupations de la nouvelle génération. La NextGen comme la NowGen pourront tirer des enseignements de ces résultats afin de mener à bien la succession et l’avenir de leur entreprise.

À propos de cet article

Par Eric Van Hoof

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