Nouvelles exigences du Canada en matière de déclaration pour les fiducies : de nombreuses fiducies étrangères touchées

FiscAlerte 2024 numéro 02, 1er février 2024

Des modifications législatives adoptées en décembre 2022 ont donné lieu à de nouvelles exigences de déclaration au Canada pour de nombreuses fiducies, y compris certaines fiducies étrangères ayant des liens avec le Canada.

Dans le présent bulletin FiscAlerte, nous donnons un aperçu des nouvelles exigences et de leur éventuelle incidence sur les fiducies non-résidentes1. En vertu des nouvelles exigences de déclaration, les fiducies non-résidentes qui, par le passé, étaient tenues de produire une déclaration de revenus annuelle devront désormais s’acquitter d’autres obligations de déclaration. De plus, de nombreuses fiducies non-résidentes qui n’étaient pas tenues de produire une déclaration de revenus annuelle au Canada devront désormais le faire.

Les nouvelles règles s’appliquent aux années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023. Pour les fiducies visées par ces exigences, la première date limite de production en vertu des nouvelles règles sera le 30 mars 20242.

Nouvelles règles : Quand une fiducie non-résidente doit-elle produire une déclaration?

Avant l’entrée en vigueur des nouvelles exigences, une fiducie non-résidente était généralement tenue de produire une déclaration de revenus annuelle, soit la Déclaration de renseignements et de revenus des fiducies T3 (la « déclaration T3 »), seulement dans les cas suivants :

  • Elle était réputée résider au Canada et avait touché un revenu imposable au Canada au cours de l’année.
  • Elle avait disposé d’un bien canadien imposable3 au cours de l’année.
  • Elle avait exploité une entreprise au Canada au cours de l’année.

En vertu des nouvelles règles, la plupart des fiducies qui résident de fait au Canada ou qui sont réputées résidentes du Canada (voir ci-après) sont maintenant tenues de produire une déclaration T3 chaque année, peu importe si la fiducie a un impôt à payer au Canada ou a disposé d’un bien, à quelques exceptions près.

Comme nous y reviendrons, les fiducies étrangères pourraient être assujetties à ces nouvelles règles lorsqu’au moins une des conditions suivantes s’applique :

  • Une personne qui est résidente du Canada, ou qui l’était, a transféré ou prêté des biens à la fiducie.
  • Un résident du Canada est un bénéficiaire de la fiducie.
  • La fiducie détient des biens canadiens imposables.
  • La fiducie exploitait une entreprise au Canada au cours de l’année.

Certaines fiducies seront exemptées des nouvelles exigences en matière de déclaration, notamment les suivantes :

  • Les fiducies qui existent depuis moins de trois mois à la fin de l’année
  • Les fiducies qui détiennent des actifs d’au plus 50 000 $ en espèces ou en quasi-espèces désignées tout au long de l’année
  • Certaines successions

Fiducies réputées résidentes

Les nouvelles règles s’appliquent non seulement aux fiducies qui résident de fait au Canada, mais également aux fiducies réputées résider au Canada.

Une fiducie sera généralement considérée comme résidente de fait dans le territoire de compétence où s’exercent effectivement sa gestion centrale et son contrôle. Toutefois, certaines fiducies par ailleurs non-résidentes peuvent néanmoins être réputées résider au Canada et assujetties à l’impôt au Canada à l’égard d’une partie ou de la totalité de leur revenu mondial. Les règles relatives aux fiducies réputées résidentes sont complexes et exigent une analyse minutieuse de tous les faits et circonstances entourant une fiducie. De façon générale, une fiducie est réputée résider au Canada lorsqu’il y a un « contribuant résident » ou un « bénéficiaire résident ».

Un contribuant résident est une personne résidant au Canada qui a fait un « apport » à la fiducie. Le terme « apport » est largement défini et englobe divers cas de figure, dont certains transferts et prêts directs et indirects à la fiducie.

Prenons l’exemple d’un particulier, Mme A., qui vit actuellement aux États-Unis, mais qui prévoit devenir résidente du Canada aux fins de l’impôt. Avant de devenir résidente du Canada, Mme A fait un apport à une fiducie américaine. Au moment où Mme A devient résidente du Canada, la fiducie américaine aura un contribuant résident et sera une fiducie réputée résidente à compter du début de l’année au cours de laquelle Mme A est devenue résidente du Canada aux fins de l’impôt.

De façon générale, un « bénéficiaire résident » s’entend d’une personne résidant au Canada qui est, à un moment donné, un bénéficiaire de la fiducie, laquelle compte, à ce moment, un « contribuant rattaché ». De façon générale, un « contribuant rattaché » s’entend d’une personne qui a fait un apport soit pendant qu’elle résidait au Canada soit dans les 60 mois suivant son déménagement au Canada ou son départ du Canada.

Prenons l’exemple d’un particulier, M. B., qui vit au Canada avec ses enfants, mais qui prévoit déménager de façon permanente aux États-Unis. Si, dans les 60 mois suivant son départ du Canada, M. B établit une fiducie domiciliée aux États-Unis au profit de ses enfants résidant au Canada, cette fiducie sera réputée résider au Canada à compter du début de l’année au cours de laquelle M. B a fait un apport à la fiducie américaine.

Simples fiducies

L’un des changements les plus importants est l’application des nouvelles exigences de déclaration aux « simples fiducies ». Une simple fiducie comprend un arrangement dans le cadre duquel il est raisonnable de considérer que la fiducie agit à titre de mandataire de ses bénéficiaires en toute matière liée à ses biens. Avant le 31 décembre 2023, les simples fiducies étaient en fait exclues de l’obligation de produire une déclaration T3; toutefois, en vertu des nouvelles règles, une simple fiducie sera tenue de produire une déclaration T3 annuelle, à moins qu’une exemption ne s’applique. En effet, en vertu des exigences élargies, de nombreuses autres relations informelles de fiducie et de mandataire peuvent maintenant donner lieu à l’obligation de produire une déclaration T3 annuelle, comme dans le cas d’un compte en fiducie ouvert par un parent pour un enfant.

Les simples fiducies sont souvent utilisées dans le cadre de transactions immobilières ou de la planification des droits d’homologation. Par exemple, à des fins de planification successorale ou d’administration, le titre de propriété d’une résidence secondaire située au Canada peut être inscrit au nom d’une société prête-nom ou d’un fiduciaire, même si la propriété effective et économique est détenue par un autre particulier ou une autre entité. Il faudra dorénavant produire une déclaration T3 pour cette relation de simple fiducie, si la simple fiducie est résidente ou résidente réputée du Canada.

Exigences élargies en matière de renseignements à fournir

Les nouvelles exigences en matière de déclaration élargissent considérablement les renseignements qui doivent être fournis avec la déclaration T3. En vertu des nouvelles règles, les fiducies sont tenues de déclarer l’identité de toute personne qui est un fiduciaire, un bénéficiaire ou un auteur de la fiducie, ainsi que de toute personne qui peut, en raison des modalités de l’acte de fiducie ou d’un accord connexe, exercer une influence sur les décisions du fiduciaire concernant l’affectation du revenu ou du capital de la fiducie au cours d’une année (p. ex., un protecteur de la fiducie), et de fournir certains renseignements prescrits relativement à une telle personne. Les renseignements requis comprennent le nom, l’adresse, la date de naissance, la juridiction de résidence et le numéro d’identification fiscal de chacune des personnes concernées. De plus, il faut inclure des renseignements concernant tout bénéficiaire qui ne peut être identifié par son nom parce que celui-ci est inconnu au moment de produire la déclaration T3 (p. ex. dans le cas d’un enfant ou petit-enfant qui n’est pas encore né). Une nouvelle annexe sur la propriété effective, T3SCH15, Renseignements sur la propriété effective d’une fiducie4, a été ajoutée à la déclaration T3 pour la déclaration des renseignements requis.

Fait à noter, la définition d’« auteur » à ces fins comprend toute personne ou société de personnes qui a prêté ou transféré des biens, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, à la fiducie ou pour son compte. Cette définition peut être suffisamment large pour englober les particuliers qui ont adopté des stratégies courantes de planification fiscale et successorale au Canada, comme un gel successoral, ou ceux qui ont prêté ne serait-ce qu’un montant symbolique à une fiducie avec laquelle ils ont un lien de dépendance.

Pénalités en cas d’inobservation

De nouvelles pénalités s’appliquent à toute personne ou société de personnes qui est assujettie aux exigences supplémentaires en matière de déclaration et qui omet de produire une déclaration T3. Les pénalités correspondent à la plus élevée des sommes suivantes : 2 500 $ ou 5 % de la juste valeur marchande la plus élevée des biens détenus par la fiducie à un moment donné de l’année. Elles s’appliquent également si, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, un faux énoncé ou une omission est fait dans la déclaration. Aux fins de l’impôt du Québec, le budget du Québec de 2021 proposait que la pénalité s’élève à 1 000 $, plus 100 $ par jour de défaut, jusqu’à concurrence de 5 000 $.

Le 1er décembre 2023, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a annoncé qu’elle accordera un allégement administratif temporaire aux simples fiducies. Plus précisément, l’ARC a annoncé qu’elle renoncera à la pénalité pour production tardive5 pour l’année d’imposition 2023 pour les simples fiducies qui produisent leur déclaration T3 et annexe 15 après la date limite de production du 30 mars 2024. L’ARC a indiqué qu’elle accordait cet allégement administratif puisqu’il s’agit de la première année d’imposition pour laquelle les simples fiducies devront produire une déclaration T3 en raison des nouvelles exigences de déclaration. Elle a également indiqué que cet allégement ne s’appliquait qu’à l’année d’imposition 2023 et que si le défaut de produire la déclaration au plus tard à la date limite applicable est fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, la pénalité susmentionnée pourrait s’appliquer.

Autres considérations

Disposition (réputée) d’un bien canadien imposable

Comme il a été mentionné, dans bien des cas, une fiducie non-résidente qui dispose de biens canadiens imposables au cours de l’année doit produire une déclaration T3 et payer de l’impôt sur tout gain réalisé. Il est à noter que cette exigence s’applique également à toute disposition réputée aux fins de l’impôt du Canada.

En vertu du régime fiscal canadien, la plupart des fiducies sont réputées disposer de leurs actifs mondiaux à la juste valeur marchande 21 ans après la création de la fiducie et tous les 21 ans par la suite. Cette disposition réputée s’applique également aux fiducies qui résident au Canada et aux fiducies non-résidentes, peu importe où se trouvent leurs actifs. Lorsque la fiducie détient des biens canadiens imposables, elle sera réputée disposer de ces biens à la juste valeur marchande tous les 21 ans, ce qui donnera lieu à un impôt sur le revenu canadien sur tout gain en capital net accumulé.

Il peut y avoir une telle disposition réputée à la juste valeur marchande lorsqu’une fiducie distribue des biens, y compris des biens canadiens imposables, à un bénéficiaire qui est un non-résident du Canada.

Par conséquent, les fiducies étrangères ayant des biens immeubles ou des actifs d’entreprise au Canada peuvent être tenues de payer de l’impôt et de produire une déclaration T3 en raison de cette disposition réputée tous les 21 ans. Pour les années d’imposition 2023 et suivantes, la déclaration T3 doit également inclure les nouveaux renseignements sur la propriété effective devant être communiqués à l’annexe 15.

Nouvelles règles relatives à l’impôt minimum de remplacement

En plus des nouvelles exigences en matière de déclaration, les fiducies ayant un revenu imposable au Canada pourraient devoir composer avec de nouvelles règles proposées relatives à l’impôt minimum de remplacement (l’« IMR »). Les propositions s’appliquent aux années d’imposition commençant après 2023. Selon les propositions, certaines fiducies qui distribuent la totalité de leur revenu net au cours de l’année à des bénéficiaires pourraient néanmoins avoir un IMR à payer. Les règles proposées pourraient poser problème pour certaines fiducies, notamment lorsque l’acte de fiducie ne lui permet pas de conserver un revenu.

Prochaines étapes

Les nouvelles exigences en matière de déclaration s’appliqueront à de nombreuses fiducies étrangères qui n’étaient auparavant pas tenues de produire une déclaration de revenus au Canada. Les fiduciaires devraient déterminer si l’un des facteurs de risque suivants s’applique à leur situation :

  • La fiducie détient des biens canadiens imposables.
  • Une personne qui est résidente du Canada, ou qui l’était, a transféré ou prêté des biens à la fiducie.
  • Un résident du Canada est un bénéficiaire de la fiducie.

Si l’un de ces facteurs s’applique, les fiduciaires devraient consulter leurs conseillers en fiscalité pour déterminer si les nouvelles exigences en matière de déclaration s’appliquent à leur situation.

Pour en savoir davantage

Pour en savoir davantage sur les nouvelles exigences en matière de déclaration pour les fiducies ou sur les modifications proposées au régime d’IMR, veuillez communiquer avec votre conseiller EY ou EY Cabinet d’avocats ou avec l’un des professionnels suivants :

Ameer Abdulla
+1 519 571 3349 | ameer.abdulla@ca.ey.com

Sharron Coombs
+1 416 932 5865 | sharron.coombs@ca.ey.com

Teresa Gombita
+1 416 943 3272 | teresa.gombita@ca.ey.com

Wesley Isaacs
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Ken Kyriacou
+1 416 943 2703 | ken.kyriacou@ca.ey.com

Andrew Stevens
+ 1 416 943 5228 | andrew.stevens1@ca.ey.com   



 

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  1. Pour en savoir davantage sur ces modifications, consultez les bulletins FiscAlerte 2022 numéro 04, Exigences supplémentaires proposées en matière de déclaration pour les fiduciesFiscAlerte 2022 numéro 37, Le ministère des Finances publie des propositions législatives visant des mesures en suspens du budget de 2022, et FiscAlerte 2022 numéro 45, Sanction du projet de loi C‑32 portant exécution de certaines mesures annoncées antérieurement, notamment dans le budget de 2022, d’EY.
  2. Toutefois, puisque le 30 mars 2024 tombe un samedi, la date limite de production est reportée, de manière administrative, au jour ouvrable suivant, soit le 2 avril 2024.
  3. En termes simples, un bien canadien imposable s’entend d’un bien qui est un bien immeuble situé au Canada, ou dont la valeur est principalement dérivée d’un tel bien, ou d’un actif utilisé dans le cadre d’une entreprise exploitée principalement au Canada.
  4. La partie 6 et l’annexe G de la déclaration de revenus des fiducies TP-646 du Québec forment la version du Québec de l’annexe 15 de la déclaration T3.
  5. La pénalité pour production tardive est imposée en vertu du paragraphe 162(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

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